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Décisions | Assistance juridique

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AC/1011/2023

DAAJ/88/2023 du 11.09.2023 sur AJC/1918/2023 ( AJC ) , RENVOYE

Normes : Cst.29.al2; Cst.53
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1011/2023 DAAJ/88/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______,

représenté par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

 

contre la décision du 6 avril 2023 de la présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           A______ (ci-après : le recourant) et B______ sont actionnaires à parts égales de la société C______ SA.

B.            a. Le 29 mars 2023, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour intenter une action en carence dans l'organisation de la société anonyme sur la base de l'article 731b CO contre C______ SA auprès du Tribunal de première instance.

b. Le même jour, le recourant a déposé, auprès du Tribunal de première instance, une action en carence dans l'organisation de la société anonyme, concluant notamment à ce que le Tribunal nomme un administrateur unique en charge d'administrer C______ SA et dise que ledit administrateur unique sera nommé jusqu'à ce que l'actionnariat de C______ SA soit en mesure de désigner valablement le conseil d'administration de la société.

En substance, le recourant a exposé que C______ SA était actuellement dépourvue de conseil d'administration valablement composé, dès lors que la dernière assemblée générale s'était tenue le 21 décembre 2021 et qu'aucune décision quant à la réélection des membres du Conseil d'administration n'avait eu lieu depuis lors. En raison du conflit qui l'opposait à B______ – dont il contestait qu'il ait voix prépondérante à l'assemblée générale – la société était dans une situation de blocage qui l'empêchait d'élire les membres de son conseil d'administration.

C.           Par décision du 6 avril 2023, notifiée le 17 avril 2023, la présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause du recourant était dénuée de chances de succès.

En substance, cette décision retient qu'il n'existe aucune situation de blocage au sein de C______ SA, dès lors que le recourant et B______ avaient conclu un accord le 1er février 2018 aux termes duquel le premier avait accepté la prééminence décisionnelle du second dans leur relation d'actionnaires. Aussi, les chances de succès de l'action paraissaient faibles.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 27 avril 2023 à la présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'assistance juridique. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la présidence du Tribunal civil pour qu'une nouvelle décision soit prise après qu'il ait eu l'occasion de s'exprimer sur la question de l'accord du 1er février 2018.

Selon lui, pour lui refuser le bénéfice de l'assistance juridique, la vice-présidente du Tribunal se serait fondée sur l'accord conclu entre les actionnaires de C______ SA le 1er février 2018, ce qu'il ne pouvait pas anticiper puisque cet accord ne figurait pas au dossier de la présente procédure. S'il avait eu l'occasion de se prononcer sur cet accord, il aurait été en mesure d'expliquer pourquoi cet accord n'avait aucune pertinence dans le cadre de l'action en carence pour laquelle il requérait le bénéfice de l'assistance juridique. Il n'avait pas eu l'occasion d'alléguer des faits et des moyens de preuve en lien avec cet accord, ce qui aurait été susceptible d'être décisif. Son droit d'être entendu avait été violé.

Le recourant soutient également que son action en carence n'est pas dénuée de chance de succès car l'accord du 1er février 2018 ne serait qu'un précontrat, qu'il n'aurait en tout état pas été exécuté par B______ de sorte qu'il pouvait faire valoir l'exception fondée sur l'art. 82 CO, que la "prééminence décisionnelle" dont était question ne saurait inclure toute décision de l'assemblée générale, qu'en tout état cette clause, si elle devait être interprétée comme valant également pour la nomination du conseil d'administration, serait contraire au droit impératif, et que même à supposer qu'elle soit valable, elle n'influerait pas le résultat du vote de l'assemblée générale directement et n'éviterait donc pas une situation de blocage.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

c. La Cour a informé le recourant par avis du 8 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.2. Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, qui ont à cet égard la même portée, accorde aux parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit rendue, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos ainsi que de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une décision touchant leur situation juridique ne soit prise (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 135 II 286 consid. 5.1; 133 I 270 consid. 3.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b). En effet, le droit d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a; arrêt 4A_364/2015 du 13 avril 2016 consid. 2.2 non publié aux ATF 142 III 355). Le droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision ne soit prise s'applique sans restriction pour les questions de fait. En revanche, le juge n'a en principe pas à soumettre à la discussion des parties les principes juridiques sur lesquels il va fonder sa décision; exceptionnellement, il doit toutefois interpeller celles-ci lorsqu'il envisage de fonder son jugement sur une norme ou un motif juridique qui n'a jamais été évoqué au cours de la procédure et dont aucune des parties ne s'était prévalue, ni ne pouvait supputer la pertinence (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; 145 I 167 consid. 4.1; 130 III 35 consid. 5; 129 II 497 consid. 2.2; 124 I 49 consid. 3c; arrêts 4A_252/2021 du 6 octobre 2021 consid. 4.1; 4A_328/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2; 5A_585/2021 du 13 décembre 2021 consid. 3.1

Le droit d'être entendu - dont le respect doit être examiné en premier lieu - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2). Celle-ci peut toutefois, à titre exceptionnel, être réparée, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave et que la partie concernée ait la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 137 I 195 précité consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

2.3. Selon la jurisprudence, les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, peuvent être pris en considération même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante. Il s'agit de faits notoires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_610/2016 du 3 mai 2017, consid. 3.1).

3. En l'espèce, le premier juge s'est notamment fondé, pour évaluer les chances de succès de l'action judiciaire introduite par le recourant devant le juge civil, sur un accord conclu entre les parties le 1er février 2018. Il a retenu qu'au vu de cet accord, le recourant avait accepté la prééminence décisionnelle de B______ dans leur relation d'actionnaires, de sorte qu'il ne semblait pas exister de situation de blocage.

Quand bien même il s'agirait d'un fait notoire, ressortant d'une autre procédure opposant les mêmes parties, force est de constater que cet accord du 1er février 2018 ne figure pas au dossier de la procédure d'assistance juridique ni au dossier de la procédure principale pour laquelle l'assistance juridique a été sollicitée. La Cour de céans ignore donc tout de cette pièce et n'est par conséquent pas en mesure d'examiner la pertinence de cet accord sur les chances de succès de la demande en justice.

Par ailleurs, dans le cas d'espèce, il n'est pas manifeste que le recourant pouvait s'attendre à ce que ce document soit pris en considération pour statuer sur sa demande d'assistance juridique.

Le droit d'être entendu du recourant a donc été violé.

Il ne peut pas être réparé devant la présente juridiction, qui ne dispose pas du même pouvoir d'examen.

Partant, la cause sera renvoyée à la présidence du Tribunal civil, afin qu'elle statue à nouveau après avoir offert au recourant la possibilité de se déterminer sur la portée de l'accord qu'il a conclu le 1er février 2018.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, l'État de Genève sera condamné à verser au recourant 400 fr. à titre de dépens
(ATF 140 III 501 consid. 4).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 avril 2023 par A______ contre la décision rendue le 6 avril 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1011/2023.

Au fond :

Annule la décision entreprise et cela fait :

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Romanos SKANDAMIS (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.