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Décisions | Assistance juridique

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AC/1791/2023

DAAJ/121/2023 du 15.11.2023 sur AJC/3554/2023 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1791/2023 DAAJ/121/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 15 NOVEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

Messieurs A______ et B______, domiciliés ______ [GE],

représentés par Me Anik PIZZI, avocate, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,

 

contre la décision du 7 juillet 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ et B______, agissant pour sa fille mineure C______ (ci-après : les recourants), ont formé une requête d'assistance juridique le 16 juin 2023 pour recourir contre un jugement rendu par le Tribunal administratif de première instance le 17 mai 2023 (JTAPI/562/2023), dans la cause A/1______/2022.

b. A______, né le ______ 2002, et C______, née le ______ 2006, sont frère et sœur, citoyens kosovars, et vivent à Genève depuis 2016.

Leurs deux parents, mariés en 2021, vivent aussi en Suisse. A la suite de leur mariage, la situation de séjour de la mère des recourants a été régularisée.

C______ suit un apprentissage et est membre d'une équipe de basket locale.

c. Il résulte de la procédure administrative que les recourants demandent l'autorisation de séjourner en Suisse pour cas individuel d'extrême gravité.

Par décision du 22 octobre 2022, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a refusé de mettre les recourants au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. Dans la mesure où ils ne se trouvaient pas dans une situation de rigueur au sens de l'art. 47 al. 4 LEI, il y avait lieu de croire qu'ils ne remplissaient pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en application des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Le recours des interessés contre cette décision au Tribunal administratif de première instance (TAPI) a été rejeté (jugement JTAPI/652/2023 précité). En effet, les arguments liés à l'intégration ne pouvaient pas être pris en compte, ni le mariage des parents.

B.            Par décision unique du 7 juillet 2023 (AC/1791/2023 et AC/2______/2023), notifiée le 17 juillet 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause des recourants était dénuée de chances de succès.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par deux actes séparés expédiés le 20 juillet 2023 à la Présidence de la Cour de justice. Les recourants concluent à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure d'appel [recte recours] initiée à la Chambre administrative de la Cour de justice, sous suite de dépens.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, les recours sont recevables pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4. Les deux recours portent sur un état de fait commun, qui a fait l'objet d'une décision unique. Ils seront joints, par économie de procédure, et traités dans un seul arrêt.

2.             A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont les recourants n'ont pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.
3.1.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

3.1.2. Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2; 124 II 361 consid. 3a). Il existe ainsi une raison familiale majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celle-ci ou celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescentes et adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus une ou un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui la ou le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 et les références citées).

3.1.3. A teneur de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29) dans les buts suivants : régler l'activité lucrative des étrangers admis dans le cadre du regroupement familial, pour autant qu'il n'existe pas de droit à l'exercice d'une activité lucrative (let. a); tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (let. b).

A teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment : de l'intégration du requérant sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a) ; de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c); de la situation financière (let. d); de la durée de la présence en Suisse (let. e) ; de l'état de santé (let. f); des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

3.2. En l'espèce, la décision de l'OCPM n'examine pas le cas du recourant sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA. Ainsi, en l'absence de motivation sur ce point, le recours du recourant contre le jugement du TAPI n'apparaît pas dépourvu de chances de succès.

3.3. S'agissant de la recourante, mineure, elle vit auprès de ses parents en Suisse depuis sept ans. Le statut de sa mère a été récemment légalisé en Suisse. Cela signifie donc qu'un retour au Kosovo impliquerait de la rapprocher d'une parenté plus éloignée. Son intégration en Suisse apparaît comme bonne, ses parents étant en mesure de la prendre en charge. Il ne peut donc être exclu que des raisons familiales majeures puissent exister qui lui permettraient de rester en Suisse conformément à la loi. Son recours ne paraît pas non plus dépourvu de chances de succès.

3.4. Ainsi, la décision entreprise sera annulée et la cause retournée à l'autorité précédente, afin qu'elle examine si les autres conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont réunies.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige et du fait que les deux recours portent sur la même décision et sur des faits pratiquement identiques, de sorte qu'il n'apparaît pas qu'il était nécessaire de rédiger deux recours distincts, l'État de Genève sera condamné à verser aux recourants la somme unique de 400 fr. à titre de dépens (ATF 140 III 501 consid. 4).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par A______ et B______, agissant pour la mineure C______ contre la décision rendue le 7 juillet 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1791/2023.

Au fond :

Joint les recours.

Annule la décision entreprise.

Cela fait :

Renvoie la cause à la Vice-présidente du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ et B______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ et B______, solidairement, à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ et B______ en l'Étude de Me Anik PIZZI (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.