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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1037/2022

ATA/117/2023 du 07.02.2023 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1037/2022-FPUBL ATA/117/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1974, est entré le 1er mai 1996 au service de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Il y a été successivement ______au service des agents de ville et du domaine public (ci-après : SAV ; du 1er mai 1996 au 31 décembre 2001), ______ au SAV (du 1er janvier 2002 au 31 mars 2016 ; dès 2004 en tant que______) et ______ au service de la sécurité et de l'espace publics (ci-après : SEEP ; du 1er avril 2016 au 31 décembre 2017), puis au service de la police municipale (dès le 1er janvier 2018).

2) Le 22 mai 2000, M. A______ a fait l'objet d'un blâme pour avoir exercé une activité accessoire avant d'en avoir l'autorisation formelle.

3) Dans son rapport relatif à l'entretien périodique du 10 avril 2017, l'évaluateur, le sergent-major B______, a indiqué, à titre d'observations finales, que « A______ est un collaborateur qui fait les efforts nécessaires afin d'optimiser son rôle de ______ et nous lui souhaitons de poursuivre dans cette voie ».

4) En avril 2019, la presse a fait état de ce qu’une vingtaine d’agents cantonaux et municipaux de la police genevoise étaient suspectés d’une trop grande proximité avec un patron d’enseignes érotiques actif à C______ récemment arrêté après une transaction immobilière suspecte. L’analyse du téléphone portable dudit tenancier avait révélé de nombreux échanges pendant plus de dix ans avec des agents de police et des comportements problématiques des agents, comme des infractions de corruption, de violation du secret de fonction et d’acceptation d’un avantage, en contrepartie de nombreux passe-droits obtenus par le prévenu.

5) Le 11 juin 2019, la brigade financière de la police judiciaire (ci-après : la brigade financière) a établi un rapport de renseignements à l’attention du Ministère public.

À la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de Monsieur D______, gérant d’un « sex center » à C______, et de son placement en détention provisoire, son téléphone portable avait été saisi. L’analyse des données extraites de son téléphone avait mis en évidence des liens avec différents agents de la police municipale de la ville, notamment un contact enregistré comme « Police Munic. A______ ». Divers messages et photographies avaient été extraits.

6) Le 27 juin 2019, le Ministère public a ordonné la transmission de ce rapport à l’inspection générale des services (ci-après : IGS).

7) Dans son rapport relatif à l'entretien périodique du 28 octobre 2019, l'évaluateur, soit M. B______, a indiqué que «A______ est plein de bonne volonté. Néanmoins nous nous posons la question [de savoir] si ses responsabilités ne sont pas trop stressantes. ( ) À ce titre, une proposition lui avait été faite lors d'un entretien s'il serait pas judicieux [sic] qu'il reprenne ses fonctions à la ______, où il donnait satisfaction, avec des responsabilités supplémentaires ». Il mentionnait également, dans une autre rubrique, que durant la période évaluée, passablement de problèmes avaient été rencontrés avec la gestion par M. A______ de son groupe et des demandes de sa hiérarchie, points sur lesquels il ne donnait pas entière satisfaction. M. A______ mentionnait quant à lui simplement vouloir uniquement changer de poste de quartier.

8) Le 15 juin 2020, l’IGS a sollicité du Ministère public l’autorisation de transmettre une copie de son rapport et de tout autre document pertinent au conseiller administratif de la ville en charge de la police municipale, afin qu’il puisse se déterminer sur l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______.

9) Le 15 juin 2020 également, l'IGS a remis un rapport au Ministère public concernant notamment M. A______.

De nombreux échanges via WhatsApp montraient une grande proximité entre certains agents de la police municipale (ci-après : APM) de la ville et M. D______, mettant en évidence des problèmes d'ordre déontologique. Une demande de contrôle d'une plaque d'immatriculation fribourgeoise avait été relevée dans des échanges entre M. D______ et deux APM, laquelle pouvait représenter une possible violation du secret de fonction.

S'agissant de M. A______, présent dans les contacts de M. D______ avec son numéro privé, les problèmes détectés étaient les suivants :

- 25 octobre 2018 : M. A______ envoie deux images à M. D______ montrant ce dernier et son amie intime en train de manger dans un poste APM ;

- 4 janvier 2019 : M. D______ envoie à M. A______ une photographie prise dans la cuisine d'un poste APM.

10) Le 1er septembre 2020, le Ministère public a accordé un « n’empêche » à l’IGS, permettant ainsi de communiquer son rapport aux autorités administratives concernées.

11) Le 4 mai 2021, la commandante du SPM, Madame E______, a écrit à M. A______.

Il ressortait du dossier, en particulier d'échanges WhatsApp, que ce dernier avait développé et entretenu, pendant plusieurs années, des liens étroits avec M. D______, mélangeant ainsi activité professionnelle et vie privée de manière inadéquate ; se serait fait offrir par M. D______ des cafés, voire des repas, notamment durant ses heures de service ; aurait laissé des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale réservés aux seuls ayants droit conformément aux règles du bon sens, et aurait ainsi adopté un comportement incompatible avec son statut d'employé de la ville et de ______ au sein du SPM.

Elle envisageait ainsi de prononcer à son encontre une mesure disciplinaire, à savoir un changement d'affectation d'office au poste de______. Elle le convoquait à un entretien formel visant à l'entendre sur les reproches précités. Cet entretien, lors duquel il pouvait être assisté, aurait lieu le 20 mai 2021, en présence d'elle-même, d'une gestionnaire des ressources humaines (ci-après : RH), et d'une conseillère juridique. L'entretien a par la suite été reporté au 15 juin 2021.

12) Le 27 mai 2021, le SPM a décidé, en raisons des limitations fonctionnelles temporaires de M. A______ attestées par le médecin-conseil de la ville, de l'affecter dès le 1er juin 2021 à la ______, à un taux de 50 %.

13) Lors de l'entretien du 15 juin 2021, M. A______, assisté de son conseil, a demandé la tenue d'un procès-verbal, ce qui lui a été refusé au motif que la procédure en était encore au stade non contentieux. Il a relevé que Mme E______ ne serait pas compétente pour ordonner un changement d'affectation d'office.

Il a par ailleurs admis avoir bu le café à plusieurs reprises avec M. D______ et confirmé que ce dernier était venu manger au poste. Ses relations avec M. D______ étaient néanmoins toujours restées professionnelles.

14) Par courrier du 5 août 2021 à la directrice du département de la sécurité et des sports (ci-après : DSSP), M. A______ a rappelé les circonstances de cet entretien, et a dit s'opposer au changement d'affectation projeté. Il sollicitait d'être entendu par le secrétaire général de l'administration municipale et par la directrice RH.

15) Par courrier du 1er septembre 2021, le Conseil administratif (ci-après : CA) de la ville a indiqué à M. A______ qu'il envisageait pour lui un changement d'affectation d'office au poste de______. Les reproches formulés dans le courrier du 4 mai 2021 étaient repris tels quels. Un ______ se devait de remplir en tout temps ses devoirs d'exemplarité, d'intégrité et d'impartialité ainsi que les responsabilités lui incombant du fait de sa position hiérarchique. La date et le lieu de l'audition sollicitée lui seraient communiqués ultérieurement.

16) M. A______, assisté de son conseil, a été entendu le 3 février 2022 par le secrétaire général de l'administration municipale et par le secrétaire général adjoint.

17) Par décision du 23 février 2022, le CA a décidé d'affecter M. A______, dès le 1er mars 2022, « sur » le poste d'APM (______), en application des art. 41 al. 4 et 5 et 47 al. 3 du statut du personnel du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151).

La décision précise que l'intéressé a exercé son droit d'être entendu ainsi que les modalités du changement d'affectation, et mentionne la voie et le délai de recours. Elle ne contient aucune référence ni motivation quant à la raison du changement d'affectation.

18) Par acte posté le 31 mars 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la production par la ville de toutes les décisions prises contre les APM s'étant vus reprocher une trop grande proximité avec M. D______, principalement à l'annulation de la décision attaquée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il n'avait jamais mélangé vie professionnelle et vie privée. Il avait donné à M. D______ son numéro privé, comme beaucoup d'agents le faisaient, étant rappelé qu'à une certaine époque les policiers municipaux n'avaient pas de téléphone professionnel ; de plus, aucune directive ni instruction ne réglait la question de savoir si un agent pouvait ou non donner son numéro privé. S'agissant des messages WhatsApp reproduits dans le rapport de l'IGS, entre le 13 décembre 2017 et le 29 janvier 2019, soit plus de treize mois, il n'avait envoyé à M. D______ que neuf messages, relevant de l'humour, tandis que M. D______ lui en a envoyé vingt-huit, ce qui montrait qu'il ne répondait presque jamais à ce dernier. Cet échange s'inscrivait dans la volonté d'entretenir de bonnes relations avec les acteurs du quartier.

Il lui était arrivé, avec des collègues, de boire un café dans l'arcade de M. D______, qui les confectionnait à l'aide de sa machine privée. À chaque fois, il avait laissé de l'argent sur l'assiette se trouvant à côté de la machine à café. Il avait pris deux repas au poste en compagnie de M. D______ et de collègues, les 25 octobre 2018 et 4 janvier 2019. Chacun avait payé sa part. Aucune directive ni instruction écrite ou orale n'interdisait la présence de tiers au poste. En dehors de ces contacts, il n'était jamais allé chez M. D______, ne sachant du reste pas où ce dernier habitait, et n'avait jamais pris de café ni de repas en dehors de ces quelques occasions.

Il en résultait que les liens – superficiels – qu'il avait avec M. D______ n'étaient que professionnels, qu'il n'avait jamais mélangé son activité professionnelle et sa vie privée, qu'il ne s'était pas fait offrir des cafés ni des repas par M. D______, et qu'il n'avait pas laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale. Il n'avait jamais été ni ne s'était senti redevable à l'égard de M. D______, et ce dernier ne lui avait jamais demandé un quelconque service, ni rendu une quelconque faveur. Il avait traité M. D______ de manière indépendante et impartiale, comme il le faisait avec tous les autres acteurs du quartier.

19) Le 24 mai 2022, la ville a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait, entre 1999 et 2004, fait l'objet de nombreux « recadrages » et plaintes, en sus du blâme prononcé en 2000.

Il avait manifestement violé, à plusieurs reprises, ses devoirs professionnels les plus élémentaires. Il avait en effet entretenu des liens étroits avec M. D______, mélangeant son activité professionnelle avec sa vie privée de manière inadéquate. Ils avaient notamment échangé des messages et des photos, certes depuis son téléphone privé, mais pendant les heures de service, envoyant notamment à M. D______ la photo d'un homme nu en plaisantant à son sujet, et se laissant envoyer de nombreuses photographies et vidéos pornographiques. Il s'était fait offrir à plusieurs reprises des cafés voire des repas par M. D______, durant les heures de service ; s'il alléguait avoir payé ces consommations, cela ne changeait rien à l'excès de proximité qui ressortait de ces échanges. Il avait laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale, soit notamment M. D______ et l'amie de celui-ci au moins à deux reprises, les locaux étant réservés aux seuls ayants droit selon la règle du bon sens. Cette présence de tiers aurait pu compromettre des documents couverts par le secret de fonction. Enfin, M. A______ avait laissé ses subordonnés également entretenir des relations étroites avec M. D______, alors qu'il devait au contraire les former et les encadrer. À teneur de sa dernière évaluation, un changement d'affectation à la ______ avait déjà été envisagé en raison de son management défaillant, et les événements litigieux avaient encore confirmé qu'il n'était pas apte à conduire une équipe d'agents.

Le principe de la proportionnalité avait été respecté, les faits reprochés étant graves et ayant porté préjudice à l'image de la police municipale. En tant que ______, il avait un devoir d'exemplarité renforcée, ce d'autant plus au vu du nombre d'années passées dans la police municipale.

Il n'y avait pas de violation de l'égalité de traitement. M. A______ demandait certes la production des décisions concernant ses collègues, mais il n'explicitait pas plus avant ce grief, et il était évident que des différences existaient entre chaque cas particulier.

20) Le 30 mai 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 1er juillet 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

21) Le 1er juillet 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il n'y avait eu que deux repas. Il était faux d'affirmer qu'il avait laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale, quand bien même il n'avait pas demandé à M. D______ de partir quand il avait constaté sa présence. Il n'y avait eu aucune violation du secret de fonction. La ville évoquait pour la première fois le reproche d'avoir laissé des subordonnés avoir des liens de proximité avec M. D______. Enfin, s'agissant de l'égalité de traitement, l'opacité de la ville était inacceptable ; l'affirmation d'avoir examiné la situation de chaque APM individuellement était insuffisante, et seule la production des décisions demandées était à même d'en témoigner.

22) La ville ne s'est quant à elle pas manifestée dans le délai imparti.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur la conformité au droit du changement d’affectation d’office prononcé par l’autorité intimée en raison de sa proximité avec M. D______.

3) En matière de rapports de service, l’employeur public dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment face à des manquements aux devoirs de service commis par les membres de son personnel, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu’en cas de violation du droit, y compris d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

a. La décision litigieuse se fonde sur les art. 94 et 41 al. 4 et 5 du statut. L’art. 94 du statut, intitulé « Autres mesures », est situé juste après l’art. 93 intitulé « Sanctions disciplinaires ». Ces deux dispositions forment la section 3 afférente aux « Violations des devoirs de service », qui fait partie du chapitre VI du statut portant sur les « Devoirs du personnel ». L’art. 94 du statut dispose que : « En tout état de cause, si la violation des devoirs de service le justifie, le changement d’affectation d’office au sens de l’article 41, alinéa 4, ou le licenciement sont réservés ».

Quant à l’art. 41 al. 4 du statut, il est précédé du libellé « En raison des prestations de la personne intéressée », par opposition à celui concernant les besoins du service visé par l’art. 41 al. 1 à 3 du statut. Selon l’art. 41 al. 4 du statut, lorsqu’il s’avère qu’un employé « ne parvient pas à fournir des prestations suffisantes dans son poste », il peut, après avoir été entendu oralement, être transféré d’office dans un autre poste correspondant à ses qualifications et aptitudes. L’art. 41 al. 5 du statut précise que, dans ce cas, le traitement est fixé conformément à la classification du nouveau poste après un délai équivalent au délai de préavis de l’art. 34 al. 1 du statut. Ce délai est de quatre mois de la sixième à la dixième année de service
(art. 34 al. 1 let. b du statut). L’art. 41 du statut traite ainsi du changement d’affectation d’office dans deux cas de figure, à savoir pour les besoins du service (al. 1 à al. 3) et en raison des prestations d’un employé (al. 4 et 5). Dans le premier cas, le changement d’affectation « ne peut entraîner ni diminution de traitement, ni passage dans une classe de traitement inférieure » conformément à l’art. 41 al. 2 du statut.

b. Parmi les innovations du statut, figure une « gestion moderne des ressources humaines centrée sur la correction des erreurs, l’amélioration des prestations lorsque celles-ci sont insuffisantes et la meilleure allocation possible des ressources humaines » avec pour conséquence un catalogue réduit des sanctions disciplinaires (Mémorial du conseil municipal de la ville du 10 novembre 2009, Proposition du conseil administratif du 14 octobre 2009 en vue de la modification du statut de personnel de la ville [ci-après : Mémorial CM], p. 2292 ss, p. 2299, disponible sur https://conseil-municipal.geneve.ch/conseil-municipal/seances-plenieres/ calendrier-documents/detail-seance-ordre-jour/seance-cm/1257811200/, consulté le 19 janvier 2021). Le droit disciplinaire apparaissait au législateur communal comme un instrument « un peu désuet, qui comporte le danger d’exacerber les conflits plutôt que de les résoudre » (Mémorial CM, p. 2299). La réduction « drastique » du catalogue des sanctions disciplinaires – prévu à l’art. 93 al. 1 du statut – permet ainsi de conserver un mécanisme intermédiaire entre l’admonestation informelle et le licenciement, tout en renonçant à une échelle de sanctions inutilement compliquée (Mémorial CM, p. 2299).

Les travaux préparatoires du statut précisent s’agissant de l’art. 94 du statut, intitulé « Autres mesures », que le changement d’affectation d’office et le licenciement ne sont pas en tant que tels des sanctions, « même s’ils peuvent être ressentis ainsi par l’intéressé-e et même si la faute de celui-ci ou de celle-ci peut en constituer le motif. En effet, l’un comme l’autre sont décidés avant tout dans l’intérêt de la bonne marche de l’administration » (Mémorial CM, p. 2311).

Quant à l’art. 41 du statut, il concerne deux des trois hypothèses dans lesquelles les rapports de service sont modifiés (art. 40 s du statut). Plus particulièrement, le troisième cas de figure, ancré à l’art. 41 al. 4 et 5 du statut, vise les membres du personnel « qui ne parviennent pas à fournir des prestations suffisantes » dans leur poste. Ces personnes pourraient « théoriquement » être licenciées pour motif objectivement fondé en vertu de l’art. 34 al. 2 let. a ou c du statut. Cependant, s’il apparaît que l’intéressé pourrait donner satisfaction dans un autre poste correspondant mieux à ses qualifications et aptitudes, un transfert dans un tel poste peut se révéler « préférable » pour les deux parties (Mémorial CM, p. 2294).

c. Dans l’ATA/808/2015 du 11 août 2015, la chambre administrative a confirmé le prononcé d’un blâme et d’un changement d’affectation d’office au sens de l’art. 41 al. 4 du statut.

Engagée en qualité d’ouvrier au service de la voirie communale, la personne concernée avait été par la suite nommée au poste de chauffeur poids lourd dans le même service. Elle avait fait l’objet d’un avertissement en janvier 2013 pour divers manquements à la conduite de véhicules et été avertie qu’une affectation temporaire à d’autres tâches pouvait être envisagée si elle refusait de s’amender. À la suite de trois nouveaux incidents survenus après le prononcé dudit avertissement, elle avait été affectée à un poste d’ouvrier polyvalent pendant le mois de mai 2013. À défaut d’amélioration de sa part, une nouvelle suspension de conduite, voire une réaffectation serait envisagée à son égard. Le 22 août 2013, elle avait percuté un piéton et été suspendue de conduite. Après cet accident, elle s’était d’abord vu infliger un blâme puis un changement d’affectation. L’accident du 22 août 2013 constituait seulement l’un des aspects témoignant de son incapacité à fournir des prestations suffisantes. Aucune mesure moins incisive que le changement d’affectation ne pouvait être prise.

d. Dans l'ATA/114/2021 du 2 février 2021, qui concernait un collègue du recourant et des faits en partie connexes, la chambre de céans a considéré qu'un changement d'affectation était conforme au droit quand bien même l'intéressé avait déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires entrées en force. Le lien de confiance entre le recourant et son employeur avait été altéré et ne pouvait être considéré comme rétabli malgré les prestations satisfaisantes délivrées depuis les comportements incriminés, qui dataient eux aussi de 2017.

e. La jurisprudence souligne, en particulier dans le domaine des professions médicales, la distinction entre les mesures administratives et les sanctions disciplinaires. Ainsi, un médecin s’est vu imposer une sanction administrative consistant en une interdiction de pratiquer pendant une année, et une mesure administrative sous la forme de l’obligation de ne soigner ses patientes qu’en la présence d’un/e assistant/e pendant trois ans dès la reprise de son activité. Cette mesure administrative, qui ne ressortissait pas au catalogue des sanctions prévues par la loi, découlait de la disposition légale permettant, à certaines conditions, d’assortir l’autorisation de pratiquer de restrictions ou de charges (arrêt du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 4.4). Les sanctions disciplinaires sont soumises au principe de l'exhaustivité (ATF 142 II 259 consid. 4.4).

En fonction publique, une mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à l'intégrité de l'administration, qui doit appliquer les lois avec impartialité ; vers l'extérieur, elle tend à la préservation de la confiance du public à l'égard de l'activité étatique ; elle s'insère souvent dans un ordre croissant de sanctions en fonction de la gravité du manquement (ATF 142 II 259 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2).

f. Lorsque l'autorité choisit la sanction disciplinaire qu'elle considère appropriée, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, lequel est toutefois subordonné au respect du principe de la proportionnalité. Son choix ne dépend pas seulement des circonstances subjectives de la violation incriminée ou de la prévention générale, mais aussi de l'intérêt objectif à la restauration, à l’égard du public, du rapport de confiance qui a été compromis par la violation du devoir de fonction. Une mesure viole le principe de la proportionnalité si elle excède le but visé et qu'elle ne se trouve pas dans un rapport raisonnable avec celui-ci et les intérêts – en l'espèce publics – compromis (arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). Eu égard au principe de proportionnalité, le choix du type et de la gravité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Dans le domaine des mesures disciplinaires, la révocation est la sanction la plus lourde. Elle implique une violation grave ou continue des devoirs de service. Il peut s'agir soit d'une violation unique spécialement grave, soit d'un ensemble de transgressions dont la gravité résulte de leur répétition. L'importance du manquement doit être appréciée à la lumière des exigences particulières qui sont liées à la fonction occupée. Toute violation des devoirs de service ne saurait cependant être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt en effet l'aspect d'une peine et présente un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

g. D’après la norme communale, une enquête administrative est ouverte lorsqu’il s’avère qu’un fonctionnaire est passible d’une sanction relevant de la compétence du CA, comme la révocation. L’enquête sert à l’établissement des faits et doit permettre à l’autorité communale d’examiner si les circonstances mises à jour constituent ou non un comportement fautif susceptible d’être sanctionné par voie disciplinaire. Cependant, cette autorité reste libre, moyennant le respect du droit d’être entendu, de décider de renoncer à la voie disciplinaire et de recourir au prononcé d’un simple licenciement si elle estime que les faits constatés ne sont pas d’une gravité de nature à justifier un renvoi par le biais de la révocation, mais rendent néanmoins inacceptable une continuation des rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.2).

h. D’après le Tribunal fédéral, l’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. – RS 101). Celui-ci exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

i. L’art. 34 du statut règle le licenciement pour motif objectivement fondé. Après la période d’essai, un employé peut être licencié, par décision motivée du CA, pour motif objectivement fondé pour la fin d’un mois moyennant un délai de préavis fixé en fonction des années de service (art. 34 al. 1 du statut).

L’art. 34 al. 2 du statut dispose que le licenciement est contraire au droit s’il est abusif au sens de l’art. 336 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ou s’il ne repose pas sur un motif objectivement fondé. Est considéré comme objectivement fondé tout motif dûment constaté démontrant que les rapports de service ne peuvent pas se poursuivre en raison soit de : a) l’insuffisance des prestations ; b) un manquement grave ou répété aux devoirs de service ; c) l’inaptitude à remplir les exigences du poste ; d) la suppression du poste sans qu’il soit possible d’affecter la personne concernée à un autre emploi correspondant à ses capacités et aptitudes professionnelles ; e) l’échec définitif aux examens d’aptitude à l’exercice de sa profession ; f) l’atteinte à la personnalité d’un ou d’une membre du personnel.

j. La chambre de céans a considéré qu'en dépit de l’intitulé de l’art. 94 du statut et des travaux préparatoires y relatifs, la question de savoir si un changement d’affectation fondé sur cette disposition était susceptible de constituer une sanction disciplinaire, voire une sanction déguisée, pouvait se poser, notamment au regard de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 (consid. 5.3.6). En effet, contrairement à l’hypothèse prévue à l’art. 41 al. 4 du statut, il trouve sa cause dans la violation des devoirs de service, comme cela ressort du texte clair de l’art. 94 du statut et desdits travaux préparatoires. Elle a toutefois laissé la question indécise (ATA/492/2021 du 11 mai 2021 consid. 4b).

4) a. Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs ; tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction, étant précisé que, pour être sanctionnée, la violation du devoir professionnel ou de fonction en cause doit être imputable à une faute, intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 précité consid. 4.2.2 et les références citées). Un fonctionnaire a, pendant et en dehors de son travail, l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État, en particulier à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés, et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2). Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 précité consid. 3.2.2).

b. Selon l’art. 82 du statut, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la Ville de Genève et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. L’art. 83 du statut prévoit que les membres du personnel doivent par leur attitude : a) entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieurs et leurs subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes ; ( ) ; c) justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la Ville de Genève doit être l’objet. Dans l’exécution du travail, les membres du personnel doivent notamment : a) remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence ; ( ) ; f) se conformer aux règlements et directives les concernant ; g) se conformer aux instructions de leurs supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 84 du statut). Le secret de fonction s’impose aux membres du personnel « pour toutes les informations dont [ils] ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ( ) » (art. 86 al. 1 du statut). Parmi les directives à respecter figure la directive générale sur l'utilisation des systèmes d'information et de communication (ci-après : DSIC), en vigueur depuis le 1er décembre 2003.

c. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a considéré que des sanctions disciplinaires, à savoir un avertissement et un blâme prononcés respectivement huit ans et sept ans avant les faits ayant donné lieu à un licenciement immédiat apparaissaient trop éloignées dans le temps pour être opposées à l'agent public mis en cause (arrêt du Tribunal fédéral 8C_147/2022 du 23 novembre 2022 consid. 7.2.2).

d. La chambre de céans a déjà jugé plusieurs cas dans lesquels des sanctions disciplinaires ou des mesures administratives ont été prises dans le même contexte que la présente espèce, à savoir en raison d'une trop grande proximité d'agents publics avec M. D______.

Elle a confirmé la résiliation ordinaire des rapports de service d'un sergent de la police cantonale qui avait noué une relation d'amitié avec M. D______, avait été condamné pénalement pour violation du secret de fonction au bénéfice de ce dernier, avait participé à un événement festif avec des travailleuses du sexe sur invitation de M. D______, avait entretenu une relation intime avec une travailleuse du sexe œuvrant dans les locaux de ce dernier, avait échangé avec lui de nombreuses photos et vidéos à caractère pornographique, et lui avait envoyé des messages contenant des propos injurieux et même parfois racistes ou menaçants pour des tiers (ATA/1168/2022 du 22 novembre 2022).

Elle a aussi confirmé le blâme infligé à un autre ______ de la police municipale. Si l'on pouvait à la rigueur admettre qu'un policier de proximité puisse à l'occasion se faire offrir un café par un commerçant du quartier sans encourir pour autant de responsabilité disciplinaire, les liens entre l'intéressé et M. D______ avaient une tout autre dimension : fréquentes pauses à l'arcade du précité, communication à celui-ci de son numéro privé, invitation à un barbecue, tutoiement systématique, détails intimes livrés par messages, demande de prêt portant sur plusieurs milliers de francs, demandes de contenus à caractère sexuel et réception de M. D______ dans les bureaux du poste à C______ démontraient qu'il existait entre les deux hommes des liens allant bien au-delà d'une fréquentation ordinaire dans un cadre professionnel. Une telle proximité était susceptible de faire perdre au recourant son objectivité vis-à-vis d'un administré à qui il pouvait facilement avoir affaire dans le cadre de ses tâches de police, et avait incontestablement contribué à ternir l'image de la police municipale auprès du public. Ce faisant, l'intéressé avait contrevenu aux différentes dispositions des art. 82 à 84 du statut. Le fait qu'il n'existait pas de règlements ou de directives écrites ou orales sur le degré de proximité possible entre un ASM et un administré n'y changeait rien, dès lors qu'il s'agissait avant tout d'une question de bon sens et que la faute disciplinaire ne supposait pas que les comportements fautifs soient spécifiquement et précisément décrits dans une loi ou un règlement. La réception de clichés et de vidéos à contenu sexuel contrevenait également à la DSIC et, par contrecoup, à l'art. 84 let. f du statut. Quant au choix de la sanction, il s'agissait de la deuxième plus faible d'un catalogue volontairement restreint par le législateur communal, et certains des comportements reprochés au recourant auraient pu à eux seuls justifier un blâme, notamment la demande d'un prêt à hauteur de CHF 4'000.- à M. D______, qui n'était pas contestée (ATA/1082/2022 du 1er novembre 2022). On peut noter que si la ville avait annoncé vouloir également prononcer un changement d'affectation d'office, une telle décision n'avait apparemment pas encore été prise à la date du prononcé de l'arrêt.

La chambre de céans a enfin confirmé une sanction de sept services hors tour infligée à un ______ de gendarmerie. Ce dernier avait contrevenu à ses devoirs de service en entretenant une relation de proximité, inadéquate, avec M. D______, lequel était actif à C______, quartier où il était affecté, partageant des repas avec lui et cherchant à plusieurs reprises à le rencontrer, au « poste » ou à l’« arcade », dans des lieux publics et acceptant d’être photographié en sa compagnie à l’occasion de sorties privées, également avec d’autres policiers. Une telle relation de proximité, affichée, était propre à donner l’image de privilèges donnés à un administré au détriment d’autres personnes et participait à affaiblir la confiance du public envers l’intégrité de la police, ce d’autant plus au regard du traitement de l’affaire d'une personne ayant impliqué de manière indirecte M. D______. Par ailleurs, bien qu’il n’ait pas commenté les très nombreuses photographies et vidéos reçues de M. D______ sur son numéro professionnel, il n’avait pas non plus découragé de tels messages, contraires à la bienséance et à la décence, ni demandé à son interlocuteur de ne plus lui en envoyer. À cela s’ajoutait l’utilisation de « WhatsApp » pour la transmission de pièces d’une procédure pénale, méthode qu’il avait admis ne pas être adéquate (ATA/738/2021 du 13 juillet 2021).

5) En l’espèce, point n'est besoin de trancher abstraitement la nature du changement d'affectation d'office, dès lors que l'intimée a expressément averti le recourant, dans son courrier du 4 mai 2021, qu'il s'agissait dans son cas d'une sanction disciplinaire. Ce n'est qu'au stade de la réponse au recours devant la chambre de céans que l'intimée a mentionné des éléments susceptibles de relever de la mesure administrative, à savoir qu'un changement d'affectation du recourant à la ______ avait déjà été envisagé en raison de son management défaillant et que les événements litigieux avaient encore confirmé qu'il n'était pas apte à conduire une équipe d'agents. La décision attaquée sera donc traitée comme étant une sanction disciplinaire.

Il s'agit donc d'examiner si le recourant a manqué à ses devoirs de service et, le cas échéant, si la sanction est proportionnée à la faute commise. Ne saurait en revanche lui être opposé, conformément à la jurisprudence citée plus haut, un blâme et à plus forte raison de simples « recadrages » vieux de plus de vingt ans.

Quatre reproches sont formulés par l'intimée dans la décision attaquée :
a) avoir entretenu des liens étroits avec M. D______ et échangé des messages et des photos, envoyant notamment au précité la photo d'un homme nu en plaisantant à son sujet, et se laissant envoyer de nombreuses photographies et vidéos pornographiques ; b) s'être fait offrir à plusieurs reprises des cafés voire des repas par M. D______, durant les heures de service ; c) avoir laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale, soit notamment M. D______ et l'amie de celui-ci au moins à deux reprises ; et d) avoir laissé ses subordonnés également entretenir des relations étroites avec M. D______, alors qu'il devait au contraire les former et les encadrer.

S'agissant du premier reproche, le dossier ne laisse pas transparaître une très grande proximité avec M. D______. Si le recourant tutoyait ce dernier et savait qu'il disposait de son numéro privé, ni le nombre ni le ton des messages ne dénotent une familiarité particulière. Comme le recourant le relève du reste, il n'a que rarement répondu aux messages de M. D______. Quant au caractère pornographique des clichés et vidéos que ce dernier aurait envoyés au recourant, les minuscules vignettes figurant au dossier ne permettent pas de le confirmer. Seule la photographie d'un homme nu à la virilité proéminente, envoyée par le recourant à M. D______ et objet d'une plaisanterie, revêt de manière plus évidente un tel caractère. Dès lors, si ces échanges dénotent certes une proximité pouvant être qualifiée de fautive, celle-ci n'est pas particulièrement caractérisée.

Comme la chambre de céans l'a relevé dans l'ATA/1082/2022 précité, il n'est pas évident que de se faire offrir à l'occasion un café par un commerçant du quartier puisse engager la responsabilité disciplinaire d'un policier de proximité. Cela est d'autant moins le cas en l'espèce que le recourant affirme, sans être sérieusement contredit, qu'il avait toujours laissé de l'argent en contrepartie. Quant à des repas pris avec M. D______, le dossier n'en contient pas trace à l'exception des deux pris au poste et faisant l'objet du troisième grief.

S'agissant de ce dernier, le fait d'avoir partagé avec des collègues et M. D______, par deux fois, un repas au poste de la police municipale est, n'en déplaise au recourant, fautif, M. D______ étant un administré actif dans le quartier et spécialement susceptible d'avoir affaire à la police municipale, une telle familiarité pouvant engendrer, si elle venait à être connue, une impression de favoritisme. En revanche, l'intimée ne démontre nullement que le recourant était ______, ou que c'est à son initiative que M. D______ et son amie ont été invités, si bien que l'on ne saurait lui reprocher, comme le fait l'intimée, d'avoir « laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale », mais uniquement d'avoir toléré leur présence.

Enfin, on ne voit pas sur quels éléments factuels figurant au dossier l'intimée se base pour reprocher au recourant d'avoir laissé ses subordonnés également entretenir des relations étroites avec M. D______, rien n'indiquant qu'il ait su que ses subordonnés entretenaient de telles relations. L'intimée ne donne au demeurant aucun détail au sujet des agents concernés ni des relations de proximité qu'ils auraient entretenues avec M. D______.

Il résulte de ce qui précède que si le recourant a certes manqué à ses devoirs de service, sa faute ne peut pas, contrairement à ce qu'allègue l'intimée, être qualifiée de grave. Elle ne saurait être comparée au cas ayant donné lieu à la confirmation d'un licenciement ordinaire de droit cantonal, ni même à celui de son pair au sein de la police municipale ayant fait l'objet d'un blâme (et dont le changement d'affectation annoncé, si tant est qu'il ait été finalement prononcé, n'a pour l'instant pas fait l'objet d'un recours), mais plutôt à celui du policier cantonal s'étant vu infliger quelques services hors tour. Cette dernière sanction n'existant pas dans le catalogue prévu par le statut, seul le prononcé d'une sanction au sens de l'art. 93 al. 1 du statut (avertissement, blâme ou suppression d'annuité) apparaissait envisageable au vu de la gravité relative des manquements effectivement constatés. Le changement d'affectation d'office attaqué apparaît ainsi disproportionné en tant que sanction disciplinaire, l'intimée ayant abusé de son pouvoir d'appréciation en le prononçant, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de trancher la question de savoir si l'une des sanctions précitées devait être prononcée en l'espèce et à plus forte raison de renvoyer expressément le dossier à l'intimée pour ce faire.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision attaquée annulée.

6) Vu l’issue du litige, aucun émolument sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), à la charge de l'intimée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 23 février 2022 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la Ville de Genève du 23 février 2022 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :