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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/84/2021

ATA/557/2021 du 25.05.2021 ( EXPLOI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/84/2021-EXPLOI ATA/557/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SA et Monsieur B______
représentés par Me Murat Julian Alder, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 7 mars 2019, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Madame C______ à exploiter l'établissement « D______ » (ci-après : « D______ ») sis à la rue de E______ à Genève, dont A______ SA est propriétaire. Le 31 juillet 2019, elle a été autorisée à exploiter l'établissement « F______ » (ci-après : « F______ »), sis au______, rue de E______ et dont A______ SA est également propriétaire.

Le certificat de cafetier de Monsieur B______, qui a été administrateur de A______ SA jusqu'en novembre 2015 et directeur de celle-ci du 22 décembre 2015 au 22 août 2019, a été suspendu du 22 juin au 31 décembre 2018. Son épouse, Madame B______ est administratrice de A______ SA depuis novembre 2015.

2) Selon le rapport du secteur inspectorat du PCTN du 5 août 2020, le 8 juillet 2020 à 14h00, Mme C______ ne se trouvait pas dans le « F______ ». Elle avait, par la suite, déclaré qu'elle y était serveuse, que ses tâches se limitaient au service des boissons, au contrôle des frigos et de la présence des employés, dont elle ne connaissait pas les noms de famille ni la rémunération. Selon elle, c'était M. B______ qui gérait l'établissement ; il engageait, rémunérait et fixait les horaires des employés, effectuait les commandes, réceptionnait les marchandises, fixait les prix, contrôlait la caisse et faisait les inventaires. Elle ne s'occupait ni de la fermeture ni de l'ouverture du bistro. Elle travaillait essentiellement au « D______ ».

Elle avait déclaré que M. B______ lui versait CHF 1'600.- par mois pour « la patente » et qu'elle n'avait pas de contrat de travail. Depuis début 2020, elle n'avait perçu aucun salaire.

3) Selon le rapport du secteur inspectorat du PCTN du 5 août 2020, le même jour à 10h00, Mme C______ avait déclaré être serveuse au « D______ », s'occuper du service des boissons, du contrôle des frigos et de la présence des employés, dont elle ignorait le nom de famille. M. B______ les engageait, les rémunérait et déterminait leurs horaires. Une autre employée, prénommée G______, s'occupait de la cuisine ; elle l'aidait pour les commandes. Elle percevait un montant mensuel de CHF 1'600.- pour la « patente » et n'avait pas de contrat de travail.

Il ressortait toutefois de la requête d'autorisation qu'elle avait conclu un contrat de travail le 1er août 2018 avec A______ SA portant sur le « D______ », prévoyant une rémunération mensuelle de CHF 2'923.-.

4) Par décision du 25 novembre 2020 adressée à M. B______, le PCTN a constaté que celui-ci avait eu recours à un prête-nom pour l'exploitation du « D______ » et du « F______ ». Le retrait des autorisations d'exploiter les deux établissements, leur fermeture immédiate et une amende administrative seraient prononcés dès l'entrée en force de la décision.

Le même jour, le PCTN a rendu une décision constatant que Mme C______ avait servi de prête-nom pour l'exploitation du « D______ » et du « F______ ». La validité de son diplôme serait suspendue pour une durée de 36 mois, les autorisations d'exploiter les deux établissements retirées, leur fermeture immédiate ordonnée et une amende administrative prononcée dès l'entrée en force de la décision. Copie de cette décision a été réservée à A______ SA.

5) Par acte expédié le 11 janvier 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. B______ et A______ SA ont contesté ces deux décisions, dont ils ont demandé l'annulation. À titre préalable, ils ont requis la jonction de leur recours avec celui formé par Mme C______ ainsi qu'à la tenue d'une audience de comparution personnelle tendant à leur audition ainsi qu'à celle de Mme C______.

Le rapport du PCTN se fondait uniquement sur les déclarations de cette dernière. Il ne tenait nullement compte des observations formulées par A______ SA le 25 septembre 2020, ce qui avait conduit à une constatation inexacte des faits et consacrait une violation du droit d'être entendu. Par ailleurs, les mesures prévues par la loi en cas de prête-nom violaient le principe de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire.

6) Le PCTN a conclu au rejet du recours.

Les tâches effectuées par Mme C______ ne suffisaient pas pour retenir qu'elle gérait personnellement les deux établissements. Avant le prononcé de la décision, A______ SA avait exercé son droit d'être entendu, alors que le recourant ne s'était pas manifesté. Enfin, une fois les décisions du PCTN passées en force et les sanctions prononcées, A______ SA pourrait toujours continuer l'exploitation des deux établissements en désignant un nouvel exploitant et en sollicitant au préalable de nouvelles autorisations.

7) Les recourants n'ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

8) Lors de l'audience, qui s'est tenue le 19 avril 2021 devant la chambre de céans, Mme B______ a indiqué que son mari était gravement malade depuis plus d'une année ; il est hospitalisé depuis novembre 2020. Depuis janvier 2020 environ, elle assumait toutes les questions administratives du « D______ » et du « F______ ». Elle n'avait pas de patente. Leur fiduciaire, Monsieur H______, s'était inscrit en février 2021 pour suivre les cours en vue d'obtenir la patente. Après sa suspension en 2018, son mari avait soumis une nouvelle demande d'exploitant pour les deux établissements. Elle ne se souvenait pas quand il avait reçu l'autorisation d'exploiter ces derniers.

Mme C______ était tout le temps présente avec son mari, en particulier au « D______ ». Elle était également présente au « F______ ». Elle ignorait qui faisait quoi entre eux. Comme tout était déjà en place dans les deux bars, Mme C______ n'avait pas eu à prendre de décision particulière. Il n'y avait pas eu de changement particulier pendant cette période.

Mme C______ avait accès à tous les documents (contrats de travail, bail, etc.). Si celle-ci avait considéré qu'il fallait modifier quelque chose, elle aurait pu le faire. Il lui semblait qu'elle était plus présente au « D______ », qui ouvrait plus tôt que le « F______ ». Mme C______ faisait les commandes des boissons. Comme tout était déjà en place, elle avait repris ce qui se faisait déjà. Elle pensait que celle-ci faisait l'ouverture des deux établissements, mais pas la fermeture du « F______ », qui fermait à 2 h.00 du matin.

En raison de son état de santé, son mari avait fait des allers-retours entre la maison et l'hôpital depuis bien plus d'une année. Lorsqu'il était absent, Mme C______ prenait la relève.

À l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La décision constatant que Mme C______ a agi comme prête-nom ne concerne pas M. B______. Si, certes, cette décision constitue le pendant de celle qui lui a été notifiée, retenant qu'il avait recouru au service d'un prête-nom qui était la précitée, la décision la concernant ne le vise pas, ni d'ailleurs A______ SA.

Partant, le recours est recevable uniquement en ce qui concerne la décision destinée à M. B______, que seul celui-ci a qualité pour contester.

2) À titre liminaire, il convient de définir l'objet du litige.

a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 ; ATA/563/2020 du 9 juin 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/651/2020 du 7 juillet 2020 consid. 3a).

b. En l'espèce, la décision querellée constate que le recourant s'est servi d'un prête-nom pour l'exploitation des « D______ » et « F______ ». Si elle comporte, en outre, l'annonce de sanctions futures, celles-ci ne sont pas encore prononcées et feront l'objet d'une nouvelle décision, comme l'a indiqué le PCTN. Partant, seuls les constats du PCTN selon lesquels le recourant a eu recours à un prête-nom pour l'exploitation des « D______ » et « F______ » font l'objet de la présente procédure. Les griefs relatifs à la décision de sanction à venir ne seront ainsi pas examinés.

3) Le recourant demande la jonction de la présente cause à celle visant Mme C______.

a. À teneur de l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, il n'y a pas lieu de procéder à une jonction de causes lorsque des procédures portant sur des décisions rendues par la même autorité et prises en vertu des dispositions de la même loi, visent un complexe de faits différent ou ne concernent pas les mêmes parties (ATA/92/2016 du 2 février 2016 consid. 3b ; ATA/961/2014 du 2 décembre 2014 ; ATA/702/2014 du 2 septembre 2014).

b. En l'espèce, le complexe de faits sur lequel reposent les décisions rendues le 25 novembre 2020 se fondent certes sur les rapports de police du 5 août 2020. Toutefois, les constats effectués par le PCTN sont différents. Les parties ne sont pas non plus les mêmes, puisqu'une décision oppose Mme C______ au PCTN, alors que la présente cause oppose M. B______ au PCTN. Les deux causes, bien que faisant l'objet de deux décisions de la même autorité et fondées en partie sur les mêmes dispositions légales, ne présentent pas la connexité requise à leur jonction.

Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à la requête de jonction.

