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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2755/2022

ATA/145/2023 du 14.02.2023 ( EXPLOI ) , ADMIS

Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR RECOURIR;ASSOCIATION;VOISIN;DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL);IMMISSION;BRUIT;HORAIRE D'EXPLOITATION;COMPÉTENCE;PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT
Normes : LPA.60; LPA.71.al1; LPA.14.al1; Cst.29.al2; LPA.11.al1; LRDBHD.24; RRDBHD.44; LRDBHD.63.al2; LPE.7.al7; OPB.2.al1
Résumé : Décision du PCTN refusant de réduire à minuit les horaires d'exploitation de treize établissements publics en relation avec lesquels l'association de riverains recourante se plaint des nuisances sonores. Examen de la qualité pour recourir : intérêt digne de protection propre de l'association. Pour prononcer la décision litigieuse, le PCTN ne s'est pas concerté avec le SABRA, alors que la mesure sollicitée relevait de l'art. 63 al. 2 let. b LRDBHD et de la protection de l'environnement. Recours admis, décision annulée et cause renvoyée au PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision en concertation avec le SABRA.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2755/2022-EXPLOI ATA/145/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2023

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Bernard Nuzzo, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR


EN FAIT

1) a. A______ (ci-après : l'association), fondée en 2021, a pour but la protection de l'environnement des riverains domiciliés à la rue Q______ et au boulevard R______. Sa présidente est Madame B______, domiciliée rue Q______.

b. Les établissements publics aux enseignes C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______ et O______ sont voués à la restauration et/ou au débit de boissons, situés respectivement avenue S______, rue Q______, ainsi que boulevard R______ (ci-après : les treize établissements publics). À ces établissements publics s'ajoute celui à l'enseigne P______, sis rue Q______ (ci-après, avec les treize autres : les quatorze établissements publics).

2) a. Par courrier du 28 janvier 2014, envoyé en copie à la Ville de Genève (ci-après : la ville), Mme B______ s'est plainte auprès du service du commerce, devenu depuis lors le service de la police du commerce et du travail au noir (ci-après : PCTN), rattaché alors au département de la sécurité et de l'économie, ensuite au département de l'emploi et de la santé et aujourd'hui au département de l'économie et de l'emploi (ci-après : le département), de la situation à la rue Q______ et au boulevard R______, demandant à ce que les responsabilités soient prises pour que cessent les problèmes de bruit, d'incivilité et de manquements aux règles de la vie en commun.

b. Le 6 juillet 2015, une pétition, demandant le retrait immédiat des autorisations d'exploiter les établissements après minuit tous les jours et l'application des lois et sanctions, notamment concernant la tranquillité publique et les déchets sauvages, ainsi que les dispositions pénales et la législation sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement, a été déposée auprès du Grand Conseil.

c. Depuis lors, des échanges ont eu lieu tant avec le canton qu'avec la ville sur les nuisances sonores liées aux établissements publics de la rue Q______ et du boulevard R______.

3) a. Les 19 janvier 2020 (recte : 2021) et 31 mai 2021, Mme B______ et l'association ont notamment sollicité auprès du département la fermeture quotidienne à minuit de tous les établissements de la rue Q______ et du boulevard R______, soit des treize établissements publics, demandant une décision motivée comportant les voies de droit.

b. Par deux décisions du 6 juillet 2021, le PCTN a retenu que Mme B______ et l'association, dénonciatrices, n'avaient droit ni à l'ouverture d'une procédure, ni au prononcé d'une décision.

Après que des recours eurent été interjetés auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces décisions, le PCTN a annulé celle concernant Mme B______ le 21 octobre 2021, lui reconnaissant la qualité de partie, et celle concernant l'association le 9 décembre 2021. Il allait procéder à une instruction complémentaire concernant leurs doléances, à l'issue de laquelle une décision au fond serait prise.

Les causes ont été rayées du rôle de la chambre administrative (ATA/1296/2021 du 26 novembre 2021 dans la cause A/2700/2021 ; ATA/124/2022 du 3 février 2022 dans la cause A/2703/2021).

4) Le 12 octobre 2020, T______ (ci-après : T______), mandatée par Mme B______, a rendu un rapport d'« expertise sur le bruit des établissements publics », réalisé sur la base de mesures prises sur la fenêtre de la chambre à coucher de cette dernière au quatrième étage rue Q______ du 2 au 7 septembre 2020.

Un bruit constant de conversations était audible pendant les heures d'ouvertures des terrasses en soirée et la nuit, induisant des niveaux sonores moyens plus élevés que pendant la journée. Ce bruit constituait une nuisance sonore pouvant être qualifiée de gênante (soirée) à très gênante (nuit). Comme mesure de limitation du bruit, seule la limitation des heures d'ouverture des terrasses, qui pouvaient différer des heures d'ouverture des établissements publics, permettrait une réduction sensible des nuisances.

5) Le 10 novembre 2020, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a finalisé une présentation PowerPoint d'analyse des données acoustiques provenant de capteurs placés à la rue Q______. Le SABRA avait sélectionné cinq capteurs représentatifs et examiné les données recueillies du 1er janvier au 1er juillet 2019. L'analyse montrait qu'entre 22h et 1h, la médiane du niveau sonore était de 5 à 9 dB(A) plus important les jeudis, vendredis et samedis soirs que pour le reste de la semaine, pour tous les capteurs. Le niveau sonore baissait rapidement à la fermeture des établissements.

