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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1975/2021

ATA/733/2021 du 12.07.2021 ( EXPLOI ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1975/2021-EXPLOI ATA/733/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 12 juillet 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA
représenté par Me Thierry Sticher, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



Vu le recours interjeté le 12 mai 2021 par courriel auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après: PCTN) par A______ SA contre la décision du PCTN du 10 mai 2021 constatant la caducité de l’autorisation d’exploiter le café-restaurant à l’enseigne « B______ », sis chemin C______ à Genève, propriété de la société précitée, ordonnant la cessation immédiate de l’exploitation et retirant l'effet suspensif au recours ; que le PCTN a transmis ce recours le 8 juin 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, comme objet de sa compétence;

que la décision est intervenue à la suite du décès de l'exploitant Monsieur D______ le ______ 2021 et de l’absence de formulation d’une demande d’autorisation d'exploiter dans le délai imparti par le PCTN ;

que la recourante a exposé qu’à la suite du décès de M. D______, copropriétaire avec son épouse de la société, les conditions douloureuses et les nombreuses tâches administratives n’avaient pas permis de respecter le délai imparti par le PCTN ; elle sollicitait ainsi l’octroi d’un nouveau délai, la reconsidération de la décision et la restitution de l’effet suspensif ;

qu’invitée par la chambre de céans à conformer son recours aux exigences légales, la recourante a complété son exposé en expliquant que la fille du défunt, Madame
E______, avait obtenu le diplôme de cafetier, restaurateur et hôtelier le 20 janvier 2020 et qu’une nouvelle demande avait été déposée le 16 juin 2021 ; elle sollicitait la reconsidération de la décision attaquée ;

que le PCTN a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ; le statu quo ante ne pouvait être maintenu, l’exploitant étant décédé ; par ailleurs, l’autorisation d’exploiter ne pouvait être accordée à titre provisionnel, une telle mesure revenant à accorder ce qui était demandé au fond ; enfin, le préjudice financier allégué ne justifiait pas non plus l’octroi d’une autorisation d’exploiter provisoire ;

que, dans sa réplique, la recourante a relevé que le retrait de l’effet suspensif n’était pas motivé dans la décision ; la fille du défunt étant titulaire d’une patente, elle était en mesure d’assurer l’exploitation, comme le prévoyait l’art. 12 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) ; le délai imparti par le PCTN pour requérir une nouvelle autorisation d’exploiter avait été trop bref ; il se justifiait ainsi d’accorder une autorisation à titre précaire ;

considérant, en droit, que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in
RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce, la restitution de l'effet suspensif aurait pour conséquence de rétablir l'autorisation d’exploiter délivrée à M. D______, dont le décès rend toutefois impossible l’exercice de cette exploitation ; que, sur ce point, l’octroi de mesures provisionnelles est impossible ;

que se pose, toutefois, la question de savoir si l’exploitation du café-restaurant peut, durant la procédure de recours, se poursuivre à un autre titre ;

qu’à cet égard, il convient de relever que l’art. 12 LRDBHD prévoit que lorsque l’exploitant d’une entreprise autorisée décède, le département peut autoriser la poursuite de l’exploitation, à titre précaire, pour une durée d’une année, renouvelable pour de justes motifs notamment si l’exploitant temporaire est un proche parent participant à l’exploitation de l’entreprise et si celui-ci remplit les conditions prévues à l'art. 9 let a, b, d et e LRDHBD ;

qu’en l’espèce, il ressort du dossier que la société propriétaire est une société familiale exploitée par le défunt et son épouse, que leur fille est titulaire du diplôme de cafetier et est, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, impliquée dans l’exploitation du restaurant ;

qu’il n’est pas allégué que la fille du défunt ne remplirait pas les conditions de l’art. 9 let. a, b, d et e LRDHBHD, à savoir qu’elle ne serait pas une personne physique autorisée à travailler en Suisse, disposant des droits civils, d’un diplôme de cafetier et présentant, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément à la loi ;

que dans ces conditions, il apparaît, de prime abord, que les conditions permettant l’octroi d’une autorisation à titre précaire sont réalisées, de sorte que le recours ne semble pas dépourvu de chances de succès ;

que, par ailleurs, dans le contexte du décès de l’exploitant, la période d’un an permettant, à titre précaire, l’exploitation du restaurant par un proche qui participe à l’entreprise, vise à permettre la continuité de celle-ci et à laisser au proche survivant un temps raisonnable, d’une année, pour procéder à la mise en conformité ;

qu’au vu de l’ensemble de ce qui précède et des circonstances particulières du cas d’espèce, il sera fait droit à la requête de mesures provisionnelles en ce sens que l’effet suspensif sera restitué en ce qui concerne l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation et le PCTN invité à se prononcer sur l’octroi d’une autorisation d’exploiter en faveur de Mme E______ à titre précaire ;

que le sort des frais de la présente décision est réservé.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours en ce qui concerne l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation du café-restaurant à l’enseigne « B______ » ;

renvoie le dossier au PCTN afin qu’il se prononce sur l’octroi, à titre précaire, d’une autorisation d’exploiter l’établissement précité ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Thierry Sticher, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

 

La juge :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :