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Décisions | Assistance juridique

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AC/3201/2022

DAAJ/29/2024 du 28.03.2024 sur AJC/5671/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3201/2022 DAAJ/29/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 28 MARS 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, p.a Hôtel B______, ______,

représenté par Me C______, avocat,

contre la décision du 13 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le recourant), né en 1981, est ressortissant du Sénégal.

Le 3 mars 2022, le recourant et l'agence de placement D______ SA (ci-après : l'agence) ont signé un contrat de travail prévoyant que le premier se verrait proposer par la seconde des missions de travail temporaire.

Par formulaire "M" du 7 mars 2022 adressé à l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l'agence a requis une autorisation de séjour avec activité lucrative au service du restaurant "E______", pour un contrat de durée indéterminée et comme cuisinier "spécialisé en denrées alimentaires destinées aux personnes soumises aux allergies et intolérances alimentaires", pour un salaire mensuel brut de 4'770 fr., et 45h de travail par semaine. Il était, en outre, précisé que le recourant était arrivé à Genève le 8 février 2022.

b. Par décision du 9 juin 2022, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : l'OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis la demande de l'agence, a refusé à celui‑ci l'autorisation de séjour avec activité lucrative requise.

La demande ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, l'agence n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE ou de l'AELE n'avait pu être trouvé. Un bailleur de services ne pouvait engager un ressortissant étranger que si ce dernier était admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et autorisé à changer d'emploi. La demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant pour justifier d'une exception.

c. Par décision du 5 septembre 2022, fondée sur celle précitée de l'OCIRT, l'OCPM a refusé d'octroyer au recourant une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative et a prononcé son renvoi de Suisse.

B. Par décision du 22 novembre 2022, l'assistance juridique a été octroyée au recourant pour former recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de l'OCIRT du 9 juin 2022 (C/1______/2022). Me C______, avocat, a été commis d'office à cette fin.

C. Par jugement JTAPI/1120/2023 du 16 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours contre la décision de l'OCIRT du 9 juin 2022.

L'agence n'avait pas annoncé la vacance du poste de cuisinier à l’Office régional de placement (ci-après : ORP), ni produit de recherches d'un cuisinier, de nationalité suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE, sur le marché local ou européen correspondant au profil recherché, de sorte que l'ordre de priorité n'avait pas été respecté.

L'affirmation du recourant relative aux difficultés pour les employeurs d'engager des cuisiniers depuis la fin de la pandémie de Covid-19 n'était pas établie et ne dispensait pas les recruteurs de respecter l'ordre de priorité, ni d'effectuer des recherches d'un employé sur le marché local ou européen.

Le recourant n'avait pas démontré qu'il était cuisinier de spécialités spécifiquement appelé à concevoir une cuisine destinée aux personnes souffrant d'allergies ou d'intolérances et, même à supposer que ce fût le cas, le respect du principe de priorité demeurait exigé.

Il avait soutenu en vain que l'obligation d'annoncer les places vacantes à l'Office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) incombait aux restaurants (soit les entreprises bénéficiaires des missions temporaires) et non pas à l'agence, parce que l'art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), relatif à l'ordre de priorité, tel qu'interprété par la jurisprudence, s'appliquait à l'employeur, soit l'agence, et non pas à des tiers, tels que des restaurateurs. D'ailleurs, l'agence, bailleresse de services, ne pouvait engager en Suisse que des étrangers admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et autorisés à changer d'emploi (art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 - LSE - RS 823.11), ce qui n'était pas le cas du recourant, qui n'avait pas été admis en Suisse en vue de l'exercice d'une telle activité. Le fait qu'il disposât d'une attestation de données personnelles de l'OCPM ne constituait pas une autorisation délivrée en vue de l'exercice d'une activité lucrative.

La condition dérogatoire de l'art. 21 al. 2 LSE, relative à l'existence d'exceptions pour protéger des intérêts économiques particuliers en Suisse n'était pas réalisée, s'agissant du recourant disposant d'une formation de cuisinier et susceptible d'être envoyé en mission auprès de n'importe quel restaurant.

D. a. Par courrier du 1er novembre 2023, le conseil du recourant a sollicité l'extension de l'assistance juridique afin de former recours contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2023 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

b. Par décision du 13 novembre 2023, notifiée le 17 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que les chances de succès d'un recours contre ledit jugement du 16 octobre 2023 paraissaient très faibles.

Selon cette décision, l'employeur du recourant n'avait pas respecté l'ordre de priorité en ne démontrant pas avoir déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de cuisinier par un travailleur suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE.

Le recourant s'était limité à invoquer le bénéfice d'un régime dérogatoire visant à sauvegarder les intérêts économiques de la Suisse, sans développement, ni pièces à l'appui.

Les exigences relatives aux qualifications professionnelles d'un cuisinier spécialisé n'étaient manifestement pas remplies, le recourant ne pouvant pas justifier d'une formation de plusieurs années achevées par l'obtention d'un diplôme, ni d'une expérience professionnelle jugée équivalente.

Il n'avait pas été employé par un restaurant de spécialités, mais par une agence de placement susceptible de louer ses services à d'autres restaurants.

c. Le 16 novembre 2023, le recourant a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI précité.

d. Par acte du 21 novembre 2023, le recourant a interjeté recours auprès de la Présidence de la Cour de justice contre la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 13 novembre 2023, en concluant, préliminairement, à être mis au bénéfice de l'assistance juridique, à être dispensé des frais judiciaires et à ce que son conseil soit désigné en qualité d'avocat d'office. Principalement, il demande l'annulation de la décision du 13 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil, l'octroi de l'extension de l'assistance juridique et que son conseil soit commis comme avocat d'office et, subsidiairement, le renvoi de la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le tout, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il produit des pièces nouvelles (nos 5 à 15).

Le recourant se prévaut d'une violation du droit à l'octroi de l'assistance juridique au sens des art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), 10 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et du règlement sur l’assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

Il n’avait pas violé l'ordre de priorité, en particulier l'obligation d'annonce, d'une part, parce qu'elle ne s'applique pas aux emplois d'une durée limitée à 14 jours civils qu'il était susceptible d'exercer (art. 53d al. 1 let. b de l’ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 - OSE - RS 823.111), et, d'autre part, parce que le département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (ci-après : DEFR, art. 53f let. a OSE) n'avait pas soumis la profession de cuisinier à une obligation d'annonce, durant la période du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, puisque que cette profession n'avait pas atteint un seuil de chômage de 5% (art. 21a al. 3 LEI, 53a OSE).

La pénurie de cuisiniers dans le secteur de la restauration avait été amplement documentée dans les médias suisses en début 2022, lorsqu'il avait été engagé par son employeur, de sorte que son engagement répondait à un véritable besoin économique de la Suisse.

Il n’avait pas pu produire son diplôme de cuisinier de spécialités parce qu'il n'avait pas eu accès à "son dossier de séjour en France" et s'était adressé en vain à l'ambassade du Sénégal dans ce pays. Il avait néanmoins justifié de huit ans d'expérience professionnelle dans la restauration en produisant au TAPI une copie de ses précédents contrats de travail, avant d'exercer à son compte de 2019 jusqu'au début de 2022.

Admettant n'avoir pas été employé par un restaurant de spécialités, il expose que l'agence de placement dispose d'un département d'hôtellerie et restauration, subdivisé en plusieurs secteurs, afin de répondre à des besoins spécifiques et ciblés de ses clients, dont des restaurants de spécialités.

A son sens, son recours auprès de la chambre administrative n'apparaissait pas, prima facie, dépourvu de chances de succès et une personne raisonnable, disposant de moyens financiers suffisants, l'entreprendrait à ses frais.

e. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RCJ - E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4 Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

4.             Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b; al. 1). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce (al. 2; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5.             5.1 La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour le Sénégal, pays d’origine du recourant (ATA/613/2020 du 23 juin 2020 consid. 6).

5.2.
5.2.1
Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

5.2.2 Les art. 18 ss LEI règlent les conditions d'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative.

L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a); son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Ces conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les arrêts cités).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée. De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (ATA/1156/2020 du 17 novembre 2020 consid. 6b et les références citées).

La notion d’" intérêts économiques du pays " est formulée de façon ouverte et concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/795/2020 du 25 août 2020 consid. 7e et les références citées). L'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer, étant précisé qu'il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers (Directives du Secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2024, ch. 4.3.1).

5.2.3 Selon l'art. 21 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (al. 1). Sont considérés comme travailleurs indigènes, outre les citoyens suisses, les étrangers établis, les demandeurs d'emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler (al. 2).

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est ainsi possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE/AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 3537). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail. Il est retenu en faveur des travailleurs indigènes et des ressortissants de l’UE/AELE, dont le statut est régi par l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et qui ont droit à l’admission. Sont considérés comme travailleurs indigènes, outre les citoyens suisses, les étrangers établis, les demandeurs d’emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler (art. 21, al. 2, LEI). Par conséquent, les ressortissants d’États tiers ne peuvent être admis que si aucun travailleur indigène ou ressortissant de l’espace UE/AELE ne peut être recruté pour occuper l’emploi en question (Directives du SEM, op. cit., ch. 4.3.2.1).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE, conformément à l'art. 21 al. 1 LEI, et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de recruter une personne capable d'exercer cette activité. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents, tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question (Directives du SEM, op. cit., ch. 4.3.2.2). Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (ATA/1156/2020 précité consid. 6c et les références citées).

5.2.4 Selon l’art. 21a al. 3 LEI, les postes vacants dans des groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne doivent être communiqués par les employeurs au service public de l’emploi. L’accès aux informations concernant les postes communiqués est restreint, pour une période limitée, aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi en Suisse.

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux ORP les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les Offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2638/2010 du 21 mars 2011 consid. 6.3., C-1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.4. et 6.7, C‑679/2011 du 27 mars 2012 consid. 7.2, C-4873/2011 du 13 août 2013 consid. 5.3 et C106/2013 du 23 juillet 2014 consid. 6 et 7.1).

L’admission de ressortissants d’États tiers est soumise non seulement à la condition de la priorité des travailleurs en Suisse et des ressortissants de pays avec lesquels un accord sur la libre circulation des personnes a été conclu (selon l’art. 21 LEI), mais aussi à l’obligation de communiquer les postes vacants (art. 18 let. c, et 21a LEI). Cette obligation doit contribuer à renforcer l’intégration dans le marché du travail des personnes inscrites auprès d’un service public de l’emploi en Suisse et, par extension, à réduire le chômage en Suisse.

L’obligation de communiquer les postes vacants visée à l’art. 21a al. 3 LEI s’applique dans les genres de professions au sens de la nomenclature suisse des professions qui enregistrent un taux de chômage, au niveau suisse, supérieur ou égal à 5%. Le SECO dresse chaque année une liste des groupes de profession soumis à l’obligation de communiquer les postes vacants (Directives du SEM, ch. 4.3.3).

5.3 En l’espèce, le recourant estime n'avoir pas violé l’ordre de priorité, dans la mesure où l’obligation d’annonce de l’employeur, soit l’agence, ne s’appliquerait pas à son cas, en raison de la pénurie de cuisiniers dans le secteur de la restauration.

D’emblée, il sied de souligner que dite argumentation ne tient pas compte du fait, tel que rappelé précédemment, que la condition de l’ordre de priorité est distincte de celle de l’obligation d’annonce aux ORP et cumulative à celle-ci.

Il s’ensuit que, pour autant que l’art. 21a LEI soit applicable in casu, la condition du respect de l’ordre de priorité doit nécessairement être remplie.

A cet égard, aucun élément versé au dossier ne permet a priori de retenir que l’employeur du recourant aurait déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de cuisinier en la personne d’un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE, au sens de l’art. 21 al. 1 LEI. En effet, il ne paraît pas, prima facie, que des recherches auraient été effectuée sur le marché suisse ou européen.

A cela s’ajoute que le recourant ne rend pas vraisemblable disposer d’un diplôme ou d’une expérience professionnelles attestant de compétences spécifiques en qualité de cuisinier de spécialités. Tel que rappelé précédemment, les pièces produites à l’appui de son recours sont irrecevables et, en toute hypothèse, ne lui seraient d’aucun secours, en l’occurrence, dans la mesure où il ne s’agit que de contrats de travail n’attestant a priori d’aucune compétence en lien avec celle invoquée. Quant à l’impossibilité alléguée de produire son diplôme de cuisinier de spécialités, à défaut d’avoir pu avoir accès à " son dossier de séjour en France ", elle n’apparaît pas davantage pertinente.

En l'absence d’élément de preuve permettant de retenir, prima facie, que l’ordre de priorité aurait été respecté, les chances de succès contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2023 (JTAPI/1120/2023) paraissent particulièrement faibles.

Au vu de ce qui précède, c’est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil n’a pas accordé l’extension de l’assistance juridique au recours formé par le recourant le 16 novembre 2023 contre le jugement du 16 octobre 2023.

6.             Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

7.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 13 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3201/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.