4) Le recourant a sollicité son audition ainsi que celle de A______ SA et de Mme C______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant, gravement atteint dans sa santé, n'a pas pu se présenter à l'audience. Lors de celle-ci, la représentante de A______ SA, épouse du recourant, a été entendue. Par ailleurs, le recourant a pu, dans son écriture et les pièces produites, apporter à la chambre de céans les éléments qu'il estimait pertinents. Pour le surplus, celle-ci dispose d'un dossier complet qui lui permet de de trancher le litige en connaissance de cause. L'audition de Mme C______ ne serait ainsi pas de nature à modifier l'issue du litige.

Il ne sera, partant, pas ordonné d'autres actes d'instruction.

5) Il convient d'examiner si c'est à juste titre que l'autorité intimée a retenu que le recourant s'est servi d'un prête-nom pour l'exploitation des établissements publics « D______ » et « F______ ».

a. La LRDBHD règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration et au débit de boissons à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter (al. 1), qui doit être requise lors de chaque changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise ou de modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2 ; art. 18 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

Le diplôme dont doit être titulaire l'exploitant, attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la LRDBHD (art. 9 let. c LRDBHD), est strictement personnel et intransmissible (art. 19 al. 1 LRDBHD). Il est interdit à son titulaire de servir de prête-nom pour l'exploitation d'une entreprise soumise à la LRDBHD, sous peine des mesures et sanctions prévues par celle-ci (art. 19 al. 2 LRDBHD).

L'autorisation d'exploiter est délivrée si l'exploitant est titulaire du diplôme attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la présente loi (art. 9 let. c LRDBHD). Elle est délivrée à condition que l'exploitant, notamment, offre toute garantie d'une exploitation personnelle et effective de l'entreprise, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, ou encore du respect de l'interdiction de recourir à un prête-nom ou de servir comme tel durant les trente-six mois qui précèdent le dépôt de la requête en autorisation (art. 9 al. 1 let. e LRDBHD).

b. Le prête-nom vise un comportement, prohibé par la loi, d'une personne physique titulaire du diplôme prévu par la loi, qui est autorisée formellement en tant qu'exploitant d'une entreprise, mais qui n'exerce pas effectivement et à titre personnel les tâches essentielles liées à la bonne marche de l'entreprise, qui sont de fait assurées par un tiers (art. 3 let. s LRDBHD).

Au titre des droits et obligations des exploitants et des propriétaires d'entreprises vouées à la restauration et au débit de boissons, l'art. 22 LRDBHD prévoit que l'exploitation de l'entreprise ne peut être assurée que par la personne qui est au bénéfice de l'exploitation y relative (al. 1). L'exploitant doit gérer l'entreprise de façon effective, en assurant la direction en fait de celle-ci. Le Conseil d'État précise les exigences en matière de présence et de responsabilité exercées par l'exploitant (al. 2). En cas d'absence ponctuelle de l'entreprise, l'exploitant doit désigner un remplaçant compétent et l'instruire de ses devoirs. Le remplaçant assume également la responsabilité de l'exploitation (al. 3). L'exploitant répond du comportement adopté par les personnes participant à l'exploitation ou à l'animation de l'entreprise dans l'accomplissement de leur travail (al. 4).

L'art. 40 RRDBHD prévoit que l'obligation de gérer l'entreprise de façon personnelle et effective est réalisée aux conditions cumulatives suivantes (al. 3) : l'exploitant assume la majorité des tâches administratives liées au personnel de l'établissement (engagement, gestion des salaires, des horaires, des remplacements, etc.) et à la bonne marche des affaires (commandes de marchandises, fixation des prix, composition des menus, contrôle de la caisse, inventaire, etc. ; let. a) ; il assure une présence de quinze heures hebdomadaires au moins au sein de l'établissement concerné, lesquelles doivent inclure les heures d'exploitation durant lesquelles les risques de survenance de troubles à l'ordre public sont accrus (let. b). Un exploitant peut dès lors être autorisé à exploiter trois établissements au maximum, pour autant qu'il n'exerce aucune autre activité professionnelle en parallèle (al. 4).

Il ressort des travaux préparatoires ayant mené à l'adoption de la LRDBHD que l'un des buts de la refonte était de renforcer l'interdiction de la pratique du prête-nom, laquelle, répandue mais inacceptable, devait être plus efficacement combattue au moyen de sanctions plus lourdes (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 44). Une telle pratique permettait d'obtenir frauduleusement des autorités compétentes une autorisation indue, en vue de contourner l'un des piliers de la loi, à savoir le régime d'autorisation qui supposait que seule une personne formée et détentrice du diplôme prévu par la loi exploite effectivement l'entreprise autorisée (exposé des motifs relatif au PL 11'282, p. 76 ; ATA/1214/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2c ; ATA/262/2018 du 20 mars 2018 consid. 4d).

6) En l'espèce, la situation présente la particularité que M. B______, détenteur de l'autorisation d'exploiter les deux établissements contrôlés, a vu cette autorisation suspendue du 22 juin au 31 décembre 2018. C'est cette suspension qui a conduit à l'engagement de Mme C______ en qualité d'exploitante.

Celle-ci a repris l'exploitation du « F______ » le 1er mai 2018 et celle du « D______ » le 1er août 2018. Il ressort du dossier que les deux établissements, tous deux de petite taille, étaient au moment de cette reprise déjà exploités, comptaient un petit nombre d'employés et ne présentaient pas de nécessité de subir un changement dans la manière dont ils étaient exploités. Il n'est, en effet, pas allégué que des employés auraient dû être licenciés ou engagés, que la carte, les boissons proposées, leur prix ou d'autres points dans la gestion des deux bars auraient dû être modifiés. Selon les éléments recueillis par les inspecteurs du PCTN, Mme C______ assurait une présence régulière auprès des deux établissements. Depuis janvier 2020, elle travaillait essentiellement au « D______ », M. B______ lui ayant indiqué qu'il avait repris l'exploitation du « F______ » depuis lors.

L'on comprend des déclarations de Mme C______ aux inspecteurs du PCTN que M. B______ était resté très présent dans les deux établissements après sa reprise de l'exploitation des deux établissements, respectivement les 1er mai et 1er août 2018. Certaines tâches étaient assumées par elle, d'autres par M. B______. Ce dernier, directeur de A______ SA, continuait à se charger du paiement des salaires, alors qu'elle-même contrôlait la présence de ceux-ci, le frigo et faisait les fonds de caisse du « D______ ». L'ouverture et la fermeture du « D______ » étaient gérées par Mme C______ et celles du « F______ » par l'une ou l'autre employée de cet établissement. Les commandes étaient effectuées tantôt par elle, tantôt par une autre employée, voire encore par M. B______. Ce dernier assumait les questions administratives relatives aux deux établissements. Toutefois, Mme C______ avait accès à tous les documents (contrats de travail, bail, etc.) et si elle avait considéré qu'il fallait modifier quelque chose, elle aurait pu le faire.

Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que Mme C______ aurait servi de prête-nom. Son implication concrète et personnelle dans l'exploitation jusqu'à fin 2019 des deux établissements, puis par la suite du « D______ », ne permet pas de retenir qu'elle ne gérait pas de manière personnelle et effective au sens de l'art. 40 RRDBHD les deux établissements.

À compter du 1er janvier 2020, Mme C______, à qui M. B______ avait indiqué qu'il disposait à nouveau de l'autorisation d'exploiter le « F______ », s'est retirée de la gestion de cet établissement. Il lui aurait, certes, incombé de s'assurer de la véracité des dires de M. B______, respectivement à celui-ci de lui présenter l'autorisation qu'il alléguait avoir reçue. Cela étant, la période de suspension de l'autorisation d'exploiter de M. B______ étant, le 1er janvier 2020, échue depuis douze mois, Mme C______ n'avait pas de raison de douter de la véracité des dires de M. B______. Par ailleurs, la modification dans l'exploitation du « F______ » est survenue au moment où M. B______ est tombé gravement malade. À mi-mars 2020, la fermeture des établissements publics en raison de la pandémie de coronavirus a été prononcée. Ainsi, si certes Mme C______ n'a plus assumé l'exploitation du « F______ » à compter du 1er janvier 2020, il ne peut être considéré qu'elle aurait servi de prête-nom à M. B______. Celui-ci n'était en effet tant en raison de son état de santé que de la fermeture temporaire de l'établissement pas en mesure d'exploiter le « F______ ». A fortiori, il n'a pas pu se servir de l'autorisation délivrée à la précitée pour exploiter cet établissement.

Au vu de ce qui précède, le constat selon lequel M. B______ aurait recouru aux services d'un prête-nom pour exploiter le « D______ » et le « F______ » est mal fondé. Le recours sera, par conséquent, admis et la décision querellée annulée.

7) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, qui ont agi par le même conseil (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 11 janvier 2021 par A______ SA et Monsieur B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 novembre 2020 adressée à Madame C______ ;

admet, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 11 janvier 2021 par A______ SA et Monsieur B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 novembre 2020 adressée à Monsieur B______ ;

annule cette décision ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ SA et Monsieur B______, solidairement entre eux, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Murat Julian Alder, avocat des recourants, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :