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Décisions | Assistance juridique

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AC/330/2023

DAAJ/110/2023 du 17.10.2023 sur AJC/3251/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/330/2023 DAAJ/110/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 17 OCTOBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

Madame A______, domiciliée c/o B______, ______ [GE],

représentée par Me E______, avocat,

 

contre la décision du 26 juin 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ vit avec ses deux enfants, dont C______, né le ______ 2006, au no. ______, chemin 1______ à D______ [GE].

Il est par ailleurs titulaire du bail d'un appartement sis au no. ______, rue 2______ à Genève (ci-après : l'appartement), d'une durée du 1er septembre 2021 au 30 août 2022, renouvelable, au loyer mensuel de 1'430 fr., charges comprises. Il a meublé cet appartement.

A une date non précisée, il a cédé gratuitement l'usage de cet appartement à A______ (ci-après : la recourante), son amie intime, laquelle a quitté la région F______ [France] pour le rejoindre à Genève.

Les noms de B______ et de la recourante figuraient sur la boîte aux lettres et la porte d'entrée et chacun d'eux disposait d'un jeu de clés de cet appartement.

Le 25 avril 2022, B______ s'est engagé auprès de l'Office cantonale de la population et des migrations (ci-après : OCPM) à prendre en charge financièrement la recourante, pour une durée de séjour en Suisse de cinq ans et à concurrence de 2'600 fr. par mois.

b. Le 18 novembre 2022, une plainte pénale a été déposée contre la recourante pour actes d'ordre sexuel et contrainte sexuelle (art. 189 CP) sur l'enfant C______, durant le week-end du 13 au 14 novembre 2022 (P/3______/2022). La recourante, qui a contesté ces accusations, a été placée en détention le 18 novembre 2022, puis libérée le 22 novembre 2022 avec des mesures de substitution, qui lui ont fait interdiction de prendre contact avec la famille B______.

c. Par courriel du 16 décembre 2022, le conseil de B______ a écrit à celui de la recourante afin que celle-ci quitte l'appartement dans les plus brefs délais.

Par courriel du 5 janvier 2023, le conseil de B______ a avisé la recourante que les serrures de l'appartement seraient changées le 12 janvier 2023.

Par réponse du 9 janvier 2023, le conseil de la recourante a indiqué à B______ que la résiliation du bail de l'appartement devait s'effectuer au moyen de la formule officielle agréée par le canton et respecter le préavis de congé de trois mois.

d. Le 20 janvier 2023, le contrat de travail de B______ a été résilié avec effet au 31 mars 2023.

B. Parallèlement, le 12 janvier 2023, la recourante a requis du Tribunal de première instance ci-après : le Tribunal) des mesures superprovisionnelles et provisionnelles afin qu'il soit fait interdiction à B______ :

- d'entraver l'accès de la recourante à l'appartement;

- de changer les serrures de celui-ci;

- de procéder à l'évacuation de la recourante et

- à ce qu'il soit dit que ces injonctions soient prononcées sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où les serrures de l'appartement auraient été changées avant qu'il ne soit statué sur les mesures requises, elle a conclu à ce qu'il soit ordonné à B______ :

- de restituer immédiatement à la recourante la possession de l'appartement;

- de lui remettre les clés des nouvelles serrures de l'appartement;

- à ce qu'il lui soit fait interdiction à B______ de procéder à l'évacuation de la recourante et de tout ou partie de ses biens et

- à ce qu'il soit dit que ces injonctions soient prononcées sous la menace de la peine de l'art. 292 CP et à ce qu'elle soit dispensée de fournir une avance de frais.

A titre provisionnel, elle a repris les mêmes conclusions, sollicitant l'octroi d'un délai de 90 jours pour agir au fond. Elle a conclu à être dispensée de la fourniture de sûretés et à ce que B______ soit condamné au paiement des frais judiciaires et dépens.

C. a. Par ordonnance du 12 janvier 2023, le Tribunal a rejeté la requête sur mesures superprovisionnelles, au motif que la recourante n'avait pas rendu vraisemblable "l'octroi de la jouissance de l'appartement".

A l'appui de ses affirmations, la recourante s'était référée à ses déclarations au Ministère public, dont elle avait largement caviardé les procès-verbaux d'audience, ainsi qu'à une déclaration de l'ex-épouse de B______ (figurant dans un procès-verbal d'audition à la police et également largement caviardé), selon laquelle elle avait appris par ses enfants que B______ avait pris un appartement pour la recourante.

b. Le 31 janvier 2023, la recourante a requis l'assistance juridique pour cette procédure de mesures superprovisionnelles et provisionnelles (cf. Décision AJC/1546/2023 du 20 mars 2023).

c. Le 6 février 2023, B______ a déposé des déterminations sur mesures provisionnelles, cas clair et conclusions reconventionnelles. Il a conclu, principalement, avec suite de frais et dépens, à :

- ce qui lui soit donné acte de son droit de disposer librement et de jouir de son droit de possession immédiat sur l'appartement meublé et, en particulier, de son droit à changer les serrures (concl. n° 3);

- ce qu'il soit donné acte à la recourante que le prêt à usage sur l'appartement a valablement pris fin et que c'est sans droit qu'elle l'occupe depuis le 1er décembre 2022 (concl. n° 4);

- la condamnation de la recourante à lui restituer les clés et les meubles de l'appartement, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP;

- ce qu'il soit ordonné à la recourante de quitter et d'évacuer immédiatement l'appartement meublé, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP;

- à ce qu'il soit dit que faute d'exécution dans les 20 jours dès l'entrée en force de la décision, l'autorité chargée de l'exécution y procéderait avec l'assistance de la police;

- la condamnation de la recourante à lui verser un montant de 4'290 fr. avec 5% l'an dès le 30 novembre 2022, ainsi que 1'430 fr. pour chaque mois d'occupation illicite de l'appartement meublé;

- la fixation d'un délai pour ouvrir action au fond.

S'agissant de la durée du prêt à usage, B______, qui a mentionné dans ses écritures l'art. 309 al. 2 CO, relatif à l'extinction du prêt pour un usage contraire à celui qui a été convenu, a précisé que le prêt était "conditionné (…) à une attitude respectueuse entre les parties et leur famille, dont la durée dépendait du contrat de bail conclu avec le propriétaire et de la relation entretenue entre les parties".

d. Le 10 février 2023, la recourante a demandé l'extension du bénéfice de l'assistance juridique afin de se déterminer sur les conclusions reconventionnelles en cas clair de B______ (cf. Décision AJC/1546/2023 du 20 mars 2023).

e. Le 15 février 2023, elle a conclu à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle, subsidiairement à son rejet.

f. Par courrier du 27 février 2023, B______ a répliqué et déposé une pièce nouvelle.

g. A l'audience du 27 février 2023, la recourante a contesté le contenu de la réplique. B______ s'est opposé à l'audition de témoins et des parties.

D. Par ordonnance OTPI/212/2023 du 23 mars 2023 (C/4______/2023), le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête, déclaré irrecevable les conclusions reconventionnelles nos 3 et 4 de B______, de nature purement constatatoires, et rejeté la demande reconventionnelle de ce dernier pour le surplus.

Le Tribunal, statuant sur les conclusions principales de la recourante et en l'absence de remplacement des serrures, a considéré que les parties avaient conclu un contrat de prêt à usage, d'une durée indéterminée, puisque la recourante n'avait pas rendu vraisemblable qu'elle pouvait bénéficier de l'appartement jusqu'en septembre 2023, à l'achèvement de sa formation et de la possibilité d'une reprise d'emploi. Par conséquent, B______ pouvait exiger la restitution de l'appartement en tout temps, sans devoir justifier de circonstances particulières, moyennant le respect des règles de la bonne foi.

Du 16 décembre 2022, date à laquelle B______ avait enjoint la recourante de quitter immédiatement l'appartement, jusqu'au 12 janvier 2023, date du changement des serrures, la recourante avait bénéficié d'un laps de temps suffisant à cette fin. En tout état de cause, il avait rendu vraisemblable le caractère insupportable de la continuation de la relation entre eux, de sorte qu'un juste motif au sens de l'art. 309 al. 2 CO pouvait également être retenu.

Une action en réintégrande (art. 927 CC) ne se justifiait pas, en l'absence d'usurpation de la possession, ni en raison du trouble de la possession (art. 928 CC), car l'action de B______ en restitution de l'appartement, fondée sur le contrat de prêt à usage, ne pouvait pas être qualifiée de "trouble". Enfin, l'art. 28 CC n'était pas applicable en l'absence d'atteinte démontrée par la recourante à sa sphère privée.

Ainsi, les prétentions de la recourante fondées sur le contrat de prêt à usage ou sa possession apparaissaient "d'emblée dénuées de toutes chances de succès" et ses conclusions, allant au-delà de la simple cessation du trouble, s'apparentaient à des mesures d'exécution anticipée, raison pour laquelle la protection juridique provisoire ne pouvait être ordonnée que restrictivement.

E. a. Par décision du 20 mars 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique, au motif que les chances de succès de la requête du 31 janvier 2023 paraissaient extrêmement faibles.

La vice-présidence du Tribunal civil, à l'instar du Tribunal, a considéré que les parties étaient liées par un prêt à usage de durée indéterminée, puisque la recourante n'avait pas rendu vraisemblable l'existence d'un terme contractuel au 31 août 2023. A l'appui de ses affirmations, la recourante s'était uniquement référée à ses propres déclarations dans la procédure pénale, passablement caviardées. Dans ces conditions, B______ semblait pouvoir se départir du contrat de prêt à usage en tout temps, ce qu'il avait fait, par courriel du 16 décembre 2022.

b. Par acte du 3 avril 2023, la recourante a formé recours contre cette décision du 20 mars 2023 à la Présidence de la Cour de justice. Une décision a été rendue le même jour sur le recours formé contre cette décision AJC/1546/2023.

F. a. Le 11 avril 2023, la recourante a formé appel contre l'ordonnance OTPI/212/2023 du 23 mars 2023 auprès de la Cour de justice, concluant à l'annulation des chiffres 1 et 4 à 6 du dispositif de cette ordonnance. Elle a persisté dans ses conclusions provisionnelles de première instance, sollicitant à titre superprovisionnel qu'il soit fait interdiction à B______ d'entraver son accès à l'appartement en cause, de changer les serrures et de procéder à son évacuation, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

A l'appui de son appel, elle a affirmé que le 3 avril 2023 vers 8 heures, B______ et un serrurier s'étaient rendus audit appartement, qu'elle avait appelé la police et que celle-ci leur avait demandé de quitter les lieux.

b. Le 11 avril 2023, elle a requis l'octroi de l'assistance juridique à l'appui de cette procédure d'appel.

c. Par décision du 26 juin 2023, notifiée le 29 juin 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté cette requête d'assistance juridique, au motif que les chances de succès de la recourante semblaient faibles.

La vice-présidence du Tribunal civil, à l'instar du Tribunal, a considéré que les parties étaient liées par un prêt à usage de durée indéterminée, puisque la recourante n'avait pas rendu vraisemblable l'existence d'un terme contractuel.

Elle a ensuite considéré que seules les dispositions légales relatives au prêt à usage étaient applicables, à l'exclusion d'une application par analogie des règles sur le bail à loyer, et a décidé qu'au vu de la nature de la relation contractuelle, la recourante ne pouvait pas se prévaloir des dispositions relatives à la possession (usurpation/trouble), car elle avait vraisemblablement consenti à un tel trouble.

G. a. Recours est formé contre la décision du 26 juin 2023, par acte expédié le 11 juillet 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et à l'octroi de l'assistance juridique dans le cadre de son appel du 11 avril 2023, avec effet à cette date.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La recourante invoque une violation de son droit d'être entendue, aux motifs que l'Autorité de première instance n'a pas examiné la violation de son droit au domicile, découlant du droit à la sphère privée; l'illicéité de l'expulsion, constitutive d'un trouble illicite à sa possession, et les infractions pénales de contrainte et de violation de domicile.

A son sens, l'Autorité de première instance a violé son droit à l'assistance juridique en n'examinant pas son chef de conclusions à ce qu'il soit fait interdiction au prêteur de procéder à son évacuation forcée.

Elle persiste à se prévaloir d'une durée déterminée du contrat de prêt à usage, jusqu'au terme de sa formation et l'obtention d'un travail, soit jusqu'au mois de septembre 2023, et rappelle que le prêteur s'était engagé à subvenir à ses besoins durant cinq ans, à compter du 25 avril 2022, date de la signature de l'attestation de prise en charge financière. En outre, le prêteur, en fondant son argumentation juridique sur l'art. 309 al. 2 CO, a admis la conclusion d'un contrat d'une durée déterminée. Elle rappelle que le 3 avril 2023, le prêteur, accompagné d'un serrurier, avait tenté de changer les serrures de l'appartement en question et qu'elle avait dû faire appel à la police pour mettre fin à ces agissements. Elle conteste que les chances de succès de "l'action envisagée" soient faibles. A son sens, elle ne peut pas être délogée par la force de son domicile – acquis licitement -, ce qui constituerait une atteinte à sa sphère privée, un acte de contrainte et de violation de domicile. En tout état de cause, le prêteur devait recourir aux voies de droit utiles pour la déloger et prendre possession de l'appartement.

Elle soutient être fondée à agir en prévention du trouble : elle dispose de la possession de l'appartement et conteste que la conclusion d'un contrat de prêt à usage puisse signifier qu'elle consentirait à un trouble de sa possession. De plus, le courrier du prêteur du 5 janvier 2023 avait troublé illicitement sa possession, puisqu'elle devait surveiller son appartement pour éviter un changement de serrures en son absence. Enfin, les agissements du 3 avril 2023 avaient donné lieu à une intervention policière, laquelle l'avait grandement affectée.

Par ailleurs, les conclusions en évacuation prises par le prêteur avaient été rejetées par le Tribunal. Il n'a pas formé appel contre l'ordonnance du 23 mars 2023 et n'a pas ouvert d'action en évacuation à son encontre, de sorte que son droit de demeurer dans le logement n'avait pas été infirmé sur le plan judiciaire. A son sens, il était "peu cohérent" de retenir que les chances de succès de son appel du 11 avril 2023 semblaient faibles, alors que celui-ci a pour finalité d'empêcher le prêteur de procéder à son évacuation par la force.

2.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.2 Selon l'art. 29 al. 2 Cst., les parties ont le droit d'être entendues.

S'il est possible de discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. est respecté, même si la motivation présentée devait être erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_146/2023 consid. 3.1). En effet, le but de l'obligation de motiver est que le destinataire de la décision puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 143 III 65 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_146/2023 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu - dont le respect doit être examiné en premier lieu - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2).

2.3 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire remplit les conditions suivantes : a. elle est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être; b. cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.

Selon l'art. 262 CPC, le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment les mesures suivantes : a. interdiction; b. ordre de cessation d’un état de fait illicite.

Selon l'art. 265 al. 1 CPC, en cas d’urgence particulière, notamment s’il y a risque d’entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse.

Le requérant doit ainsi avant tout rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (ATF 131 III 473 consid. 2.3), faute de quoi la requête doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire de passer à l'examen des conditions inscrites à l'art. 261 al. 1 let. a et b CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5D_219/2017 du 24 août 2018 consid. 4.2.2 et la référence citée).

2.4. 2.4.1 Selon l'art. 927 CC, quiconque usurpe une chose en la possession d’autrui est tenu de la rendre, même s’il y prétend un droit préférable (al. 1). Cette restitution n’aura pas lieu, si le défendeur établit aussitôt un droit préférable qui l’autoriserait à reprendre la chose au demandeur (al. 2). L’action tend à la restitution de la chose et à la réparation du dommage (al. 3).

Dans le cas d'un locataire, qui avait mis gratuitement un appartement à disposition d'une personne, puis l'avait sommée en vain de quitter ledit appartement, la Cour a considéré que l'usagère n'avait pas commis d'acte d'usurpation parce qu'elle était entrée en possession avec l'accord du possesseur immédiat (locataire). Il en allait ainsi en particulier lorsque le sous-locataire possédait avec l'accord du locataire (ACJC/809/2002 du 20 juin 2002 consid. 2; SJ 1985 p. 474). Quand bien même le prêteur était libre de réclamer la chose quand bon lui semblait (art. 310 CO), ce qu'il avait fait en la mettant en demeure de quitter les lieux, cette situation ne lui conférait pas pour autant le droit d'agir à l'encontre de l'occupante sur la base des actions possessoires. Même en cas de refus injustifié de celle-ci de restituer l'appartement, il n'y a pas d'usurpation parce que la situation de fait n'a subi aucune modification (ACJC/809/2002 du 20 juin 2002 consid. 2; SJ 1985 p. 474).

Un bailleur ne peut pas invoquer les actions possessoires pour obtenir l'évacuation de son locataire (SJ 1984 527 consid. 2).

2.4.2 Selon l'art. 928 CC, le possesseur troublé dans sa possession peut actionner l’auteur du trouble, même si ce dernier prétend à quelque droit sur la chose (al. 1). L'action tend à faire cesser le trouble, à la défense de le causer et à la réparation du dommage (al. 2).

L'auteur du trouble peut invoquer, pour se justifier, une prescription spéciale de la loi, un droit réel ou encore un droit fondé sur un contrat (ATF 104 II 166, JdT 1980 I 13 consid. 2 et les références citées).

Dans un cas d'espèce, le Tribunal fédéral a considéré qu'un "locataire" [prêteur] d'appartement avait illicitement usurpé la possession de son occupant à titre gratuit, en changeant d'autorité les serrures du logement, sans le consentement de son usager. Le locataire ne pouvait pas se prévaloir d'un droit préférable, puisqu'il n'avait pas réclamé la restitution de l'appartement conformément à la loi. Le locataire pouvait résilier le contrat de prêt en tout temps, en respectant les règles de la bonne foi, c'est-à-dire en informant l'occupant de sa volonté de mettre fin au prêt et en lui fixant un délai raisonnable pour la restitution de l'appartement (arrêt du Tribunal fédéral 5P_19/2006 du 20 mars 2006 consid. 2).

2.4.3 Selon l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1). Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (al. 2).

Il résulte de cette disposition que l'atteinte est en principe illicite, ce qui découle du caractère absolu des droits de la personnalité, l'atteinte devenant cependant licite si son auteur peut invoquer un motif justificatif décrit à l'al. 2. Il y a atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC non seulement lorsque la bonne réputation d'une personne ou son sentiment d'honorabilité sont lésés, mais aussi lorsque sa considération professionnelle ou sociale est touchée (ATF 129 III 715 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral arrêt 5A_862/2022 du 25 juillet 2023 consid. 3.1; 5A_654/2021 du 13 janvier 2022 consid. 4.2).

2.5 Selon l'art. 305 CO, le prêt à usage est un contrat par lequel le prêteur s’oblige à céder gratuitement l’usage d’une chose que l’emprunteur s’engage à lui rendre après s’en être servi.

Selon l'art. 309 CO, lorsque la durée du contrat n’a pas été fixée conventionnellement, le prêt à usage prend fin aussitôt que l’emprunteur a fait de la chose l’usage convenu, ou par l’expiration du temps dans lequel cet usage aurait pu avoir lieu (al. 1). Le prêteur peut réclamer la chose, même auparavant, si l’emprunteur en fait un usage contraire à la convention, s’il la détériore, s’il autorise un tiers à s’en servir, ou enfin s’il survient au prêteur lui-même un besoin urgent et imprévu de la chose (al. 2).

Si le prêt a été fait pour un usage dont le but ni la durée ne sont déterminés, le prêteur est libre de réclamer la chose quand bon lui semble (art. 310 CO).

Selon la jurisprudence, les art. 309 et 310 CO doivent être interprétés de la manière suivante : si la durée du prêt a été déterminée, par un terme, une durée ou l'usage convenu, les parties sont liées par cet accord et le prêteur ne peut réclamer sa chose de façon anticipée qu'aux conditions de l'art. 309 al. 2 CO. En revanche, si la durée du prêt ne peut être déterminée ni par la convention des parties, ni par l'usage convenu, le prêteur peut réclamer la chose en tout temps, en application de l'art. 310 CO (ATF 125 III 363 consid. 2h; arrêts du Tribunal fédéral 4A_330/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.2; 5C_217/2001 du 13 juin 2002 consid. 3c). Un contrat est conclu pour une "durée déterminée" non seulement quand la date de son expiration peut être fixée d'avance d'après des unités de temps, mais encore quand la fin du contrat dépend de l'arrivée d'un événement déterminé, pourvu qu'il soit certain que cet événement se produira et cela dans un avenir prévisible (ATF 56 II 189 ss; arrêts du Tribunal fédéral 4A_330/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.2; 5C.217/2001 du 13 juin 2002 consid. 3c).

En l'absence de règle dans le code des obligations relative à la liquidation du prêt à usage, il convient d'appliquer les règles du bail par analogie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2021 du 22 juillet 2021 consid. 5.1). L'emprunteur qui, après s'être servi de la chose prêtée, viole son obligation de la restituer (art. 305 CO in fine) commet une faute contractuelle en y demeurant (art. 97 CO) et s'expose à devoir une indemnité pour occupation illicite de l'appartement, calculée, selon les circonstances, selon l'art. 42 al. 2 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2021 du 22 juillet 2021 consid. 5.2 et 5.3.4).

2.6. 2.6.1 L'art. 181 CP, relatif à la contrainte, dispose que celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2.6.2 L'art. 186 CP, relatif à la violation de domicile, dispose que celui qui, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le droit au domicile ainsi protégé appartient à celui qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d'un droit réel ou personnel ou encore d'un rapport de droit public (ATF
118 IV 167 consid. 1c, arrêt du Tribunal fédéral 6B_807/2009 du 18 mars 2010 consid. 2). L'ayant droit n'est pas nécessairement le propriétaire. A l'inverse, l'extinction du rapport juridique lui conférant la maîtrise effective ne le prive pas de cette protection tant qu'il exerce son pouvoir (ATF 112 IV 31 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_807/2009 du 18 mars 2010 consid. 2).

2.6.3 Selon la jurisprudence, se rend coupable de contrainte et de violation de domicile, le propriétaire d'un appartement qui met à profit l'absence de son occupant, lequel se prétend au bénéfice "d'un contrat de bail à loyer à titre gratuit" pour évacuer ses affaires et changer les serrures du logement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_8/2010 du 29 mars 2010 consid. 2.2. et 2.3; ACPR/409/2022 du 10 juin 2022 consid. 2.3). Tant que dure la procédure d'annulation (contestation des résiliations du bail devant l'autorité compétente), les effets du congé sont suspendus, ainsi le locataire n'est pas obligé de libérer les locaux, même si l'échéance de la résiliation est dépassée (ACPR/409/2022 du 10 juin 2022 consid. 2.4), à tout le moins jusqu'à l'entrée en force d'un jugement d'évacuation (ACPR/409/2022 du 10 juin 2022 consid. 2.5).

Une solution "extrajudiciaire" relève de la justice propre et est, partant, illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_807/2009 du 18 mars 2010 consid. 3.2.1).

2.7. 2.7.1. En l'espèce, l'Autorité de première instance a adopté une motivation succincte, mais suffisante, s'agissant des raisons pour lesquelles elle a refusé l'octroi de l'assistance juridique à la recourante.

En effet, elle a tout d'abord considéré que la recourante n'avait pas rendu vraisemblable l'existence d'un accord relatif à un terme contractuel du prêt à usage. Ensuite, les règles du bail n'étaient pas applicables par analogie au contrat de prêt à usage, de sorte qu'il n'incombait pas au prêteur de procéder par la voie judiciaire pour obtenir l'évacuation de la recourante. Enfin, au vu de la relation contractuelle entre la recourante et le prêteur, elle ne pouvait pas se prévaloir des règles relatives à la possession (usurpation/trouble), car elle avait vraisemblablement consenti à un tel trouble.

La recourante a donc été en mesure de comprendre cette décision et de l'attaquer.

Pour le surplus, l'Autorité de première instance est une juridiction civile, de sorte qu'elle n'avait pas à se déterminer sur les dispositions pénales invoquées par la recourante.

2.7.2 Afin de répondre plus précisément aux griefs de l'appelante, il convient de rappeler qu'elle ne remet pas en cause la conclusion d'un contrat de prêt à usage au sens des art. 305 et ss CO, avec raison, puisque le prêteur, en sa qualité de locataire d'un appartement, lui en a remis gratuitement l'usage.

S'agissant de la durée de ce contrat, elle n'a pas rendu vraisemblable que ce logement lui aurait été prêté jusqu'au terme de sa formation, respectivement jusqu'à l'obtention d'un emploi, en situant le terme du contrat entre fin août et fin septembre 2023. En tout état de cause, si le terme de sa formation aurait pu être déterminable, si elle avait fourni les pièces y relatives, il n'en va pas de même de l'obtention d'un travail, dont le terme est indéterminable.

L'engagement financier pris par le prêteur envers l'OCPM le 25 avril 2022 ne permet pas d'en déduire une quelconque durée pour le prêt à usage.

Enfin, s'il est vrai que le prêteur a mentionné l'art. 309 al. 2 CO dans ses écritures, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas admis une durée déterminée du prêt à usage. Au contraire, il a soutenu que le prêt était "conditionné (…) à une attitude respectueuse entre les parties et leur famille, dont la durée dépendait du contrat de bail conclu avec le propriétaire et de la relation entretenue entre les parties". Or, le contrat bail précité est venu à échéance le 30 août 2022, puis s'est renouvelé tacitement, devenant en principe un bail à durée indéterminée (cf. art. 266 al. 2 CO). Il n'existe dès lors aucun argument pour retenir la durée du contrat de prêt à usage jusqu'à fin août ou fin septembre 2023.

C'est, par conséquent, avec raison que l'Autorité de première instance a considéré que le contrat de prêt à usage avait été conclu pour une durée indéterminée et qu'en application de l'art. 310 CO, le prêteur pouvait mettre un terme audit contrat quand bon lui semblait, ce qu'il avait fait en le résiliant le 16 décembre 2022, puis en accordant à la recourante un délai convenable pour le libérer jusqu'au 11 janvier 2023, veille du changement de serrures annoncé.

La recourante ne se prévaut plus de la réintégrande, avec raison, puisqu'il n'y a pas eu d'acte d'usurpation de la part du prêteur, la situation de fait, au plan de la possession, n'ayant subi aucune modification.

Elle invoque en revanche l'action en cessation du trouble, dont les chances de succès paraissent extrêmement faibles, puisque le prêteur dispose d'une justification, tant sur la base du contrat, par la résiliation du contrat de prêt à usage, que de la loi (art. 310 CO).

De plus, une lecture a contrario de l'arrêt 5P.19/2006 du 20 mars 2006 consid. 2 permet de retenir que selon le Tribunal fédéral, le prêteur qui réclame la restitution de l'appartement conformément à la loi, est au bénéfice d'un droit préférable. Cela implique qu'il ait informé l'occupant(e) de sa volonté de mettre fin au prêt et lui a fixé un délai raisonnable pour restituer l'appartement, ce que le prêteur a fait in casu.

Enfin, l'action selon l'art. 28 CC ne paraît pas davantage fondée, puisque la recourante s'est bornée à invoquer "une atteinte à sa sphère privée", sans préciser lequel de ses droits de la personnalité serait menacé. En tout état de cause, le prêteur dispose également d'une justification sur la base d'un intérêt prépondérant privé, soit la résiliation du contrat de prêt, et de la loi (art. 310 CO).

En raison de l'obligation de la recourante de restituer l'appartement au prêteur, d'une part, et du droit préférable de celui-ci, d'autre part, les chances de succès de l'appel de la recourante du 11 avril 2023 paraissent faibles, ce que la vice-présidente du Tribunal civil a retenu avec raison.

Il n'en demeure pas moins que le prêteur ne paraît pas autorisé à reprendre par la force l'appartement en cause, quand bien même la recourante s'y oppose en violation de son obligation de restitution. Enfin, elle invoque les dispositions pénales relatives à la violation du domicile et à la contrainte devant une juridiction civile, qui n'a pas vocation à les appliquer.

Le recours, infondé, sera dès lors rejeté.

3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 26 juin 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/330/2023.

Préalablement :

Ordonne l'apport de la procédure au fond C/4______/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me E______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.