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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2459/2012

ATA/691/2014 du 02.09.2014 sur JTAPI/644/2013 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : FRAIS DE LA PROCÉDURE ; DÉPENS ; MOTIF DE RÉCLAMATION ; REPRÉSENTATION EN PROCÉDURE
Normes : Cst.9; LPA.87.al1-3; RFPA.6
Résumé : Rejet d'un recours sur réclamation de dépens. Une motivation sommaire des décisions des tribunaux en matière de dépens est suffisante pour permettre au recourant de les contester. Une indemnité de procédure n'équivaut pas une pleine et entière compensation des frais et honoraires du conseil, mais à une participation à ceux-ci.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2459/2012-LDTR ATA/691/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 septembre 2014

 

dans la cause

 

A______

B______

et

C______

représentées par Me Philippe Cottier, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
5 juin 2013 (JTAPI/644/2013)


EN FAIT

1) Par décision du 26 octobre 2011, le département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), a autorisé B______ à procéder à la surélévation de l'immeuble sis 1______ bis, rue D______ à Genève.

2) Par acte du 25 novembre 2011, référencé sous cause n° A/3997/2011, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant, « sous suite  de frais et dépens », à son annulation.

L'art. 11 de la loi genevoise sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avait été violé, ainsi que le principe du droit d'être entendu, vu que la décision du DALE et le préavis de la commission d'architecture (ci-après : la commission) n'étaient pas motivés.

3) Par réponse du 16 janvier 2012, B______, A______ et C______, sous la plume de leur conseil, ont conclu, « sous suite de frais et dépens », au rejet de ce recours.

4) Le 18 avril 2012, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

5) Le 12 juin 2012, le TAPI a procédé à l'audition, en qualité de témoin, de l'ancien président de la commission et actuel membre de celle-ci.

6) Par jugement JTAPI/813/2012 du 19 juin 2012 (cause no A/3997/2011), le TAPI a rejeté le recours de la ville et mis à la charge de cette dernière un émolument de CHF 1'500.- ainsi qu'une indemnité de CHF 2'500.-, allouée à B______, A______ et C______, à titre de dépens.

7) Par acte du 8 août 2012, référencé sous cause n° A/2459/2012, ces derniers ont déposé auprès du TAPI une réclamation sur indemnité, au regard de la complexité de la cause n° A/3997/2011, des frais importants engendrés par cette procédure, ainsi que de l'aspect purement dilatoire et politique du recours de la ville.

Le montant de l'indemnité n'avait pas été fixé proportionnellement à l'activité déployée par leur mandataire. Un tableau récapitulatif des prestations fournies par ce dernier était annexé à leur réclamation. De plus, le TAPI n'avait pas pris en compte le résultat obtenu dans ladite procédure et n'avait pas respecté le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

8) Par courrier du 17 août 2012, la ville a informé le TAPI qu'elle entendait déposer auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours contre le jugement JTAPI/813/2012. Elle demandait donc la suspension de l'instruction de la cause n° A/2459/2012.

9) Par acte du 27 août 2012, la ville a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité en concluant à son annulation.

10) Par décision du 29 août 2012, le TAPI a suspendu l'instruction de la procédure n° A/2459/2012 relative à la réclamation sur les indemnités, jusqu'à droit connu dans celle n° A/3997/2011.

11) Par arrêt du 26 février 2013, la chambre administrative a rejeté le recours de la ville et mis à sa charge un émolument de CHF 1'000.- ainsi qu'une indemnité de CHF 1'000.- allouée à B______, A______ et C______, chacun.

12) Par courriers du 16 mai 2013, le TAPI a informé les parties à la procédure n° A/2459/2012 de la reprise de l'instruction suite à l'arrêt précité.

13) Par réponse du 24 mai 2013, la ville a conclu, « sous suite de frais et dépens », au rejet de la réclamation sur indemnité du 8 août 2012.

La procédure n° A/3997/2011 avait uniquement requis deux audiences et un seul échange d'écritures. Elle ne présentait pas de difficulté technique particulière. L'indemnité de CHF 2'500.- était conforme à la jurisprudence et largement proportionnée.

14) Par jugement JTAPI/644/2013 du 5 juin 2013, le TAPI a rejeté la réclamation de B______, A______ et C______ et leur a infligé un émolument de CHF 300.-.

L'indemnité de CHF 2'500.- avait été fixée au regard de l'ensemble de la procédure et de la pratique du TAPI dans des affaires présentant une complexité semblable. Ce montant n'était donc pas arbitraire. Il ne constituait qu'une participation aux honoraires de leur mandataire, dès lors que la totalité des heures indiquées par ce dernier, au tarif horaire pratiqué, ne saurait être pris en considération.

15) Par acte du 8 juillet 2013, B______, A______ et C______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, en concluant à son annulation et à la prise d'une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le TAPI avait failli à son obligation de motivation, en ne se prononçant pas sur les arguments développés dans leur réclamation. Cette indemnité n'était pas proportionnée à la procédure, qui avait nécessité un mémoire de réponse très complexe et deux audiences. Leur conseil avait déployé une activité importante, soit environ 50 heures de travail, jusqu'au prononcé du jugement JTAPI/813/2012 du 19 juin 2012. Cette indemnité n'était donc pas équitable, de sorte que le TAPI avait violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

16) Le 16 juillet 2013, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d'observations.

17) Par réponse du 30 juillet 2013, la ville a conclu au rejet du recours du 8 juillet 2013 et à la confirmation du jugement JTAPI/644/2013 du 5 juin 2013.

Le TAPI avait motivé sa décision en indiquant avoir pris en considération les éléments de procédure et la pratique dans des affaires semblables, afin de fixer le montant de l'indemnité. Celle-ci n'était qu'une participation aux honoraires de leur conseil et non un remboursement de la totalité des heures invoquées par les recourantes. La procédure n° A/3997/2011 n'avait pas posé de questions de droit ou de fait particulièrement ardues, engendrant de lourds frais. Le montant de l'indemnité litigieuse était proportionné et le TAPI n'avait, en rien, violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées).

Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

b. L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

c. La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/837/2013 du 19 décembre 2013 ; ATA/430/2010 du 22 juin 2010 ; ATA/681/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/554/2009 du 3 novembre 2009 ; ATA/236/2009 du 12 mai 2009), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).

d. Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient donc de prendre en compte les différents actes d'instruction ainsi que le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et, de manière générale, la complexité de l'affaire (ATA/544/2010 du 4 août 2010).

e. Enfin, au regard de la jurisprudence, les décisions des tribunaux en matière de dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ;
111 V 48 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_245/2011 du 7 juillet 2011 consid. 2.2 ; 5D_106/2010 du 28 février 2011 consid. 4.1 ; 2C_379/2010 du
19 novembre 2010 consid. 6.1 et 5A_502/2008 du 4 mars 2009 consid. 4.1 ; ATA/837/2013 précité ; ATA/544/2010 du 4 août 2010 ; ATA/430/2010 précité et les références citées). Le juge est en mesure de se rendre compte de la nature et de l'ampleur des opérations que le procès a nécessitées (ATF 111 Ia 1 consid. 2a).

f. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 138 I 49 consid. 7.1 et arrêts cités). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 et la jurisprudence citée ; 128 I 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/381/2008 du 29 juillet 2008).

3) En l'occurrence, les recourantes estiment que le TAPI a fait preuve d'arbitraire, compte tenu du défaut de motivation dans son jugement et du fait qu'il n'a pas retenu le travail effectif de leur conseil, dans la fixation du montant de l'indemnité.

Or, dans son jugement, le TAPI a confirmé le montant de l'indemnité à CHF 2'500.-, au motif qu'au vu de l'ensemble du dossier et de sa pratique dans des affaires de complexité semblable, ce montant n'était pas arbitraire, précisant qu'il valait participation aux honoraires du conseil et non une pleine et entière compensation. Force est de constater que le jugement querellé, bien que sommaire, est suffisamment motivé et clair pour permettre aux recourantes de le contester. Par ailleurs, elles n'ont pas fait la démonstration que le montant de CHF 2'500.- heurtait de manière choquante le sentiment de justice et d'équité.

L'instruction de la procédure n° A/3997/2011 portait sur la violation de l'art. 11 LCI, relatif au gabarit des constructions, ainsi que sur le défaut de motivation du préavis de la commission et de la décision du DALE. Cette procédure a nécessité l'écriture d'un mémoire de réponse, avec les recherches jurisprudentielles afférentes, ainsi que deux audiences, soit une comparution personnelle des parties et l'audition d'un témoin. Il en ressort que les questions juridiques soulevées dans ce dossier n'ont pas engendré une instruction complexe, portant sur des points techniques du droit de la construction. De plus, comme indiqué dans la jurisprudence précitée, l'indemnité n'équivaut pas à une pleine et entière compensation des frais et honoraires du conseil des recourantes, mais uniquement à une participation à ceux-ci. L'activité déployée par ce conseil, soit environ 50 heures de travail, ne peut être totalement indemnisée.

Partant, le montant de CHF 2'500.-, qui se situe dans les limites établies par le Conseil d'État dans son règlement, est proportionné et adéquat au regard de la complexité de ce dossier et des actes d'instructions que celui-ci a nécessités. Le TAPI n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation et n'a pas, à plus forte raison, fait preuve d'arbitraire.

4) Au regard de ce qui précède, le recours de B______, A______ et C______ sera rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourantes, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2013 par B______, A______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 juin 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de B______, A______ et C______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Cottier, avocat des recourantes, à la Ville de Genève, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :