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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2120/2021

ATA/759/2021 du 14.07.2021 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : MUREX TRONCULUS SA / AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2120/2021-MARPU ATA/759/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 juillet 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

MUREX TRONCULUS SA
représentée par Me Guillaume Francioli, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE



Vu le recours interjeté le 18 juin 2021 par Murex Tronculus SA (ci-après : Murex) contre la décision de l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) du 7 juin 2021, l’excluant du marché public « contrat de maintenance Grands séparateurs à Hydrocarbures (EP), Petits séparateurs à Hydrocarbures (ERI) et canalisations (EU) » et adjugeant celui-ci à Liaudet Pial SA (ci-après : Liaudet), dont l’offre remplissait les conditions et était économiquement la plus avantageuse ; l’offre de Murex était tardive, car elle était parvenue à AIG le 4 mai 2021 et non le 3 mai 2021 comme exigé ; était jointe l’évaluation multicritères de l’offre de Liaudet ;

que Murex expose qu’elle avait affranchi et déposé à la poste le pli contenant son offre le 28 avril 2021 par courrier A ; Murex était convaincue que son offre avait été lue, ce qui contredisait l’assertion selon laquelle son offre avait été tardive ; son offre était plus avantageuse que celle de Liaudet ; elle demandait la production de la grille multicritères ou à AIG de procéder à son évaluation, afin que celle-ci puisse être contrôlée ;

que Murex a conclu, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif, à ce qu’il soit fait interdiction à AIG de conclure tout contrat en lien avec le marché public, qu’il soit ordonné à AIG de produire une photographie du timbre postal figurant sur le colis contenant son offre, de produire le procès-verbal d’ouverture des offres, de produire l’analyse multicritères de l’offre de Murex et le tableau comparatif des offres comprenant celles de Liaudet et la sienne, voire si ladite analyse n’existait pas en ce qui concernait l’offre de Murex, d’y procéder, d’ordonner à AIG de préciser si le montant de l’offre de Liaudet se comprenait hors taxes ou non, d’ordonner l’audition de la réceptionniste de Murex, d’un employé d’AIG et du chef du service génie civil d’AIG, d’autoriser Murex à consulter, auprès d’AIG, le dossier d’adjudication, d’ordonner à AIG de produire l’intégralité de l’offre de Liaudet et de lui octroyer un délai pour compléter son recours ;

que Murex a conclu, principalement, à l’annulation de la décision d’exclusion et de non-adjudication et de la décision d’adjudication, de constater qu’elle avait déposé son offre dans le délai de soumission et de lui adjuger le marché public ;

que, selon Murex, l’octroi de l’effet suspensif se justifiait, dès lors qu’elle souhaitait conserver la possibilité de conclure le contrat, qu’il n’y avait pas d’urgence à le conclure et que ses chances de succès ne faisaient aucun doute ;

qu’AIG a conclu au rejet du recours et de la requête d’effet suspensif ; que selon le n° d’envoi postal du pli contenant l’offre de Murex, celui-ci avait été envoyé par « PostPac Economy » et non par courrier A et distribué le 4 mai 2021 ; tardive, l’offre de Murex n’avait pas été ouverte ; les chances de succès du recours étaient faibles ; le service requis de l’adjudicataire visait à préserver l’environnement ; en effet, les séparateurs servaient à intercepter les hydrocarbures versés accidentellement sur le tarmac et l’entretien desdits séparateurs, qui fait l’objet du marché public, devait être assuré en tout temps ; compte tenu de la fin du contrat en cours le 30 juin 2021, il y avait urgence à la conclusion d’un nouveau contrat ;

qu’AIG a produit le pli contenant l’offre de Murex ; celui-ci a été affranchi le 28 avril 2021, comporte le n° 99.00.120001.10189564 apposé par la Poste le 29 avril 2021 ainsi que l’indication manuscrite « 4.5.2021 » figurant sous « reçu le » et « 7h30 » figurant sous « reçu à » ; selon le suivi des envois postaux, également produit par AIG, le pli en question a été déposé le 29 avril, trié le 3 mai et distribué le 4 mai 2021 ; selon le procès-verbal d’ouverture des offres du 11 mai 2021, l’offre de Murex n’est pas arrivé dans les délais, ayant été reçue le 4 mai 2021 à 7h30 ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que AIG ne pouvait se prévaloir d’une quelconque urgence à conclure le contrat litigieux, dès lors que ladite urgence était due à son manque d’anticipation ; le délai pour déposer l’offre était insuffisamment précis, dès lors qu’il ne mentionnait pas l’heure, et l’appel d’offres n’indiquait pas la conséquence du non-respect du délai de soumission ; l’offre de Murex aurait ainsi dû être prise en considération ;

que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - GE  - E 5 10  ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020 ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019 ; ATA/446/2017 du 24 avril 2017 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l’art. 42 RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive (al. 1 let. a) ; que les offres écartées ne sont pas évaluées, l'autorité adjudicatrice rendant une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3) ; que ces conséquences rigoureuses découlent de l'application des principes à la fois d'égalité de traitement entre concurrents et de transparence (ATA/850/2020 du 1er septembre 2020 consid. 5b ; ATA/448/2020 du 7 mai 2020 consid. 5 ; ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 4).

qu’en l’espèce, il est exact, comme le soutient la recourante, que l’intimé ne peut se prévaloir de l’urgence à conclure le contrat litigieux, dès lors que la situation d’urgence est entièrement due à son absence d’anticipation ;

que cela étant, il ressort des conditions administratives de l’appel d’offres que le délai pour la remise de l’offre était « au plus tard le 03 mai 2021 » ; il était précisé qu’AIG ne garantissait que la réception des offres par voie postale (art. 3.10) ; par ailleurs, seules les offres respectant les conditions administratives étaient prises en considération et à défaut de leur respect, l’offre était déclarée irrecevable (art. 4.2) ;

que selon le suivi de l’envoi postal du pli contenant l’offre de la recourante, celui-ci a été distribué à l’intimé le 4 mai 2021 à 7h30, soit après le 3 mai 2021, ce que la recourante ne semble d’ailleurs plus contester ;

qu’au regard des exigences de respect de la date de soumission fixées dans conditions administratives, du fait que l’attention des soumissionnaires avait été attirée sur la conséquence de l’irrecevabilité de l’offre en cas d’inobservation des règles formelles ainsi que de l’art. 42 al. 1 let. RMP, qui prévoit d’écarter d’office une offre tardive, les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifestes ;

qu’il n’apparaît, en outre, pas d’emblée que l’intimé n’était pas autorisé à fixer un délai de soumission qui tombait un lundi, d’une part ; que, d’autre part, l’absence d’indication d’une heure précise de dépôt de l’offre demeure in casu sans conséquence, dès lors que l’offre de la recourante a été réceptionnée par le pouvoir adjudicateur le jour suivant l’échéance fixée ;

qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, il ne peut être retenu que les chances de succès du recours paraissent à tel point prépondérantes qu’elles justifieraient l’octroi de la restitution de l’effet suspensif ;

qu’en outre, l’intérêt public à ce que la maintenance des séparateurs à hydrocarbures soit assurée afin d’éviter que ceux-ci polluent le milieu naturel doit l’emporter sur l’intérêt privé financier de la recourante à se voir attribuer le marché public ;

que compte tenu ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Guillaume Francioli, avocat de la recourante, à l'Aéroport international de Genève ainsi qu’à la Commission de la concurrence.

 

 

le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :