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Décisions | Assistance juridique

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AC/1011/2023

DAAJ/15/2024 du 12.02.2024 sur AJC/5570/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1011/2023 DAAJ/15/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 12 FEVRIER 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

représenté par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

 

contre la décision du 6 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant) et B______ sont actionnaires à parts égales de C______ SA, sise à Genève. Cette société exploite une brocante.

Selon les statuts de la société, l'assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice (art. 7 al. 1). La présidence de l'assemblée générale est exercée par le président, en cas d'empêchement de celui-ci par un autre membre du conseil d'administration ou par un autre président du jour élu par l'assemblée générale (art. 9 al. 1). Le président a voix prépondérante (art. 10 al. 5). Le conseil d'administration est élu lors de l'assemblée générale ordinaire et pour la durée d'une année (art. 12 al. 1 2ème phr.). Les fonctions des membres du conseil d'administration prennent fin le jour de l'assemblée générale ordinaire suivante (art. 12 al. 1 3ème phr.).

La société a tenu une assemblée générale le 21 décembre 2021, au cours de laquelle les mandats d'administrateurs de B______, président du conseil d'administration, de son fils D______, et de E______ ont été renouvelés pour une année "mais au moins jusqu'à la prochaine assemblée générale ordinaire". Le recourant s'est opposé au renouvellement de ces mandats, mais ses votes ont été minorisés par ceux du président du conseil d'administration, en raison de sa voix prépondérante.

b. Une assemblée générale de C______ a été fixée au 13 décembre 2022, mais a été annulée et reportée sur décision unanime des actionnaires.

B. Par plis simple et recommandé du lundi 27 mars 2023, B______, au nom du conseil d'administration de C______ SA, a convoqué le recourant à une assemblée générale ordinaire fixée au 21 avril 2023. L'ordre du jour prévoyait notamment la réélection des trois membres sus évoqués du conseil d'administration.

C.           a. Le 29 mars 2023, le recourant a requis l'assistance juridique à l'appui d'une action en carence dans l'organisation de C______ SA.

b. Le 30 mars 2023, il a formé l'action précitée par devant le Tribunal de première instance, à l'encontre de C______ SA, dans laquelle il a notamment conclu à la nomination d'un administrateur unique en charge de l'administrer jusqu'à ce que son actionnariat soit en mesure de désigner valablement un conseil d'administration (C/1______/2023).

Le recourant a payé l'avance de frais de 1'000 fr. le 5 avril 2023.

D.           Par une première décision du 6 avril 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique parce que les chances de succès du recourant paraissaient faibles.

Selon cette décision, il ressortait d'un accord conclu le 1er février 2018 entre le recourant et B______ que le premier avait accepté la prééminence décisionnelle du second dans leurs relations d'actionnaires.

Cette décision du 6 avril 2023 a été annulée par arrêt DAAJ/88/2023 du 11 septembre 2023 pour cause de violation du droit d'être entendu du recourant, parce que ledit accord ne figurait ni au dossier de la procédure d'assistance juridique, ni à celui de la procédure principale. Ainsi, la Cour n'avait pas été en mesure d'examiner sa pertinence sur les chances de succès de l'action en justice. La cause a été renvoyée à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

E. a. Par courrier du 14 septembre 2023, le Greffe de l'assistance juridique (ci-après : GAJ) a demandé au recourant d'expliquer les raisons pour lesquelles l'accord du 1er février 2018 ne serait pas pertinent dans le cadre de l'action en carence.

b. Par réponse du 24 octobre 2023, le conseil du recourant a confirmé au GAJ que C______ SA se trouvait "actuellement" dans une situation de carence, puisqu'elle était dépourvue d'un conseil d'administration "valablement élu", puisque les mandats des trois administrateurs avaient pris fin, en l'absence d'une assemblée générale pour les renouveler en temps utile.

Le recourant a contesté le principe de la voix prépondérante de B______ pour les raisons suivantes : dans l'accord-cadre du 1er février 2018, il a accepté de signer un accord de principe relatif à la prééminence décisionnelle de B______ sur des points bien spécifiques, à savoir respecter la liberté d'agir de celui-ci et son mode de fonctionnement au travail pour le bien de l'entreprise (a); l'avenir professionnel de son fils unique D______ hors transfert des actions en cas de succession (b) et l'introduction d'un droit de préemption dans les statuts de l'entreprise (c). A son sens, cette prééminence décisionnelle ne pouvait pas porter sur les décisions du ressort de l'assemblée générale, car la nomination du conseil d'administration fait partie de ses compétences impératives et inaliénables.

Cet accord était un précontrat et n'avait pas été suivi par la conclusion d'une convention d'actionnaires. Il avait été prévu que le recourant soit engagé comme directeur, ce qui ne s'était pas concrétisé. Par ailleurs, la société défenderesse ne s'était pas prévalue de cette entente dans la procédure au fond. Enfin, ce consensus ne permettait pas de remédier à la situation de blocage de la société.

F.            a. Par décision du 6 novembre 2023, notifiée le 10 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a derechef rejeté la requête d'assistance juridique, au motif que les chances de succès de l'action en carence du recourant paraissaient faibles.

Selon cette décision, la recevabilité de l'action du recourant en carence dans l'organisation de la société était douteuse, puisque l'assemblée générale d'avril 2023 avait eu lieu et réélu les membres du conseil d'administration. Ainsi, le recourant ne semblait plus disposer d'un intérêt digne de protection à agir et n'était pas fondé à contester la réélection des administrateurs par le biais de cette action.

Une situation de blocage ne paraissait pas exister au vu de la jurisprudence et de la voix prépondérante du président du conseil d'administration, au sens de l'art. 10 des statuts de la société.

Enfin, la société ne souffrait pas d'un défaut d'organisation en raison de la composition de son conseil d'administration, parce que ses administrateurs n'étaient pas en situation de conflits d'intérêts.

b. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 20 novembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant conclut à l'annulation de la décision du 6 novembre 2023 et à l'octroi de l'assistance juridique avec effet au 29 mars 2023, date du dépôt de son action en carence dans l'organisation de la société anonyme [recte : du dépôt de sa demande d'assistance juridique].

Se prévalant d'une violation de son droit d'être entendu, il rappelle que sa requête d'assistance juridique et que son action en carence datent des 29 et 30 mars 2023, et qu'il n'a pas été invité à se prononcer sur la "prétendue assemblée générale du 21 avril 2023 avant que la décision de refus ne soit prise". Or, si tel avait été le cas, il aurait pu expliquer les raisons pour lesquelles cette assemblée générale ne pouvait pas remédier à la situation de carence de la société.

Invoquant une violation du droit à l'assistance juridique, il soutient que la situation juridique devait être appréciée au moment du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire, sans considérer l'assemblée générale du 21 avril 2023.

A son sens, la situation de carence existe au sens de l'art. 731b CO, car la continuation ou la reconduction tacite du mandat d'administrateur d'une société anonyme est exclue selon la jurisprudence fédérale. Ainsi, en l'absence d'assemblée générale organisée depuis celle du 21 décembre 2021, les mandats des trois administrateurs avaient pris fin le 31 décembre 2022.

Il conteste l'existence d'une voix prépondérante de l'administrateur-président lors de l'assemblée générale du 21 avril 2023 : d'une part, parce que le mandat de celui-ci avait pris fin le 31 décembre 2022 et, d'autre part, parce que l'administrateur-président ne pouvait pas se proposer comme président du jour car le recourant s'y était opposé.

Enfin, l'assemblée générale du 21 avril 2023 a été convoquée à son sens par un organe incompétent, soit un ex-administrateur-président, de sorte que les décisions prises lors ladite assemblée sont nulles.

La situation de blocage de la société persiste en l'absence d'un conseil d'administration de celle-ci valablement élu lors de l'assemblée générale du 21 avril 2023.

c. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

En l'espèce, le recourant a reproduit des passages du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 21 avril 2023 (points 1 et 8 de l'ordre du jour, recours p. 5 et p. 6). Or, ledit procès-verbal ne figure pas au dossier de première instance, de sorte que ces allégués de faits ne seront pas pris en considération.

3. Du grief du recourant relatif à la violation de son droit d'être entendu.

3.1 Eu égard à sa nature formelle, la violation du droit d'être entendu dénoncée par le recourant doit être examinée en premier lieu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_662/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.3.1 et les références citées).

Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 Cst., le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où elle l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_662/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.3.1 et les références citées).

3.2 En l'espèce, le recourant ne peut pas être suivi lorsqu'il invoque une violation de son droit d'être entendu, au motif qu'il n'aurait pas été invité par l'Autorité de première instance à se déterminer sur la tenue et les effets de l'assemblée générale du 21 avril 2023.

Premièrement, il a lui-même allégué et produit le courrier du 27 mars 2023 relatif à la convocation de cette assemblée générale, avec l'ordre du jour y relatif faisant mention de la réélection des ex-administrateurs, de sorte que ces faits ont été retenus avec raison.

Deuxièmement, dans sa réponse au GAJ du 24 octobre 2023, il a précisé que la situation de carence persistait, nonobstant la réélection des administrateurs, parce que leurs mandats avaient pris fin et il a exposé les raisons pour lesquelles l'ex-administrateur-président n'était pas fondé à se prévaloir de sa voix prépondérante. Il s'est donc dûment exprimé au sujet de la convocation de ladite assemblée générale et a fait valoir les vices entachant à son sens la réélection des administrateurs.

Il s'ensuit que ce grief du recourant n'est pas fondé.

4. Du grief du recourant relatif à la violation de son droit à l'assistance juridique.

4.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Selon la jurisprudence, une cause est dépourvue de toute chance de succès, au sens de l'art. 117 let. b CPC, lorsque la perspective d'obtenir gain de cause est notablement plus faible que le risque de succomber et qu'elle ne peut donc être considérée comme sérieuse, de sorte qu'une personne raisonnable disposant des ressources financières nécessaires renoncerait à engager la procédure en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. En revanche, l'assistance judiciaire doit être accordée lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds. La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 396 consid. 1.2, 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_585/2023 du 15 janvier 2024 consid. 5.1).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés; cette hypothèse est réalisée lorsque la thèse du demandeur ne tient pas debout. L'assistance peut aussi être refusée s'il apparaît d'emblée que la démarche est irrecevable ou que la position du demandeur n'est pas juridiquement fondée. L'autorité chargée de statuer sur l'assistance judiciaire ne doit pas se substituer au juge du fond; elle doit seulement examiner s'il lui apparaît qu'il y a des chances que le juge adopte la position soutenue par le demandeur, chances qui doivent être plus ou moins équivalentes aux risques qu'il parvienne à la conclusion contraire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_585/2023 du 15 janvier 2024 consid. 5.1; 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2; 4A_454/2008 du 1er décembre 2008 consid. 4.2).

4.1.1 Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1), dont celle relative à un intérêt digne de protection du requérant (al. 2 let. a).

L'intérêt digne de protection est un intérêt personnel et actuel à voir le juge statuer sur ses conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3 et les références citées). Comme toute condition de recevabilité, cet intérêt doit exister non seulement lors de la litispendance, mais également au moment du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3 et les références citées).

Lorsqu'une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, elle est irrecevable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3); lorsque cet intérêt digne de protection existe lors de la litispendance mais disparaît plus tard, la cause doit être rayée du rôle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3 et les références citées).

4.1.2 Selon l'art. 731b al. 1 CO, un actionnaire peut requérir du tribunal qu’il prenne les mesures nécessaires lorsque l’organisation de la société présente notamment l’une des carences suivantes : l'un des organes prescrits fait défaut (ch. 1); un organe prescrit n’est pas composé correctement (ch. 2). Selon l'al. 1bis, le tribunal peut, notamment, nommer commissaire (ch. 2). Selon l'al. 2 1ère phr., si le tribunal nomme un commissaire, il détermine la durée pour laquelle la nomination est valable.

Selon la jurisprudence, cette norme concerne les cas dans lesquels une prescription impérative de la loi concernant l’organisation de la société n’est pas ou plus respectée. Elle vise aussi bien l’absence d’un organe obligatoire que sa composition non conforme aux prescriptions (ATF 140 III 349 consid. 2.1; 138 III 294 consid. 3.1.5 p. 299; arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1.2; 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.1 et les références; RVJ 2023 277.).

Un organe a notamment une composition non conforme aux prescriptions lorsqu’il est incapable d’agir (arrêts du Tribunal fédéral 4A_589/2017 du 9 février 2018 consid. 2.1; 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.2 et les références). Un conflit d’intérêts dans la direction d’un organe peut conduire à son incapacité fonctionnelle d’agir et donc à une carence dans l’organisation au sens de l’art. 731b CO dans certaines constellations (arrêt 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.3).

La composition insuffisante de l'organe comprend avant tout les cas d'absence des membres prescrits par la loi (p. ex. le président du conseil d'administration selon l'art. 712 al. 1 CO), le manque d'indépendance ou de qualification de l'organe de révision (surtout art. 727b et 728 CO) ou le non-respect des exigences légales en matière de domicile (art. 718 al. 4 et art. 730 al. 4 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.2). Il y a également composition insuffisante lorsqu'un organe prescrit par la loi n'a plus la capacité d'agir, par exemple lorsque la gestion de la société est devenue durablement impossible en raison d'une impasse persistante au sein du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.2).

Les conflits d'intérêts des administrateurs d'organes peuvent également, dans certaines constellations, conduire à l'incapacité de fonctionnement d'un organe et donc à un défaut d'organisation au sens de l'art. 731b CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.3). Tel est notamment le cas où les intérêts de la société ne peuvent plus être défendus et représentés de manière indépendante dans une cause spécifique parce que tous les membres du conseil d’administration poursuivent des intérêts contradictoires (arrêts du Tribunal fédéral 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.3; 4A_412/2020 du 16 septembre 2020 consid. 4.3.2; 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.5.2).

4.1.3 Selon la jurisprudence, il est exclu, en cas d'absence d'assemblée générale ou d'élection du conseil d'administration que le mandat d'administrateur se poursuive ou se prolonge tacitement. Une disposition statutaire prévoyant une réélection automatique des administrateurs pour éviter une éventuelle situation de blocage au sein de l'actionnariat est en contradiction avec le droit inaliénable de l'assemblée générale d'élire les membres du conseil d'administration (art. 698 al. 2 ch. 2 CO) et cette compétence inaliénable de l'assemblée générale serait contournée si le conseil d'administration pouvait prolonger son mandat en ne convoquant pas l'assemblée générale (ATF 148 III 69 consid. 3.3; 140 III 349 consid. 2.6). Ainsi, le mandat du conseil d'administration prend fin à l'expiration du sixième mois suivant la clôture de l'exercice concerné, si aucune assemblée générale n'a été organisée conformément à l'art. 699 al. 2 CO ou si l'élection du conseil d'administration n'a pas été portée à l'ordre du jour (ATF 148 III 69 consid. 3.5; 140 III 349 consid. 2.6).

Les ex-administrateurs qui poursuivraient néanmoins leur activité agiraient en qualité d'organe de fait (art. 754 CO; ATF 148 III 69 consid. 3.4).

Une situation de blocage a été admise dans le cas de deux actionnaires et administrateurs d'une société, lesquels, en raison de leurs conflits réciproques, empêchaient le fonctionnement du conseil d'administration de la société et n'avaient plus convoqué d'assemblées générales, étant précisé que leurs mandats étaient échus depuis longtemps (arrêt du Tribunal fédéral 4A_380/2020 du 25 août 2020 consid. 5 et 6). Ainsi, il y a blocage lorsque l'assemblée générale est dans l'impossibilité de procéder à une élection du conseil d'administration, faute du nombre de voix nécessaires (ATF 148 III 69 consid. 2.8).

4.2 En l'espèce, le recourant soutient que les chances de succès de son action en carence auraient dû être examinées au moment du dépôt de sa requête d'assistance juridique, le 29 mars 2023, sans que soit prise en considération la tenue de l'assemblée générale du 21 avril 2023.

Or, en se plaçant au 29 mars 2023, les chances de succès du recourant apparaissent déjà particulièrement faibles.

En effet, il convient de rappeler que lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2021,
a priori valable, celle-ci avait réélu ses trois administrateurs pour une durée d'une année, soit, vraisemblablement, jusqu'à fin décembre 2022, mais pas au-delà de cette date. En effet, selon la jurisprudence, la prolongation tacite de leur mandat était exclue, nonobstant la teneur contraire et dépourvue d'effet juridique de l'art. 12 al. 1 3ème phr. des statuts fixant la fin de leurs fonctions au jour de l'assemblée générale ordinaire suivante.

Ainsi, à partir de janvier 2023, la société s'est vraisemblablement trouvée en situation de carence, en raison de la fin des mandats de ses administrateurs.

Cependant, par courriers simple et recommandé du 27 mars 2023, en principe reçus le lendemain par le recourant, l'ex-administrateur-président de la société, en qualité d'organe de fait, a convoqué une assemblée générale ordinaire au 21 avril 2023, notamment aux fins de sa réélection et de celle des deux autres administrateurs de fait.

Ainsi, à partir du 28 mars 2023, et, a fortiori, du 29 mars 2023, date du dépôt de la requête d'assistance juridique pour former son action en carence, l'intérêt digne de protection du recourant à agir en justice est plus que discutable, puisque la convocation à ladite assemblée générale avait justement pour finalité de remédier à cette situation de carence par la réélection des administrateurs.

Dans ces conditions, il apparaît que le 29 mars 2023, le recourant n'avait vraisemblablement plus d'intérêt juridique à former une action en carence, puisque la situation de la société allait se normaliser à l'initiative de celle-ci, de sorte que son action en justice du 30 mars 2023 paraissait d'emblée irrecevable.

Par ailleurs, même à supposer que l'action en carence soit recevable, les chances de succès de celle-ci au fond paraissent particulièrement faibles, puisque la société a convoqué une assemblée générale chargée de se doter d'un conseil d'administration, dont les administrateurs répondent a priori aux réquisits légaux, et sont capables de fonctionner, en l'absence de conflits d'intérêts entre eux. L'action au fond paraît ainsi vouée à l'échec, car elle est devenue sans objet, ce d'autant plus que la question de la validité de la convocation à l'assemblée générale du 21 avril 2023 et des décisions prises lors de celle-ci ne font pas l'objet de cette action en carence.

Pour le surplus, il apparaît qu'un plaideur diligent, qui disposerait des ressources financières nécessaires, et placé dans la même situation que le recourant, renoncerait à former une action en carence, avec les frais judiciaires y relatifs et les honoraires d'un conseil, dès le moment où il est avisé de la tenue d'une assemblée générale chargée de remédier à la situation qu'il dénonce. Ainsi, le procès ne paraît plus nécessaire.

Il s'ensuit que c'est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique en considérant les faibles chances de succès de l'action en carence du recourant.

5. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 6 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1011/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Romanos SKANDAMIS (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.