6) Par courriers des 22 février et 7 mars 2022, dont le premier a été envoyé en copie au SABRA, l'association, désignée comme étant désormais l'unique interlocutrice des autorités et en tant que partie à la procédure, a sollicité auprès du PCTN la transmission des pièces de la procédure A/2703/2021 au SABRA et l'examen de la problématique par ce dernier pour préavis et formulation des mesures permettant d'assainir complètement les rues concernées. En cas de refus, une décision sujette à recours était demandée.

Le SABRA devrait examiner s'il convenait d'agir sur les jours et horaires d'ouverture et de fermeture des bars eux-mêmes et/ou sur les jours et horaires d'ouverture et de fermeture de leurs terrasses. Il n'était pas impossible qu'il faille prendre des mesures sous les deux angles. Les clients des bars n'avaient pas besoin d'être attablés pour consommer devant les devantures, sans compter les clients se rendant à l'extérieur pour fumer.

7) Le 30 mars 2022, l'association a persisté dans sa demande à voir tous les établissements publics sis à la rue Q______ et au boulevard R______ fermer à minuit tous les jours de leur ouverture.

8) Le 1er juin 2022 est entrée en vigueur une modification de la réglementation sur les terrasses d'établissement publics de la ville. Ces dernières devaient désormais fermer à minuit du dimanche au jeudi et à 2h les vendredis et samedis ainsi que les veilles de jours fériés officiels.

9) Par décision du 15 juillet 2022, le PCTN a rejeté la requête de l'association tendant à la limitation des horaires des treize établissements publics.

Il n'était pas démontré que les nuisances sonores, établies, provenaient de l'intérieur des établissements publics. Elles provenaient de l'extérieur (trafic routier, terrasses, allées et venues des passants). La législation sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement ne permettait pas au PCTN de prendre une mesure générale à l'encontre d'établissements publics situés dans le même quartier. Il n'était pas possible de déduire des nuisances invoquées qu'elles provenaient plus d'un établissement public que d'un autre. Même si une limitation des horaires d'exploitation des établissements publics entraînerait une limitation de l'exploitation des terrasses, la mesure sollicitée serait contraire au principe de la proportionnalité. À défaut de nuisances démontrées provenant de l'intérieur des établissements publics, une limitation des horaires d'exploitation des terrasses était moins incisive. Une limitation des horaires d'exploitation se heurterait aussi à la liberté économique. Une procédure était en cours auprès de la ville, compétente en la matière. L'intervention de l'autorité cantonale compétente uniquement à la marge serait insolite et disproportionnée.

10) Par acte du 31 août 2022, référencé sous cause A/2755/2022, l'association a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation, au renvoi du dossier au PCTN avec ordre de le transmettre au SABRA pour détermination sur l'assainissement de la rue Q______ et du boulevard R______ et à la condamnation du PCTN aux dépens, subsidiairement en ordonnant également au PCTN de suspendre la procédure dans l'attente de la décision exécutoire de la ville, et plus subsidiairement à l'ordre de fermeture à minuit des treize établissements publics. Préalablement, elle demandait la production par T______ des enregistrements sonores effectués entre le mercredi 2 et le lundi 7 septembre 2020, un transport sur place un vendredi soir vers 23h30, la production par le PCTN de l'entier de son dossier par rapport aux nuisances sonores de la rue Q______ et du boulevard R______ et de ses décisions de février 2013 interdisant l'ouverture de certains établissements publics sis à la rue Q______ au-delà de minuit.

L'association disposait de la qualité de partie.

Elle avait demandé la transmission des pièces de la procédure A/2703/2021 au SABRA et avait requis l'accès aux différentes pièces sur lesquelles le PCTN avait travaillé, demandes auxquelles aucune suite n'avait été donnée avant le prononcé de la décision litigieuse. Son droit d'être entendue avait été violé.

Le PCTN aurait dû saisir le SABRA pour qu'il se détermine sur les mesures à prendre pour assainir la rue Q______ et le boulevard R______. La législation sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement prévoyait que si l'infraction relevait des règles sur la protection de l'environnement, le PCTN devait se concerter avec le SABRA. Cette concertation était d'autant plus indispensable que la ville soutenait que son autonomie communale était insuffisante à gérer pleinement une situation qui outrepassait ses prérogatives, seul le PCTN pouvant à son sens saisir le SABRA. En n'ayant procédé à aucune mesure d'instruction complémentaire contrairement à ce qu'il avait annoncé dans sa décision du 9 décembre 2021, le PCTN avait violé la maxime inquisitoire et le principe de la bonne foi.

Les mesures demandées ne constituaient pas une mesure générale mais bien des mesures particulières visant spécifiquement certains établissements publics sis à la rue Q______ et au boulevard R______. Sa demande ne visait que les établissements posant problème par rapport à la législation sur l'environnement, soit treize sur les dix-neuf établissements existants. Les nuisances pouvaient être attribuées à des débits de boissons en particulier. Les données récoltées par le SABRA et les rapports de T______ et du SABRA démontraient que n'importe quel habitant de la rue Q______ et du boulevard R______ subissait des nuisances sonores illicites causées par les débits de boissons présents dans ces rues. Les nuisances n'avaient pas cessé depuis 2011, année d'un rapport du SABRA sur les nuisances dues à C______ et avaient même empiré, en raison de l'autorisation du PCTN d'ouvrir de nouveaux établissements publics sans limitation des horaires. Le PCTN avait déjà sanctionné certains établissements en 2013, ce qui démontrait que des mesures particulières visant certains établissements étaient possibles. Le fait que les nuisances sonores provenaient de l'extérieur n'était pas un argument recevable pour ne pas traiter la problématique sous l'angle des horaires d'exploitation des débits de boissons puisque le bruit des clients sur la terrasse, leurs allées et venues dans la rue, le bruit à l'entrée ou à la sortie de l'établissement public de même que le parcage équivalaient à une nuisance de l'installation elle-même. L'argumentation du PCTN pour ne pas solliciter le SABRA et ne pas prononcer une modification de l'autorisation d'exploiter n'était pas fondée.

En refusant d'intervenir alors qu'il était démontré que les membres de l'association subissaient des nuisances sonores atteignant quasiment les valeurs d'alarme selon la législation sur la protection contre le bruit, le PCTN adoptait un comportement contradictoire par rapport à sa politique et à ses actions en matière de nuisance sonores, en relation avec le bruit routier, la rue Q______ étant passée en zone 30 en 2015 et le boulevard R______ en 2021. Les clients des débits de boissons s'y rendaient en deux-roues motorisés et stationnaient juste en dessous des fenêtres des membres de l'association. S'y ajoutaient également les déplacements de piétons d'un établissement à l'autre par petits groupes. Le bruit était dérangeant même les fenêtres fermées, même avec le double vitrage et ils devaient vivre confinés même l'été, y compris en cas de canicule, l'ouverture des fenêtres n'étant pas envisageable. Ces nuisances sonores aux heures de repos affectaient leur santé. Vu la situation du logement à Genève, déménager n'était pas possible, outre le fait que leur vie se trouvait pour certains dans le quartier depuis plus de trente ans.

La ville estimait qu'elle ne pouvait pas saisir le SABRA, autorité cantonale que le PCTN avait refusé de saisir et qui renvoyait aux interlocuteurs historiques. Une limitation des horaires des terrasses ne serait pas garante d'efficacité pour réduire les nuisances sonores, puisqu'initialement, O______ ne disposait pas d'autorisation d'exploiter de terrasses et que des clients stationnaient néanmoins en nombre devant sa devanture, verres à la main. Même à supposer que la réduction des horaires d'exploitation des terrasses soit une mesure efficace, ce que seul le SABRA pouvait déterminer, la réduction des horaires ne concernait pas les vendredis et samedis soirs, jours les plus problématiques. Même à supposer qu'une mesure moins incisive existerait et devrait être prise par la ville, le PCTN ne pouvait pas rejeter la requête mais aurait dû suspendre la procédure jusqu'à décision exécutoire de la ville.

11) a. Par décision du 4 octobre 2022, la ville a refusé d'ordonner la fermeture des terrasses des quatorze établissements publics à 22h cinq soirs par semaine et leur fermeture totale les deux autres soirs ainsi que d'interdire de consommer debout sur les terrasses après les fermetures des terrasses.

Le SABRA s'était déjà déterminé sur la problématique ; il n'était pas nécessaire qu'il se détermine à nouveau.

Vu l'analyse du SABRA qui mentionnait que les soirs de semaine étaient plutôt tranquilles, avec une baisse de bruit dès 21h, vu la réduction des horaires d'exploitation des terrasses le jeudi soir à minuit et l'exploitation de leurs terrasses jusqu'à minuit le dimanche par seulement trois établissements, une réduction des horaires d'exploitation des terrasses à 22h ou une fermeture de celles-ci ne paraissait pas nécessaire les soirées du dimanche au jeudi et serait totalement disproportionnée. La réduction des horaires d'exploitation des terrasses ou leur fermeture les vendredis et samedis serait disproportionnée au vu des conséquences sur la liberté économique des exploitants, dont le chiffre d'affaires dépendait essentiellement de l'exploitation de ces deux soirées, du caractère urbain animé du quartier et du fait que les habitants bénéficiaient déjà de soirées plus tranquilles en semaine, incluant, depuis le 1er juin 2022, le jeudi.

L'interdiction de consommer debout sur la terrasse après l'heure de fermeture de la terrasse était déjà partiellement couverte par la législation limitant la consommation de boissons alcooliques dans l'enceinte de l'établissement et de sa terrasse.

b. L'association et Mme B______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision (cause A/3644/2022).

12) Par réponse du 31 octobre 2022 dans la cause A/2755/2022, le PCTN a conclu au rejet du recours du 31 août 2022.

La qualité de partie de l'association n'était pas contestée.

Le PCTN n'était pas compétent en matière de protection de l'environnement ni de réglementation sur la salubrité et la tranquillité publiques. Les règles de compétence étaient impératives et ne pouvaient être créés par accord entre les parties. Il s'agissait d'une décision au fond rejetant les mesures proposées par l'association compte tenu des éléments au dossier, dont il ressortait que les immissions de bruit provenaient de l'extérieur, ce qui ne conférait pas une compétence d'agir au PCTN. Ce dernier ne pouvait prendre une mesure générale et ne pouvait agir de manière préventive s'agissant de O______. Sur les différents interlocuteurs (exploitants, ville, canton de Genève, police municipale, SABRA, PCTN, propriétaires ou régie, membres du gouvernement cantonal, voirie), seuls deux interlocuteurs avaient fait l'objet de procédures judiciaires. La chambre administrative avait ordonné à la ville de demander le préavis du SABRA. Les horaires d'exploitation étaient fixés par la loi et les dérogations ne pouvaient être accordées que sur demande, tandis que les restrictions ne pouvaient résulter que de l'application de la disposition sur la restriction, la suspension, la modification et le retrait de l'autorisation d'exploiter ou d'animation.

Le rapport de T______ mentionnait que les plaintes portaient essentiellement sur l'exploitation des terrasses après 22h. Selon les constatations du SABRA du 1er janvier au 1er juillet 2019, les immissions provenaient de l'extérieur des établissements (trafic routier, comportement de la clientèle en terrasse, allées et venues des passants et parcage de véhicules). L'existence de nuisances près des domiciles de membres de l'association n'était pas contestée. Le PCTN n'avait pas estimé que les nuisances dénoncées ne méritaient pas son intervention, mais plutôt que les mesures proposées ne pouvaient pas être prises sauf à violer la loi et le principe de la proportionnalité. Neuf établissements sur les treize avaient fait l'objet de sanctions et/ou mesures du PCTN dans les quatre dernières années concernant l'exploitation de l'intérieur de l'établissement, conformément au principe de la proportionnalité.

Le PCTN avait ouvert l'instruction suite aux différents courriers de plainte de l'association et des analyses techniques avaient été faites par le SABRA. À cela s'ajoutaient les différents rapports de police et les échanges entre le PCTN et d'autres autorités, dont les séances mensuelles de la commission interdépartementale de suivi et de coordination relative aux établissements publics. Il n'y avait pas eu de violation de la maxime inquisitoire.

L'association avait sollicité une décision formelle et sa qualité de partie avait été admise, de sorte que le PCTN n'avait eu d'autres choix que de rejeter ses demandes, ce dont elle avait été informée par téléphone en juin 2022 avant le prononcé de la décision. Il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu.

La limitation à 30 km/h était de la compétence du département des infrastructures et était exorbitante au litige. Il n'y avait pas de violation du principe de la bonne foi.

13) Par réplique du 2 décembre 2022, l'association a persisté dans ses conclusions. Elle s'en est remise à justice sur un possible appel en cause des bars concernés par la procédure, soulignant néanmoins qu'en cas de renvoi du dossier au PCTN pour complément d'instruction, l'économie de procédure s'opposerait à un appel en cause à ce stade. Elle a finalement souligné qu'à suivre le raisonnement du PCTN, il conviendrait de suspendre la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure A/3644/2022.

Il était peu compréhensible qu'il n'y ait pas de rapport d'expertise sur la base de l'analyse des données acoustiques provenant des capteurs, le SABRA disposant des connaissances en matière de protection contre le bruit. L'association était confrontée à deux autorités, qui refusaient de saisir le SABRA.

La législation sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement avait aussi pour but l'intégration harmonieuse des activités autorisées dans le tissu urbain, que le PCTN oubliait en autorisant des débits de boissons à se concentrer dans les immeubles de ses membres, pourtant inadaptés à une telle exploitation. Les circonstances d'espèce permettaient au PCTN de refuser l'autorisation d'exploiter, par exemple de O______, ce d'autant plus qu'il s'agissait d'un changement d'affectation. Alors que le PCTN s'estimait incompétent, la ville avait refusé d'intervenir. Non seulement il n'était pas garanti qu'une réduction de l'exploitation des terrasses permette de ramener les valeurs en dessous des valeurs limites d'exposition, mais le PCTN était compétent pour les nuisances secondaires. Même s'il ne s'agissait pas de « dancing », les bars et cafés-restaurants constituaient des installations soumises à la législation sur la protection de l'environnement et les habitants pouvaient se prévaloir de leur droit à vivre dans un environnement sain. Les dispositions en matière de protection de l'environnement devaient être examinées tant lors de l'examen de la délivrance des autorisations d'exploiter que dans la fixation des horaires d'exploitation. Elles devaient également être respectées pendant toute la période d'exploitation. La réglementation sur la salubrité et la tranquillité publiques était pertinente car elle exprimait l'usage local selon lequel le repos vespéral commençait à 21h. La législation sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement n'empêchait pas la fixation d'un horaire d'exploitation plus strict pour des motifs de protection de l'environnement. Au contraire, elle le prévoyait expressément. Les membres de l'association étaient en droit de choisir la voie administrative.

Les valeurs limites d'alarme étaient dépassées et commandaient la prise de mesures d'assainissement consistant en une réduction des horaires d'exploitation. Les sanctions et/ou mesures prises par le PCTN démontraient d'elles-mêmes ne pas avoir suffi à rétablir une situation conforme au droit de l'environnement, puisque les nuisances perduraient. Des décisions avec des effets semblables avaient déjà été prises par le passé à la rue Q______ et à la rue U______:.

La situation allait encore se péjorer avec l'ouverture d'un bar spécialisé dans la bière à la place du restaurant japonais au boulevard R______.

Le PCTN avait tenu plusieurs séances avec la ville pour discuter de la problématique sans l'association, alors même que la qualité de partie avait été reconnue et qu'elle avait demandé à être conviée à toute mesure d'instruction. Aucun document ne lui avait été remis à la suite de ces rencontres, pas plus que d'éventuels documents portant sur le travail de la commission des établissements publics. Son droit d'être entendue avait été violé.

Le refus du PCTN de prendre des mesures était arbitraire au vu de l'importance des nuisances sonores subies et de conséquences sur la santé des membres de l'association.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 66 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 - LRDBHD - I 2 22 ; art. 62 al. 1 règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1622/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1). L'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 143 II 512 consid. 5.1). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3a).

b. Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA). Sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par la voie du recours, nommé alors recours corporatif, pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-là ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel. En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2021 du 28 octobre 2021 consid. 2 ; ATA/1520/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3d).

c. Dans un arrêt de 2018, le Tribunal fédéral a relevé que la procédure consistant en l'instruction, par le PCTN, d'une plainte d'un propriétaire en propriété par étages (ci-après : PPE) situé directement au-dessus d'un bar avec restauration contre cet établissement, était susceptible d'aboutir à une suspension, à un retrait ou à une modification de l'autorisation d'exploiter l'établissement en question en application de la LRDBHD. En cas de fermeture définitive ou momentanée du restaurant ou, le cas échéant, en cas de modification de ses horaires ou de ses modalités d'exploitation, les nuisances reprochées cesseraient ou diminueraient, du moins provisoirement. Le propriétaire, recourant, serait alors l'un des principaux bénéficiaires d'un tel changement. Sous cet angle, il pouvait se prévaloir d'un intérêt particulier digne de protection dans le cadre de la procédure que le PCTN avait déclaré instruire contre le restaurant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.7).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs relevé que la gêne subie par les voisins directs d'un bar, d'une discothèque ou d'un restaurant se caractérisait, en tout cas à Genève, par une multiplicité des compétences. Étaient susceptibles de s'appliquer des lois et règlements divers et plusieurs autorités distinctes étaient habilitées à prendre des mesures. Ces éléments pouvaient rendre la gestion des plaintes particulièrement complexe, notamment parce qu'ils induisaient des problèmes de délimitation de compétences et de coordination de procédures, comme l'avait constaté la commission externe d'évaluation des politiques publiques de la République et canton de Genève dans un rapport de 2012. Cette fragmentation de la matière créait un contexte propice au renvoi de responsabilités entre les acteurs, chacun pouvant être tenté d'estimer qu'il revenait à un autre d'agir. Un risque existait dès lors que le plaignant ne puisse en définitive pas sauvegarder ses intérêts légitimes de manière suffisante, ne sachant notamment pas à quelle autorité s'adresser (arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité consid. 4.8.1). Il en découlait que le service cantonal, s'il considérait qu'une plainte ou une dénonciation déposée devant lui par un voisin directement touché par des immissions provenant de l'exploitation d'un établissement public devait être traitée par un autre service, devait la transmettre à celui-ci, le cas échéant après en avoir discuté au sein de la commission de coordination idoine. Il ne pouvait en revanche pas instruire une procédure contre un établissement public sur la base d'une telle plainte et, simultanément, refuser que la personne qui l'avait formée et qui avait un intérêt direct et particulier à la procédure y participe, en arguant que d'autres procédures, du ressort d'autorités différentes, étaient ou pouvaient également être ouvertes. Les particularités de la matière, fragmentée dans plusieurs lois et règlements qui se recoupaient partiellement, faisaient que la faculté théorique d'agir par d'autres biais ne permettait pas de dénier d'emblée la qualité de partie au voisin dénonciateur dans le cadre d'une procédure relevant de LRDBHD. Le fait d'exclure de la procédure un plaignant sur la base d'un tel motif s'accordait au demeurant assez mal avec le fait que la loi cantonale précitée visait, entre autres objectifs, à protéger l'intérêt des riverains et supposait, de toute manière, une coordination étroite entre les différentes autorités appelées à contrôler les établissements publics (arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité consid. 4.8.2).

Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le recourant jouissait d'un intérêt digne de protection dans le cadre de la procédure d'instruction de la plainte déposée contre l'établissement et menée par le service cantonal, et donc de la qualité de partie dans cette procédure (arrêt du Tribunal fédéral 2C_214/2018 précité consid. 4.9).

Sur la base de cette jurisprudence, la chambre administrative a reconnu la qualité de partie aux voisins directs dans la procédure ouverte par la ville à la suite de leur plainte en raison des nuisances dues aux terrasses de la rue Q______ et au boulevard R______ (ATA/505/2021 du 11 mai 2021 consid. 9).

d. En l'espèce, l'association a pour but la protection de l'environnement des riverains domiciliés à la rue Q______ et au boulevard R______, but pour lequel elle lutte contre le bruit des établissements publics et débits de boissons dans ces rues (art. 2 de ses statuts).

Par ailleurs, les riverains que la recourante a pour but de défendre ont dénoncé les immissions liées à l'exploitation des établissements publics et ont, conformément à la jurisprudence, la qualité de partie dans la cadre des procédures relatives à leur plainte, en tant que voisins directement touchés par les immissions sonores, ce que l'autorité intimée a d'ailleurs expressément reconnu dans sa décision du 21 octobre 2021 retirant sa décision du 6 juillet 2021 relative à Mme B______.

Eu égard à son but et à la qualité de partie des riverains défendus par celui-ci, il doit être admis que l'association a un intérêt digne de protection propre à ce qu'une autorité judiciaire vérifie la conformité au droit du refus de l'autorité intimée de donner une suite positive aux mesures qu'elle a sollicitées afin de faire diminuer le bruit dans le quartier de la rue Q______ et du boulevard R______.

L'autorité intimée ne conteste d'ailleurs pas la qualité pour recourir de l'association, à laquelle elle avait du reste également dans un premier temps dénié la qualité de partie, par une autre décision du 6 juillet 2021, pour ensuite retirer cette dernière décision le 9 décembre 2021 et entrer en matière sur le fond de sa requête.

L'association a par conséquent la qualité pour recourir et le recours est recevable.

3) a. L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable (art. 71 al. 1 LPA).

b. En l'espèce, la recourante s'en est rapportée à justice sur un éventuel appel en cause des exploitants des treize établissements publics. La mesure sollicitée par la recourante, refusée par l'autorité intimée, correspondant à une modification de leurs autorisations d'exploiter, lesdits exploitants sont susceptible d'être affectés par le présent litige. Néanmoins, il ne se justifie pas de les appeler en cause, vu ce qui suit et étant relevé qu'ils seront en leur qualité d'exploitants de toute manière partie à toute procédure ultérieure devant l'autorité intimée.

4) a. Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

b. En l'espèce, le présent litige peut être tranché indépendamment de la procédure A/3644/2022. Au surplus, la recourante n'a pas en tant que tel demandé la suspension de la procédure devant la chambre administrative.

Il ne se justifie par conséquent pas de suspendre la présente procédure.

5) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée refusant de réduire les horaires d'exploitation des treize établissements à minuit tous les jours de la semaine.

La recourante sollicite des actes d'instruction devant la chambre administrative.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1).

b. En l'espèce, la recourante sollicite la production par T______ des enregistrements sonores effectués entre le mercredi 2 et le lundi 7 septembre 2020, un transport sur place un vendredi soir vers 23h30 ainsi que la production par l'autorité intimée de l'entier de son dossier par rapport aux nuisances sonores de la rue Q______ et du boulevard R______ et de ses décisions de février 2013 interdisant l'ouverture de certains établissements publics sis à la rue Q______ au-delà de minuit.

Ces actes d'instruction ne sont néanmoins pas nécessaires pour trancher le présent litige, au regard de l'analyse qui suit.

Il ne sera par conséquent pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction de la recourante.

6) La recourante reproche premièrement à l'autorité intimée d'avoir violé son droit d'être entendue en ne transmettant pas toutes les pièces de la procédure A/2703/2021 au SABRA pour qu'il se détermine. Ce grief a en réalité trait à la compétence de l'autorité.

a. La compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 LPA).

b. La LRDBHD a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD). Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD). Les dispositions notamment en matière de protection de l'environnement, de tranquillité publique, de protection du public contre les niveaux sonores élevés ainsi que de santé prévues par d’autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (art. 1 al. 4 LRDBHD).

c. L’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, qui comprend cas échéant sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (art. 24 al. 1 LRDBHD et 44 al. 2 RRDBHD). Il doit exploiter l’entreprise de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage (art. 24 al. 2 LRDBHD et 44 al. 3 RRDBHD). Si l’ordre est troublé ou menacé de l’être, que ce soit dans son établissement, sur sa terrasse, ou encore, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats, l’exploitant doit faire appel à la police (art. 24 al. 3 LRDHBD et 44 al. 4 RRDBHD). En cas de constat de troubles à l'ordre public ou de nuisances réitérés, le département peut exiger du propriétaire ou de l'exploitant qu'il organise à ses frais un service d'ordre adéquat afin que le maintien de l'ordre soit assuré (art. 24 al. 4 LRDBHD).

d. En cas d’infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu'aux conditions de l’autorisation, le département prononce, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, les mesures suivantes à l’encontre de l’exploitant : l'obligation de suivre une formation complémentaire, définie par le règlement d'exécution, en lien avec le domaine dans lequel l'infraction a été commise (let. a), la suspension de l’autorisation d’exploiter, pour une durée maximum de six mois (let. b), le retrait de l’autorisation d’exploiter (let. c ; art. 63 al. 1 LRDBHD). Si l’infraction relève des règles en matière de protection de l'environnement, le département peut notamment prononcer, en concertation avec l'autorité compétente en la matière, des restrictions, pour une durée de dix jours à six mois, à l’horaire d’exploitation des cafés-restaurants et bars, des dancings et cabarets-dancings, et des buvettes ou buvettes de service restreint (let. a), la modification de l'autorisation d'exploiter quant aux horaires d'exploitation (let. b), (art. 63 al. 2 LRDBHD). Sont notamment considérées comme graves les infractions relatives aux inconvénients engendrés pour le voisinage (art. 63 al. 3 LRDBHD). Les mesures énumérées à l’al. 2 peuvent être prononcées cumulativement entre elles, ou avec des mesures prononcées en application de l'art. 15 (art. 63 al. 5 LRDBHD).

e. Les communes fixent les conditions d'exploitation propres à chaque terrasse, notamment les horaires, en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage, ainsi que de tout autre élément pertinent. L'horaire d'exploitation doit respecter les limites prévues par l'autorisation relative à l’entreprise, sans toutefois dépasser l'horaire maximal prévu par l'art. 6 ou 7 al. 1 et 2 (art. 15 al. 1 LRDBHD). Pour des motifs d'ordre public et/ou en cas de violation des conditions d'exploitation visées aux al. 1 et 2, les communes sont habilitées à prendre, pour ce qui touche à l'exploitation de la terrasse concernée, les mesures et sanctions prévues par la LRDBHD, lesquelles sont applicables par analogie (art. 15 al. 3 LRDBHD).

7) a. La loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l'environnement - LPE - RS 814.01) a notamment pour but de protéger les hommes des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1 al. 1 LPE). Par atteintes, il faut comprendre notamment, selon l'art. 7 al. 1 LPE, les pollutions atmosphériques et le bruit qui sont dus à l'exploitation d'installations. L'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) a pour but de protéger la population contre le bruit nuisible ou incommodant que produit l'exploitation d'installations nouvelles ou existantes (art. 1 al. 1 et 2 let. a OPB).

b. Un établissement public est une installation fixe dont l'exploitation produit du bruit extérieur (ATF 130 II 32 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.109/2005 du 6 décembre 2005 consid. 3.2). Il est dès lors soumis aux règles du droit fédéral sur la protection contre le bruit (art. 2 al. 1 OPB) en relation avec l'art. 7 al. 7 LPE (ATA/571/2021 du 1er juin 2021 consid. 2e).

L'ensemble des bruits que provoque l'utilisation, normale et conforme à sa destination, de l'installation en cause doit être pris en considération, que ceux-ci proviennent de l'intérieur ou de l'extérieur du bâtiment, respectivement du lieu d'exploitation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.168/2003 du 14 janvier 2004 consid. 2.1 et les références citées ; ATF 123 II 325 consid. 4a.bb ; Benoît BOVAY, Autorisation de construire et droit de l'environnement, RDAF 1995, p. 108). Il s'ensuit, par exemple, que le bruit des clients sur la terrasse d'un restaurant, les allées et venues dans la rue, le bruit occasionné par le comportement et la voix de clients à l'entrée ou à la sortie d'un établissement public, de même que le parcage des véhicules équivalent à une nuisance de l'installation elle-même (ATA/1030/2020 du 13 octobre 2020 consid. 4b et les références citées ; Anne-Christine FAVRE, Le bruit des établissements publics, RDAF 2000 I, p. 3 ; François BELLANGER, La loi sur la protection de l'environnement, jurisprudence de 1995 à 1999, DEP 2001, p. 36). C'est aussi le cas du bruit que causent les travaux de nettoyage et de rangement de la terrasse ; leurs émissions sont également à rattacher à l'exploitation de l'établissement (ATF 123 II 325 = Jdt 1998 I p. 461).

c. Conformément à l'art. 40 al. 1 OPB, l'autorité d'exécution évalue les immissions de bruit extérieur produites par les installations fixes sur la base des valeurs limites d'exposition selon les annexes 3 ss OPB. Aucune des annexes de l'OPB ne s'applique toutefois au bruit des établissements publics (arrêts du Tribunal fédéral 1C_460/2007 du 23 juillet 2008 consid. 2.1 ; 1A.262/2000 du 6 juillet 2001 consid. 2c.dd et les arrêts cités). L'autorité compétente en matière de protection contre le bruit doit dès lors évaluer les immissions de bruit en se fondant directement sur les principes de l'art. 15 LPE, en vertu duquel les valeurs limites d'immissions relatives au bruit doivent être fixées de manière que, selon l'état de la science et de l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être. Il faut veiller à ce que l'exploitation ne provoque pas de gêne sensible pour les voisins en tenant compte du genre de bruit, du moment où il se produit, de la fréquence à laquelle il se répète, du niveau de bruit ambiant ainsi que des caractéristiques et du degré de sensibilité de la zone dans laquelle les immissions de bruit sont perçues. Ainsi un quartier urbain situé au centre-ville, doté de plusieurs établissements publics et fréquenté la nuit peut être traité différemment d'un quartier résidentiel périphérique tranquille dans la mesure où l'on peut exiger des voisins qu'ils tolèrent dans une plus large mesure le bruit nocturne dans le premier cas. Il convient également de tenir compte, selon l'art. 13 al. 2 LPE, de l'effet des immissions sonores sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes, étant précisé que la phase de l'endormissement, qui se situe entre 22h et 23h30, mérite particulièrement d'être protégée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_460/2007 précité consid. 2.2 et les références citées).

d. Le SABRA est le service spécialisé en matière de protection contre le bruit, les vibrations et les rayonnements non ionisants (art. 4 al. 1 du règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 - RPBV - K 1 70.10).

8) La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger a sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.1).

9) En l'espèce, la recourante s'est plainte auprès de l'autorité intimée du bruit généré par l'exploitation des treize établissements publics, sollicitant la fermeture de ceux-ci à minuit tous les jours de la semaine. Elle a ce faisant requis la modification de l'autorisation d'exploiter des établissements concernés quant aux horaires d'exploitation, ce qui correspond à la mesure prévue par l'art. 63 al. 2 let. b LRDBHD.

L'autorité intimée est entrée en matière sur cette plainte et reconnaît l'existence des nuisances alléguées par l'association, et donc d'infractions à l'art. 24 al. 2 LRDBHD. Elle affirme cependant que le prononcé d'une mesure prévue par l'art. 63 al. 2 LRDBHD ne se justifierait pas. Il n’était pas établi que les nuisances provenaient de l'intérieur, le dossier démontrant au contraire qu'elles provenaient de l'extérieur, soit du trafic routier, des terrasses et des allées et venues des passants. La proportionnalité dictait dès lors le prononcé d'une mesure moins incisive, soit la limitation des horaires d'exploitation des terrasses. En outre, il n’était pas possible de prononcer une mesure générale.

Il n'est pas contesté que la cause concerne la protection de l'environnement, puisqu'il s'agit de nuisances sonores émises par des établissements publics et donc d'émissions soumises à la LPE et à l'OPB. Or, l'art. 63 al. 2 LRDBHD donne la compétence à l'autorité intimée pour prendre des mesures – et donc pour refuser d'en prendre – dans un tel cas mais ceci en se concertant avec le SABRA. Or, l'autorité intimée ne démontre pas ni d'ailleurs n'allègue avoir procédé à une telle concertation, étant relevé que la présentation PowerPoint du SABRA ne suffit pas à considérer qu'il y ait eu une telle concertation.

Sur ce point, il convient de relever que, contrairement à ce qu'affirme l'autorité intimée, tentant par-là de se soustraire à une concertation avec le SABRA, le dossier ne permet pas de déterminer si le bruit extérieur est uniquement lié à l'exploitation des terrasses ou également à celle des treize établissements publics eux-mêmes. En effet, l'expertise de T______, effectuée dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, fait un lien entre les nuisances sonores et l'ouverture des terrasses, tandis que la présentation du SABRA lie la baisse du niveau sonore non pas à la fermeture des terrasses mais à la fermeture des établissements. Ce qui précède démontre d'autant plus la nécessité, pour le prononcé d'une décision, d'une concertation avec le SABRA, service spécialisé compétent pour analyser la question des nuisances sonores, à même de procéder à une analyse du bruit lié à l'exploitation des établissements publics eux-mêmes, par exemple par une analyse du bruit entre l'heure de fermeture des terrasses et celle des établissements, notamment le jeudi, jour de grande affluence, selon la présentation du SABRA, où les terrasses ferment, depuis l'entrée en vigueur du nouveau règlement sur les terrasses d'établissements publics de la ville du 27 avril 2022 (LC 21 314), plus tôt que les établissements eux-mêmes, ce qui permettrait ensuite de déterminer si une mesure se justifie au niveau de l'exploitation des établissements eux-mêmes.

Au surplus, vu la reconnaissance de l'existence de nuisances sonores par l'autorité intimée, celle-ci ne peut se soustraire à tout examen en affirmant que l'association requiert une mesure générale. Les établissements concernés par la plainte sont au contraire clairement désignés et il appartient, si nécessaire, à l'autorité intimée et au SABRA d'instruire pour prendre, le cas échéant, des mesures à l'égard des établissements à l'origine de ces nuisances, ce qui confirme là-encore la nécessité de concertation avec l'instance spécialisée, comme prévu par la loi.

Au vu de ce qui précède, la décision a donc été prononcée en violation des règles de compétences prévues par la LRDBHD, en l'absence de concertation avec le SABRA. S'agissant de l'absence d'une concertation requise par la loi et non du prononcé d'une décision par une autorité incompétente en tant que telle, il ne s'agit pas d'un cas dans lequel il conviendrait de constater la nullité de la décision attaquée. Celle-ci sera partant annulée.

Partant, la chambre administrative n'a pas à se pencher sur le fond du litige ni à examiner si l'autorité intimée aurait dû faire appel à la commission de suivi et de coordination relative aux établissements publics prévue par l'art. 7 RPBV.

Dans ces circonstances, le recours sera admis, la décision attaquée annulée et le dossier renvoyé à l'autorité intimée pour instruction complémentaire et prononcé d'une nouvelle décision en concertation avec le SABRA.

10) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2022 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 15 juillet 2022 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 15 juillet 2022 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bernard Nuzzo, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :