Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2487/2022

ATA/1251/2022 du 13.12.2022 ( NAT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2487/2022-NAT ATA/1251/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Thierry ULMANN, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Mme A______, née le _______ 1979, ressortissante d’U______, mariée à M. B______, est la mère de six enfants : C______, né le ______ 1994 ; D______, né le ______ 1995 ; E______, né le ______ 2000 ; F______, née le ______ 2007 ; G______, née le ______ 2011 et H______, né le ______ 2019.

2) Elle a formé le 10 janvier 2012, une demande de naturalisation suisse et genevoise pour la commune de I______ pour elle-même et ses enfants E______, F______ et G______.

Son époux ne pouvait pas demander sa naturalisation en raison de son emploi de médecin auprès de l’organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS). Son fils D______ a été naturalisé le 8 mai 2013. Son fils H______ n’était pas né lors de la demande du 10 janvier 2012.

3) Le 20 juin 2014, un rapport d’enquête établi par le secteur naturalisations de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a relevé que Mme A______ vivait sur le territoire du canton depuis le 4 mars 1999, était domiciliée à I______ dans un logement de quatre pièces, s’occupait du foyer depuis 2011 tandis que le salaire de son époux pourvoyait à l’entretien de la famille. Elle était honorablement connue et intégrée et rien ne s’opposait à la naturalisation.

4) Le 11 septembre 2014, l’autorisation fédérale de naturalisation a été délivrée par l’office fédéral des migrations, devenu le secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM).

5) Le 2 décembre 2014, la commune de I______ (ci-après : la commune) a délivré un préavis favorable.

6) Par arrêté du 22 mars 2015, le Conseil d’État a accordé la nationalité suisse à Mme A______ et à ses enfants E______, F______ et G______.

7) Le 28 juillet 2015, Mme A______ a prêté serment.

8) Le 22 décembre 2017, M. B______ a formé une demande de naturalisation.

Celle-ci indiquait qu’il habitait avec son épouse et leurs enfants au ______, avenue J______ à I______.

9) Il ressort du registre de la population « Calvin » que Mme A______ a annoncé son départ de Genève pour K______ en L______ avec effet au 1er avril 2018.

10) Selon un rapport d’enquête de l’OCPM du 13 mars 2019, une consultation du registre « Calvin » avait révélé que dix personnes seraient domiciliées dans l’appartement de l’avenue J______ à I______, lequel comptait quatre pièces. Des contrôles sur place avaient révélé que le nom de B______ ne figurait ni sur la boîte aux lettres ni sur la porte palière. Selon la régie, M. B______ était enregistré à l’adresse sous le nom de A______. La mention « Dr. M______ » figurait sur la boîte aux lettres et sur la sonnette de la porte palière. Lors d’un passage d’un enquêteur, une femme ne comprenant visiblement pas le français s’était mise à crier et à gesticuler et avait éconduit celui-ci.

11) Le 22 mars 2019, M. B______ a été entendu par l’OCPM.

Questionné sur le lieu où il avait passé la dernière nuit, il a d’abord répondu qu’il avait dormi à I______ avec sa femme et leurs quatre derniers enfants, puis il a avoué qu’il avait en réalité dormi en L______, dans leur maison, avec sa femme et leurs enfants. Il avait acheté la maison en 2009. Ils y vivaient effectivement depuis mars 2013, soit au moment où ils avaient été naturalisés. C’étaient leurs amis N______, O______ et P______ qui vivaient dans l’appartement de I______. Il renonçait à sa demande de naturalisation.

12) Le 25 mars 2019, l’OCPM a préavisé défavorablement la naturalisation, proposant de classer la demande. M. B______ n’avait notamment pas annoncé son bien immobilier en L______ et y vivait depuis mars 2013 avec toute sa famille, qui avait néanmoins été naturalisée en juillet 2015. Le sens civique, la participation à la vie locale et l’intérêt manifesté pour le pays d’accueil étaient très insuffisants.

13) Le 7 juillet 2020, l’OCPM a interpellé Mme A______ à son adresse L______.

Son époux avait indiqué que lorsqu’elle-même et leurs enfants avaient obtenu la nationalité suisse, ils résidaient dans la maison en L______. Il s’ensuivait qu’elle avait dissimulé des faits essentiels leur permettant d’acquérir la nationalité suisse alors que les conditions posées par la loi n’étaient manifestement pas remplies.

Il envisageait de proposer au Conseil d’État de prononcer un arrêté d’annulation de sa naturalisation et de celle des enfants concernés.

Un délai lui était imparti pour se déterminer.

14) Le 30 septembre 2020, Mme A______ et ses trois enfants se sont opposés à l’annulation de leur naturalisation.

Ils ne contestaient pas l’existence d’une résidence secondaire en L______. Ils n’y avaient toutefois pas été domiciliés avant l’annonce de leur départ à l’OCPM. Durant toute la procédure de naturalisation, soit entre décembre 2011 et mars 2015, ils avaient toujours été domiciliés à Genève et ce de manière effective.

Ils produisaient deux attestations de voisins et d’amis qui les avaient côtoyés. Mme Q______, domiciliée avenue J______ ______, confirmait avoir été la voisine des époux ainsi que de leurs trois enfants au ______, avenue J______ de décembre 2011 à avril 2015 et les avoir côtoyés régulièrement en cette qualité. M. R______, domicilié ______, parc S______ au T______, confirmait avoir été régulièrement invité chez les époux de décembre 2011 à avril 2015 et les avoir côtoyés ainsi que leurs trois enfants.

Mme A______ avait suivi à Genève une formation auprès du centre de formation professionnelle à l’école de gestionnaire en intendance d’août 2013 à juillet 2016 et avait obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC). Le suivi de cette formation nécessitait sa présence à Genève. Les trois enfants étaient scolarisés à Genève de décembre 2011 à mars 2015. G______ et F______ étaient membres du football club I______ et se rendaient régulièrement à des entraînements organisés dans le canton.

Si M. B______ avait indiqué à l’OCPM être domicilié depuis mars 2013 avec toute sa famille en L______, c’était par suite d’une incompréhension des questions posées par l’examinateur et d’une interprétation erronée de ses réponses. Contrairement à ce qui était indiqué dans le dossier, M. B______ comprenait mal le français et rencontrait des problèmes pour s’exprimer dans cette langue. Ainsi, la famille formée par N______, O______ et P______ ne résidait pas dans l’appartement mais avait besoin d’une adresse en Suisse et elle était arrivée en Suisse en septembre 2015 seulement. La faiblesse des salaires versés par le gouvernement U______ pour les postes hiérarchiquement peu élevés obligeait beaucoup de compatriotes à s’expatrier ou à partager des locaux.

Il ne pouvait être reproché à Mme A______ de n’avoir pas déclaré un bien immobilier en L______ dans la mesure où c’était son époux qui en était propriétaire et qu’il avait été acquis postérieurement au dépôt de sa demande de naturalisation.

Ils avaient perdu la nationalité U______ en acquérant la nationalité suisse et l’annulation de cette dernière aurait pour effet de les rendre apatrides.

15) Il ressort du registre « Calvin » que Mme A______ a annoncé son retour à Genève de K______ en L______ avec effet au 1er octobre 2020.

16) Le 27 octobre 2020, Mme A______ et ses enfants ont produit deux nouvelles attestations d’amis les ayant côtoyés de décembre 2011 à avril 2015 ainsi que le décret sur la nationalité U______ prévoyant que l’acquisition d’une nationalité étrangère entraînait la perte de la nationalité U______. Ils avaient ainsi renoncé à la nationalité U______ et l’avaient perdue.

17) Le 17 février 20______, l’OCPM a enjoint à Mme A______ de lui faire parvenir la preuve qu’elle et ses enfants avaient renoncé à la nationalité U______ en 2015.

18) Le 7 mars 20______, Mme A______ a indiqué qu’elle et ses enfants étaient réputés avoir renoncé à leur nationalité U______ par l’effet de la loi U______ à la date de l’octroi de la nationalité suisse, le 28 juillet 2015.

Elle était au bénéfice d’une « Foreign Nationals of U______ Origin ID » délivrée le 9 juillet 2019 par les autorités U______. Elle était désignée par ce document comme étant de nationalité suisse et possédait le statut de ressortissant étranger qui bénéficiait de la nationalité U______ avant d’acquérir une autre nationalité.

Les enfants ne disposaient pas d’une telle carte, car aucune demande n’avait été faite aux autorités U______. Aucun parent sensé ne demanderait pour ses enfants une entrée facilitée dans un pays meurtri par la guerre, au surplus lorsqu’ils faisaient partie de l’ethnie persécutée. Une commission internationale d’enquête avait été chargée d’investiguer les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui y avaient été perpétrés.

L’OCPM était invité à revoir sa position.

19) Le 10 février 20______, l’OCPM a sollicité le SEM à propos de la réglementation applicable aux ressortissants U______ ayant acquis une autre nationalité.

20) Le 13 avril 20______, l’Ambassade suisse en U______ a apporté des informations à l’OCPM.

La loi U______ ne permettait pas d’avoir une double nationalité. Le ressortissant qui avait acquis une autre nationalité avait le droit de renoncer à sa nationalité U______. Si les conditions étaient remplies, l’autorité lui délivrait un certificat de libération (renonciation).

Un mineur pouvait renoncer à sa nationalité U______ par décision conjointe de ses deux parents U______ ou de celui de ses parents ayant la nationalité U______. S’il avait acquis sa nationalité étrangère d’un parent étranger et ou par naissance à l’étranger, il était réputé avoir renoncé à sa nationalité U______ à moins qu’il ait déclaré renoncer à son autre nationalité dans un délai d’un an après avoir atteint sa majorité.

Une personne qui était ressortissante U______ et avait acquis une nationalité étrangère pouvait être réadmise à sa nationalité U______ si elle retournait à son domicile en U______, renonçait à sa nationalité étrangère et formait une demande de réadmission.

Il était donc possible de réacquérir la nationalité U______ pour chacun d’eux.

21) Selon un « consulting » du 4 mai 2022 destiné à la publication, le SEM a estimé qu’il n’existait possiblement aucune pratique pour le cas qui lui avait été soumis et que les autorités U______ décideraient des détails ad hoc de la procédure au moment où un cas réel leur serait soumis.

22) Le 13 mai 20______, le SEM a indiqué à l’OCPM que les deux enfants encore mineurs avaient vraisemblablement perdu la nationalité U______ et que leur réintégration n’était pas raisonnablement exigible dans la mesure où elle les contraindrait à retourner en U______. Il n’était par ailleurs pas certain que la conservation par leur père de sa nationalité U______ leur permettrait de réintégrer la leur. La réponse verbale des autorités compétentes U______ n’avait pas permis de clarifier ces questions. L’inclusion des deux enfants mineurs dans la procédure d’annulation serait selon toute vraisemblance contraire à l’exception prévue par la loi.

23) Par arrêté du 29 juin 20______, le Conseil d’État a annulé l’arrêté du 11 mars 2015 en tant qu’il concernait Mme A______ et lui a refusé la naturalisation genevoise. L’arrêté du 11 mars 2015 était confirmé en tant qu’il concernait les enfants E______, F______ et G______.

Il ressortait des déclarations de son conjoint que Mme A______ et ses trois enfants résidaient en L______ depuis au moins mars 2013. Ce constat était corroboré par le fait que M. B______ était propriétaire de la maison en L______ depuis 2009 alors que l’appartement de quatre pièces de I______ était officiellement occupé par huit personnes, soit les époux, leurs enfants, leur personnel de maison et un sous-locataire. La scolarisation en Suisse d’enfants résidant en L______, de même que la formation suivie par leur mère en Suisse, ne démontraient pas leur résidence effective sur le territoire genevois en raison de la proximité du domicile L______ à K______. Il était en outre commun que lors d’un déménagement en L______ les enfants restent scolarisés en Suisse. Mme A______ avait violé son obligation de collaborer. Elle ne pouvait ignorer que la dissimulation de son déménagement et de sa résidence effective en L______ depuis 2013 constituait une dissimulation de faits essentiels. Le fait qu’elle risque l’apatridie ne faisait pas obstacle à l’annulation de sa naturalisation.

Les informations reçues du SEM et de l’Ambassade suisse à V______ ne permettaient pas d’exclure que les enfants F______ et G______ deviennent apatrides en cas d’annulation de leur naturalisation.

24) Par acte remis à la poste le 3 août 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation et à ce qu’il soit confirmé qu’elle a la nationalité suisse et genevoise et à ce que la nationalité suisse soit octroyée à l’enfant mineur H______.

Ce dernier, né le ______ 2019, n’avait pas la nationalité suisse, alors qu’il devrait l’avoir suisse puisqu’elle était suisse et genevoise. Il n’avait pas été intégré dans la demande de naturalisation car il n’était alors pas encore né.

La famille O______ avait été domiciliée ______, avenue J______ uniquement à partir de septembre 2015, soit après la fin du processus de naturalisation et n’y avait jamais vécu.

Elle produisait l’avis de droit d’un avocat U______, selon lequel elle devrait retourner en U______ pour y réacquérir la citoyenneté en cas d’annulation de sa naturalisation. Originaire du W______, elle courrait un risque important pour sa sécurité personnelle dès lors que le gouvernement U______ avait déclaré la guerre au gouvernement de cette région. Elle serait considérée comme une agente du W______ et emprisonnée arbitrairement. Son statut d’expatriée en Occident présumée aisée lui vaudrait en outre le risque d’être enlevée pour obtenir une rançon. Enfin, elle ne pourrait regagner sa ville d’origine au W______.

L’arrêté avait constaté les faits de manière inexacte. Elle avait toujours été domiciliée à l’avenue J______ jusqu’à l’annonce de son départ de Suisse pour la L______ le 12 mars 2018, lorsqu’elle était allée vivre avec les enfants dans la maison achetée par son mari. Les déclarations de son mari ne devaient pas être prises en considération.

Son droit d’être entendue avait été violé. Elle n’avait pas été informée par le Conseil d’État des démarches d’administration de la preuve auprès de l’ambassade de Suisse à V______ ni sur le rapport établi le 4 mai 2022 par le SEM et n’avait pas été en mesure de se prononcer sur leur résultat. Or son appartenance à l’ethnie W______ était déterminante pour savoir si on pouvait attendre d’elle qu’elle retourne en U______.

La loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0) ainsi que la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat - A 4 05) avaient été violées. Elle remplissait toutes les conditions de la naturalisation. Elle avait vécu avec son mari et leurs enfants dans l’appartement de I______ jusqu’à leur départ pour la L______ le 12 mars 2018. Elle n’avait pas obtenu sa naturalisation par des déclarations mensongères.

La nationalité suisse devait être accordée à son quatrième enfant,
H______, né le ______ 2019.

25) Le 1er septembre 20______, le DSPS a conclu au rejet du recours.

Mme Q______, connue sous le nom de X______, ne pouvait être une voisine entre décembre 2011 et avril 2015 car selon le registre « Calvin » elle n’habitait pas I______ à cette époque et n’avait résidé au ______, rue J______ que du 22 juin 2017 au 24 avril 2018 puis du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021.

M. B______ avait présenté à l’appui de sa demande de naturalisation une attestation de niveau A2 pour le français oral et son audition par un enquêteur de l’OCPM le 22 mars 2019 n’avait pas révélé un niveau de français insuffisant pour obtenir la nationalité. M. B______ avait passé avec succès le test de validation des connaissances d’histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises, avec quarante-trois réponses correctes sur quarante-cinq questions et un taux de réussite de 40/45. Il avait caché dans sa propre procédure être propriétaire d’un bien immobilier en L______. Les trajets depuis K______ étaient courts, tant pour l’école publique Y______, le cycle d’orientation de Z______ que pour l’école internationale. Il était même plus court pour l’école internationale. Il était à peine plus long en voiture, et plus long en bus, pour le centre de formation professionnelle.

L’autorité s’était basée sur un faisceau d’indices. Elle pouvait s’appuyer sur une présomption ou des conclusions empiriques hautement vraisemblables s’agissant de faits intimes et privés difficiles à démontrer. On ne pouvait accorder une importance prépondérante au témoignage de tiers.

Le risque que Mme A______ devienne apatride n’avait pas été négligé. Le législateur n’avait toutefois pas voulu prévoir d’exception pour la personne majeure que l’annulation de sa naturalisation rendrait apatride. Mme A______ devait supporter les conséquences de ses actes.

Mme A______ avait eu l’occasion de s’exprimer sur les éléments essentiels de la décision. La consultation du SEM et de l’ambassade avait uniquement permis de ne pas inclure ses trois enfants dans l’arrêté querellé. Le conseil de la recourante avait demandé le 18 août 2020, une copie complète du dossier de l’OCPM puis n’avait plus demandé d’accès au dossier.

La recourante avait violé son obligation de collaborer en cachant qu’elle ne remplissait plus l’une des conditions essentielles à sa naturalisation, soit sa résidence effective en Suisse durant toute la procédure.

26) Le 20 octobre 20______, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

L’incompréhension résidait uniquement dans la date depuis laquelle la famille vivait en L______. Il s’agissait de mars 2018 et non de mars 2013 comme indiqué par erreur dans le procès-verbal de l’audition de M. B______. Un tel malentendu pouvait également être le fait d’une personne de langue française, de sorte que les compétences en français de M. B______ étaient sans pertinence.

Plusieurs personnes, soit M. O______ mais également MM. et Mmes AA______, P______ et N______ avaient été enregistrés à l’adresse ______, avenue J______. Le Conseil d’État n’avait pas tenu compte de ses explications.

S’agissant de Mme Q______, les communes de AB______ et I______ étaient limitrophes et cinq autres proches avaient établi des attestations.

La décision d’annulation était particulièrement choquante et la plaçait dans une situation inextricable et dangereuse pour sa vie. Elle allait devenir apatride et ne pourrait reprendre sa nationalité U______ sans mettre sa vie en danger.

Elle retirait sa conclusion portant sur la naturalisation de son fils H______.

27) Le 21 octobre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La conclusion tendant à ce que la nationalité suisse soit octroyée à l’enfant mineur H______ était exorbitante à l’objet du litige et partant irrecevable, étant observé que la recourante a finalement renoncé à la conclusion dans sa réplique.

3) La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue, faute pour l’intimé de lui avoir révélé qu’il avait recueilli des informations sur le droit U______ en matière de nationalité.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/632/2020 du 30 juin 2020 consid. 4b et les arrêts cités).

b. En l’espèce, la recourante a été interpellée le 7 juillet 2020 par l’OCPM et avertie du risque d’une annulation de sa naturalisation et de celle de ses enfants. Elle a pu s’exprimer et produire toutes pièces utiles devant l’OCPM les 30 septembre, 27 octobre 2020 et 7 mars 2022. Elle a notamment pu faire valoir, dans chacune de ses écritures, les risques d’apatridie, pour elle et ses enfants, liés à l’annulation de leurs naturalisations. Elle a pu produire la législation U______ pertinente.

Il ressort du dossier que les démarches de l’OCPM et du SEM – au demeurant documentées, versées à la procédure et accessibles à la recourante durant l’instruction des soupçons d’irrégularités – sont consécutives à l’évocation par la recourante du risque d’apatridie et à la production par celle-ci de la législation U______, qu’elles ont confirmé le risque que la recourante avait elle-même mis en avant que ses enfants et elle aient perdu leur citoyenneté U______ du fait de leur naturalisation suisse et ne puissent la récupérer en cas d’annulation de celle-ci qu’au prix d’un retour en U______ et qu’elles ont finalement conduit le Conseil d’État à renoncer à révoquer la naturalisation des enfants.

La recourante reproche à l’OCPM de lui avoir caché le « consulting » du 4 mai 2022. Or, ce document, qui constitue apparemment une synthèse destinée à être diffusée en vue d’unifier en Suisse les connaissances et la pratique en matière de nationalité, ne contient pas plus d’informations que la correspondance et les textes législatifs produits et figurait d’ailleurs aussi au dossier.

La recourante, qui n’avait plus consulté le dossier à l’OCPM depuis le 18 août 2020, a pris connaissance des informations recueillies auprès de l’ambassade avec la décision querellée du 29 juin 2022 et a eu tout loisir de s’exprimer à leur sujet et même de produire un avis de droit, devant la chambre de céans, de sorte qu’une éventuelle violation de son droit d’être entendue aurait été réparée.

Le grief sera écarté.

4) L'objet du litige consiste à déterminer si l'intimé était fondé à annuler la naturalisation suisse et genevoise de la recourante.

a. Aux termes de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

b. Le 1er janvier 2018, est entrée en vigueur la loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN - RS 141.0) qui a remplacé la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (ci-après : aLN ; RO 1952 1115). Les détails de cette nouvelle réglementation sont contenus dans l'ordonnance du 17 juin 2016 sur la nationalité suisse (ordonnance sur la nationalité, OLN - RS 141.01), dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2018 également.

c. En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, qui consacre le principe de la non-rétroactivité et correspond à la disposition de l'art. 57 aLN (la teneur de cette ancienne disposition ayant été formellement modifiée dans le sens où il s'agit désormais d'une disposition dite « transitoire » [cf. Message concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 4 mars 2011, FF 2011 2639, ad art. 50 du projet de loi p. 2678]), l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit (al. 1). En outre, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi sont traitées conformément aux dispositions de l'ancien droit jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la requête (al. 2).

d. En l’espèce, les agissements reprochés à la recourante se sont produits sous l’ancien droit. Le Conseil d’État s’est référé dans son arrêté tant au nouveau qu’à l’ancien droit. La recourante ne s’est pas déterminée sur la question du droit applicable.

Dans une cause récente, la chambre de céans a eu l’occasion d’appliquer le nouveau droit à un cas d’annulation dont les faits déterminants s’étaient produits essentiellement sous l’ancien droit, en prenant en compte l’ouverture de la procédure d’annulation et en observant que l'éventuelle application de l'aLN ou de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat - A 4 05) dans son ancienne teneur ne conduisait pas à une solution différente, les conditions relatives à l'annulation de la naturalisation ordinaire étant réalisées tant sous l'angle de l'ancien que du nouveau droit (ATA/958/2020 du 29 septembre 2020 consid. 7). Le même raisonnement sera suivi en l’espèce.

5) a. En matière de naturalisation (ordinaire) des étrangers par les cantons, la Confédération édicte des dispositions minimales et octroie l'autorisation de naturalisation (art. 38 al. 2 Cst.). Elle dispose d'une compétence concurrente à celle des cantons, mais limitée aux principes. Une réinterprétation de cette disposition constitutionnelle implique que la compétence dont dispose la Confédération lui permet de fixer des principes et, ainsi, de prévoir dans la loi des conditions dites « maximales », que les cantons sont tenus de respecter et qu'ils ne peuvent outrepasser. Tel est notamment le cas des règles sur la procédure cantonale de naturalisation (art. 15 à 17 LN, respectivement art. 15a à 15c aLN), sur les voies de recours (art. 46 LN, respectivement art. 50 aLN) et sur les émoluments de naturalisation (art. 35 LN, respectivement art. 38 aLN).

Les dispositions de la LN et de l'aLN contenant des conditions formelles et matérielles minimales en matière de naturalisation ordinaire, les cantons peuvent définir des exigences concrètes en matière de résidence et d'aptitude supplémentaires, en respectant toutefois le droit supérieur, pour autant qu'ils n'entravent pas l'application du droit fédéral, par exemple en posant des exigences élevées au point de compliquer inutilement la naturalisation ou de la rendre tout simplement impossible (ATF 139 I 169 consid. 6.3 ; 138 I 305 consid. 1.4.3 ; 138 I 242 consid. 5.3).

b. Si les conditions formelles et matérielles sont remplies, le SEM accorde l’autorisation fédérale de naturalisation et la transmet à l’autorité cantonale, qui rend la décision de naturalisation (art. 13 al. 3 LN, respectivement art. 12 aLN). Le droit cantonal régit la procédure aux échelons cantonal et communal (art. 15 al. 1 LN, respectivement art. 15a al. 1 aLN).

c. Au niveau fédéral, les conditions de la naturalisation sont énoncées aux art. 9 à 12 LN.

Aux termes de l'art. 9 al. 1 LN, la Confédération octroie l’autorisation de naturalisation uniquement si, lors du dépôt de la demande, le requérant est titulaire d’une autorisation d’établissement (let. a) et s'il apporte la preuve qu’il a séjourné en Suisse pendant dix ans en tout, dont trois sur les cinq ans ayant précédé le dépôt de la demande (let. b). Selon l'art. 11 LN, l’autorisation fédérale de naturalisation est octroyée si le requérant démontre que son intégration est réussie (let. a cum art. 12 LN qui détaille les critères d'intégration), qu'il s'est familiarisé avec les conditions de vie en Suisse (let. b) et qu'il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. c).

Dans l'ancien droit (art. 14 aLN), le requérant devait s'être intégré dans la communauté suisse (let. a), s'être accoutumé au mode de vie et aux usages suisses (let. b), se conformer à l'ordre juridique suisse (let. c) et ne pas compromettre la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. d). Selon l'art. 15 aLN, l’étranger ne pouvait demander l’autorisation que s’il avait résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précédaient la requête (let. a).

d. À Genève, le candidat à la naturalisation doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral et cantonal (art. 1 let. b LNat, respectivement art. 1 let. b aLNat).

Selon l'art. 11 LNat, l’étranger qui remplit les conditions du droit fédéral peut demander la nationalité genevoise s’il a résidé deux ans dans le canton d’une manière effective, dont les douze mois précédant l’introduction de sa demande (al. 1 qui n'a pas été modifié). Il peut présenter une demande de naturalisation s’il est titulaire d’une autorisation d’établissement (al. 2). Il doit en outre résider effectivement en Suisse et être au bénéfice de l’autorisation d’établissement en cours de validité pendant toute la durée de la procédure (al. 3). Sous l'ancien droit, n'importe quel titre de séjour était suffisant (art. 11 al. 2 aLNat).

6) a. Selon l'art. 36 LN, applicable également à la procédure ordinaire (al. 3), le SEM peut annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels (al. 1, respectivement art. 41 al. 1 aLN). La naturalisation ou la réintégration peut être annulée dans un délai de deux ans après que le SEM a eu connaissance de l’état de fait juridiquement pertinent, mais au plus tard huit ans après l’octroi de la nationalité suisse. Un nouveau délai de prescription de deux ans commence à courir après tout acte d’instruction signalé à la personne naturalisée ou réintégrée. Les délais de prescription sont suspendus pendant la procédure de recours (al. 2, respectivement art. 41 al. 1bis aLN).

Conformément à l'art. 35 LNat, qui est entré en vigueur le 4 avril 2018, le Conseil d'État peut annuler la naturalisation genevoise ou la réintégration dans la nationalité genevoise obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels (al. 1). La naturalisation ou la réintégration peut être annulée dans un délai de deux ans après que le Conseil d'État a eu connaissance de l’état de fait juridiquement pertinent, mais au plus tard huit ans après l’octroi de la nationalité genevoise. Un nouveau délai de prescription de deux ans commence à courir après tout acte d’instruction signalé à la personne naturalisée ou réintégrée. Les délais de prescription sont suspendus pendant la procédure de recours (al. 2). L'ancienne teneur de l'art. 35 aLNat prévoyait que le Conseil d'État pouvait, dans les cinq ans à partir de la date d’acquisition de la nationalité genevoise, annuler la naturalisation ou la réintégration accordée en vertu de la présente loi, si elle avait été obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.

Le citoyen genevois qui fait l’objet d’une procédure d’annulation ou de retrait de la nationalité genevoise doit en être informé par le Conseil d'État et être invité à faire valoir ses moyens. Les membres de la famille également concernés par cette procédure sont avisés individuellement (art. 36 al. 1 LNat qui n'a pas été modifié).

b. Les termes utilisés à l'art. 35 al. 1 LNat ou 35 aLNat étant les mêmes que ceux contenus à l'art. 36 al. 1 LN ou l'art. 41 al. 1 aLN, la jurisprudence concernant cette disposition peut trouver application, ce d'autant que la LNat a été adoptée suite aux modifications dont la loi fédérale a fait l'objet en 1990, entrées en vigueur le 1er janvier 1992 (RO 1991 1034 ; FF 1987 III 285 ; MGC 1991/V 4374, p. 4396 s. ; ATA/87/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4c).

La jurisprudence considère ainsi que l'obtention frauduleuse de la naturalisation implique un comportement déloyal et trompeur, de sorte qu'il ne suffit pas que la naturalisation ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'étaient pas réalisées (ATF 140 II 65 consid. 2.2 ; 135 II 161 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_20/2014 du 13 mai 2014 consid. 2.1.1). S'il n'est pas nécessaire que le comportement ait été constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est néanmoins exigé que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels, ou qu'il ait laissé faussement croire à l'autorité qu'il se trouvait dans la situation de communauté conjugale prévue par la loi, violant ainsi le devoir d'information auquel il est appelé à se conformer (ATF 135 II 161 consid. 2 ; arrêt du TAF C-2412/2009 du 19 novembre 2012 consid. 4.1).

La nature potestative des art. 36 al. 1 LN (respectivement art. 41 al. 1 aLN) et 35 al. 1 LNat (respectivement art. 35 aLNat) confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Ainsi, commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 ; 128 II 97 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_20/2014 précité consid. 2.1.1 ; ATA/87/2020 précité consid. 4b).

7) En l’espèce, la recourante reproche à l’OCPM d’avoir incorrectement établi les faits. Elle conteste avoir séjourné en L______ durant la procédure de naturalisation.

a. Il ressort de la procédure que le 22 mars 2019, M. B______, mari de la recourante, a indiqué à l’OCPM que toute la famille habitait la maison de
K______ depuis mars 2013. La recourante fait valoir que le procès-verbal de ces déclarations serait le fruit d’une incompréhension.

La chambre de céans observe qu’à l’appui de sa demande de naturalisation du 22 décembre 2017, M. B______ a détaillé par écrit dans un français très correct comment il percevait son futur accès aux droits civiques et indiqué qu’il lisait tous les jours la Tribune de Genève et 20 Minutes (questionnaire § 2.6 et 2.7). Il a également produit un certificat de connaissance de la langue française délivré le 7 décembre 2017 par l’université ouvrière de Genève et attestant un niveau A2 de français oral. L’enquête administrative, conduite en français, n’a pas relevé de difficultés de compréhension ou d’expression.

L’entretien du 22 mars 2019 a duré de 14h40 à 16h00 et il n’est pas contesté qu’il s’est déroulé en français. M. B______ s’est d’abord vu demander où il avait dormi la nuit précédente. Il a répondu que c’était à son domicile à I______. Invité à citer les personnes qui y avaient également passé la nuit, il a mentionné sa femme et leurs quatre derniers enfants, précisant que l’aîné avait dormi avec son amie à Genève. Rendu attentif au fait que sa femme avait déclaré son départ de Suisse le 1er avril 2018, il a expliqué qu’elle avait dormi avec lui car elle devait emmener les enfants à l’école, ajoutant que quand il n’était pas là, c’était elle qui dormait à I______ pour amener les enfants à l’école. Confronté au fait que selon le registre « Calvin » trois autres personnes étaient annoncées à son domicile de I______, et invité à indiquer qui étaient ces personnes, il a répondu qu’il s’agissait d’un ami, M. O______, son épouse, Mme N______ et leur fils Yemah. Invité à indiquer où se trouvaient ces trois personnes dès lors qu’il avait indiqué avoir, avec sa femme et leurs quatre derniers enfants, dormi dans cet appartement de I______, il a répondu : « Bon, je vous avoue que j’ai dormi la nuit dernière en L______, dans notre maison, avec ma femme et mes enfants. J’ai acheté la maison en 2009. Je précise aussi que nous y vivons effectivement depuis mars 2013. C’est les trois personnes précitées qui demeurent chez moi à I______/GE ». L’enquêteur a alors demandé : « Pour être clair, quand vos enfants et votre femme ont été naturalisés le 28.07.2015, vous viviez effectivement en L______ et ceci depuis mars 2013 ? », M. B______ a répondu : « Oui. Je précise que suite à ces révélations, je renonce à ma demande de naturalisation ». M. B______ a signé le
procès-verbal de ses déclarations.

Compte tenu des compétences linguistiques affichées par M. B______, et de l’absence de mention, lors de l’audition, de tout problème de communication, il n’est pas vraisemblable que des difficultés de maîtrise de la langue française aient pu provoquer une mécompréhension des questions ou des réponses, comme l’a soutenu, sans le démontrer, la recourante dans un premier temps.

Le déroulement de l’entretien révèle que M. B______ a été confronté à des contradictions, après quoi il a clairement affirmé que (1) sa famille et lui habitaient en L______ (2) depuis 2013 (3) dans la maison qu’il avait achetée en 2009 et que (4) l’appartement de I______ était occupé par ses sous-locataires. Il a de plus confirmé expressément, après avoir été réinterrogé sur ce point, que sa famille et lui vivaient bien en L______ durant la procédure de naturalisation.

Il n’est pas vraisemblable dans ces circonstances qu’il aurait pu, comme le soutient finalement la recourante, se tromper sur la seule date (2018 au lieu de 2013, comme indiqué, prétendument par erreur) de l’installation de la famille en L______, étant observé au surplus que la date est déterminante, qu’elle s’inscrit dans une série de dates signifiantes (acquisition de la maison en 2009, procédure de naturalisation entre 2013 et 2015, départ en L______ annoncé en 2018) et qu’elle est chiffrée dans le procès-verbal de sorte qu’une éventuelle erreur – au surplus répétée – de transcription aurait assurément été détectée lors de la relecture.

La recourante fait, certes, valoir que les sous-locataires n’auraient jamais habité à I______, mais elle se limite à des considérations générales sur la nécessité pour certains compatriotes de disposer d’une adresse à Genève, sans apporter ni précisions ni preuves à l’appui de son allégation. Or, il ressort du registre « Calvin » que M. O______, Mme N______ étaient enregistrés du 2 septembre 2015 au 3 mars 2017 au ______, rue AC______, puis, avec leur fils, du 3 mars 2017 au 13 janvier 2022 au ______, avenue J______ en qualité de sous-locataires, et sont depuis lors enregistrés rue AD______ ______, ce qui n’établit pas que ces derniers recherchaient des adresses à Genève mais suggère plutôt qu’il s’agissait à chaque fois du lieu de leur domicile effectif.

Il est enfin observé qu’au terme de l’audition M. B______ a renoncé à sa naturalisation et qu’il n’a depuis lors pas démenti ses déclarations.

b. La recourante fait valoir que la scolarisation de ses quatre enfants à Genève, la participation de certains d’entre eux à des activités sportives et la formation qu’elle a elle-même suivie dans le canton, toutes activités qu’elle a documentées et qui ne sont en elles-mêmes pas contestées, constitueraient autant d’indices que la famille était effectivement restée domiciliée à I______.

À ce propos, il n’est notoirement pas rare que des frontaliers travaillant dans le canton y scolarisent également leurs enfants et les y inscrivent dans des clubs de sport. L’intimé a produit des calculs que la recourante n’a pas contestés et qui montrent qu’une partie des déplacements depuis les écoles sont en pratique plus courts en direction de K______ qu’en direction de I______.

La circonstance de la scolarisation, de la formation et de l’activité sportive à Genève n’est ainsi pas de nature à établir la domiciliation dans le canton.

c. La recourante produit enfin cinq attestations qui démontreraient selon elle qu’elle était bien domiciliée à I______ durant la procédure de naturalisation.

La chambre de céans observe que Mme Q______ a affirmé être domiciliée au ______, avenue J______, avoir été la voisine de la recourante et de sa famille pendant la période allant de décembre 2011 à avril 2015 et les avoir régulièrement côtoyés durant cette époque. Or, il ressort du registre « Calvin » évoqué par l’intimé que Mme X______ avait été enregistrée rue du AE______ ______ à AF______ de mars 2005 à juin 2017, puis avenue J______ ______ de juin 2017 à avril 2018, puis à nouveau rue du AE______ ______ d’avril 2018 à janvier 2020, puis à nouveau avenue J______ ______ de janvier 2020 à janvier 2021 et enfin rue AG______ ______ à I______ depuis janvier 2021. La recourante n’a pas contesté cela, mais affirmé que les communes de AB______ et I______ étaient voisines, perdant de vue que la rue du AE______, où Mme Q______ a été enregistrée durant la période où elle affirmait se trouver à I______, est située aux AH______.

La recourante a ajouté que quatre autres personnes avaient attesté l’avoir fréquentée à son domicile de I______ durant la période litigieuse. Or, les attestations sont des textes dactylographiés au contenu pour ainsi dire identique complétés par des personnes domiciliées au AI______, dans le canton de AJ______, aux AK______ et à AL______, affirmant avoir été régulièrement invitées chez la recourante et son mari au ______, avenue J______ pendant la période allant de décembre 2011 à avril 2015 et les avoir à cette occasion côtoyés ainsi que leurs trois enfants E______, F______ et G______. Outre leur caractère vague et stéréotypé, ces attestations ont été établies par des personnes éloignées de la famille et évoquent sans plus de précisions des invitations ponctuelles. Elles apparaissent partant peu aptes à attester d’une résidence constante. Leur caractère probant apparait sujet à caution et elles ne sauraient en tout cas affaiblir les déclarations claires et inéquivoques du mari de la recourante et père des enfants du couple affirmant avoir fait ménage commun avec sa famille dès 2013, mais en L______.

En retenant que la recourante était domiciliée en L______ durant la procédure de naturalisation et qu’elle avait caché cette circonstance, l’intimé a correctement établi les faits sans commettre ni excès ni abus de son pouvoir d’appréciation.

Le grief sera écarté.

8) La recourante reproche à l’intimé d’avoir violé la LN et la LNat.

Elle ne saurait être suivie. Il est établi qu’elle habitait avec son mari et ses enfants en L______ durant la procédure de naturalisation alors que la loi exigeait qu’ils vivent en Suisse durant cette période et qu’elle a volontairement caché à l’autorité cet élément déterminant pour la naturalisation en déclarant de façon mensongère un domicile suisse et en cachant la propriété par son mari d’une maison en L______.

L’OCPM pouvait ainsi considérer qu’elle ne remplissait pas la condition déterminante de la résidence en Suisse au sens des art. 9 al. 1 LN respectivement 15 aLN et 11 aLNat soit en particulier l’exigence de résider en Suisse durant toute la procédure de naturalisation (art. 11 al. 3 aLNat) et qu’elle avait par ailleurs obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères ou la dissimulation de faits essentiels au sens des art. 36 al. 1 LN et 35 al. 1 LNat, et conclure que la naturalisation devait être annulée, étant observé que la prescription n’était pas atteinte, ce que personne ne conteste.

Le grief sera écarté.

9) La recourante reproche à l’autorité intimée de l’exposer au risque d’apatridie.

a. Selon la jurisprudence, le risque qu’un recourant devienne apatride ne fait pas obstacle à l'annulation de la naturalisation. Si celle-ci a été obtenue frauduleusement, l'intéressé doit en effet supporter les conséquences qui résultent d'une perte de la nationalité suisse. Admettre qu'il en aille autrement reviendrait à conférer aux apatrides potentiels une protection absolue contre une éventuelle annulation de la naturalisation facilitée, ce qui contreviendrait au principe de l'égalité de traitement (ATF 140 II 65 consid. 4.2.1 ; arrêts du Tribunal 1C_247/2019 du 18 octobre 2019 consid. 4 ;1C_98/2019 du 3 mai 2019 consid. 4 ; 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.4).

b. En l’espèce, la question de savoir si la recourante pourrait récupérer la nationalité U______ une fois sa naturalisation suisse annulée, et en particulier s’il pourrait être exigé d’elle qu’elle se rende en U______ à ces fins, en prenant le cas échéant des risques pour sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté compte tenu de son appartenance à une ethnie et sa provenance d’un État sécessionniste, soit en l’espèce le W______, pourra souffrir de rester indécise, dès lors que la jurisprudence exclut d’invoquer l’apatridie en cas d’obtention frauduleuse de la nationalité suisse.

S’agissant du caractère frauduleux de l’obtention de la nationalité, il est établi que la recourante a sciemment menti sur la question déterminante de son domicile. Elle fait, certes, valoir que si elle n’a pas révélé l’existence de la maison en L______, c’était parce que celle-ci appartenait à son mari. Cet argument tombe à faux, dès lors que c’est l’omission de déclarer son domicile en L______ qui lui est reproché, et non pas la propriété immobilière de son mari.

Son mari a pour sa part répondu, de manière contraire à la vérité, par la négative à la question de savoir si lui ou son conjoint étaient propriétaires ou locataires d’un ou plusieurs biens immobiliers à l’étranger, la réponse négative à cette question faisant l’objet dans le questionnaire d’une déclaration additionnelle spécifique sur l’honneur, encadrée et signée séparément. Il a de même affirmé de manière mensongère que sa femme, lui et leurs quatre derniers enfants étaient tous domiciliés à I______. Ces éléments suggèrent que les époux se sont entendus pour mentir aux autorités en vue d’obtenir la naturalisation.

L’intimé était fondé à ne pas tenir compte du risque d’apatridie.

Le grief sera écarté.

10) La recourante se plaint dans sa réplique d’une violation de l’interdiction de l’arbitraire.

a. Selon l’art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi comprend notamment l’interdiction des comportements contradictoires ou abusifs (ATF 143 IV 117 consid. 3.2 ; 136 I 254 consid. 5.2 ; ATA/273/2022 du 15 mars 2022 consid. 4a). L’interdiction des comportements contradictoires ne concerne que la même autorité, agissant à l’égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l’occasion d’affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6).

b. En l’espèce, ainsi qu’il a été vu plus haut, la décision attaquée n’est pas critiquable.

La recourante n’est pas admise à invoquer le risque d’apatridie. Elle n’est pas contrainte de se rendre en U______ et ne saurait reprocher à l’autorité intimée de l’exposer à des dangers pour sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté – qu’elle allègue sans les établir. Elle ne saurait ainsi inférer du risque d’apatridie auquel l’exposerait la décision querellée l’arbitraire ou la mauvaise foi de l’autorité intimée.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11) La procédure de recours étant gratuite pour les décisions en matière de naturalisation (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2022 par Mme A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 29 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry ULMANN, avocat de la recourante, au Conseil d'État ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :