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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/936/2017

ATA/1138/2017 du 02.08.2017 sur JTAPI/385/2017 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/936/2017-LCR ATA/1138/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 août 2017

1ère section

 

dans la cause

 

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

contre

Madame A______
représentée par Me Timothée Bauer, avocat

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 avril 2017 (JTAPI/385/2017)


EN FAIT

1) En date du 20 janvier 2017, peu avant 3h50, Madame A______, née en 1968 et titulaire du permis de conduire depuis le 24 juin 1991, a été contrôlée par la police alors qu'elle circulait sur la route Blanche, à Nyon, au volant d'une voiture.

Soumise à un test d'éthylomètre, à 3h41, il a été constaté que Mme A______ présentait un taux d'alcoolémie de 0,8 mg par litre (mesure d’alcool dans l’air expiré).

À teneur du rapport de police établi à cette occasion, l'intéressée n'a pas exigé une prise de sang. Son permis de conduire a été saisi provisoirement sur-le-champ.

2) Le 31 janvier 2017, le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) a fait savoir à A______ que les autorités de police lui avaient transmis le rapport précité et qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de toute amende ou autre sanction pénale, de sorte qu'un délai de quinze jours lui était imparti pour produire ses observations écrites.

3) Par lettre du 13 février 2017, l'intéressée s'est déterminée, sous la plume d'un avocat, indiquant en substance qu’elle contestait catégoriquement le taux d'alcoolémie retenu, les mesures du taux d’alcoolémie prises par la police devant être considérées avec circonspection et nécessitant des garanties et vérifications, et qu'elle ferait opposition à toute ordonnance pénale qu'elle recevrait. Invoquant la présomption d’innocence, elle demandait confirmation de la suspension de la procédure et de la restitution de son permis jusqu'à droit jugé au pénal.

4) Par décision du 17 février 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCV a retiré à titre préventif le permis de conduire de Mme A______, pour une durée indéterminée, en application de l'art. 15d al. 1 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), pour conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcoolémie qualifié (0,8 mg par litre) à l'éthylomètre, le 20 janvier 2017.

L'examen du dossier incitait l'autorité à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur et, dès lors, un examen approfondi auprès de l'unité de médecine et de psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) afin d'élucider la question lui était imposé. Une décision finale serait prise à réception de l'expertise effectuée ou dans un délai de trois mois en cas de non-soumission à celle-ci.

Il était retenu que l'intéressée justifiait d'une bonne réputation, le registre fédéral des mesures administratives ne faisant apparaître aucun antécédent.

5) Par acte du 15 mars 2017, Mme A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours et à la restitution de son permis de conduire, principalement, à son annulation et, cela fait, à ce que la juridiction saisie dise qu’elle était apte à conduire et confirme ou ordonne la restitution de son permis de conduire, subsidiairement renvoie le dossier au SCV pour nouvelle décision dans le sens des considérants et des conclusions ci-avant.

Le SCV avait repris les faits retenus au pénal, lesquels étaient contestés. Cela étant, il ressortait de son dossier qu'elle n'avait aucun antécédent de ce type tant au pénal qu’à l’administratif et rien ne permettait de la considérer comme un danger pour la route. Elle était bien insérée socialement, de sorte qu’une addiction paraissait extrêmement peu vraisemblable, tout comme des problèmes de conduite de véhicule, vu son travail et son rôle social. Elle n’était aucunement alcoolique, mais, bien que « fêtarde » et buvant occasionnellement (trop) d’alcool, elle ne souffrait d’aucune addiction à l’alcool et était en mesure de le prouver par pièce.

Elle produisait à cet égard des résultats au 24 février 2017 d’une prise de sang établissant que les valeurs sanguines étaient en dessous des normes indiquant une addiction à l’alcool, ainsi qu’un certificat du 7 février 2017 de son médecin traitant, qui indiquait que la patiente n’avait jamais eu de problèmes médicaux apparents compatibles avec un abus d’alcool, comme elle n’avait jamais donné l’impression d’avoir une consommation régulière, qu’elle avait toujours eu des tests hépatiques normaux et que, dans un bilan récent, le dosage des « Carbohydrate deficient transferrin » (ci-après : CDT) donnait un résultat à l’encontre d’une consommation régulière d’alcool ces dernières semaines, étant précisé qu’un abus épisodique ou dans une condition exceptionnelle ne laissait pas de traces.

Il était ainsi démontré par pièce qu’elle ne consommait pas plus d’alcool que la « norme » et plus généralement qu’elle ne souffrait d’aucune addiction à cette substance.

La doctrine avait largement critiqué le quasi « automatisme » des retraits de permis de sécurité, le retrait de permis devant cesser dès que l'aptitude du conducteur à la conduite était acquise ou rendue vraisemblable par le dépôt d’une expertise privée.

Elle ne contestait enfin pas la légitimité de l’expertise et s’y soumettrait « avec plaisir » pour prouver sa capacité de conduire, étant donné qu’elle n’avait rien à se reprocher en matière de consommation d’alcool et/ou d’addiction.

6) Invité à formuler ses observations sur la demande de restitution de l'effet suspensif, le SCV s'y est opposé en date du 22 mars 2017, compte tenu de la concentration d'alcool constatée chez l'intéressée, une telle concentration étant, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un indice d'un problème de consommation abusive, voire d'addiction.

7) Dans sa réponse du 11 avril 2017, le SCV s'est déterminé sur le fond du litige, indiquant maintenir les termes de sa décision.

La concentration d'alcool constatée chez Mme A______ l'incitait à concevoir des doutes sérieux sur son aptitude à la conduite. Celle-ci n'était, au demeurant, pas opposée à se soumettre à l'expertise requise.

8) Par écrit du 13 avril 2017, Mme A______ a notamment exposé ne pas encore avoir pris contact avec le CURML.

9) Par jugement du 13 avril 2017, le TAPI a admis partiellement le recours interjeté le 15 mars 2017 par Mme A______ contre la décision du SCV du 17 février 2017, a annulé ladite décision en ce qu'elle prononçait le retrait du permis de conduire de Mme A______ à titre préventif, a confirmé cette décision pour le surplus, a mis à la charge de celle-ci un émolument de CHF 250.- et a condamné l'État de Genève à verser à la recourante une indemnité de CHF 750.- à titre de dépens.

En l'espèce, l'art. 15d al. 1 LCR impliquait qu'avec un taux d'alcoolémie de 0,8 mg par litre d'air expiré lors du contrôle du 20 janvier 2017, la recourante devait obligatoirement être soumise à une expertise sur son aptitude à la conduite des véhicules à moteur. Ni l'autorité intimée ni le TAPI n’avaient à cet égard la moindre marge de manœuvre. La recourante ne contestait d'ailleurs pas cet aspect de la décision litigieuse.

En revanche, s'agissant du retrait de son permis de conduire à titre préventif, la jurisprudence ne permettait pas de retenir, dans le cas présent, qu'un tel retrait se justifiait. Il convenait en particulier de souligner que le taux d'alcoolémie constaté correspondait à la limite impliquant une expertise et que la recourante, titulaire d'un permis de conduire depuis 1991, n'avait pas d'antécédent. Le certificat médical et la prise de sang versés à la procédure excluaient enfin une consommation régulière d'alcool ces dernières semaines. Dans ces circonstances, rien ne permettait de considérer la recourante comme un danger pour la route.

L’issue du litige contenue dans le dispositif rendait sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif attaché au recours. L'attention de la recourante était néanmoins attirée sur le fait qu'à défaut de se soumettre à l'expertise médicale, elle pourrait faire l'objet d'un retrait de sécurité de son permis de conduire.

10) Par courrier du 20 avril 2017, le SCV a refusé la demande formulée le 18 avril précédent par l’intéressée tendant à la restitution de son permis de conduire, au motif qu’il entendait interjeter recours contre le jugement susmentionné.

11) Par acte reçu le 15 mai 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le SCV a formé recours contre le jugement du TAPI du 13 avril 2017, concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause à celui-ci afin qu’il statue conformément à la décision de la chambre administrative.

Le taux d’alcool retenu à l’encontre de Mme A______ constituait la limite à partir de laquelle un doute sérieux et concret de dépendance devait être admis, lequel était renforcé par les allégations de l’intéressée selon lesquelles elle était « fêtarde » et buvait occasionnellement (trop) d’alcool, ainsi que par son choix délibéré de reprendre le volant après avoir consommé une importante quantité d’alcool.

12) Dans sa réponse du 25 mai 2017 « avec demande de restitution immédiate de l’effet suspensif », Mme A______ a, « avec suite de frais et dépens », conclu préalablement à la restitution ou à la confirmation de l’effet suspensif concernant son droit de conduire et en tout état de cause à la confirmation de son droit de conduire durant la procédure de seconde instance, ainsi qu’à la restitution immédiate de son permis de conduire. Au fond, elle a conclu au rejet du recours du SCV.

En suivant le raisonnement du SCV et au regard de la surcharge du CURML, elle serait condamnée à subir un retrait de permis provisoire tant qu’aucune place pour une expertise ne serait libre, sans aucun moyen de prouver sa capacité de conduire et établir une appréciation des faits conforme à la vérité.

Était à cet égard produite une lettre adressée le 25 mai 2017 par le conseil de l’intimée au SCV. À teneur de celle-ci, malgré ses nombreux appels depuis plusieurs mois, le CURML refusait toujours de lui fixer un rendez-vous pour l’expertise de sa capacité de conduire, au motif que le SCV n’avait pas transmis son dossier ; cette autorité était requise de faire au plus vite le nécessaire pour qu’elle puisse se soumettre à cette expertise immédiatement.

13) Par lettre du 1er juin 2017, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et au fond.

14) Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Aux termes de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). À teneur de l’al. 2, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

3) Le recourant estime que le TAPI a excédé son pouvoir d'appréciation en considérant que la conduite avec prise d’alcool du 20 janvier 2017 était un événement isolé et en ne remettant pas en cause l’aptitude immédiate à la conduite des véhicules à moteur de l’intimée, ce malgré ses doutes conduisant au maintien de l’obligation de se soumettre à une expertise auprès du CURML, et en admettant dès lors partiellement le recours de l’intimée et en annulant le retrait préventif qu’il lui avait infligé.

4) Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1).

5) a. Selon l'art. 14 al. 1 et 2 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite, à savoir en particulier avoir atteint l'âge minimal requis (let. a), posséder les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffrir d'aucune dépendance l'empêchant de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et ses antécédents doivent attester qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

b. En vertu de l’art. 15d al. 1 LCR, si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment dans les cas de conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool dans le sang de 1,6 g ‰ ou plus ou un taux d’alcool dans l’haleine de 0,8 mg ou plus par litre d’air expiré (let. a) et d’infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d’égards envers les autres usagers de la route (let. c).

c. À teneur de l'art. 30 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), le permis de conduire peut être retiré à titre préventif en cas de doute sérieux quant à l'aptitude à la conduite d'une personne.

Cette disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. En effet, vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis, à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (arrêt du Tribunal fédéral 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.2 ; ATF 125 II 492 consid. 2b ; 122 II 359 consid. 3a)

d. Selon le message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura (FF 2010 7703 ss), les faits objet des hypothèses de l’art. 15d al. 1 LCR fondent un soupçon préalable que l'aptitude à la conduite pourrait être réduite. En pareil cas, le permis de conduire est généralement retiré à titre provisionnel (retrait préventif selon l'art. 30 OAC) jusqu'à ce que les clarifications soient exécutées (FF 2010 7725). Tel est en principe le cas en présence d'un taux d'alcool de 1,6 g ‰ ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 mg ou plus par litre d'air expiré (art. 15d al. 1 let. a LCR), une telle concentration étant l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'une addiction (FF 2010 7755 et les auteurs cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

Mesure provisoire, le retrait préventif peut être reconsidéré en tout temps, d’office ou sur demande, en invoquant des éléments nouveaux ou un état de fait modifié, par exemple du fait d’un acquittement pénal ou de la production d’un rapport médical privé (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait de permis de conduire, 2015, p. 181 s., et les références citées).

Les exigences liées à la mise en œuvre d'un examen d'aptitude ne sont pas les mêmes que celles prévalant en matière de retrait préventif, même si, en pratique, les deux mesures vont, dans un premier temps, du moins, souvent de pair. Alors que l'ouverture d'une enquête peut être ordonnée en présence d'indices suffisants pour que se pose la question de l'aptitude à conduire (art. 11b al. 1 let. a OAC), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose, quant à elle, l'existence de doute sérieux sur l'aptitude de conduire de l'intéressé (art. 30 OAC), en particulier en présence d'indices concrets d'une dépendance à l'alcool. À l'inverse, une clarification de l'aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu'il n'existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 précité consid. 2.4.2 et les références citées).

En définitive, il appartient à l’autorité cantonale d’apprécier dans chaque cas d’espèce si le principe de la proportionnalité autorise un retrait préventif, ou s’il commande d’y renoncer en considérant qu’il paraît peu vraisemblable que le conducteur présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route (arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 3 juillet 2002, RB-ZH 2002 139, résumé in JdT 2004 I 455 ; Cédric MIZEL, op. cit., p. 187 ; André BUSSY et al. [éd.], Code suisse de la circulation routière commenté, 2015, n. 1.2 ad art. 15d LCR).

Le fait que le conducteur ait d'excellents antécédents depuis plusieurs années est un élément à prendre en considération par l'autorité lorsqu'elle doit se prononcer sur un retrait préventif lié à un danger important pour les autres usagers de la route. Un conducteur sans antécédent ayant été contrôlé une seule fois avec un taux d'alcoolémie dans le sang de 1,99 g ‰ ne présentait pas ce danger important et partant ne devait pas se voir retirer son permis préventivement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_256/2011 du 22 septembre 2012 ; ATA/735/2016 du 30 août 2016 consid. 7c).

e. Lorsqu'il existe des indices d'inaptitude suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure portant sur un éventuel retrait de sécurité (art. 16d LCR), les conditions d'un retrait préventif sont en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4). Il en résulte que, dès l'ouverture d'une telle procédure, le permis de conduire doit en principe être retiré à l'intéressé, à titre préventif, quitte à ce que l'autorité rapporte ensuite cette mesure s'il s'avère, après expertise, qu'elle n'était pas justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 6A.17/2006 du 12 avril 2006 consid. 3.2 ; ATF 125 II 396 consid. 3).

Aux termes de l'art. 16d al. 1 LCR intitulé « retrait du permis de conduire pour cause d’inaptitude à la conduite », le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile (let. a) ; qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite (let. b) ; qui, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu'à l'avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d'égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile (let. c).

Dans son message du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, le Conseil fédéral a relevé que la consommation d'alcool pouvait justifier un retrait du permis de conduire pour inaptitude même en l'absence de dépendance au sens de l'art. 16d al. 1 let. b LCR. Il a retenu qu'il y avait lieu dans ce cas de déterminer, par une expertise psychologique, si le permis de conduire devait être retiré à la personne concernée en se fondant sur l'art. 16d al. 1 let. a (la personne n'étant pas en mesure, pour des motifs psychiques, de choisir entre boire et conduire) ou l'art. 16d al. 1 let. c (la personne ne voulant pas choisir entre boire et conduire, en raison par exemple d'un défaut de caractère ; FF 1999 4106 ss, spéc. 4136 ad art. 16d LCR).

6) a. En l’espèce, il est incontesté qu’avec un taux d’alcoolémie de 0,8 mg par litre d’air expiré correspondant à un taux d’alcool dans le sang de 1,6 g ‰, l’intimée doit se soumettre à une enquête conformément à l’art. 15 al. 1 let. a LCR.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une telle concentration d’alcool est l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'une addiction, qui justifie en général le retrait à titre provisionnel du permis de conduire. Il n’en demeure pas moins que chaque cas doit fait l’objet d’un examen individualisé et concret sous l’angle de la dangerosité et du principe de la proportionnalité, lorsqu’il s’agit d’ordonner un retrait préventif au sens de l’art. 30 OAC.

Comme l’a souligné le TAPI, le taux d'alcoolémie constaté correspond à la limite impliquant une expertise ; l’intéressée, titulaire d'un permis de conduire depuis 1991, n'a pas d'antécédent ; le certificat médical et la prise de sang versés à la procédure excluent en outre une consommation régulière abusive d'alcool à tout le moins au mois de février 2017.

b. Le fait que l’intimée est « fêtarde » et boit occasionnellement trop d’alcool n’est hautement problématique que si elle prend le volant lorsqu’elle a trop bu. Toutefois, comme exposé dans le mémoire de réponse devant la chambre de céans, l’explication formulée devant le TAPI selon laquelle l’intimée est « fêtarde » et boit occasionnellement trop d’alcool avait pour seul but d’expliquer comment elle avait pu possiblement se retrouver, le 20 janvier 2017, avec 0,8 mg par litre d’air expiré, taux contesté dans la procédure pénale, au sujet de laquelle la chambre administrative ne dispose d’aucune information si ce n’est qu’elle est diligentée par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte (Vaud). Cette explication ne signifie pas que l’intéressée est prête à prendre le volant avec un taux d’alcool dans le sang ou l’haleine supérieur à ce qu’autorise la loi. L’intimée a, dans son recours devant le TAPI, implicitement contesté conduire, que ce soit le 20 janvier 2017 ou à d’autres occasions, en ayant bu plus que ne l’autorise la « norme », c’est-à-dire la législation. Elle a au surplus accepté de se soumettre à une expertise.

Lorsqu’il a pris sa décision de retrait préventif du 17 février 2017, le recourant était fondé à procéder à un retrait préventif du permis de conduire de l’intimée, un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 mg par litre d'air expiré (art. 15d al. 1 let. a LCR) constituant un indice d'un problème de consommation abusive, voire d'une addiction.

Cependant, lorsqu’il a statué par le jugement querellé, le TAPI disposait de nouveaux éléments de fait présentés par l’intéressée, démontrant à tout le moins que celle-ci n’avait pas eu une consommation régulière abusive d'alcool au mois de février 2017 et constituant un indice plaidant à tout le moins contre une dépendance à l’alcool, hypothèse de l’art. 16d al. 1 let. b LCR.

L’intimée a été à une seule reprise contrôlée en étant prise de boisson à un taux largement supérieur à celui qui est autorisé, l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux limites d’alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13) - fondée sur l’art. 55 al. 6 LCR - prescrivant, en son art. 1 let. b, qu’un conducteur est réputé incapable de conduire pour cause d’alcool (état d’ébriété) lorsqu’il présente un taux d’alcool dans l’haleine de 0,25 mg ou plus par litre d’air expiré et, en son art. 2 let. b, qu’est considéré comme qualifié un taux d’alcool dans l’haleine de 0,4 mg ou plus par litre d’air expiré.

Ce fait ne saurait toutefois, au regard des renseignements médicaux produits devant le TAPI, suffire à lui seul pour retenir que l’intéressée serait inapte à la conduite pour l’une des deux causes prévues à l’art. 16d al. 1 let. a et c LCR (dans ce sens, ATA/735/2016 précité consid. 8).

c. Dans ces circonstances, il paraît en l’état peu vraisemblable que l’intimée présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route.

Il est néanmoins rappelé à celle-ci qu’elle ne doit pas conduire en ayant un taux d’alcool égal ou supérieur à ce qui est prescrit dans l’ordonnance de l’Assemblée fédérale précitée.

7) Vu ce qui précède, le jugement attaqué est conforme au droit et le recours du SCV, mal fondé, sera rejeté.

Le prononcé de cet arrêt au fond rend sans objet les conclusions de l’intimée sur effet suspensif, notamment tendant à la restitution de son permis de conduire. Il implique néanmoins que ce dernier lui soit restitué.

8) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et il sera alloué à l’intimée, à concurrence de CHF 1'500.-, une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA), étant rappelé que, devant la chambre administrative, une telle indemnité n’équivaut pas à une pleine et entière compensation des frais et honoraires du conseil de la partie obtenant gain de cause mais uniquement à une participation à ceux-ci (ATA/691/2014 du 2 septembre 2014).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2017 par le service cantonal des véhicules contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 avril 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au service cantonal des véhicules, à Me Timothée Bauer, avocat de Madame A______, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral des routes.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :