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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/699/2020

ATA/959/2020 du 29.09.2020 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE S'EXPLIQUER;RÉPLIQUE;DÉLAI;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);CAFETIER-RESTAURATEUR;AUTORISATION D'EXPLOITER;FIN;PROPRIÉTAIRE;SUCCESSION;HÉRITIER;DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : LPA.74; LPA.75; LPA.61; LRDBHD.1.al1; LRDBHD.3.letf; LRDBHD.3.letn; RRDBHD.40.al1; LRDBHD.3.leto; RRDBHD.39.al1; LRDBHD.8; RRDBHD.18.al1.leta; LRDBHD.13.al4; LRDBHD.23.al4; RRDBHD.37.al6; RRDBHD.37.al7; RRDBHD.37.al8; RRDBHD.39.al6; RRDBHD.39.al7; RRDBHD.40.al9; RRDBHD.40.al110; CC.560
Résumé : Ayant appris le décès du propriétaire de l'établissement public, l'autorité intimée devait interpeller les héritières de celui-ci afin que le droit d'être entendu de toutes les parties en cause soit respecté. Elle ne pouvait pas uniquement s'adresser à l'exploitant compte tenu des conséquences très lourdes découlant d’une décision constatant la caducité d’une autorisation d’exploiter. Recours partiellement admis et renvoi du dossier à l'autorité intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/699/2020-EXPLOI ATA/959/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Dextra Protection juridique SA, soit pour elle Me Roani Kunkler, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) La Ville de Genève est propriétaire de l'établissement public à l'enseigne « B______ » (ci-après : B______), sis rue de C______ , 1201 Genève.

2) Le 26 octobre 2018, Monsieur A______ et Monsieur C______ ont remis au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) une requête en autorisation d'exploiter B______.

M. C______ était indiqué comme étant le propriétaire de l'établissement et M. A______ comme son exploitant.

3) Le 10 décembre 2018, le PCTN a renvoyé cette requête à M. A______ dans la mesure où il manquait notamment l'attestation du bailleur (propriétaire des locaux) autorisant la sous-location des locaux en cas de mise en gérance de l'établissement.

4) Le 19 décembre 2018, M. A______ a complété une nouvelle requête. Toutefois, le formulaire étant incomplet et des pièces manquantes, la requête a été retournée à M. A______ par le PCTN le 5 février 2019.

5) Le 7 mars 2019, M. A______ a remis au PCTN une nouvelle requête en autorisation d'exploiter B______.

Au point 3.1, il a coché « OUI » à la question de savoir s'il existait une mise en gérance de l'établissement ou un bail à ferme.

Il a joint à sa requête un contrat de collaboration daté du 26 septembre 2018, selon lequel M. C______, propriétaire du fonds de commerce du B______ avait confié la libre gestion de l'établissement à M. A______ pour une durée indéterminée.

6) Le 29 mars 2019, le PCTN a renvoyé la requête à M. A______ au motif qu'elle était une nouvelle fois incomplète.

Dans ses commentaires, le PCTN a précisé que dans la mesure où l'intéressé était au bénéfice d'un contrat de mise en gérance libre, il devenait le propriétaire de l'établissement public selon la loi. Il devait par conséquent compléter un nouveau formulaire et fournir les pièces requises. L'accord écrit de la régie lui permettant de bénéficier de cette mise en gérance devait en outre être produit.

7) Le 4 avril 2019, le PCTN a accusé réception d'une nouvelle requête complétée par M. A______.

Au point 3.1, il a coché « NON » à la question de savoir s'il existait une mise en gérance de l'établissement ou un bail à ferme.

Un contrat de travail conclu entre MM. C______ et A______ non daté était joint à la requête. Selon ce document, M. C______ avait engagé M. A______ en tant qu'exploitant du B______ dès le 28 septembre 2018 pour une durée indéterminée.

8) Le 18 mai 2019, M. A______ a interpellé le PCTN, précisant qu'il était toujours dans l'attente de l'autorisation requise afin d'exploiter B______ en gérance libre.

9) Le 22 mai 2019, le PCTN, constatant que selon la requête du 4 avril 2019 il n'existait pas de mise en gérance du B______, a demandé à M. A______ de confirmer par écrit que le contrat de gérance conclu le 26 septembre 2018 avec M. C______ avait été résilié.

10) Le 23 mai 2019, M. A______ et M. C______ ont confirmé que le contrat du 26 septembre 2018 avait été résilié et remplacé par le contrat de travail non daté joint à la requête du 4 avril 2019.

11) Le 14 juin 2019, le PCTN a délivré à M. A______ une autorisation d'exploiter le café-restaurant B______, propriété de M. C______.

12) Le 7 juillet 2019, M. C______ est décédé.

13) Le 13 janvier 2020, le PCTN a procédé à un contrôle du B______.

Selon le rapport, les inspecteurs avaient appris le décès de M. C______ et avaient constaté que l'établissement public était ouvert et exploité.

Un courrier avait été remis en main propre à Madame D______, répondante sur place, en l'absence de M. A______.

Selon ce courrier, M. A______ exploitait B______ sans autorisation préalable du PCTN. Une sommation de fermeture intimant à M. A______ l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation de l'établissement ainsi qu'une amende administrative étaient envisagées. Un délai lui était accordé pour formuler des observations écrites.

14) Le 15 janvier 2020, M. A______ a relevé qu'il était lié à M. C______ par un contrat de gestion libre signé au mois de septembre 2018. À la suite du décès de M. C______, qu'il avait appris quatre mois auparavant, il avait poursuivi l'exploitation du B______ en attendant que les héritières de M. C______ se présentent pour une mise au point, ce qui avait été fait la semaine précédente. Il avait subi des intimidations de leur part.

Il avait en outre envoyé deux courriers au PCTN les 29 septembre 2019 et 6 janvier 2020 pour annoncer son souhait de changer le nom de l'enseigne de l'établissement en « E______ ». Il n'avait pas reçu de réponse du PCTN.

15) Par décision du 7 février 2020, le PCTN a constaté la caducité de l'autorisation délivrée le 14 juin 2019 aux fins d'exploiter B______. L'exploitation devait cesser dès l'entrée en force de la décision.

À la suite du décès de M. C______ survenu le 7 juillet 2019, aucune démarche n'avait été entreprise par les nouveaux propriétaires, soit les héritières de M. C______, dans le délai prévu par la loi. Afin d'assurer la continuité de l'exploitation de l'établissement par l'exploitant désigné par le précédent propriétaire, les nouveaux propriétaires devaient déposer une requête dans un délai de trente jours, ce qui n'avait pas été fait.

S'agissant du contrat de gestion libre conclu le 26 septembre 2018, le PCTN relevait que MM. A______ et C______ avaient indiqué le 23 mai 2019 qu'il avait été résilié.

Enfin, les courriers que M. A______ avait envoyés au PCTN datés du 29 septembre 2019 et 6 janvier 2020 ne faisaient pas mention du décès de M. C______ et le formulaire nécessaire en cas de changement de propriétaire n'avait pas été déposé.

Une copie conforme de la décision a été envoyée à l'hoirie de feu M. C______.

16) Par acte mis à la poste le 25 février 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Au moment du dépôt de la requête d'autorisation d'exploiter, il existait un contrat de mise en gérance libre conclu avec M. C______. À la suite de demandes du PCTN, ils avaient également conclu un « contrat de collaboration ».

Il ignorait qu'il aurait dû légalement annoncer le décès de M. C______. Il n'avait jamais voulu taire cette information qui avait d'ailleurs été communiquée aux inspecteurs du PCTN lors de leur visite le 13 janvier 2020.

Les échanges avec les filles de M. C______ n'étaient pas faciles. Elles n'étaient pas certaines de vouloir acquérir la succession de leur père.

En outre, l'autorisation d'exploiter le café-restaurant B______ du 14 juin 2019 avait été délivrée uniquement à M. A______ qui en était l'exploitant.

Enfin, il avait procédé à des investissements afin de mettre aux normes l'établissement.

Il ne comprenait pas la volonté du PCTN de constater la caducité de ladite autorisation alors qu'il n'avait commis aucune faute professionnelle.

Il a produit notamment un contrat de libre gérance daté du 25 août 2018 conclu entre M. C______ et F______ et associés (ci-après : F______). Ce contrat avait pour but la mise en gérance libre du B______. Selon le registre du commerce du canton de Genève, M. A______ est associé-gérant-président d'F______.

17) Le 9 mars 2020, M. A______, sous la plume de son mandataire, a complété son recours concluant à l'annulation de la décision du PCTN du 7 février 2020 et à ce qu'il soit dit qu'il avait le droit de continuer d'exploiter B______, « sous suite de frais et dépens ».

Le PCTN aurait dû, selon la loi, accorder un délai de trente jours aux héritiers de M. C______ pour se déterminer quant à la désignation de l'exploitant.

La décision attaquée, basée uniquement sur des conditions établies par le règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01), ne reposait pas sur une base légale suffisante et violait l'art. 13 al. 4 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22).

18) Le 20 avril 2020, M. A______ a confirmé ses conclusions prises dans son écriture du 9 mars 2020.

19) Le 15 mai 2020, le PCTN a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

L'autorisation d'exploiter B______ délivrée par le PCTN à M. A______ avait été basée sur les informations reçues à la suite des différentes requêtes déposées par celui-ci et du courrier de MM. A______ et C______ du 23 mai 2019 confirmant la résiliation du contrat de gérance conclu le 26 septembre 2018, qui avait été remplacé par un contrat de travail.

Si un contrat de mise en gérance avait été conclu après la délivrance de l'autorisation d'exploiter, le dépôt d'une nouvelle requête était requis avec les pièces nécessaires.

Au vu de ces éléments, le PCTN n'avait pas connaissance de l'existence d'un contrat de mise en gérance entre MM. A______ et C______.

Les filles de M. C______, décédé le 7 juillet 2019, étant héritières de ce dernier et en cas d'acceptation de la succession, devenaient les nouvelles propriétaires du fonds de commerce de l'établissement. Toutefois, aucune démarche n'avait été entreprise ni par M. A______, ni par ces héritières afin d'annoncer au PCTN le changement de propriété. Une requête pour changement de propriétaire confiant l'exploitation à M. A______ n'avait pas été déposée dans le délai de trente jours prévu par la loi. Les courriers de M. A______ des 29 septembre 2019 et 6 janvier 2020 ne faisaient aucune mention du décès de M. C______ et ne sauraient être assimilés à une requête complète pour changement de propriétaire.

L'interprétation de la loi au sens voulu par M. A______ aboutirait à des résultats très insatisfaisants. Le point de départ du délai de trente jours serait en effet superflu et dépendrait de l'action (ou de l'inaction) des nouveaux propriétaires. Cela laisserait la place à des abus de droit et à des inégalités de traitement puisque ceux qui annonçaient le changement de propriétaire au moment du changement de propriété auraient moins de temps pour confier l'exploitation de l'établissement à l'exploitant désigné alors que ceux qui le faisaient plus tard pourraient bénéficier de trente jours supplémentaires. Cette interprétation causerait également une période d'incertitude. L'exploitant qui n'était pas officiellement désigné par le nouveau propriétaire aurait un statut incertain face à la loi, jusqu'à ce que le nouveau propriétaire entreprenne les démarches nécessaires auprès du PCTN.

Au vu de ces éléments, l'intention du législateur était clairement d'octroyer un délai de trente jours au nouveau propriétaire à partir du changement de propriété afin d'éviter de tels résultats et afin que l'exploitant qui avait été désigné par l'ancien propriétaire puisse l'être à nouveau par le nouveau, dans un délai adéquat.

Le PCTN était dès lors en droit de constater la caducité de l'autorisation d'exploiter délivrée le 14 juin 2019.

20) Le 19 mai 2020, le juge délégué a imparti un délai au 22 juin 2020, prolongé au 14 août suivant, à M. A______ pour formuler toute requête complémentaire et/ou exercer son droit à la réplique.

21) Le 17 août 2020, M. A______ a répliqué persistant dans ses conclusions.

L'art. 13 al. 4 LRDBHD était clair prévoyant que le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) accordait un délai de trente jours au nouveau propriétaire pour désigner l'exploitant avant de constater la caducité de l'autorisation.

Cet article ne laissait pas de place à une interprétation ou à une précision supplémentaire à formuler dans le RRDBHD.

Un résultat insatisfaisant causé par l'application de la loi ne permettait pas au PCTN d'imposer des conditions supplémentaires figurant dans le RRDBHD, lequel ne pouvait pas s'appliquer au détriment de la loi.

La décision attaquée, basée sur des conditions établies par un règlement, ne reposait pas sur une base légale suffisante et violait l'art. 13 al. 4 LRDBHD.

22) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La réplique du recourant du 17 août 2020 est intervenue après le délai fixé au 14 août 2020 par la chambre de céans.

a. Selon l'art. 74 LPA, la juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires. À teneur de l'art. 75 LPA, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le délai fixé par elle pour la réponse est un délai d'ordre (art. 73 et 75 LPA), la loi ne prévoyant aucune conséquence en cas de non-respect de ce délai (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 3a ; ATA/264/2018 du 20 mars 2018 consid. 3 et les références citées), raison pour laquelle aucune conséquence n'est tirée du non-respect des délais fixés.

b. En l'occurrence, si la jurisprudence précitée concerne le délai fixé pour la réponse, rien n'empêche d'appliquer, par analogie, un raisonnement similaire à une réplique expédiée trois jours après le délai imparti par la chambre de céans, ce d'autant plus que l'attention du recourant n'avait pas été attirée sur le fait que sa réplique serait écartée si elle n'était pas formée dans le délai imparti.

En outre, écarter la réplique du recourant serait sans incidence sur l'issue du litige.

La réplique du recourant est donc recevable, ce que l'intimée ne conteste au demeurant pas.

3) L'objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision du 7 février 2020 constatant la caducité de l'autorisation délivrée le 14 juin 2019 au recourant aux fins d'exploiter l'établissement public B______.

4) a. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d'espèce (ATA/1308/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2).

b. L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, les principes de la bonne foi et de la proportionnalité (ATA/32/2020 du 14 janvier 2020 consid. 2b et l'arrêt cité).

5) a. La LRDBHD règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

b. Sont des cafés-restaurants et bars, les établissements où un service de restauration et/ou de débit des boissons est assuré, et qui n'entrent pas dans la définition d'une autre catégorie d'entreprise (art. 3 let. f LRDBHD).

Est exploitant, la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (art. 3 let. n LRDBHD ; art. 40 al. 1 RRDBHD).

Le propriétaire est défini comme étant la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci, et qui désigne l'exploitant (art. 3 let. o LRDBHD ; art. 39 al. 1 RRDBHD). En cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité (art. 39 al. 2 RRDBHD).

c. L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement, à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1), qui doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2 ; art. 18 al. 1 let. a RRDBHD).

d. Selon l'art. 13 al. 4 LRDBHD, en cas de changement de propriétaire, le département accorde un délai de trente jours pour désigner l'exploitant avant de constater la caducité de l'autorisation.

L'art. 23 al. 4 LRDBHD prévoit que tout changement de propriétaire doit être annoncé sans délai et par écrit au département, tant par l'aliénateur que par l'acquéreur de l'entreprise, ainsi que par l'exploitant. Pour le surplus, l'art. 13 al. 4 LRDBHD est applicable.

L'art. 37 RRDBHD précise à propos de l'art. 13 LRDBHD que le nouveau propriétaire dispose d'un délai de trente jours suivant le changement de propriété pour confier l'exploitation de l'établissement à la personne désignée par le précédent propriétaire (confirmation de l'exploitant autorisé) et déposer une requête complète pour changement de propriétaire au sens de l'art. 18 al. 1 let. a phr. 2 RRDBHD. Durant ce même délai, l'exploitant désigné par le précédent propriétaire est réputé assumer l'exploitation de l'établissement (al. 6). À défaut d'avoir entrepris à temps les démarches visées à l'al. 6, le PCTN constate la caducité de l'autorisation d'exploiter. Pour le surplus, les mesures, et le cas échéant les sanctions administratives relatives au défaut d'autorisation, s'appliquent (al. 7). Le délai de désignation prévu à l'art. 13 al. 4 LRDBHD doit permettre d'assurer la continuité de l'exploitation. Il ne s'applique pas lorsque le nouveau propriétaire entend confier l'exploitation à un nouvel exploitant (al. 8).

e. Conformément à l'art. 39 RRDBHD relatif aux obligations du propriétaire, tout changement de propriétaire doit être immédiatement communiqué par écrit au PCTN. L'annonce doit être faite tant par le repreneur que par l'ancien propriétaire de l'établissement. Une formule d'annonce est disponible sur le site Internet du PCTN ainsi qu'à ses guichets (al. 6). Le changement de propriétaire entraîne la nécessité de requérir une nouvelle autorisation d'exploiter, conformément à l'art. 18 al. 1 let. a phr. 2 RRDBHD. Lorsque la requête complète est déposée avant l'échéance du délai légal mentionné à l'art. 13 al. 4 LRDBHD, la continuité de l'exploitation peut être assurée aux conditions précisées à l'art. 37 al. 6 RRDBHD (al. 7).

L'art. 40 RRDBHD détaille les obligations de l'exploitant. L'exploitant est tenu d'annoncer immédiatement au PCTN, par écrit, la date à laquelle cesse son activité. À défaut, il demeure responsable de l'exploitation de l'établissement jusqu'au prononcé de la décision constatant la caducité de l'autorisation d'exploiter. La procédure de désignation d'un nouvel exploitant au sens de l'art. 37 al. 4 RRDBHD est réservée (al. 9). Pour le surplus, l'exploitant a les obligations prévues par la LRDBHD et le RRDBHD (al. 10).

6) En l'espèce, selon la quatrième requête en autorisation d'exploiter B______ réceptionnée le 4 avril 2019 par le PCTN, il est indiqué au point 3.1 qu'il n'existe pas de mise en gérance de l'établissement ou de bail à ferme. Il est également indiqué que le propriétaire, soit le détenteur du fonds de commerce, est M. C______. Le recourant y est indiqué comme étant l'exploitant de l'établissement (point 4). Un contrat de travail conclu entre M. C______ et le recourant est joint à cette quatrième requête. Selon ce document non daté, M. C______ a engagé le recourant comme exploitant du B______ dès le 26 septembre 2018.

En réponse à une interpellation du PCTN, M. C______ et le recourant ont confirmé le 23 mai 2019 que le contrat de gérance conclu le 26 septembre 2018 avait été résilié.

Dans la mesure où il n'est pas contesté que c'est sur cette base que l'autorisation d'exploiter du 14 juin 2019 a été délivrée au recourant, il ne sera pas tenu compte du contrat de libre gérance du 25 août 2018 produit à l'appui du recours de l'intéressé entre M. C______ et F______.

Au vu de ces éléments, M. C______ doit être qualifié de propriétaire au sens de l'art. 3 let. o LRDBHD et 39 al. 1 RRDBHD (art. 39 al. 2 RRDBHD a contrario). Le recourant lui revêt la qualité d'exploitant au sens des art. 3 let. n LRDBHD et 40 al. 1 RRDBHD.

À la suite du décès de M. C______, propriétaire et détenteur du fonds de commerce du B______, ses filles ont acquis de plein droit l'universalité de la succession, devenant, à ce titre, titulaires des droits de propriété et autres droits réels qui se trouvaient en la possession de leur père (art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), y compris à l'égard de l'intimée, ce qui n'est pas contesté par les parties.

Bien que l'art. 40 RRDBHD relatif aux obligations de l'exploitant ne prévoie pas l'obligation pour ce dernier d'annoncer au département tout changement de propriétaire, son al. 10 précise que l'exploitant a les obligations prévues par la LRDBHD. Or, l'art. 23 al. 4 LRDBHD prévoit que l'exploitant est tenu, de par la loi, d'annoncer sans délai et par écrit au département tout changement de propriétaire.

Au vu du contenu du courrier du recourant du 15 janvier 2020 dans lequel il reconnaît avoir appris quatre mois plus tôt le décès de M. C______ et avoir poursuivi l'exploitation du B______, force est de constater que l'intéressé a manqué à ses obligations en n'annonçant pas au département, soit au PCTN, le décès du précité.

Malgré cela, il ne ressort pas du dossier que le PCTN aurait, après avoir appris le décès de M. C______, interpellé les filles de M. C______, nouvelles propriétaires, pour désigner l'exploitant avant de constater la caducité de l'autorisation d'exploiter l'établissement B______, contrairement à ce qu'impose l'art. 13 al. 4 LRDBHD. Le PCTN, le 13 janvier 2020, a uniquement remis en main propre un courrier au recourant lui demandant de se déterminer sur le fait qu'il exploitait l'établissement B______ sans autorisation préalable.

Les travaux préparatoires de la LRDBHD à propos de l'art. 13 LRDBHD relèvent la nécessité pour l'autorité compétente d'être particulièrement attentive au droit d'être entendu, compte tenu des conséquences très lourdes découlant d'une décision constatant la caducité d'une autorisation d'exploiter (exposé des motifs du 12 septembre 2013 relatif au PL 11282, p. 55). Un courrier adressé uniquement à l'exploitant ne saurait suffire à respecter le droit d'être entendu de toutes les parties en cause.

En outre, le cas a ceci de particulier que la loi et son règlement ne prévoient rien en ce qui concerne le décès du propriétaire, contrairement à celui de l'exploitant où il est possible pour le propriétaire d'obtenir une autorisation d'exploiter à titre précaire (art. 12 LRDBHD ; art. 34 al. 6 à 8 RRDBHD).

Dans ces circonstances particulières, il convient d'annuler la décision attaquée.

Au vu de cette analyse, il ne sera pas nécessaire d'examiner le grief relatif à une violation de la délégation législative entre les art. 13 al. 4 LRDBHD et 37 al. 6 RRDBHD.

La chambre de céans n'étant pas l'autorité compétente pour se prononcer sur la confirmation ou non de l'autorisation d'exploiter délivrée au recourant, le dossier sera renvoyé au PCTN afin qu'il interpelle les héritières de M. C______ à ce propos et rende une nouvelle décision.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du PCTN du 7 février 2020 annulée, et le dossier renvoyé au PCTN pour instruction complémentaire et une nouvelle décision.

8) Le recourant n'obtenant que partiellement gain de cause, un émolument réduit de CHF 250.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant qui y a conclu, et qui a fait appel à un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 février 2020 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 février 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 février 2020 ;

retourne le dossier audit service pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des consiérants ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de procédure de CHF 250.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Dextra Protection juridique SA, soit pour elle Me Roani Kunkler, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :