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Décisions | Assistance juridique

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AC/3648/2022

DAAJ/64/2023 du 16.06.2023 sur AJC/1083/2023 ( AJC ) , ADMIS

Normes : CC.314.leta; CC.404; LaCC.5.letW; LaCC.90; RRC.9; RRC.10
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3648/2022 DAAJ/64/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DECISION DU VENDREDI 16 JUIN 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Maître A______, p.a. ______,

 

 

contre la décision du 27 février 2023 de la vice-présidence du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Par décision du 1er septembre 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) a désigné Me A______ (ci-après : le recourant), avocat, en qualité de curateur d'office de la mineure B______, en application des art. 314abis CC et 400 al. 1 CC, le mandat du curateur étant limité à la représentation de la personne concernée dans la procédure civile pendante devant cette autorité (cause C/16336/2020).

b. Par décision du 14 décembre 2020, le TPAE a relevé Me A______ de ses fonctions de curateur et l'a informé de ce qu'il transmettait son état de frais au service de l'assistance juridique aux fins de taxation.

c. Par décision d'indemnisation du 15 décembre 2022, le greffe de l'assistance juridique a arrêté les honoraires de Me A______ à 1'350 fr., courriers/téléphones compris, correspondant à 6h15 d'activité d'avocat au tarif horaire de chef d'étude, étant précisé que le greffe a décidé de ne pas rémunérer l'un des déplacements figurant dans la note de frais de l'avocat.

d. Par pli du 30 décembre 2022, Me A______ a sollicité, à titre principal, l'annulation de la décision d'indemnisation du 15 décembre 2022 et la transmission de son état de frais au TPAE afin qu'il arrête la rémunération qui lui est due pour son mandat de curateur d'office. Subsidiairement, il a demandé la modification de la décision du 15 décembre 2022 en tant qu'elle a écarté une partie des frais invoqués.

En substance, Me A______ a contesté tant la compétence du greffe de l'assistance juridique pour statuer en matière d'indemnisation des curateurs que son refus d'indemniser l'intégralité du temps de déplacement facturé.

B.            Par décision du 27 février 2023, notifiée le 2 mars suivant, la vice-présidence du Tribunal de première instance a rejeté la demande de reconsidération du recourant.

Il a notamment été retenu que quelle que soit l'autorité décisionnaire, les dispositions et directives édictées en matière d'assistance judiciaire ainsi que la pratique du greffe de l'assistance juridique étaient applicables, par analogie, à la rémunération des curateurs d'office désignés sur la base de l'art. 314abis CC, conformément à l'art. 21 al. 2 LaCC.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 mars 2023 à la Présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut, avec suite de frais, à ce que la décision de taxation du 15 décembre 2022 et la décision sur reconsidération rendue le 27 février 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance soient mises à néant, à ce qu'il soit constaté que la compétence pour arrêter définitivement sa rémunération pour son activité de curateur revient au TPAE et, cela fait, à ce que son état de frais soit transmis à cette autorité pour qu'elle fixe sa rémunération. Subsidiairement, il a requis l'annulation des décisions précitées et la fixation de sa rémunération au montant de 1'450 fr. pour son activité de curateur.

b. Dans ses observations du 28 mars 2023, la vice-présidence du Tribunal de première instance a conclu au rejet du recours, précisant notamment que le greffe de l'assistance juridique avait taxé l'état de frais de Me A______ dans le cadre de l'entraide juridictionnelle.

EN DROIT

1.             1.1. Les décisions de la vice-présidence du Tribunal de première instance en matière d'assistance judiciaire, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès du président de la Cour de justice (art. 121 CPC et 22 al. 2 LaCC), compétence déléguée à la vice-présidente soussignée (art. 29 al. 5 LOJ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_6/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

Le conseil juridique dispose à titre personnel d'un droit de recours au sujet de la rémunération équitable accordée (ATF 131 V 153 consid. 1).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi, contre une décision sur reconsidération rendue par la vice-présidence du Tribunal de première instance.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La question de la compétence pour fixer la rémunération du recourant pour son activité de curateur d'office est litigieuse.

2.1. Le juge examine d'office sa compétence à raison de la matière (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC).

La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).

Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision; de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 139 II 243 consid. 11.2; arrêt précité 2C_1031/2019 ibid.). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 143 III 495 consid. 2.2).

2.1.1. L'autorité de protection de l'enfant ordonne, si nécessaire, la représentation de l'enfant et désigne un curateur expérimenté en matière d'assistance et dans le domaine juridique (art. 314abis al. 1 CC).

D'après l'art. 404 CC, applicable par renvoi de l'art. 314 al. 1 CC, le curateur a droit à une rémunération appropriée et au remboursement des frais justifiés; ces sommes sont prélevées sur les biens de la personne concernée. S'il s'agit d'un curateur professionnel, elles échoient à son employeur (al. 1). L'autorité de protection de l'adulte fixe la rémunération. Elle tient compte en particulier de l'étendue et de la complexité des tâches confiées au curateur (al. 2). Les cantons édictent les dispositions d'exécution et règlent la rémunération et le remboursement des frais lorsque les sommes afférentes ne peuvent être prélevées sur les biens de la personne concernée (al. 3).

Aux termes de l'art. 5 let. w LaCC, dans les situations pouvant concerner des adultes ou des enfants, le juge du tribunal de protection est compétent pour fixer la rémunération du curateur ou du tuteur (art. 404 al. 2 CC).

Le Tribunal de protection arrête la rémunération du curateur et le remboursement de ses frais, dans les limites fixées par le règlement du Conseil d'Etat; le règlement du Conseil d'Etat définit également les principes de la rémunération et du remboursement des frais du curateur des personnes protégées indigentes (art. 90 al. 1 et 2 LaCC).

Lorsque la rémunération est due par la personne bénéficiant de la mesure de curatelle, le règlement fixant la rémunération des curateurs du 27 février 2013 (RS/GE E1 05.15, ci-après : RRC) soumet la rémunération d'un curateur privé professionnel à des tarifs horaires spécifiques suivant l'activité exercée par le curateur et sa formation (cf. art. 9 al. 2 RRC). Lorsque la rémunération est à la charge de l'état, l'art. 10 al. 4 RRC prévoit que pour les avocats et les avocats stagiaires désignés curateurs de représentation dans des procédures civiles, pénales ou en protection de l'adulte et de l'enfant, le tribunal (de protection de l'adulte et de l'enfant) applique le tarif horaire du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010. La rémunération est définitivement arrêtée par le tribunal sur la base d'un décompte détaillé qui précise la nature de l'activité déployée et le temps consacré (art. 10 al. 5 RRC).

2.1.2. D'après l'art. 21 LaCC, le président du Tribunal civil est l'autorité compétente pour statuer en matière d'assistance judiciaire (al. 1); les dispositions sur l'assistance judiciaire s'appliquent par analogie au curateur désigné en vertu des articles 314a bis et 449a CC ou 299 CPC (al. 2); le président de la Cour de justice est l'autorité compétente pour connaître des recours (al. 3) et les dispositions réglementaires édictées par le Conseil d'Etat en matière d'assistance juridique s'appliquent pour le surplus (al. 4).

Aux termes de l'art. 1 al. 1 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ – RS/GE E 2 05.04), le président du Tribunal civil est l'autorité compétente pour rendre les décisions prévues par ledit règlement, sauf exception prévue expressément. Il est secondé par le greffe de l'assistance juridique (art. 1 al. 2 RAJ). Le président de la Cour de justice est compétent pour connaître des recours (art. 1 al. 3 RAJ).

Selon l'art. 18 RAJ, la décision de taxation est rendue par le greffe (al. 1); la décision indique le nombre d'heures et le barème retenus. Elle peut faire l'objet d'une demande de reconsidération auprès du président du Tribunal civil dans les 10 jours dès sa notification (al. 2).

2.2. En l'occurrence, au vu des règles rappelées ci-dessus, seul le TPAE était compétent pour statuer sur la rémunération due au curateur qu'elle a nommé sur la base de l'art. 314abis CC.

Aucune disposition d'exécution du code civil ne prévoit une délégation de compétence en faveur du greffe de l'assistance juridique ou de la vice-présidence du Tribunal civil (ou une possibilité de recourir à l'entraide juridictionnelle). En particulier, la formulation de l'art. 21 al. 2 LaCC, qui dispose que les règles sur l'assistance judiciaire s'appliquent par analogie au curateur désigné en vertu des art. 314abis CC, ne peut être compris comme une dérogation aux art. 5 let. w et 90 LaCC, qui fixent très clairement la compétence du TPAE pour arrêter la rémunération du curateur qu'elle a désigné.

L'application par analogie des règles relatives à l'assistance judiciaire ne porte dès lors que sur le tarif horaire applicable au curateur dans certaines situations, tel que cela est précisé à l'art. 10 al. 4 RRC.

Il convient dès lors de constater la nullité de la décision rendue par la vice-présidence du Tribunal de première instance le 27 février 2023 ainsi que la nullité de la décision de taxation rendue par le greffe de l'assistance juridique le 15 décembre 2022.

Dans la mesure où le recourant avait remis sa note de frais à l'autorité compétente, soit au TPAE, la cause sera retournée à cette autorité pour qu'elle fixe la rémunération due à l'intéressé.

Le recours sera dès lors admis et il sera statué en ce sens.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 27 février 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance dans la cause AC/3648/2022.

Au fond :

Constate la nullité de la décision attaquée ainsi que la nullité de la décision de taxation rendue par le greffe de l'assistance juridique le 15 décembre 2022.

Retourne la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant afin qu'il arrête la rémunération due à Me A______ pour son activité de curateur.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC
et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.