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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3311/2020

ATA/581/2022 du 31.05.2022 sur JTAPI/1238/2021 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2022, rendu le 07.07.2023, REJETE, 1C_396/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3311/2020-LCI ATA/581/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2022

3ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
Madame et Monsieur B______
Monsieur C______
Madame D______
Monsieur E______
Madame F______

représentés par Me Stéphane Grodecki, avocat

contre

G______
représentée par Me Dominique Burger, avocate

Madame H______

et


DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2021 (JTAPI/1238/2021)


EN FAIT

1) Madame H______ est propriétaire des parcelles adjacentes nos 970 et 1'058 de la commune de Grand-Saconnex (ci-après : la commune), sises en zone 5 à l’adresse______, chemin des Manons. La parcelle n° 970 d'une surface de 3'970 m2 abrite une maison d'habitation à un logement. La parcelle n° 1'058 d'une surface de 866 m2 est vierge de toute construction. En tant que propriétaire de la parcelle n° 970, Mme H______ est en outre copropriétaire pour un vingt-sixième de la parcelle n° 868 formant le chemin des Manons, dépendance des diverses parcelles qui le bordent.

2) Le chemin des Manons est accessible en voiture uniquement par son extrémité ouest, depuis le chemin La Voie-du-Coin. À l'est, il se termine par un chemin pédestre, non goudronné qui débouche sur le chemin des Crêts-de-Pregny en terrain privé. Il ne comporte pas de trottoir et dessert, sur environ 300 m, les vingt-six parcelles qui le bordent, lesquelles sont accessibles depuis le chemin par une dizaine d'accès privés. La parcelle no 970 est la seconde parcelle desservie par le chemin des Manons et elle se situe entre les premiers 40 et 90 m du chemin après son débouché sur La Voie-du-Coin. La parcelle no 1'058 n'est pas située directement au bord du chemin des Manons.

3) Le 28 septembre 2018, Mme H______ a conclu un contrat de vente à terme en faveur de G______ (ci-après : G______), dont l'administrateur unique est Monsieur  I______, portant sur les parcelles nos 970 et 1'058 et lui concédant un droit d'emption jusqu'au 27 octobre 2023.

4) Le 17 mai 2019 G______ a sollicité du département du territoire
(ci-après : le DT ou le département) l'autorisation de construire (DD 1______) sur la parcelle n° 970, une fois l’habitation existante démolie, un habitat groupé sur trois niveaux hors sol comportant dix-huit logements d’une surface brute de plancher (ci-après : SBP) totale de 2'319 m2 répondant à un standard de très haute performance énergétique (ci-après : THPE), pour un indice d’utilisation du sol
(ci-après : IUS) de 48 %, avec garage souterrain pour vingt-sept voitures et cinq motos. Pour ce projet, les droits à bâtir de la parcelle n° 1'058 devaient être reportés sur la parcelle n° 970.

5) a. Les 19 juin et 11 octobre 2019, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a émis un préavis favorable, sous conditions au projet. Il a notamment relevé que « le trafic induit par l'exploitation du bâtiment projeté ne sera[it] pas en mesure d'engendrer une perception du bruit plus importante ».

b. Le 20 juin 2019, la commune s’est prononcée défavorablement. La requérante avait souhaité obtenir son avis de pré-consultation avant de déposer le projet, avis également présenté à une commission de son Conseil municipal le 29 octobre 2018 concernant l'éventualité de créer un itinéraire piéton sur les parcelles, permettant à terme de rejoindre le chemin des Crêts-de-Pregny. Une densité de 48 % pourrait être admissible, pour autant que les remarques et compléments suivants soient ajoutés au dossier, dont notamment un acte authentique ou engagement formel auprès d'un notaire pour constituer les actes qui assurent l'inscription d'une servitude de passage public sur les chemins en Y pour respecter les itinéraires piéton et vélos sur les parcelles privées et l'inscription d'une servitude de passage public pour tous véhicules de 2 m de largeur sur la parcelle no 970 tout au long du chemin de Manons pour assurer la bonne circulation des nouveaux flux de trafic.

Le 20 décembre 2019, reprenant les termes de son premier préavis, elle a demandé des compléments :

Du point de vue de la circulation, le Conseil administratif souhaitait que des mesures soient prises afin d'organiser un système de croisement des voitures au niveau de la sortie du projet. Le chemin des Manons étant étroit, un élargissement ponctuel de la route, permettant un tel croisement était nécessaire et permettait d'améliorer la circulation au niveau de la sortie du projet, sans pour autant impacter l'arborisation.

Concernant la servitude de passage public de 2 m de largeur, pour tout véhicule, le long du chemin des Manons, la commune acceptait que l'aménagement extérieur soit maintenu, à condition que, notamment, la requérante prenne en charge les frais nécessaires afin de rendre effective ladite cession sur toute sa longueur dans le cas où la commune procèderait à l'élargissement de la route. Cette mention devait figurer dans l'attestation du notaire.

Le 14 mai 2020, elle a une nouvelle fois sollicité un projet modifié. Elle relevait des améliorations notables, telles que la réalisation d'un système de croisement sur le chemin des Manons et la conservation d'arbres supplémentaires sur la parcelle. Cependant, le projet ne répondait que partiellement à ses exigences. Elle maintenait ses réserves concernant l'architecture de la façade végétale. Dans la mesure où la requérante envisageait un IUS de 48 % dans un secteur identifié par son plan directeur communal (ci-après : PDCom) comme ne devant pas être densifié et ce secteur admettait de manière ponctuelle des projets de qualité, elle restait favorable à la réalisation du projet, pour autant que l'architecture de la façade « verte » soit modifiée et que les conditions déjà énoncées soient respectées.

Le 23 juillet 2020, la commune a encore sollicité un projet modifié. Elle constatait de nouvelles améliorations notables, telles que la création d'une servitude de passage public à pied et à vélo, une servitude de passage public pour tous véhicules, permettant à terme d'élargir le chemin des Manons, la réalisation d'un système de croisement sur ce dernier et la conservation d'arbres supplémentaires sur les parcelles nos 970 et 1'058. Cependant, le projet ne répondait toujours pas entièrement à ses exigences. Elle faisait un important compromis en acceptant la densité du projet. Dans ces conditions, compte tenu également de la pétition intitulée « Préservation de la zone villas entre les chemins des Crêts-de-Pregny et des Manons de toute densification exceptionnelle », qui lui avait été adressée par des habitants le 30 janvier 2020, et « pour un mieux vivre-ensemble du quartier », elle restait favorable à la réalisation du projet, mais maintenait ses réserves relatives à l'architecture de la façade nord, qui, en l'état, ne répondait pas aux exigences qualitatives attendues pour le développement de ce secteur, maintenant ainsi trois demandes non pertinentes en l'espèce.

c. La police du feu a préavisé favorablement le projet, sous conditions, le 25 juin 2019.

d. Le 10 juillet 2019, l’office cantonal des transports (ci-après :  OCT) a émis un préavis favorable, sans observations.

6) Le 8 juin 2020, G______ a remis au département une attestation finale établie le 2 juin 2020 par Me J______, notaire, indiquant avoir reçu un mandat irrévocable de G______ et M. I______ pour instrumenter un acte de constitution de deux servitudes de passage public en lien avec les parcelles nos 970 et 1'058 (l'une sur les chemins en « Y » pour respecter les itinéraires piéton et vélos, l'autre pour tous véhicules de 2 m de largeur sur la parcelle n° 970 tout au long du chemin des Manons, pour assurer la bonne circulation des nouveaux flux de trafic). Cette seconde servitude imposerait comme charge personnelle aux précités de supporter les frais nécessaires afin de la rendre effective sur toute sa longueur, si la commune devait procéder à l'élargissement de la route, ce à quoi ils s’étaient en outre engagés aux termes d'une attestation complémentaire du 4 juin 2020, également produite.

7) Le 15 septembre 2020, se référant notamment à la version du projet n° 3 du 3 février 2020, au préavis liant de l'office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) du 4 juin 2020, à l’autorisation de démolir M 2______ délivrée le même jour, et à l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le département a délivré l’autorisation DD 3______, qui a été publiée dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du même jour. Les conditions figurant dans les préavis devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation, étant précisé que les réserves y figurant primaient sur les plans visés ne varietur. Le plan et l'acte de constitution de la servitude de passage devaient être déposés avant l'ouverture du chantier.

8) Le même jour, le département a informé la commune qu'après avoir attentivement examiné le projet et exigé que des modifications soient apportées au niveau du dispositif des entrées, jugé trop tortueux et des cuisines, trop profondes, la commission d'architecture avait préavisé favorablement le projet modifié, sans émettre aucune réserve quant à son esthétique et son intégration. Toutes les autres instances consultées s’étaient déclarées favorables et les lois et règlements applicables étaient respectés.

9) Le 15 octobre 2020, Madame et Monsieur B______, propriétaires de la parcelle n° 1'132 sise ______, chemin des Manons, Monsieur  C______, propriétaire de la parcelle n° 1'607 sise ______, chemin des Manons, Madame et Monsieur A______, propriétaires de la parcelle n° 1'133 sise______, chemin des Manons, Madame D______, propriétaire de la parcelle n° 1'134 sise ______, chemin des Manons et Monsieur  E______ ainsi que Madame F______, propriétaires de la parcelle n° 2'264 sise ______, chemin des Manons (ci-après : les propriétaires voisins) ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l'autorisation de construire, concluant à son annulation et sollicitant à titre préalable la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et d’un transport sur place.

Ils invoquaient des nombreux griefs, lesquels ne sont plus litigieux dans la présente procédure, ainsi qu'une violation des art. 19 et 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Le chemin des Manons, particulièrement étroit, ne permettait pas le croisement de véhicules et ne comportait pas de trottoir, de sorte que la sécurité des habitants du quartier, compte tenu de l'important trafic généré par la construction litigieuse, serait hautement compromise.

10) Dans ses observations du 21 décembre 2020, le département a conclu au rejet du recours.

11) Par acte du 21 décembre 2020, G______ a elle aussi conclu au rejet du recours.

Elle a notamment produit une expertise de circulation du 30 novembre 2020 réalisée par K______ (ci-après : K______) qui avait pour but d'estimer la génération de trafic du projet et mettre en évidence l'impact de ce trafic sur le réseau routier avoisinant ainsi que de vérifier la conformité des infrastructures routières à accueillir le trafic du projet.

L'étude concluait en substance que l'aménagement existant et planifié du chemin des Manons garantissait l'accessibilité routière au projet.

12) Mme H______ n'a pas formulé d'observations et le TAPI a procédé à un second échange d'écritures lors duquel toutes les parties se sont déterminées, sauf la précitée.

13) Le 29 juin 2021 les propriétaires voisins ont sollicité la suspension de la procédure dans l'attente du sort de la requête que certains d'entre eux avaient adressée au Tribunal de première instance (ci-après : TPI) le 22 juin 2021 (C/1245/2021), visant à ce qu'il soit fait interdiction à Mme H______ « d'utiliser la parcelle n° 868 ( ) dans la mesure induite par la construction projetée sur la parcelle n° 970, selon autorisation de construire du 15 septembre 2020 dans le dossier DD 3______-RD et de toute autre manière constituant une aggravation notable de l'usage qu'elle en fait à ce jour ».

S'il était fait droit à cette requête, le bâtiment projeté n'aurait pas d'issue sur le domaine public, de sorte que les conditions ne seraient plus remplies pour accorder une autorisation de construire.

14) Les 20, respectivement 22 juillet 2021, G______ et le département se sont opposés au prononcé de la suspension.

15) Par jugement du 8 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours, retenant notamment que l'accès au bâtiment projeté était juridiquement garanti dans la mesure où le chemin des Manons, le long duquel il serait implanté et sur lequel allait déboucher son parking, était une dépendance de la parcelle devant l'accueillir. Le fait que certains copropriétaires du chemin s'y opposaient sous l'angle du droit civil était sans portée dans le cadre de la procédure d'autorisation. Rien ne permettait de retenir que le chemin, qui servait déjà de voie d'accès à diverses habitations et, même si sa largeur n'était pas idéale, serait insuffisamment équipé pour accueillir l'accroissement de trafic, au demeurant mesuré, résultant de l'adjonction des logements supplémentaires envisagés.

16) Par acte commun mis à la poste le 10 janvier 2022, les mêmes propriétaires voisins ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation ainsi qu'au renvoi du dossier au TAPI pour qu'il procède à un transport sur place et instruise la question de l'accessibilité au projet par le chemin des Manons, puis rende une nouvelle décision. Subsidiairement, ils concluaient à l'annulation du jugement, à ce qu'un transport sur place soit ordonné ainsi qu'à l'annulation de l'autorisation de construire DD 3______. Préalablement, ils concluaient à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure civile C/1245/2021 pendante devant le TPI.

Ils invoquaient une violation de l'art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), le TAPI ayant refusé de suspendre la procédure ainsi qu'une violation de leur droit d'être entendus, en raison du refus de procéder à un transport sur place.

Le TAPI avait violé la maxime d'office en retenant que le chemin était apte à absorber une augmentation de plus de 50 % du trafic, sans solliciter un préavis complémentaire de l'OCT, ni procéder à un transport sur place malgré les faits nouveaux découlant du rapport de K______. Il ressortait de ce rapport que les normes VSS n'étaient pas respectées, en particulier sur les 80 m précédant le projet qui seraient utilisés comme voie d'accès pour les dix-huit logements projetés. Le TAPI aurait dû instruire la question et l'OCT compléter son préavis. Les photographies qu'ils produisaient démontraient que l'usage de ce chemin était déjà problématique.

Le chemin avait une largeur de 3 à 4,2 m et les espaces privés qui pouvaient être utilisés pour les croisements n'étaient pas pérennes. À tout moment, les propriétaires pourraient rendre ces lieux inaccessibles. Le projet d'élargissement n'était pas acquis.

17) Le 7 février 2022, G______ a déposé des observations, concluant au rejet du recours et de toutes les conclusions, préalables, principales et subsidiaires ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Devant la parcelle concernée par le projet, en face du no 9, deux élargissements du chemin, offrant une largeur de 5,45 m, étaient prévus sur la parcelle, permettant le croisement de deux voitures. Ainsi, le projet aurait pour effet d'améliorer la situation actuelle. La morphologie droite du chemin lui assurait une parfaite visibilité, ce qui n'était pas contesté par les recourants. La commune avait adressé à l'architecte du projet une proposition d'aménagement des voies d'accès avec la création des servitudes pour assurer la bonne circulation des nouveaux flux de trafic. Des images de synthèse illustraient la visibilité offerte par le chemin et les zones sur lesquelles il serait possible de croiser, étant rappelé que l'abattage de la haie et l'aménagement des espaces verts renforçaient déjà la sensation d'ouverture avec un large dégagement visuel. Avec la zone de dégagement existant déjà sur la parcelle no 868, au début du chemin, il y aurait trois surlargeurs sur le tronçon allant de la Voie-du-Coin au parking de la future construction.

18) Le 10 février 2022, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours et de la demande de suspension. Il répondait point par point aux griefs soulevés par les recourants.

Le recours contre le refus de suspension était tardif s'agissant d'une décision incidente.

La question de l'équipement juridique de la parcelle ne dépendait nullement de l'issue de l'action civile, la parcelle étant directement accessible par le biais d'une servitude foncière pour l'utilisation commune du chemin des Manons.

La voie d'accès était adaptée au vu de la jurisprudence rendue en la matière.

19) Le 2 mars 2022, les recourants ont répliqué sur la question de la suspension.

La procédure civile relative à l'accès à la parcelle concernée par l'autorisation visait à faire interdiction d'utilisation du chemin. Il s'agissait d'un élément pertinent qui justifiait la suspension de la procédure. L'élargissement du chemin nécessiterait leur accord de copropriétaires, auquel ils s'opposeraient. Si la commune voulait procéder à cet élargissement, elle devrait faire usage de la voie de l'expropriation. L'élargissement restait un vœu pieu.

20) Le 7 mars 2022, les recourants ont déposé des observations, signalant la parution d'un arrêt du Tribunal fédéral du 18 février 2022 qui portait sur une cause similaire. En l'absence de toute garantie de réalisation des travaux permettant de créer un accès suffisant à la parcelle à urbaniser, l'autorisation de construire ne pouvait pas être délivrée.

21) Le 8 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Les recourants invoquent une violation de leur droit d'être entendus et une violation de l'application de la maxime d'office, le TAPI ayant renoncé à effectuer un transport sur place. Ils sollicitent également un transport sur place devant la chambre de céans.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2).

Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion que ces preuves ne sont pas décisives pour la solution du litige, voire qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. Les recourants sollicitent le transport sur place pour « faire constater les problématiques en lien avec la voie d'accès », soit l'impossibilité de croisement, le fait que les riverains allaient bloquer les accès à leurs parcelles pour ne pas être envahis par les véhicules ainsi que l'inaptitude du chemin des Manons à absorber un doublement du trafic.

Or, le dossier contient de nombreuses photographies du chemin produites par les recourants, notamment au droit du no 4 face aux nos 5,7,9,11 et 13, avec et sans véhicules engagés sur la chaussée. Les recourants se réfèrent également à l'étude de K______ s'agissant des problèmes liés à la configuration du chemin des Manons. qui contient également de nombreuses photographies. Au surplus, le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG) permet à la chambre de céans d'accéder aux photographies aériennes du chemin, de la parcelle litigieuse et des environs. Finalement, les images de synthèse et les plans figurant au dossier permettent d'avoir une vision complète de la situation.

Ainsi, la tenue d'un transport sur place n'apparaît pas utile à la résolution du présent litige, la largeur du chemin, centrale dans l'argumentation des recourants, n'étant pas contestée et découlant notamment de l'étude produite et des plans figurant au dossier. Il appert donc que la chambre administrative, comme cela était le cas pour le TAPI, dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. L’organisation d’un transport sur place ne se justifie donc pas. Il ne sera pas donné suite à la demande de mesure d’instruction, à laquelle le TAPI a refusé, à raison, de donner suite.

3) Les recourants reprochent au TAPI de n'avoir pas suspendu la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure civile en action négatoire et en prévention du trouble qu'ils ont initiée le 10 janvier 2022. Ils sollicitent aussi la suspension de la procédure devant la chambre de céans.

a. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

b. La procédure civile concerne le droit d'utilisation du chemin des Manons, chemin privé, copropriété des vingt-six propriétaires des parcelles adjacentes. Elle vise à interdire l'emploi de ce chemin, seul à même de desservir la parcelle concernée par la construction litigieuse ainsi qu'à vingt-cinq autres parcelles, dont les recourants, en raison d'un usage accru du chemin qui serait fait par l'un des copropriétaires, au détriment du droit des autres copropriétaires et entrainant une aggravation de la charge.

Or, le sort de la présente procédure ne dépend pas de la procédure civile portant sur un usage excessif, conformément aux considérants qui suivent. Notamment, l'existence de la copropriété du chemin par la propriétaire de la parcelle litigieuse n'est pas contestée en soi.

Il ne sera en conséquence pas donné suite à la requête de suspension de la présente cause et pour les mêmes motifs, il sera constaté que le TAPI n’a pas violé l’art. 14 LPA en décidant de même.

4) Les recourants reprochent au TAPI d'avoir considéré que le terrain était équipé au sens de la LAT. La parcelle à urbaniser ne pourrait bénéficier d'un accès suffisant qu'en présence d'un élargissement du chemin des Manons et en l'absence de garantie au sens des droits réels de la réalisation de ces travaux, il n'existerait pas d'accès suffisant. Le TAPI aurait dû instruire la contradiction existante entre le préavis de l'OTC et le rapport de K______.

a. L'art. 22 LAT prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est notamment délivrée si le terrain est équipé (al. 2 let. b). Selon l'art. 19 al. 1 LAT, un terrain est réputé équipé lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès.

b. Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). Il faut aussi que la sécurité des usagers soit garantie sur toute sa longueur, que la visibilité et les possibilités de croisement soient suffisantes et que l'accès des services de secours et de voirie soit assuré. Selon la jurisprudence, la loi n'impose pas des voies d'accès idéales ; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2019 du 2 avril 2020 consid. 3.1). La réalisation de la voie d'accès est juridiquement garantie lorsque le terrain peut être raccordé à une route du domaine public ou à une route privée que les utilisateurs du bâtiment ont le droit d'emprunter (arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2014 du 20 juin 2016 consid. 7.1).

c. L'art. 19 LAT comporte des notions indéterminées. Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation (ATF 121 I 65 consid. 3a). Elles peuvent également se fonder sur les normes VSS, étant précisé qu'elles sont non contraignantes et doivent être appliquées en fonction des circonstances concrètes et en accord avec les principes généraux du droit dont celui de la proportionnalité. Elles ne doivent ainsi pas être appliquées de manière trop rigide et schématique (arrêts du Tribunal fédéral 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.2 ; 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.1 et 5.3.3 ; 1C_255/2017 du 24 octobre 2017 consid. 4.8).

d. Le Tribunal fédéral a déjà estimé qu'une situation insatisfaisante préexistante à un projet de construction ne saurait justifier le refus d'un permis de construire lorsque l'augmentation du trafic était modeste (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 5.3.3). La jurisprudence admet que si les conflits entre véhicules sont gérables, le cas échéant au moyen d'une manœuvre en marche arrière, la voie d'accès demeure adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_481/2018 du 20 mai 2020 consid. 7.2.2).

e. Le Tribunal fédéral a confirmé une autorisation de construire un immeuble de vingt-trois appartements avec un voie d'accès d'une centaine de mètres et d'une largeur de 3 à 3,5 m avec des murets de part et d'autre. L'étroitesse du chemin n'était pas rédhibitoire compte tenu de surlargeurs prévues tous les 30 m environ permettant le croisement de voitures de tourisme (arrêt du Tribunal fédéral 1C_597/2019 du 9 octobre 2020). La chambre de céans a confirmé que le département n'avait ni excédé, ni abusé de son pouvoir d'appréciation en suivant le préavis positif de l'OCT (anciennement DGT) pour un projet de réalisation de
dix-huit appartements en zone 5, lorsque le projet se situait proche de l'extrémité du chemin concerné qui présentait une largeur variable inférieure à 4,8 m sur la majorité, voire même de 3,4 m par endroit et qu'aucun accident n'avait été répertorié sur le tronçon (ATA/155/2021 du 9 février 2021).

5) a. Il convient d'examiner en premier lieu la contradiction alléguée par les recourants entre le préavis favorable de l'OCT et le rapport de K______.

Le préavis de l'OCT est favorable au projet, sans observations. Quant aux conclusions du rapport de K______, elles indiquent que « cette route de desserte est praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et des autres parcelles et n'expose pas ses usager à des dangers excessifs, ( ) l'accessibilité est suffisante car elle présente des conditions de commodité et de sécurité (visibilité, trafic) tenant compte des besoins de la construction projetée et cela même si, en raison du faible accroissement prévisible du trafic, la circulation devient moins aisée et exige des usagers une prudence accrue. »

Aucune contradiction ne peut donc être retenue, contrairement à ce que soutiennent les recourants. En conséquence, le grief d'instruction insuffisante sur ce point tombe à faux.

b. Les recourants ne mettent pas en cause la sécurité du trafic le long du chemin ou à son débouché sur la Voie-du-Coin. Ils soulèvent le problème du croisement des véhicules, lequel ne serait assuré qu'à condition d'empiéter sur des fonds privés.

Il faut constater à cet égard que le chemin est utilisé de manière stable depuis plusieurs années, comme voie d'accès unique pour les habitations qu'il dessert, et cela même si sa largeur n'est pas idéale. Ainsi, l'allégation des recourants qu'aucun croisement ne peut être effectué sur le chemin est déjà contredite par ces faits. En outre, le département allègue qu'aucun accident n'a été répertorié sur le chemin des Manons, ce qui est confirmé par le SITG pour les années 2019 à 2021.

Le rapport K______ indique qu'à certains endroits, le chemin ne permettait pas, à ce jour, le croisement de deux voitures, mais que la visibilité liée au tracé du chemin permettait d'anticiper d'éventuels croisements. Avec le projet de construction, le chemin serait partiellement élargi en face du no 9, devant le no 4, offrant une largeur de 5,45 m, le rendant ainsi conforme à la norme VSS pour permettre le croisement des deux voitures sur une route d'accès. Par endroit, la largeur resterait toujours inférieure à 4 m et le principe de l'attente lorsqu'un véhicule circule déjà sur le tronçon à 3 m de largeur ne serait pas modifié. Le
non-respect des normes VSS en termes de croisement n'était pas réalisé sur l'entier du chemin et il existait de nombreuses possibilités de croisement au niveau des espaces de stationnement et des accès aux habitations, notamment au début du chemin, comme le démontraient les photographies produites. Ces possibilités seraient complétées par les élargissements prévus (rapport K______ p. 6-7).

Il faut en outre prendre en compte le fait qu'il s'agit d'une voie de desserte en impasse empruntée presque uniquement par les habitants du chemin. Le chemin ne constitue pas une voie de passage. De plus, deux places d'évitement supplémentaires sont prévues sur la parcelle concernée, le long du chemin, à son point le plus étroit, dans les 80 premiers mètres, s'ajoutant au premier élargissement existant déjà à la hauteur du chemin d'accès aux nos 2C et 2D du chemin des Manons. Finalement, le rapport de K______ retient, sans être contredit par les recourants, que cette situation est commune dans ce type de configuration de quartier.

c. Quant à l'allégation des recourants selon laquelle ces espaces de croisement, situés sur terrain privé, pourraient être rendus inaccessibles, elle n'est pas relevante dans la mesure où il a déjà été retenu que, même dans le cas d'une voie d'accès nécessitant éventuellement de reculer ou d'empiéter sur les fonds privés, lorsqu'une pratique s'est instaurée dans le cadre d'une route de desserte, cette circonstance est susceptible d'être prise en compte pour admettre que l'accès est suffisant au regard de l'exigence d'équipement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.2). En l'espèce, toutefois, deux zones de dégagement sont créées par le projet sur la parcelle concernée sur laquelle, contrairement à ce que
sous-entendent les recourants, les autres copropriétaires du chemin n'ont aucun droit.

d. Quant à l'argument qui voudrait que la construction ne pourrait bénéficier d'un accès suffisant qu'en présence d'un élargissement du chemin des Manons, en particulier au début du chemin, il tombe à faux dans la mesure où le projet prévoit les deux zones de croisement qui suffisent déjà à garantir un accès conforme aux exigences rappelées ci-dessus. Quant à la servitude dont les recourants font grand cas, en lien avec un récent arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022, la situation n'est pas comparable puisqu'en l'occurrence l'accès, suffisant, n'est pas dépendant de la constitution d'une servitude au bénéfice de la parcelle à construire. La servitude, dont la constitution est prévue comme condition de l'autorisation délivrée, vise à permettre, à terme, un élargissement du chemin, envisagé par la commune, donc uniquement à améliorer encore la situation et non à la rendre conforme aux exigences de l'art. 19 LAT. Ainsi, cet éventuel élargissement de 2 m du chemin sur l'entier du tronçon longeant la parcelle concernée par le projet de construction ne fait pas l'objet du présent recours, s'agissant d'un projet des autorités communales pour lequel elles ont exigé la constitution d'une servitude de passage public pour tous véhicules et son éventuelle cession ultérieure.

Il appert donc que l'accès suffisant sous son aspect juridique préexiste puisqu'il est constitué par un chemin dépendant des parcelles qui le bordent et notamment par la parcelle sur laquelle est prévu le projet. Ainsi, la procédure de droit privé, initiée par quelques propriétaires voisins, liée à un trouble subi par certains copropriétaires par un usage excessif qui serait fait par l'un des copropriétaires du chemin, apparaît comme exorbitante au litige.

En conséquence, compte tenu également du préavis favorable sans observations de l'OTC, de celui de la police du feu, conformément aux définitions rappelées ci-dessus, c’est sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le département a estimé que la parcelle litigieuse était équipée d’une manière adaptée à l’utilisation prévue.

Le grief des recourants sera donc écarté.

6) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à G______ qui y a conclu, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2022 par Madame et Monsieur B______, Monsieur C______, Madame et Monsieur A______, Madame D______, Monsieur  E______ et Madame F______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur  B______, Monsieur C______, Madame et Monsieur A______, Madame Monique D______, Monsieur  E______ et Madame F______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à G______ SA, à la charge solidaire de Madame et Monsieur B______, Monsieur C______, Madame et Monsieur A______, Madame D______, Monsieur  E______ et Madame F______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Grodecki, avocat des recourants, à Me Dominique Burger, avocate de G______, à Mme H______, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :