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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2902/2017

ATA/1333/2018 du 11.12.2018 sur JTAPI/186/2018 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2902/2017-PE ATA/1333/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2018 (JTAPI/186/2018)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né ______ 1984, est ressortissant du Paraguay.

2. Le 12 novembre 2010, l’intéressé a sollicité une autorisation de séjour pour études auprès de l'office cantonal de la population devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) à Genève. Il désirait étudier le français et obtenir, en deux ans, un diplôme d'études en langue française (DELF), niveau B2. Les cours devaient commencer le 7 février 2011.

3. Le 18 décembre 2010, il a été interpellé par des gardes-frontière suisses.

4. a. Par ordonnance pénale du 19 décembre 2010 du Ministère public de Winterthur/Unterland, M. A______ a été condamné pour avoir résidé et travaillé illégalement en Suisse du 15 mars 2008 au 18 décembre 2010 (art. 115 al. 1 let. a à c de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20), à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis pendant deux ans.

b. Une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES), valable du 24 décembre 2010 au 23 décembre 2013, lui a été notifiée le 20 décembre 2010, par l’office fédéral des migrations, devenu depuis le secrétariat d'État aux migrations
(ci-après : SEM).

5. M. A______ est retourné au Paraguay en 2010.

6. Il est revenu en Suisse, selon ses déclarations, le 1er septembre 2013.

7. Le 10 septembre 2013, il a sollicité une autorisation de séjour pour études auprès de l'OCPM, aux fins d’obtenir, en quatre ans, un diplôme en science phono-pluri-linguistique auprès de l'Institut supérieur de musique langues et culture (ci-après : ISMLC).

8. Le 9 septembre 2014, M. A______ s'est enquis auprès de l'OCPM de l'état d’avancement de son dossier.

9. Par décision du 20 mai 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé de lui octroyer à une autorisation de séjour pour formation ou perfectionnement. Il a également prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 20 juin 2015 lui était imparti pour quitter le territoire.

10. a. M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

b. Par décision du 8 juillet 2015 (DITAI/524/2015), confirmée par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 23 février 2016 (ATA/163/2016), la demande d'effet suspensif et/ou de mesures provisionnelles formée par l’intéressé à l'appui de son recours a été rejetée.

c. Par jugement du 24 mars 2016 (JTAPI/313/2016), le TAPI a rejeté le recours.

d. Par courrier du 27 mai 2016, l’OCPM a imparti à M. A______ un délai au 2 juillet 2016 pour quitter la Suisse.

11. Par courrier du 27 juin 2016, M. A______ a sollicité de l’OCPM la reconsidération de sa décision, au motif que des faits nouveaux étaient intervenus depuis le jugement.

Il avait renoncé à ses études et trouvé un emploi stable. Il souhaitait s’établir de manière permanente en Suisse et avait de nombreux amis qui soutenaient sa demande de régularisation. Compte tenu des circonstances, il considérait se trouver dans une situation de « cas de rigueur » au sens de la LEtr.

12. Par décision du 23 septembre 2016, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur cette requête.

13. Par acte du 25 octobre 2016, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision.

14. Le 4 novembre 2016, l’OCPM a annulé sa décision du 23 septembre 2016. Le dossier de l’intéressé était renvoyé au service compétent pour qu’il l’instruise comme une nouvelle demande d’autorisation de séjour sous l’angle de l’art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

15. Le TAPI a rayé la cause du rôle, suite au retrait du recours.

16. Le 29 mars 2017, l’OCPM a délivré à M. A______ un visa d’une validité de cinq semaines, soit du 2 avril 2017 au 18 mai 2017, afin de lui permettre de retourner au Paraguay pour des motifs familiaux.

17. Par courrier du 29 mars 2017, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur et lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir par écrit son droit d’être entendu.

18. Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

19. Par décision du 31 mai 2017, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier au SEM avec un préavis favorable. Il a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 31 juillet 2017 pour quitter le territoire helvétique.

20. Par acte du 3 juillet 2017, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision. Il a conclu à son annulation et à la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de la décision entreprise et au renvoi de son dossier à l’autorité intimée. À titre préalable, il a sollicité sa comparution personnelle.

La décision de l’OCPM était arbitraire, dans la mesure où il remplissait les conditions décrites dans le projet « Papyrus ».

21. Dans ses observations du 5 septembre 2017, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

L’intéressé ne remplissait pas les critères permettant de bénéficier de l’opération « Papyrus ». Il n’avait pas été démontré, à satisfaction de droit, un séjour continu sans autorisation de dix ans, l’absence de condamnation pénale et une activité dans l’économie domestique.

22. Le recourant a répliqué le 21 octobre 2017.

Il était éligible au projet « Papyrus ». L’appréciation de l’OCPM était arbitraire, dans la mesure où l’autorité intimée n’avait pas pris en compte les « petits-boulots » dans l’économie domestique et d’autres emplois (de nettoyeur) qu’il avait effectués en tant qu’étudiant.

Ses revenus lui permettaient de vivre dignement et de faire face à ses charges mensuelles sans difficulté. Il avait trouvé un emploi de « collaborateur polyvalent » au sein d’un cabinet dentaire. Son employeur avait confirmé ses qualités humaines, professionnelles et son savoir- faire, remarquant l’intérêt de sa présence au sein de l’entreprise le plus longtemps possible.

Concernant ses connaissances du français, il disposait d’un niveau de compréhension orale et écrite B2 et de grammaire/lexique C1, alors que le projet Papyrus exigeait un niveau minimum A2.

Il n’avait jamais fait l’objet de condamnation pénale. L’unique reproche qui pouvait lui être opposé était d’être resté de manière illégale en Suisse. Par contre, il avait toujours collaboré avec les autorités judiciaires quant à sa situation personnelle et professionnelle. Suite à l’interdiction d'entrée en Suisse prononcée à son encontre, il était retourné au Paraguay, puis était revenu en 2013 de manière définitive. Il ne pouvait donc être considéré comme un délinquant ou une menace pour la sécurité et l’ordre publics suisses.

Enfin, il était déjà intégré dans la société suisse et avait trouvé une forme de sérénité personnelle et professionnelle à Genève grâce aussi au soutien de ses amis, de son employeur et de ses collègues, ainsi que d’une « personne importante », qui partageait sa vie.

23. L’OCPM a dupliqué le 10 novembre 2017.

24. Par jugement du 28 février 2018, le TAPI a rejeté le recours de M. A______. Celui-ci ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. Il avait séjourné et travaillé en Suisse de mars 2008 à décembre 2010 alors qu’il était dénué de tout titre de séjour valable. Il avait, pour ces faits, été condamné pénalement le 19 décembre 2010 et avait fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’entrée en Suisse pour une durée de trois ans. Après être rentré au Paraguay en 2010, il était revenu illégalement en Suisse en septembre 2013 et y séjournait depuis sans titre de séjour valable. Ne pouvant pas se prévaloir d’une durée de dix ans de séjour continu à Genève, il ne pouvait pas bénéficier de l’opération Papyrus. Les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas non plus remplies.

25. Par acte du 16 avril 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité.

Il a conclu à l’annulation de celui-ci et de la décision de l’OCPM du 31 mai 2017. Il devait être autorisé à disposer d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le dossier devait être renvoyé à l’OCPM pour une nouvelle décision.

En refusant d’envisager la possibilité d’entrer en matière sur la base des arguments avancés et des pièces versées à la procédure concernant la détresse humaine de l’intéressé, tant l’OCPM que le TAPI avaient abusé de leur pouvoir d’appréciation.

Le seul reproche que l’autorité administrative pouvait faire au recourant consistait dans son séjour illégal en Suisse et à être revenu en Suisse trois mois avant l’expiration de l’interdiction d’entrée qui lui avait été notifiée.

Son droit d’être entendu avait été violé. Pour évaluer la situation de détresse, il appartenait au TAPI de l’entendre oralement. Il entendait expliquer les efforts d’intégration qu’il continuait à faire et les difficultés de réinsertion qui seraient les siennes sur les plans familial et professionnel si un retour au Paraguay était ordonné.

S’agissant de l’opération Papyrus, le Tribunal administratif fédéral avait reconnu qu’une période de sept à huit ans était une période « assez longue » de séjour en Suisse. Tel était le cas de la durée du séjour de l’intéressé. Il était pour le surplus bien intégré en Suisse. Le TAPI n’avait pas analysé les raisons qui l’avaient poussé à quitter son pays d’origine. Or, il avait souhaité initier une nouvelle vie, ne se sentant plus identifié avec le Paraguay. Son aptitude pour son métier s’était développée sur le territoire helvétique. Il avait démontré son désir de se surpasser. Il avait trouvé en Suisse une stabilité émotionnelle et professionnelle, avait de nombreux amis qui l’avaient encouragé à présenter sa demande de régularisation de séjour. Il bénéficiait d’une intégration professionnelle exceptionnelle et parlait bien le français. Sa volonté d’intégration était remarquable. Il était financièrement indépendant et disposait de revenus réguliers. S’il avait fait l’objet d’une condamnation pénale, celle-ci était de très faible gravité. Il n’avait pas d’attaches avec le Paraguay à l’exception de la nationalité.

26. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

27. Dans sa réplique du 18 juin 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Il avait exercé des activités dans l’économie domestique dès son arrivée en Suisse, notamment « des petits boulots » pendant plusieurs mois en tant que nettoyeur ainsi que des tâches ménagères dans divers foyers de Genève. Il pouvait en conséquence se prévaloir de l’opération Papyrus.

28. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

29. Le 20 août 2018, l’OCPM a transmis à la chambre administrative copie d’une dénonciation de l’administration fédérale des douanes. L’intéressé avait été contrôlé lors de son entrée en Suisse le 12 août 2018. Dans le cadre de son audition, il avait indiqué être célibataire, exercer l’activité d’aide-dentaire à Genève depuis environ trois ans et ne pas avoir exercé d’activité lucrative auparavant, étant en études et sans revenu.

La pièce a été transmise au recourant.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant conclut à son audition et reproche au TAPI de ne pas avoir ordonné sa comparution personnelle.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

c. Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

d. En l’espèce, le recourant a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant devant le TAPI que dans son acte de recours auprès de la chambre de céans, qui dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. On ne voit pas en quoi son audition lui permettrait de démontrer plus adéquatement que par une prise de position écrite les points qu'il mentionne à l'appui de sa demande d'audition, à savoir son intégration ainsi que décrire les raisons pour lesquelles un retour dans son pays d'origine ne serait pas envisageable.

Il s’ensuit qu’il ne sera pas donné suite à la réquisition d’actes d’instruction complémentaire du recourant et que le grief relatif à la violation du droit d'être entendu par le TAPI sera écarté.

3. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA).

En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

4. Le recourant requiert d’être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour en se prévalant de l’existence d’un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 al. 1
let. b LEtr.

a. La LEtr et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEtr), ce qui est le cas pour les ressortissants du Paraguay.

b. Les conditions d'entrée d'un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEtr. Les dérogations aux prescriptions générales d'admission (art. 18
à 29 LEtr) sont énoncées de manière exhaustive à l'art. 30 al. 1 LEtr ; il est notamment possible de déroger aux conditions d'admission dans le but de tenir compte des cas individuels d'extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (let. b).

c. En vertu de l'art. 30 al. 2 LEtr, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA. À teneur de l’art. 31 al. 1 OASA, qui fixe les critères déterminants pour la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité au sens de la disposition légale précitée, prévoit que lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir notamment compte de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

d. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). L’art. 30 al. 1 let. b LEtr n’a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique qu’il se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’il tente de se réadapter à son existence passée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1).

e. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss).

f. Doivent être pris en compte dans le cadre de l'appréciation des possibilités de réintégration dans l'État de provenance : l'âge de la personne concernée lors de son entrée en Suisse, sa connaissance des us et coutumes et sa maîtrise de la langue de son pays de provenance, ses problèmes de santé éventuels, son réseau familial et social dans son pays de provenance ainsi que sa situation professionnelle et ses possibilités de réintégration sur le marché du travail dans ce pays, ses conditions d'habitation dans ce même pays (Directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, version du 25 octobre 2013, état au 12 avril 2017, ch. 5.6.12.7).

g. Au début de l’année 2017, le canton de Genève a développé un projet appelé « Opération Papyrus » visant à régulariser la situation « des personnes non ressortissantes UE/AELE » bien intégrées. Selon la brochure officielle « Opération Papyrus – Conditions et procédure pour le dépôt d’une demande de normalisation » publiée en février 2017 par le département de la sécurité et de l’économie devenu depuis lors le département de la sécurité (ci-après : DS), disponible en ligne (https://demain.ge.ch/document/ brochure-papyrus [consulté le 26 octobre 2018]), les critères pour pouvoir bénéficier de cette opération sont les suivants :

- séjour continu sans papier de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; le séjour doit être documenté ;

- intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

- absence de condamnation pénale ;

- avoir un emploi ;

- indépendance financière complète.

Dans le cadre du projet pilote « Papyrus », le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l’examen des cas individuels d’extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu’elle a séjourné et travaillé illégalement en Suisse, mais parce que sa situation est constitutive d’un cas de rigueur en raison, notamment, de la durée importante de son séjour en Suisse et de son intégration réussie (ATA/1099/2018 du 16 octobre 2018 ; ATA/61/2018 du 23 janvier 2018 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017).

h. En l’espèce, le recourant a séjourné illégalement en Suisse entre 2008 et 2010, puis a quitté la Suisse durant un peu moins de trois ans, entre 2010 et 2013, suite à une décision d’interdiction d’entrée valable jusqu’au 23 décembre 2013. Revenu en Suisse, selon ses dires, le 1er septembre 2013, il a déposé, le 10 septembre 2013, une demande d’autorisation de séjour temporaire pour études et s’était engagé à quitter la Suisse à l’échéance de celles-ci. Cette demande a été refusée le 20 mai 2015, par une décision déclarée exécutoire nonobstant recours, entrée en force suite au jugement du TAPI du 24 mars 2016.

Le recourant n’a en conséquence jamais bénéficié d’aucun titre de séjour en Suisse. Depuis 2013, sa présence a été tolérée en raison de l’examen de sa demande de permis de séjour. Ainsi, la durée de son séjour en Suisse ne saurait être déterminante dans le cadre de l’examen des conditions du cas de rigueur.

Certes, le recourant parle le français, a trouvé un emploi dans un cabinet dentaire et est soutenu par son employeur dans le cadre de ses démarches de régularisation. Il peut subvenir à ses besoins de manière indépendante et n’a jamais recouru à l’aide de l’Hospice général. Il ne fait pas l’objet de poursuites et parle le français. Il produit cinq lettres de recommandation de connaissances, élogieuses, et la copie de son contrat de travail au sein du cabinet dentaire, à partir du 1er juin 2016, pour un salaire brut de CHF 2'230.- pour trente-trois heures de travail hebdomadaires (représentant un salaire brut de CHF 2'838.- à temps plein).

L’intégration en Suisse du recourant ne saurait toutefois être qualifiée d’exceptionnelle au sens strict de la jurisprudence. Par ailleurs, il a fait l’objet d’une condamnation pénale pour avoir séjourné et travaillé trois ans en Suisse sans y être autorisé, mettant ainsi les autorités devant le fait accompli. Enfin, il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse, dont il n’a pas respecté l’entier de la durée, revenant sur le territoire quelques mois avant son échéance.

La réintégration du recourant dans son pays de provenance semble concevable, dès lors qu’il y a vécu une large partie de sa vie, soit jusqu’à l’âge de 24 ans, que des membres de sa famille y vivent, auxquels il a encore rendu visite récemment au vu du visa qu’il a sollicité. Il maîtrise la langue du pays. Les connaissances professionnelles qu’il a acquises dans le cabinet dentaire où il travaille en qualité d’aide ne sont pas si spécifiques qu’il ne pourrait en faire usage au Paraguay. Il est jeune et en bonne santé. Au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que la relation du recourant avec la Suisse est à ce point étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre au Paraguay.

Partant, le recourant ne satisfait pas aux conditions requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, sa situation ne représentant pas un cas de détresse personnelle au sens de la législation.

5. Le recourant se prévaut de l’« opération Papyrus ».

Il n’en remplit toutefois pas les conditions de régularisation, compte tenu de sa condamnation pénale ainsi que de l’interdiction d’entrée qui lui a été notifiée et qu’il a enfreinte.

Par ailleurs, il ne démontre pas remplir l’exigence des dix années passées en Suisse de façon continue, compte tenu de l’interruption entre 2010 et le 1er septembre 2013, interruption qu’il ne conteste pas. D’ailleurs, même cumulées, les périodes avant et après l’interruption précitée n’atteignent pas dix ans.

6. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEtr, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8).

En l’espèce, le recourant étant dépourvu d’une quelconque autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse, c’est à juste titre que l’autorité intimée, qui ne dispose d’aucune latitude de jugement à cet égard, a prononcé son renvoi.

Le recourant n’a pas allégué que son retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEtr et le dossier ne fait pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire. Le renvoi du recourant est ainsi possible, licite et raisonnablement exigible.

Par conséquent, mal fondé, le recours sera rejeté.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas allouée d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.