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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/207/2022

ATA/1285/2022 du 20.12.2022 sur JTAPI/688/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/207/2022-PE ATA/1285/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Kevin Saddier, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2022 (JTAPI/688/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 14 mars 2018, il a déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) pour cas individuel d'une extrême gravité dans le cadre de l'opération « Papyrus », déclarant être arrivé en Suisse en 2008, être célibataire et sans enfant.

Il a notamment joint à sa demande une attestation de l'office des poursuites, une attestation de l'Hospice général (ci-après : l’hospice), un certificat de connaissance de la langue française niveau A2, un extrait de compte individuel AVS du 8 décembre 2020 faisant état du versement de cotisations entre 2014 et 2019, des fiches de salaire de la société B______ Sàrl couvrant les années 2009 à 2011, de la société C______ SA relatives aux années 2012 à 2013, ainsi qu'un extrait de son casier judiciaire vierge.

3) Les 23 mars, 9 juillet et 10 décembre 2018, 19 mars, 4 juillet et 13 décembre 2019, il a sollicité la délivrance de visas de retour d'une durée de quinze jours à un mois chacun afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales, respectivement pour récupérer des documents.

4) Le Ministère public (ci-après : MP) a ouvert les instructions pénales suivantes à l’encontre de M. A______, dont l’instruction est en cours :

- P/1______/2020, le 26 novembre 2020, pour entrée, sortie et séjour illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation et emploi d'étrangers sans autorisation dans le canton de Vaud, à la suite d’une dénonciation du service de l'emploi du canton de Vaud ;

- P/2______/2020, le 30 novembre 2020, pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l'égard des autorités, à la suite d’une dénonciation de l'OCPM dans le cadre de l'examen des documents fournis à l'appui de sa demande « Papyrus » ;

- P/3______/2021, le 6 janvier 2021, pour escroquerie et délit contre l'ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance 2 covid-19 - RS 818.202.24) ;

- P/4______/2021, le 1er février 2021, pour infractions à la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI - 142.20), en particulier pour avoir pénétré sur le territoire suisse, à Genève, y avoir séjourné et travaillé sans les autorisations nécessaires et pour l'emploi d'étrangers sans autorisation.

5) Le 26 février 2021, M. A______ a fait l'objet d'un avis de recherche et d'arrestation. Il a été interpellé par les services de police le 3 mars 2021 et placé en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon du 5 mars 2021 au 3 mai 2021.

6) Entendu par les services de police, il a indiqué :

- le 3 mars 2021, avoir par erreur mentionné sur sa demande « Papyrus » un début de séjour en Suisse en 2008, alors qu'il était en réalité arrivé en 2009 ;

- le 21 avril 2021, être arrivé sur le territoire Suisse en 2014 et y avoir exercé une activité professionnelle sans autorisation, ne pas avoir souscrit à une assurance maladie obligatoire, avoir transmis de faux documents aux autorités, notamment des fiches de salaire pour les années 2009 à 2013, dans le but de prouver des années de séjour en Suisse dans le cadre de sa requête d'autorisation de séjour, avoir travaillé dans le canton de Vaud sans les autorisations nécessaires, avoir reçu, détenu et transmis des vidéos mettant en scène des combats de chiens, et, en sa qualité d'administrateur de la société D______ SA (ci-après : D______), avoir employé des ressortissants étrangers sans disposer des autorisations nécessaires et sans s'être acquitté du paiement de la totalité des charges sociales ;

- le 24 juin 2021, être arrivé en Suisse pour la première fois en 2014, ne pas bénéficier d'une autorisation de séjour et vivre à Genève avec sa fille de sept mois et sa compagne, Madame E______, ses parents ainsi que ses frères et sœurs résidant au Kosovo ;

- le 29 juillet 2021, ne pas se souvenir d'avoir distribué, via son compte Facebook, une vidéo mettant en scène un acte sexuel avec enfants, faits potentiellement constitutifs de l'infraction de pornographie.

7) Le 28 juin 2021, l'OCPM l'a informé de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir par écrit ses observations. L’intéressé ne s’est pas manifesté dans le délai imparti.

8) Par décision du 1er décembre 2021, l'OCPM a refusé de lui octroyer l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé son renvoi de Suisse.

À teneur de ses auditions par les services de police des 3 mars et 27 avril 2021, il avait reconnu l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés (séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, avoir facilité l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger, emploi du personnel sans autorisation, comportement frauduleux envers les autorités, représentation de la violence, faux dans les titres et infractions aux assurances sociales).

Sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération « Papyrus », notamment un séjour continu de dix ans à Genève pour une personne seule et sans enfants scolarisés, ayant déclaré être arrivé en Suisse en 2014 et ne comptabilisant ainsi que sept années de séjour.

Il ne remplissait également pas les critères de reconnaissance d'un cas de rigueur. Les infractions pénales dont il faisait l'objet relevaient d'un non-respect manifeste de l'ordre juridique suisse, ce qui ne pouvait en aucun cas être toléré. Son intégration ne correspondait pas au comportement pouvant être raisonnablement attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait également pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni d’élément permettant de déroger à cette exigence, ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Arrivé en 2014, à l'âge de 29 ans, il avait vécu toute son enfance et son adolescence au Kosovo, ses parents et ses frères et sœurs s'y trouvant toujours.

9) Par acte du 18 janvier 2022, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans les procédures pénales P/4______/2021 et P/3______/2021, principalement, à l'annulation de la décision litigieuse, puis, cela fait, à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM d'entrer en matière sur la demande d'autorisation de séjour et de soumettre le dossier avec préavis favorable au secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM), subsidiairement, au renvoi du dossier à l'autorité pour nouvelle décision.

L'issue des procédures pénales pendantes n'était pas sans incidence sur la présente procédure administrative, celles-ci étant évoquées par l'autorité intimée comme principales causes du refus d'octroi de l'autorisation de séjour sollicitée. Diverses audiences d'instruction devaient encore se tenir, de sorte qu'il était nécessaire qu'il demeure à Genève pour ne pas réduire à néant le travail des autorités pénales.

L'OCPM avait retenu à tort et au mépris de la présomption d’innocence qu'il avait été condamné le 6 janvier 2021 pour escroquerie et délit contre l'ordonnance 2 Covid-19 ainsi que le 1er février 2021 pour infraction à la LEI pour emploi d'étrangers sans autorisation, son casier judiciaire ne faisant état d'aucune condamnation pénale et l’instruction étant en cours. En outre, il était père d'une petite fille née le 22 novembre 2020, qu'il avait reconnue et avec laquelle il vivait.

Ce faisant, l'OCPM avait constaté les faits de manière inexacte et incomplète.

Il avait exercé une activité lucrative toute sa vie, était financièrement indépendant, n'émargeait pas à l'assistance sociale et subvenait seul aux besoins de sa famille. Il avait appris la formation de ferrailleur « sur le tas » dès son arrivée en Suisse. Il avait ensuite réussi à créer sa propre entreprise de ferraillage à Genève (D______). Il avait ainsi démontré une volonté d'être actif professionnellement et de participer à la vie économique. Son intégration était donc réussie.

10) Par écriture du 28 janvier 2022, l'OCPM a répondu concluant au rejet du recours.

Il s'opposait à la suspension de la procédure. L'issue définitive des procédures pénales engagées ne constituait pas un motif de suspension de la cause, le recourant ayant reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Au demeurant, une procédure pénale pouvait être poursuivie nonobstant le retour de l'une des parties dans son pays, dès lors qu'elle pouvait se faire représenter par un avocat.

L’intéressé ne satisfaisait en tout état pas aux conditions nécessaires à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité, la durée de son séjour et son intégration en Suisse ne revêtant pas une importance suffisante. Il n'avait pas non plus démontré qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles était confrontée la plupart de ses compatriotes restés au pays. Les faits reprochés au plan pénal, qu'il avait reconnus, dénotaient en particulier une intégration extrêmement mauvaise ainsi qu'un mépris de l'ordre juridique et public suisse. Il était par ailleurs possible de prendre en compte des procédures pénales en cours, sans violer le principe de présomption d'innocence, si, indépendamment de leur issue, cela traduisait une atteinte à des intérêts publics du pays. Enfin, le fait de produire des faux documents dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour justifiait en principe le refus d'octroi de celle-ci, même si l'étranger n'avait pas encore été formellement condamné au plan pénal, un tel comportement démontrant que l'intéressé n'avait aucun scrupule à violer la loi afin d'obtenir un avantage personnel.

11) Le 25 février 2022, l’intéressé a répliqué, persistant dans ses conclusions et reprenant en substance l’argumentation développée dans le cadre de son recours.

12) Par jugement du 17 juin 2022 dans une autre cause, le TAPI a confirmé la décision de l'OCPM du 31 mai 2021 portant sur le refus d'accorder à Madame E______, ressortissante albanaise, compagne et mère de l'enfant du recourant, une autorisation de séjour pour cas de rigueur et a confirmé son renvoi de Suisse. Le jugement n’a pas fait l’objet d’un recours.

13) Par jugement du 30 juin 2022, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

La suspension de la procédure dans l’attente de l’issue des procédures pénales ne se justifiait pas. M. A______ ne remplissait ni les conditions de l’opération Papyrus ni celles d’un cas d’extrême gravité et ne pouvait se prévaloir du droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Rien ne permettait de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible, en particulier qu’il compromettrait son droit de se défendre dans les procédures pénales ouvertes à son encontre.

14) Par acte expédié le 1er septembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans les procédures pénales dont il faisait l’objet et, principalement, à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à l’OCPM en vue de l’octroi de l’autorisation de séjour.

Le volet pénal, qui devait être encore largement instruit et qui concernait des faits qu’il n’avait pas reconnus dans leur totalité, était central pour la suite de l’examen de sa situation administrative, dès lors que le seul autre élément soulevé par l’OCPM était l’absence d’un séjour de longue durée en Suisse. Il avait en outre le droit et l’obligation d’assister aux audiences et au jugement pénaux, afin de se défendre en personne et de disposer d’une défense efficace. Il n’avait pas les moyens financiers pour faire les voyages vers la Suisse pour y assister, quand bien même les autorisations d’entrées lui seraient accordées.

Le TAPI avait procédé à une constatation inexacte et incomplète des faits. Il pensait de bonne foi pouvoir travailler en Suisse, n’ayant rencontré aucun obstacle pour créer son entreprise, s’était toujours acquitté des charges sociales et ignorait employer des étrangers sans autorisation, puisqu’ils étaient titulaires d’une carte AVS. Les procédures pénales étaient loin d’être terminées et les mesures de substitution le concernant n’avaient été levées que lorsque le MP n’avait plus craint qu’il se soustraie à ses obligations. Par ailleurs, il avait réglé ses cotisations sociales et ses impôts et n’avait jamais vécu aux crochets de la société, mais au contraire s’était investi dans la vie économique suisse.

Le TAPI avait également abusé de son pouvoir d’appréciation. Son casier judiciaire était vierge et les procédures pénales en cours ne pouvaient être prises en considération. Il était contradictoire de considérer que l’issue des procédures pénales soit sans incidence sur la procédure administrative et d’en tenir compte pour conclure à un « manque d’intégration » évident. La durée de son séjour – huit ans – était assez longue et devait atténuer les exigences liées à la reconnaissance d’un cas de rigueur. Il n’avait aucune dette, avait fondé une famille à Genève, réussi le niveau A2 de français, avait d’abord travaillé comme ferrailleur pour ensuite fonder sa propre entreprise, dont il payait les charges sociales. Son ascension professionnelle était incontestablement significative et il avait pris part à la vie économique et démontré sa volonté d’insertion.

15) L’OCPM a conclu au rejet du recours et s’est opposé à la suspension de la procédure.

16) Le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant conclut préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans les procédures pénales en cours à son encontre.

a. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

b. En l’espèce et ainsi que l’a justement relevé le TAPI, il n’est pas nécessaire pour la solution du présent litige d’attendre que le juge pénal ait déterminé la culpabilité du recourant, étant observé que les procédures pénales ne semblent pas approcher de leur terme, ce d’autant qu’elles concernent pour certaines plusieurs prévenus, et qu’il n’apparaît pas que le MP ait considéré que la présence du recourant en Suisse serait requise par l’instruction, puisque les mesures de substitution n’ont pas été prolongées et que le procureur en charge a indiqué, le 29 septembre 2021, en réponse à l’OCPM, que le recourant devait se présenter aux audiences mais que sa présence continue en Suisse n’était pas nécessaire. Pour le surplus, le recours doit être rejeté pour d’autres motifs que ceux en lien avec lesdites procédures pénales, à tout le moins en lien avec des faits qui lui sont reprochés au pénal mais qu’il dit contester.

Il n’y a donc pas lieu de suspendre la présente procédure dans l’attente du résultat des procédures pénales.

3. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

5. a. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

b. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

c. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

d. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

e. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

f. En l'espèce, le recourant est arrivé en Suisse en 2014. Lors du dépôt de sa demande de régularisation, il totalisait un séjour de 4 ans. Au moment où l'OCPM a statué sur sa demande de séjour, il résidait en Suisse depuis sept ans. Il ne remplissait ainsi pas la durée de séjour continu de 10 ans requise pour bénéficier de l’« opération Papyrus », ce qu’il ne remet pas en cause.

Le recourant, en produisant des faux documents – faits qu’il ne conteste pas –, a cherché à induire en erreur les autorités en vue d’obtenir un titre de séjour. Ce comportement dénote un certain mépris pour les institutions du pays et ne permet pas de démontrer qu’un des critères liés à une intégration sociale réussie, à savoir celui de respecter l’ordre public, est réalisé.

Par ailleurs, il est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale, parle français au niveau A2 et n’a pas de dettes. De tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie.

Ainsi, il n’établit pas ni ne soutient qu’il aurait tissé des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts à Genève, qu’il ne pourrait continuer à poursuivre depuis le Kosovo par le biais de moyens de télécommunication moderne. En outre, sa compagne et son enfant n’ont aucun droit de séjour en Suisse et leur renvoi a été prononcé par le TAPI, dans un jugement définitif et exécutoire. De même, il ne rend pas vraisemblable qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève.

Même s’il a créé et développé une entreprise, il ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques à ce pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine.

Né au Kosovo et y ayant passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, le recourant en connaît les us et coutumes, la mentalité et en parle la langue. Il y est régulièrement retourné et est resté en contact avec des proches qui y vivent. Malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut donc lui être devenu étranger. En outre, en cas de retour, il pourra compter sur sa famille pour sa réintégration. Jeune et en bonne santé, il ne devrait pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, pouvant faire valoir ses compétences acquises dans le domaine du ferraillage ainsi que ses connaissances de la langue française. Sa situation ne permet en tout cas pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

6. a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi.

Aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Kevin Saddier, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.