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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/260/2021

ATA/552/2021 du 25.05.2021 ( MARPU ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);EXCLUSION(EN GÉNÉRAL);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;CONCLUSION DU CONTRAT;RÉVISION(DÉCISION);MOTIF DE RÉVISION
Normes : AIMP.18.al2; LPA.80.leta; LPA.81
Parties : CONNEXXION SARL / HOSPICE GENERAL, CROIX-ROUGE GENEVOISE
Résumé : Irrecevabilité d’une demande en révision formée à l’encontre d’un arrêt de la chambre administrative dont l’illicéité, en application de l’art. 18 al. 2 AIMP, a été constatée par le Tribunal fédéral et absence, au surplus, de motif de révision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/260/2021-MARPU ATA/552/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

CONNEXXION SÀRL
représentée par Me Enis Daci, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

CROIX-ROUGE GENEVOISE, ASSOCIATION CANTONALE DE LA
CROIX-ROUGE SUISSE
représentée par Me Soile Santamaria, avocate


EN FAIT

1) Le 11 janvier 2019, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a publié un appel d'offres pour un marché public en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour les « prestations d'interprétariat en milieu social » (ci-après : le marché) à compter du 1er juin 2019, le délai de dépôt des offres étant fixé au 22 février 2019 à 17h00.

2) Le 21 février 2019, l'hospice a reçu l'offre de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse (ci-après : CRG), association inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève et dont le but statutaire est d'accomplir des tâches humanitaires selon les principes fondamentaux de la Croix-Rouge en particulier sur le territoire cantonal, pour une offre de base, toutes taxes comprises (ci-après : TTC), de CHF 84.- par heure la première heure.

3) Le 22 février 2019, l'hospice a également reçu l'offre de Connexxion Sàrl (ci-après : Connexxion), société à responsabilité limitée inscrite au RC du canton de Vaud, ayant son siège à Lausanne et pour but statutaire la fourniture de services de traduction et d'interprétariat, pour une offre de base, TTC, de CHF 77.- par heure la première heure.

4) Par décision du 5 avril 2019, l'hospice a informé Connexxion de l'adjudication du marché en faveur de la CRG et du classement de son offre au deuxième rang, sur les deux offres évaluées.

5) Par acte expédié le 18 avril 2019, enregistré sous cause n° A/1595/2019, Connexxion a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à la production d'un certain nombre de pièces, principalement à l'annulation de ladite décision et à l'adjudication du marché en sa faveur, subsidiairement à la constatation du caractère illicite de l'adjudication, à l'octroi d'un délai adéquat pour quantifier et motiver sa prétention en réparation du dommage et à son indemnisation pour le dommage subi.

6) Le 25 juillet 2019, le juge délégué a donné accès à Connexxion à l'entier du document de la CRG « Offre de base - prestations en interprétariat communautaire en milieu social de la Croix-Rouge genevoise » versé au dossier.

7) Dans ses observations sur effet suspensif du 26 septembre 2019, puis dans ses observations finales sur le fond du 14 novembre 2019, Connexxion a maintenu et développé ses arguments, indiquant qu'il ressortait de l'annexe 3 de l'offre de la CRG que celle-ci avait mentionné une disponibilité de quarante heures par semaine d'un interprète, soit en « violation crasse » des dispositions impératives du droit du travail et de la convention collective de travail sur le personnel employé à l'heure et à la demande qui la liait à des syndicats (ci-après : CCT) qui limitait à quatorze le nombre hebdomadaire d'heures de travail, soit au moyen d'indications fausses fournies délibérément. Son offre n'indiquait pas non plus qu'elle entendait à l'avenir respecter ladite CCT ni qu'elle était en pourparlers avec les syndicats pour la modifier. L'hospice n'ignorait pourtant pas cette situation, puisqu'il s'agissait d'un fait notoire et que cette irrégularité était aisément décelable à la lecture de l'offre de la CRG, qui était ainsi mensongère et aurait dû être écartée.

8) Par décision du 21 octobre 2019, la présidence de la chambre administrative a refusé d'accorder l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

9) Le 14 novembre 2019, l'hospice et la CRG ont conclu le contrat d'exécution de l'offre portant sur le marché, ce dont l'hospice a informé la chambre administrative le 29 novembre 2019.

10) Connexxion a recouru contre la décision sur effet suspensif du 21 octobre 2019 auprès du Tribunal fédéral, lequel a, par ordonnances des 22 novembre et 4 décembre 2019 (2D_63/2019), accordé l'effet suspensif au recours, en ce sens que l'hospice n'était autorisé à conclure qu'un contrat à titre précaire, renouvelable de mois en mois, avec le prestataire actuel, la CRG, jusqu'à droit connu sur ledit recours.

11) Par arrêt du 19 décembre 2019 (ATA/1812/2019), la chambre administrative a rejeté le recours de Connexxion.

Le grief en lien avec une contradiction résultant des indications de la CRG dans l'annexe 3, à vocation purement indicative, outre le fait qu'il était dénué d'actualité puisque le plafond maximal de quatorze heures de travail par semaine imposé audit personnel par la CCT avait été abrogé le 5 juillet 2019, tombait à faux, dès lors que ledit document indiquait les heures de disponibilité des interprètes et non les heures de travail effectif. La CRG avait en outre expliqué que les interprètes pouvaient accepter ou refuser une prestation, en fonction de leur disponibilité effective. Connexxion n'avait pas non plus démontré que la CRG ne respectait pas le droit du travail impératif et la CCT, l'existence d'un différend en 2016 avec les syndicats n'impliquant pas des violations notables desdites règles.

12) Par ordonnance du 21 janvier 2020, le Tribunal fédéral a rayé la cause 2C_63/2019 du rôle, dès lors qu'elle était devenue sans objet à la suite de l'arrêt de la chambre administrative du 19 décembre 2019.

13) Le 13 janvier 2020, Connexxion a recouru auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative du 19 décembre 2019.

14) Par arrêt du 20 novembre 2020 (2D_6/2020), le Tribunal fédéral a admis, dans la mesure de sa recevabilité, le recours de Connexxion, constaté l'« illicéité » de l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à la chambre administrative afin qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens dans la procédure antérieure.

La chambre administrative avait fait une application arbitraire du droit des marchés publics en considérant que la CRG n'avait pas d'emblée à être écartée du marché. Il n'était ainsi pas soutenable de distinguer la notion de « disponibilité des interprètes » de celle d'« heures de travail effectif », rien ne laissant penser que l'adjudicateur ne pouvait pas demander à l'intimée, dans le cadre de l'exécution du marché, de mettre à sa disposition des interprètes pour un nombre d'heures correspondant au maximum proposé, soit un peu moins de quarante heures par semaine et par interprète en moyenne ou, à tout le moins, pour un nombre d'heures excédant quatorze. En outre, la chambre administrative n'avait fourni aucune argumentation pertinente permettant de distinguer la « disponibilité » du « travail effectif », mais s'était limitée à renvoyer aux déterminations de l'hospice et de la CRG, ce qui n'était pas suffisant pour rendre soutenable ladite distinction mais affaiblissait au contraire la motivation de l'autorité précédente jusqu'à la rendre manifestement insoutenable. En particulier, il n'appartenait pas à l'adjudicataire de dire que ses employés pouvaient refuser des prestations qu'il s'était engagé à fournir dans le cadre de son offre. Le fait de minimiser l'annexe 3 n'était pas non plus exempt d'arbitraire, dès lors que ce document était amené à être fortement pondéré lors de l'adjudication. Sur la base de ce document, il devait être retenu que l'offre de l'intimée prévoyait que ses employés seraient amenés à travailler jusqu'à quarante heures par semaine, alors que la CCT en vigueur lors du dépôt de l'offre limitait ce travail hebdomadaire à quatorze heures. Par conséquent, lors du dépôt de l'offre de la CRG le 21 février 2019 mais également lors de l'adjudication du marché le 5 avril 2019, celle-ci ne remplissait pas l'un des critères d'aptitude prévu par la loi, si bien que le marché ne pouvait lui être attribué.

Dans la mesure où le contrat portant sur le marché avait été conclu entre l'hospice et la CRG le 14 novembre 2019, il n'était pas possible d'annuler l'arrêt entrepris, de sorte qu'il convenait d'en constater le caractère illicite. La cause était renvoyée à la chambre administrative pour qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure s'étant déroulée devant elle.

15) À la suite de cet arrêt, Connexxion a conclu, dans la cause n° A/1595/2019, à l'octroi d'un montant total de CHF 111'464.50, avec intérêts, en sa faveur, à la charge solidaire de l'hospice et de la CRG, à titre d'indemnité. Ladite cause a été gardée à juger le 24 février 2021.

16) En parallèle, par acte expédié le 20 janvier 2021, enregistré sous cause n° A/260/2021, Connexxion a formé, devant la chambre administrative, une demande de révision de l'ATA/1812/2019, concluant à l'annulation de ce dernier ainsi qu'à la décision d'adjudication du 5 avril 2019, à ce que le marché lui soit adjugé avec effet immédiat et à ce que l'hospice soit condamné à lui verser, à titre de gain manqué, un montant de CHF 1'009'932.-, avec intérêts à 5 % dès le 15 novembre 2019, le tout « sous suite de frais et dépens ».

L'objet de la demande portait sur la partie de l'ATA/1812/2019 qui rejetait son recours du 18 avril 2019 et était devenue définitive depuis l'arrêt du Tribunal fédéral, le sort des frais et dépens, encore pendant, étant sans lien avec la présente procédure.

L'ATA/1812/2019 ainsi que la décision d'adjudication avaient été influencés de manière directe par l'infraction pénale de faux dans les titres commise par les dirigeants de la CRG, à l'encontre desquels elle avait déposé plainte pénale en date du 8 janvier 2021. Lesdits dirigeants avaient délibérément fourni des informations inexactes concernant le respect par la CRG des prescriptions en matière de droit du travail et signé différents documents à cette fin, remis à l'appui de son offre, ce qui lui avait permis de se voir adjuger le marché, alors qu'elle méritait d'être exclue de la procédure.

L'infraction de faux dans les titres était également établie par le Tribunal fédéral, qui était arrivé à la conclusion que le respect de la CCT, qui était un critère d'aptitude subordonnant l'accès à la procédure d'appel d'offres, n'était pas assuré par la CRG lors du dépôt de l'offre et de l'adjudication, si bien qu'elle aurait dû être exclue du marché de ce fait. La découverte du motif de révision était survenue au moment de la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral, qui avait permis d'établir l'existence d'un crime ayant influencé la décision faisant l'objet de la demande de révision, ce qui avait conduit au dépôt d'une plainte à l'encontre des dirigeants de la CRG.

Dans la mesure où la CRG aurait dû être exclue d'emblée, le marché devait lui être attribué avec effet immédiat. Elle sollicitait la réparation du dommage subi à hauteur de CHF 1'009'932.- pour les heures d'interprétariat sollicitées par l'hospice depuis le 14 novembre 2019, ce montant devant être réévalué par la suite.

17) Le 18 février 2021, l'hospice a conclu préalablement à l'apport de la cause n° A/1595/2019, principalement à l'irrecevabilité de la demande en révision et subsidiairement à son rejet, le tout « sous suite de frais et dépens ».

La demande était irrecevable pour avoir été déposée hors délai, Connexxion ayant évoqué en septembre 2019 déjà le même motif d'annulation de l'adjudication. À cela s'ajoutait que le Tribunal fédéral n'avait pas établi la réalité d'un crime, mais analysé les faits mis en exergue par l'intéressée pour en déduire que la CRG ne respectait pas la CCT. La seule existence d'une procédure pénale n'était pas non plus suffisante pour constituer un motif de révision, l'infraction alléguée n'ayant au demeurant pas influencé l'arrêt dont la révision était demandée, puisque la chambre administrative, pas plus que le Tribunal fédéral, ne s'était basée sur les documents dont se prévalait Connexxion pour déterminer si la CRG respectait ou non la CCT.

Les conclusions en attribution du marché et au paiement d'un montant de CHF 1'009'932.- étaient contradictoires. De plus, une fois le caractère illicite de la décision constaté, l'étendue de la réparation ne pouvait s'étendre qu'aux frais d'élaboration de l'offre et au coût de la procédure de recours.

18) Le 19 mars 2021, la CRG a conclu préalablement à l'apport du dossier de la cause n° A/1595/2019, principalement à l'irrecevabilité de la demande en révision, subsidiairement à son rejet, le tout « sous suite de frais et dépens ».

La requête était irrecevable, Connexxion ayant obtenu gain de cause au Tribunal fédéral à la suite de son recours contre l'arrêt dont elle demandait la révision. Dans le cadre de la présente procédure, elle ne pouvait obtenir davantage que par la voie du recours, le droit des marchés publics limitant la marge de manoeuvre de l'autorité.

Les conditions de la révision n'étaient pas non plus réalisées, puisque Connexxion avait déjà soulevé les mêmes griefs, en lien avec les heures de travail, dans la cause n° A/1595/2019, le Tribunal fédéral ayant considéré que l'exclusion de la procédure aurait dû être prononcée non pas en raison de faux renseignements fournis, mais du non-respect des dispositions de la CCT. Il n'existait dès lors aucun élément nouveau qui était apparu après le prononcé de l'arrêt de la chambre administrative, mais seul un changement d'interprétation juridique de la situation, ce qui ne constituait pas un motif de révision. À cela s'ajoutait que les documents dont se prévalait Connexxion ne constituaient pas des titres au sens du droit pénal, puisque les informations qu'ils contenaient étaient destinées à être vérifiées et qu'ils revêtaient la forme d'une auto-certification. L'intention d'induire l'hospice en erreur faisait également défaut, dès lors qu'il n'ignorait pas que le plafond de quatorze heures par semaine n'était pas appliqué par nombre d'interprètes.

19) Le 26 avril 2021, dans le cadre de sa réplique, Connexxion a persisté dans ses conclusions, précisant qu'elle avait complété la plainte pénale déposée à l'encontre de la CRG pour que soit instruite la potentielle commission d'infractions supplémentaires au vu des indications figurant dans sa réponse du 19 mars 2021, dont il ressortait que l'hospice était au courant de la violation par la CRG de sa CCT depuis de nombreuses années.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) a. Aux termes de l'art. 80 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît qu'un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d'une autre manière, a influencé la décision (let. a), que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), que par inadvertance, la décision ne tient pas compte de faits invoqués et établis par pièce (let. c), que la juridiction n'a pas statué sur certaines conclusions des parties de manière à commettre un déni de justice formel (let. d) ou que la juridiction qui a statué n'était pas composée comme la loi l'ordonne ou que les dispositions sur la récusation ont été violées (let. e).

En vertu de l'art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l'art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d'office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

Selon l'art. 82 LPA, dès le dépôt de la demande de révision, la juridiction saisie peut suspendre l'exécution de la décision attaquée et ordonner d'autres mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés.

b. La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b et les références citées).

c. Lorsque aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1c et les références citées).

2) a. En l'espèce, la demanderesse sollicite la révision de l'ATA/1812/2019 du 19 décembre 2019 sur la base de l'art. 80 let. a LPA.

Cet arrêt a toutefois été porté au Tribunal fédéral par la demanderesse, laquelle a obtenu gain de cause. En effet, la Haute Cour a admis le recours, constaté l'« illicéité » de l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à la chambre de céans pour qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure cantonale. Le Tribunal fédéral a en particulier considéré que la chambre administrative avait fait une application arbitraire du droit des marchés publics en effectuant une distinction entre la « disponibilité des interprètes » et les « heures de travail effectif », et ce sur la base des seules indications de la CRG, si bien qu'il fallait retenir de l'offre de celle-ci que ses employés seraient amenés à travailler jusqu'à quarante heures par semaine, alors que la CCT en vigueur limitait le travail hebdomadaire à quatorze heures. Puisque lors du dépôt de l'offre et lors de l'adjudication la CRG ne remplissait pas l'un des critères d'aptitude prévu par la loi, le marché ne pouvait lui être attribué. Ce faisant, le Tribunal fédéral a substitué son appréciation, en particulier de l'annexe 3, à celle précédemment effectuée par la chambre administrative, qui avait considéré, au contraire, que sur la base de ce document, au contenu indicatif, ainsi que des explications de la CRG, rien ne permettait d'affirmer que celle-ci ne respectait pas la CCT, dont le plafond de quatorze heures de travail avait été aboli depuis lors.

Si le Tribunal fédéral n'a pas formellement annulé l'arrêt contesté - ce que le droit des marchés publics ne permet plus une fois le contrat conclu -, il a néanmoins constaté son illicéité, en application de l'art. 18 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), l'arrêt du Tribunal fédéral étant entré en force de chose jugée le jour de son prononcé (art. 61 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF -
RS 173.110). L'on ne saurait ainsi considérer que l'arrêt de la chambre de céans du 19 décembre 2019 pouvait subsister de manière indépendante et, par conséquent, faire l'objet d'une demande de révision, si bien que ladite demande apparaît, pour ce motif déjà, irrecevable.

b. En tout état de cause, la requête ne saurait être considérée comme déposée dans le respect du délai de trois mois dès la découverte du motif de révision selon l'art. 81 al. 1 LPA. En effet, à tout le moins depuis ses observations du 26 septembre 2019 dans la cause n° A/1595/2019, la demanderesse invoque l'existence d'une « violation crasse » de la CCT par la CRG, qui aurait fourni délibérément des indications « fausses » et « mensongères » à l'appui de son offre en lien avec la durée hebdomadaire de travail, soit les mêmes arguments que ceux présentés dans le cadre de la présente cause, étant précisé qu'elle a pu consulter l'offre de la CRG dès le 25 juillet 2019 et prendre connaissance dès ce moment des documents la composant, y compris ceux sur lesquels elle fonde sa plainte pénale.

La demanderesse ne saurait être suivie lorsqu'elle allègue avoir découvert les motifs de révision invoqués à la lecture de l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 novembre 2020, lequel aurait établi l'existence d'un crime. Elle perd en particulier de vue que le Tribunal fédéral a statué sur la base des faits établis par la chambre de céans, sans les rectifier ni les compléter (art. 105 al. 1 et 2 LTF), mais les a appréciés différemment, ce qui a conduit au constat que la CRG aurait dû être exclue du marché. L'on ne trouve au demeurant dans ledit arrêt aucune mention de la commission d'une quelconque infraction pénale de la part de la CRG ou de ses organes dans le cadre de la procédure d'adjudication.

c. Pour ces mêmes raisons également, aucun des motifs de révision invoqués par la demanderesse n'est réalisé. En particulier, l'on ne décèle aucune influence directe de l'infraction alléguée sur l'arrêt rendu par la chambre de céans, laquelle ne s'est au demeurant pas fondée sur les documents sur lesquels la demanderesse se base, mais sur l'annexe 3 ainsi que sur les indications fournies par la CRG au sujet de la mise à disposition des interprètes, ce qu'a au demeurant également relevé le Tribunal fédéral. Le fait qu'une plainte pénale ait été déposée par la demanderesse le 8 janvier 2021 et complétée par la suite n'y change rien et ne constitue pas un élément qui aurait commandé que soit rendue une autre décision. Les conditions visées à l'art. 80 let. a LPA ne sont par conséquent pas non plus réalisées.

Il s'ensuit que la demande de révision est irrecevable, si bien que la conclusion des défendeurs visant à l'apport de la cause n° A/1595/2019 au dossier devient sans objet.

3) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la demanderesse, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à l'hospice, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 10). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- en faveur de la CRG, qui a pris des conclusions dans ce sens, sera mise à la charge de la demanderesse (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 20 janvier 2021 par Connexxion Sàrl contre l'arrêt ATA/1218/2019 du 19 décembre 2019 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Connexxion Sàrl ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse, à la charge de Connexxion Sàrl ;

dit qu'il n'est pas alloué d'autre indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat de la demanderesse, à Me Bertrand Reich, avocat de l'Hospice général, à Me Soile Santamaria, avocate de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse, ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :