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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2838/2021

ATA/670/2022 du 28.06.2022 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;REMPLACEMENT;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LPA.4.al1; Cst.29.al2; LPol.18.al1; LPol.18.al2; RTrait.12.al1; LPol.26; RGPPol.8.al1; LPA.19; LPA.20
Résumé : Remplacement par un policier dans une fonction supérieure. Montant de l'indemnité de remplacement contesté. Courrier du DSPS octroyant l'indemnité doit être considéré comme une décision au sens de l'art. 4 al. 1 LPA. Procédure en cas de remplacement mise en place par le MIOPE pas respectée. L'Autorité n'a pas pu procéder à l'établissement des éléments nécessaires pour forger sa détermination. Recours partiellement admis s'agissant de la limitation du montant de l'indemnité de remplacement. Renvoi de la cause au DSPS pour instruction complémentaire et nouvelle décision afin de déterminer le taux de l'indemnité en conséquence des activités effectuées durant le remplacement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2838/2021-FPUBL ATA/670/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été nommé à la fonction de gendarme le 1er février 2012.

2) Dès le 1er février 2016, il a été promu au grade d'appointé, pour un traitement en classe 15.

Selon le cahier des charges relatif au grade d'appointé avec fonction de policier 1, les activités inhérentes au poste consistaient, notamment, à enseigner en tant que professionnel de la formation d'adultes, la formation de base et continue des policiers, la formation continue sur des techniques et des outils propres au métier de policier (tels les cours de tactiques et techniques d'intervention et de tir), assurer la formation de cadres, former les stagiaires sur le terrain et gérer leur apprentissage. La participation à des commissions et groupes de travail faisait partie des responsabilités inhérentes à la fonction.

3) À la suite d'une évaluation du 2 août 2018 le déclarant apte à la fonction de chef de Groupe d'intervention (ci-après : chef GI), M. A______ a postulé à cette fonction. Sa candidature n'a pas eu de suite favorable.

4) À compter du 24 septembre 2018, M. A______ a remplacé Monsieur B______, alors sergent avec une fonction de sous-officier 1 et occupant le poste de chef GI, avec un traitement en classe 17.

Le cahier des charges relatif au grade de sergent avec fonction de sous-officier 1 comprenait, en plus des activités exercées par les policiers 1, notamment les activités suivantes : contrôler l'exécution des tâches du personnel subordonné, contrôler et corriger les travaux de son groupe, s'enquérir du degré de formation des stagiaires, conseiller son personnel sur le plan professionnel et personnel, mener des entretiens de collaboration de tout le personnel de son groupe, appuyer la hiérarchie dans l'exécution des axes stratégiques définis et participer à la prise de décisions et contrôler, recadrer et dénoncer le cas échéant le non-respect des directives en place. Les responsabilités de la fonction de sergent consistaient en la participation à des commissions et des groupes de travail et en la responsabilité des décisions administratives et tactiques prises par ses subordonnés. Les formations et prérequis du poste comprenaient, en plus de la formation de policier, une formation management 1, 2 et 3 et d'avoir suivi les apprentissages en ligne propres à la fonction d'encadrement.

Selon le cahier des charges, la fonction de chef GI était ouverte aux grades de policier 1, policier 2 et sous-officier 1. Les activités de ce poste étaient, notamment, d'organiser, coordonner, diriger et administrer des équipes d'instruction, veiller à l'application des directives, instructions et ordres de services, planifier et conduire les engagements du Groupe d'intervention (ci-après : GI), appuyer le chef opérationnel du GI (ci-après : COGI) dans le recrutement, la sélection et l'évaluation des candidats GI et tireurs d'élite (ci-après : TE) et être force de proposition dans les domaines opérationnels, techniques et tactiques. Les responsabilités inhérentes au poste étaient, notamment, la participation aux commissions et groupes de travail sur délégation de la hiérarchie, la participation à la validation opérationnelle des opérateurs GI et TE et la planification et conduite des moyens humains et techniques lors des interventions.

5) Le 26 juin 2020, M. A______ a démissionné de la fonction de chef GI et demandé à sa hiérarchie de revenir à sa fonction précédente d'opérateur GI.

Cette demande était basée sur plusieurs facteurs, notamment l'absence de décision sur le statut et la reconnaissance des appointés remplissant la fonction de chef GI et le fonctionnement sans COGI depuis trois ans.

6) Le remplacement a duré du 24 septembre 2018 au 30 septembre 2020.

7) Par courrier du 22 juin 2021, notifié en mains propres le 30 juin 2021, le conseiller d'État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS ou le département) a informé M. A______ qu'une indemnité lui était allouée pour le remplacement de M. B______ dans une fonction supérieure durant la période du 24 septembre 2018 au 30 septembre 2020. L'indemnité correspondait à un montant mensuel de CHF 326.-, calculé sur la base de la différence entre la classe 15 et la classe 17 et adapté à un taux assumé de 50 %.

Cet envoi ne comportait aucune autre indication ni mention de la voie ni du délai de recours.

8) Par acte du 30 août 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, en concluant, préalablement à la production par le DSPS du dossier complet, et principalement à l'annulation de la limitation de l'indemnité à 50 % ainsi qu'à l'allocation du montant de CHF 7'976.- représentant l'indemnité complémentaire manquante pour arriver au 100 % de l'indemnité pour la période du 24 septembre 2018 au 30 décembre 2020.

Le courrier du 22 juin 2021 violait son droit d'être entendu dans la mesure où il n'avait pas eu accès au dossier ni pu se déterminer sur le montant de l'indemnité avant son octroi. L'envoi ne mentionnait pas les motifs qui avaient amené le DSPS à limiter l'indemnité à un taux de 50 %. Le département avait établi les faits de manière incomplète en n'indiquant pas sur lesquels il s'était basé pour déterminer le taux de l'indemnité. Cela ne lui permettait pas de comprendre quels étaient les éléments de fait déterminants pour fixer le taux de l'indemnité. Par ailleurs, l'autorité avait mal appliqué l'art. 12 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01). Afin de calculer le montant de l'indemnité, il appartenait à l'autorité d'apprécier son caractère équitable selon l'art. 12 al. 3 RTrait. Pour ce faire, le DSPS devait prendre en considération le travail demandé et le travail fourni. Durant la période du remplacement, toutes les tâches figurant au cahier des charges de M. B______ avaient été effectuées en donnant satisfaction à la hiérarchie. Une indemnité entière était donc justifiée. Le département n'indiquait par ailleurs pas de quelle manière il avait appliqué l'art. 12 al. 3 RTrait.

9) Dans ses observations du 17 décembre 2021, le DSPS a conclu au rejet du recours.

Les activités et responsabilités du grade de sergent comprenaient tant un aspect opérationnel et organisationnel que managérial. La fonction de chef GI impliquait, quant à elle, uniquement des responsabilités d'ordre opérationnel et organisationnel.

Dans le cadre du remplacement de M. B______, M. A______ avait accompli les activités et responsabilités d'un chef GI, d'ordre opérationnel et organisationnel uniquement, mais non ceux incombant à un sergent, de nature managériale. La part managériale des activités de M. B______ avait été confiée à des collaborateurs occupant les rangs de sous-officier 1 et 2. M. A______ avait ainsi effectué un remplacement partiel uniquement, ce qui justifiait le taux de 50 % de l'indemnité de remplacement.

10) Par courrier du 28 janvier 2022, M. A______ a sollicité son audition par la chambre administrative, formulé des observations complémentaires et persisté dans ses conclusions.

Lors de sa désignation au poste de chef GI, sa hiérarchie ne l'avait informé, ni oralement, ni par écrit de l'existence d'exception ou allégement en lien avec l'absence d'activités managériales. Il avait reçu pour unique directive de « remplacer le Sergent B______ ». Il était ainsi contraire à la bonne foi, d'apprendre, trois ans après sa désignation comme remplaçant et un an après la fin du remplacement, par les observations du DSPS du 17 décembre 2021, que le remplacement n'aurait été que partiel. Il avait entendu des rumeurs au début de l'année 2020 que l'indemnisation ne serait que partielle, mais n'avait pas reçu d'explications et l'ampleur concrète de ses tâches n'avait pas été modifiée. Le cahier des charges du poste de policier 1 ne prévoyait pas le principe du remplacement d'un supérieur, contrairement à ce qui était prévu pour les postes de policier 2 ou de sous-officier 1.

Durant la période de remplacement, il avait effectué plusieurs activités managériales dans le cadre de ses fonctions. Il avait été intégré à des séances de travail organisées en 2019 avec l'état-major de la police en vue de restructurer et réorganiser le GI. Cela représentait un travail de gestion et de planification globale qui devait être assimilé à une activité de type managérial. En plus de ces séances, il avait participé aux groupes de travail relatifs aux plans annuels de formation de tir de la police genevoise, aux procédures tactiques d'intervention romande et aux processus de sélection des futurs membres du GI. Il avait ainsi été impliqué dans le processus de sélection des candidats et assisté au recrutement en compagnie du capitaine et du sergent-chef du GI. Durant cette période, il avait également dirigé le « pool tir » au sein du GI. Ce rôle impliquait la gestion, instruction et encadrement d'un groupe de sept à huit instructeurs de tir. Le DSPS n'avait pas expliqué ou prouvé concrètement quelles activités de M. B______ il n'avait pas effectuées, de sorte que le remplacement portait sur l'intégralité des charges de la fonction supérieure.

11) Le 4 mars 2022, le DSPS a déposé des observations complémentaires et persisté dans ses conclusions précédentes.

Le recourant n'avait pas participé à des séances de travail organisées en 2019 par l'état-major de la police en vue de restructurer et réorganiser le GI. Il avait été invité, en sa qualité de chef GI, à participer à des séances conduites par les officiers supérieurs des unités spéciales, afin de cartographier les tâches et missions du chef GI et du chef TE dans l'objectif de les soulager des tâches administratives. Le recourant avait ainsi participé au recensement des activités des chefs GI et TE sans prendre part à la phase de réflexion, menée par les officiers supérieurs. Bien qu'il ait effectivement participé à des groupes de travail sur la formation de tir et les procédures tactiques, cette participation avait pour but de proposer à sa hiérarchie des plans de formation. Les collaborateurs de la police suivaient des formations spécifiques à cet effet, de sorte que leur grade spécifique n'avait pas d'incidence sur la participation aux groupes de travail. Concernant le processus de sélection des futurs membres du GI, le recourant n'avait pas de pouvoir décisionnel mais uniquement une possibilité de recommandation et d'évaluation, ce qui n'entrait pas dans les tâches managériales. L'activité du recourant en tant que formateur du « pool tir » était une fonction spécifique obtenue au terme d'une formation pointue et n'était pas liée au poste de chef GI. Les grade et poste du recourant n'avaient ainsi pas d'incidence sur ses capacités à former certains moniteurs. L'indemnité versée au recourant pour le remplacement l'avait été à bien plaire.

12) Le 18 mars 2022, M. A______ a répliqué et persisté dans les conclusions de son recours.

Le DSPS n'avait pas fourni d'explications concrètes sur les « activités managériales » inhérentes à la fonction de M. B______ ni sur les différences effectives entre l'activité de ce dernier et la sienne. L'argument du département selon lequel il n'avait pas eu de capacité décisionnelle dans l'exercice de ses tâches n'était pas pertinent. M. B______ n'avait pas eu davantage de capacité décisionnelle que lui. Dans le cadre d'une structure hiérarchisée et militaire comme celle de la police, il y avait toujours un supérieur qui prenait les décisions ou validait les propositions. Sa participation à diverses séances de travail était équivalente à celle d'un sous-officier 1, avec les mêmes compétences et responsabilités. Dans ces fonctions concrètes, un sous-officier 1 aurait été tout aussi limité que lui par sa hiérarchie, de sorte que le remplacement de M. B______ était entier.

13) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Selon l’art. 132 al. 2 LOJ, le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, ainsi que 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

2) a. Se pose la question de savoir si le courrier du DSPS du 22 juin 2021 adressé au recourant constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA à l'encontre de laquelle le recours à la chambre de céans est ouvert.

b. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Les décisions incidentes sont également considérées comme des décisions (art. 4 al. 2 LPA).

c. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/1657/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2c et les références citées).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3b).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 phr. 1 LPA).

d. La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d’administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d’autres termes, extérieurs à l’administration. On oppose dans ce contexte la décision à l’acte interne ou d’organisation, qui vise des situations à l’intérieur de l’administration ; l’acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n’en est pas l’objet, et c’est pourquoi il n’est en règle générale pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D’une part, l’acte interne n’a pas pour objet de régler la situation juridique d’un sujet de droit en tant que tel et, d’autre part, le destinataire en est l’administration elle-même, dans l’exercice de ses tâches (arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2018 du 21 février 2019 consid. 6.2).

La distinction entre acte administratif interne et décision peut s’avérer particulièrement difficile en ce qui concerne les fonctionnaires. Doivent être considérées comme des décisions les mesures qui affectent les droits et obligations d’un fonctionnaire en tant que sujet de droit, par exemple la fixation de son salaire, ou d’indemnités diverses, les sanctions disciplinaires ou encore le changement d’affectation qui va au-delà de l’exécution des tâches qui incombent au fonctionnaire dans sa sphère d’activité habituelle ou des instructions qui lui sont données dans l’exercice de ces tâches. En revanche, un acte qui a pour objet l’exécution même des tâches qui lui incombent en déterminant les devoirs attachés au service, telles que la définition du cahier des charges ou des instructions relatives à la manière de trancher une affaire, est un acte interne. Lorsque le fonctionnaire s’oppose à un acte de ce type, ce sont les mesures disciplinaires ou autres moyens de contrainte ressortissant aux règles régissant les rapports internes qui sont susceptibles de s’appliquer (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2018 précité consid. 6.2 et les références citées).

3) En l'espèce, le courrier du 22 juin 2021 remis au recourant est, selon la jurisprudence précitée, une décision au sens de l'art. 4 LPA, dans la mesure où il affecte son droit à une indemnité suite au remplacement d'un collègue dans une fonction supérieure et modifie ainsi sa situation juridique préexistante. Cette décision est, certes entachée d'un vice formel, dès lors qu'elle n'est pas désignée comme telle et ne contient pas l'indication des voie et délai de recours, contrairement aux exigences posées par l'art. 46 LPA. Cette absence d'information n'a cependant pas porté préjudice au recourant puisqu'il a pu contester cette décision devant la juridiction compétente en temps utile et fait valoir dans ses arguments une fois la position du département connue.

Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours.

4) Dans un premier grief d'ordre formel, le recourant fait valoir une violation de son droit d'être entendu pour manque d'accès au dossier, impossibilité de se déterminer sur le montant de l'indemnité avant son octroi et manque de motivation.

À l'appui de ce grief, il sollicite son audition personnelle.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Une réparation devant l'instance de recours est toutefois possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée. La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut se justifier même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a et les références citées).

Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c).

c. En l'espèce, il est vrai que le recourant n'a pas été formellement entendu et n'a pas eu accès au dossier avant le prononcé de la décision litigieuse. Il n'a pas non plus eu, comme déjà relevé, connaissance des motifs retenus par l'intimé pour fonder sa décision de limiter l'indemnité à 50 %. Toutefois, le recourant a eu l'occasion de faire valoir ses arguments et de se déterminer sur ceux de l'intimé dans le cadre de son recours et de deux échanges d'écritures complémentaires. La chambre de céans disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit, l'éventuel vice formel en lien avec le droit d'être entendu a été guéri.

S'agissant de la demande de comparution personnelle, le recourant a eu l'occasion de s'exprimer de manière complète et à plusieurs reprises. Il n'indique par ailleurs pas en quoi son audition serait indispensable – ni même utile pour appréhender certains points de fait au-delà de ce que permet la procédure écrite.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête du recourant et, au vu de ce qui précède, le grief d'une violation de son droit d'être entendu sera écarté.

5) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 22 juin 2021, rendue par le conseiller d'État en charge du DSPS, octroyant au recourant une indemnité pour remplacement dans une fonction supérieure limitée à 50 %.

6) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

7) a. La loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) renvoie à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) « sous réserve des dispositions particulières de la présente loi » (art. 18 al. 1 LPol) et indique que le personnel de police est « de même » soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15 ; art. 18 al. 2 LPol). Des droits particuliers sont en outre prévus aux art. 26 à 29 LPol, lesquels prévoient entre autres que le Conseil d’État détermine par règlement la nature et le montant des indemnités et compensations auxquelles ont droit les différentes catégories de personnel de la police (art. 26 LPol).

Le règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07) prévoit une indemnité pour les policiers chargés de responsabilités particulières de par leur spécialisation (art. 8 al. 1 RGPPol). La liste des responsabilités particulières donnant lieu à une indemnité est approuvée par l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE ; al. 2).

b. L'OPE a édicté un corpus de directives, intitulé Mémento des instructions de l'OPE (ci-après : MIOPE) et précisant les pratiques communes dans l'application des lois et des règlements relatifs au personnel de l'État. Il constitue une ordonnance administrative. Les dispositions du MIOPE ne constituent pas des règles de droit et ne lient pas le juge ; toutefois, du moment qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, les tribunaux ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 2.3 ; ATA/1160/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b ; ATA/648/2020 du 7 juillet 2020 consid. 5b).

Le RTrait prévoit que le titulaire qui est occupé dans une fonction supérieure à la sienne a droit à une indemnité lorsque le remplacement est d'une durée supérieure à trente jours de travail par année civile. L'indemnité n'est pas due si l'activité exercée entre dans la fonction supérieure dans le cadre des obligations de service du titulaire (art.12 al. 1 RTrait). En cas de remplacement partiel, une indemnité équitable est versée (al. 3).

c. Selon le MIOPE, pour tout remplacement, il faut d'emblée examiner dans quelle mesure le supérieur hiérarchique de la personne absente peut la remplacer. Si ce remplacement n'est pas possible et que la personne absente est remplacée par un de ses subordonnés, il faut respecter les étapes du processus spécifique mis en place par le MIOPE (point 2 fiche MIOPE n° 02.03.06, Indemnité pour remplacement dans une fonction supérieure + formule, du 1er février 2000, mise à jour le 12 juillet 2021, disponible sur https://www.ge.ch/document/020306-indemnite-remplacement-danns-fonction-superieure-formule, consulté le 21 juin 2022 [ci-après : fiche MIOPE n° 02.03.06]).

d. Une demande, préalablement acceptée par l'autorité compétente, doit être motivée et adressée au responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) avant le remplacement dans une fonction supérieure ou, impérativement, dès le début du remplacement (point 3 al. 1 fiche MIOPE n° 02.03.06).

Le RRH examine la demande avec sa direction et celle-ci, d'entente avec l'OPE, la valide après un examen du profil du titulaire (formation et expérience professionnelle) et du niveau requis pour la fonction remplacée. Si les tâches ne sont pas totalement assumées et si un doute subsiste quant au profil du titulaire et l'adéquation de ce profil à la fonction remplacée, un descriptif précis des activités exercées doit être fourni à l'OPE qui préavise le montant de l'indemnité à verser (point 3 al. 2 fiche MIOPE n° 02.03.06).

L'indemnité de remplacement dans une fonction supérieure est versée mensuellement (point 3 al. 10 fiche MIOPE n° 02.03.06).

8) En l'occurrence, il n'est pas contesté que le recourant a remplacé un de ses collègues dans une fonction supérieure durant une période de deux ans et une semaine. Durant le remplacement, il a exercé la fonction de chef GI et rempli les diverses activités ressortant du cahier des charges de cette fonction. Il apparaît, au vu des éléments du dossier, que la seule instruction reçue de la part de sa hiérarchie était de remplacer son supérieur, sans précisions spécifiques sur les différents types d'activités exercées.

Malgré des dispositions claires et une procédure spécifique à mettre en place dans le cas d'un remplacement dans une fonction supérieure, qui présupposent une fixation de l'indemnité préalable voire concomitante au début du remplacement, il ne ressort pas du dossier que l'intimé aurait saisi l'autorité compétente pour autoriser le remplacement. L'intimé n'a ainsi pas non plus suivi la procédure mise en place pour permettre d'obtenir un descriptif précis des activités exercées dans le cadre du remplacement, soit spécifiquement la question des activités opérationnelles et managériales litigieuse dans le cas présent. L'indemnité a par ailleurs été versée en une seule fois et non pas mensuellement. L'intimé s'est de manière générale limité à contester les activités exercées par le recourant et contenté de dire que l'indemnité devait être partielle et limitée à 50 % car les activités n'étaient pas d'ordre managérial. Il n'a cependant fourni aucun élément permettant à la chambre de céans de trancher cette question, et ce en dépit du fait qu'un mécanisme était prévu par la loi à cet effet.

L’autorité intimée n’a ainsi pas pu procéder à l’établissement des éléments nécessaires et pertinents pour forger sa détermination, alors qu’il lui incombait de le faire (art. 19 et 20 LPA ; ATA/134/2014 du 4 mars 2014). Le dossier ne révèle pas qu’elle se serait heurtée à une difficulté particulière à cet égard, ni ne fournit d’explications sur les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas suivi la procédure en place.

À ce stade, il n’appartient pas à la chambre de céans, juridiction de recours appelée notamment à examiner le grief de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, de se substituer à l’autorité administrative et de procéder à l’instruction initiale nécessaire à l’établissement desdits faits.

Dès lors, le recours sera partiellement admis sur ce point, et la décision querellée annulée en tant qu'elle limite l'octroi de l'indemnité pour remplacement dans une fonction supérieure à 50 %. La cause sera renvoyée au DSPS pour instruction complémentaire et nouvelle décision, étant précisé qu'une pondération stricte des activités de la personne remplacée reprises et non reprises par le recourant devra être établie, et le taux de l'indemnité déterminé en conséquence.

9) Le recourant reproche enfin au département d'avoir violé le principe de la bonne foi en limitant l'indemnité pour remplacement à 50 % alors que sa hiérarchie lui avait donné pour seule directive de remplacer son supérieur sans d'autres précisions.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

b. À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1).

c. Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

d. La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

10) En l'espèce, le grief développé par le recourant ne concerne pas le principe de la bonne foi en tant que tel mais revient matériellement à se plaindre d'une violation de la réglementation applicable, dont il a déjà été constaté qu'elle n'a pas été respectée. Par ailleurs, l'on ne peut retenir que l'autorité intimée aurait donné au recourant une assurance de recevoir une indemnité de remplacement pleine et entière.

Ce grief sera ainsi écarté.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

11) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, qui y a conclu et s'est fait assister par un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 22 juin 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 22 juin 2021 ;

renvoie la cause au département de la sécurité, de la population et de la santé pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Kinzer, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :