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Décisions | Assistance juridique

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AC/2105/2022

DAAJ/50/2023 du 30.05.2023 sur AJC/1072/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2105/2022 DAAJ/50/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 30 MAI 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______,

représenté par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 28 février 2023 de la vice-présidente du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. Par décision du 28 octobre 2022, la vice-présidente du Tribunal de première instance a admis A______ (ci-après : le recourant) au bénéfice de l'assistance judiciaire pour une action en mesures protectrices de l'union conjugale et commis à cette fin Me C______.

b. Par courriel du 16 décembre 2022, le recourant, après avoir indiqué à son conseil avoir tenté de le joindre par deux fois dans la journée sans que personne ne lui réponde, l'a prié de lui restituer immédiatement son dossier complet, le remerciant de ses efforts passés. Il a indiqué avoir reçu une convocation de la part du Service de protection des mineurs, du Tribunal de première instance et de Me D______, mais que Me C______ "n'apparaissait nulle part". Il révoquait donc "le mandat de confiance qu'il avait signé avec lui".

c. Par courrier du 23 décembre 2022 adressé au greffe de l'Assistance juridique, Me C______ a sollicité son relief, expliquant en substance que la communication avec son mandant était extrêmement compliquée et confuse au point de ne pas être en mesure de constituer un dossier adéquat pour introduire une action en justice. Par ailleurs, il était régulièrement sollicité sur des questions relatives à des procédures connexes, lesquelles sortaient du cadre de la couverture octroyée. Au fil des mois, le lien de confiance réciproque s'était irrémédiablement détérioré, ce qui avait conduit son mandant à résilier le mandat, par courriel du 16 décembre 2023, décision à laquelle il adhérait.

d. Par courrier du 26 décembre 2022 adressé au greffe de l'Assistance juridique, le recourant a, de son côté, sollicité un changement d'avocat, reprochant à son conseil de se désintéresser du mandat qui lui avait été confié. Selon lui, Me C______ n'avait pas formulé le moindre avis, tant auprès du conseil adverse que par-devant le Tribunal, dans la procédure d'exécution du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 15 février 2021 entamée récemment à son encontre par son épouse, et qu'il n'avait pas non plus agi dans le cadre de la cause pendante par-devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant qui l'opposait à son épouse au sujet de leur fille mineure E______ et de leurs enfants majeurs. Pour cette raison, il avait révoqué le 16 décembre 2022 Me C______ de tous les mandats le concernant et avait aussitôt récupéré ses dossiers. Il a demandé que Me B______ soit commis pour sa défense pour les différentes procédures l'opposant à son épouse.

e. Par pli du 4 janvier 2023, le greffe de l'Assistance juridique a renvoyé Me C______ à adresser sa demande de relief auprès de la Commission du barreau, autorité compétente en la matière vis-à-vis des avocats.

f. Par courrier du 17 janvier 2023 adressé au greffe de l'Assistance juridique, Me B______ a exposé avoir été consulté par le recourant et a sollicité sa nomination d'office pour introduire une requête de mesures protectrices de l'union conjugale pour le compte de ce dernier, plaidant que la situation semblait passablement urgente.

g. Par pli du 24 janvier 2023 adressé au recourant, le greffe de l'Assistance juridique a attiré son attention sur le fait que tout changement d'avocat devait être fondé sur de justes motifs et soumis à approbation, et que si les conditions du changement de mandataire n'étaient pas réalisées, il lui appartiendrait de rémunérer son nouveau conseil par ses propres moyens.

Le recourant a accusé réception de ce courrier le 3 février 2023 et s'est référé à son courrier du 27 (sic) décembre 2022 s'agissant des motifs qu'il avait à faire valoir.

h. Par courrier du 1er février 2023, Me B______ a informé le greffe de l'Assistance juridique avoir déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale pour le compte du recourant.

i. Le 2 février 2023, le greffe de l'Assistance juridique a imparti à Me C______ un délai au 13 février 2023 afin qu'il fasse part de ses observations quant aux griefs invoqués à son encontre par son mandant.

j. Par pli du 13 février 2023, Me C______ a contesté l'intégralité des griefs invoqués à son encontre par son mandant, réitérant au surplus les éléments dont il avait d'ores et déjà fait part dans son courrier du 23 décembre 2022.

B.            Par décision du 28 février 2023, reçue par le recourant le 6 mars 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a refusé le changement de conseil juridique.

Selon cette décision, les conditions posées par l'art. 14 RAJ n'étaient pas réalisées dès lors qu'aucun juste motif de changement d'avocat n'avait été démontré. Si le recourant était en droit d'attendre des conseils généraux de la part de son avocat sur sa situation juridique dans son ensemble, il ne pouvait exiger de lui des interventions concrètes dans le cadre de procédures parallèles pour lesquelles il n'avait pas été commis d'office à la défense de ses intérêts. En outre, l'attitude de Me C______ consistant à circonscrire tant que possible son intervention à la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale pour laquelle il avait été nommé apparaissait justifiée. Le travail accompli par Me C______ jusqu'alors n'appelait pas à la critique. Aussi, le grief du recourant consistant à reprocher, sans consistance, à son conseil de s'être désintéressé de son affaire ne suffisait pas à constituer un motif objectif justifiant un changement d'avocat.

Dans la mesure où le mandat de Me C______ avait déjà été résilié par le recourant et que celui-ci avait déjà récupéré son dossier et mandaté Me B______ dans l'intervalle, Me C______ n'était plus en mesure de poursuivre son mandat et serait dès lors relevé de ses fonctions, le recourant devant ainsi rémunérer son nouveau conseil au moyen de ses propres deniers, les frais judiciaires demeurant toutefois couverts.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 10 mars 2023 à la présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à ce que la décision du 28 février 2023 soit annulée et à ce que la Cour, statuant à nouveau, désigne Me B______ en qualité d'avocat d'office en lieu et place de Me C______ avec effet au 17 janvier 2023, avec suite de frais et dépens, lesquels s'élevaient à 600 fr. Subsidiairement, il conclut à ce que la décision querellée soit annulée et à ce que la procédure soit renvoyée au Service de l'assistance juridique pour nouvelle décision.

Il fait valoir que l'analyse du premier juge ne résistait pas à un examen, même rapide, du dossier. Les deux parties, à savoir Me C______ et lui-même étaient d'accord pour dire que le lien de confiance avait été irrémédiablement rompu de sorte que faute de changement de défenseur d'office il n'aurait pas pu déposer l'action envisagée, laquelle était de nature urgente, raison pour laquelle la demande de mesures protectrices de l'union conjugale avait été déposée même si aucune décision n'avait été encore rendue par l'Assistance juridique s'agissant du relief de Me C______. Ce dernier avait d'ailleurs expressément indiqué ne pas être en mesure de déposer cette requête.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'elle refuse un changement d'avocat, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours, son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Le recourant reproche au premier juge d'avoir considéré que les conditions de l'art. 14 RAJ n'étaient pas remplies.

2.1. 2.1.1 Le mandat d'office constitue une relation tripartite dans laquelle l'Etat confère au conseil d'office la mission de défendre les intérêts du justiciable démuni, lui conférant une sorte de mandat en faveur d'un tiers. Le conseil juridique commis d'office n'exerce pas un mandat privé, mais accomplit une tâche de droit public, à laquelle il ne peut se soustraire et qui lui confère une prétention de droit public à être rémunéré équitablement. En dépit de ce rapport particulier avec l'Etat, il n'est obligé que par les intérêts de l'assisté, dans les limites toutefois de la loi et des règles de sa profession. Sous cet angle, son activité ne se distingue pas de celle d'un mandataire de choix. Si le conseil d'office fournit ses prestations en premier lieu dans l'intérêt du bénéficiaire de l'assistance judiciaire, il le fait toutefois aussi dans l'intérêt de l'Etat. Sa désignation ne concrétise pas seulement un droit constitutionnel du justiciable. Elle est aussi le moyen pour l'Etat d'assurer l'égalité de traitement et la garantie d'un procès équitable et d'accomplir ses obligations d'assistance. C'est à cet effet que l'Etat désigne le conseil juridique d'office et il est seul compétent pour le délier de cette fonction (ATF 141 III 560 consid. 3.2.2). Il n'existe pas, dans le cadre de l'assistance judiciaire, un droit au libre choix de son mandataire (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2017 du 23 août 2017 consid. 7.1).

2.1.2 Selon l'art. 14 al. 1 RAJ, le relief d'une nomination, avec ou sans nomination d'un nouvel avocat, n'est accordé ou ordonné d'office que pour de justes motifs, tels la rupture de la relation de confiance (let. c). Tel est également le cas si l'avocat désigné ne peut pas défendre efficacement les intérêts de son client, par exemple en cas de conflit d'intérêts ou de carences manifestes (ATF 139 IV 113 consid. 1.1, 135 I 261 consid. 1.2, arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). Le simple fait que la partie assistée n'ait pas confiance dans son conseil d'office, ne l'apprécie pas ou doute de ses capacités ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement, lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4, 114 Ia 101 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1).

Un changement d'avocat d'office ne peut ainsi intervenir que pour des raisons objectives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_715/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1). On est en effet en droit d'attendre de celui qui est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite qu'il fasse preuve de bonne volonté et collabore de manière constructive avec son défenseur d'office, lequel ne saurait être qu'un simple porte-parole de son mandant (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/bb, in JdT 1992 IV 186; arrêts du Tribunal fédéral 1B_16/2018 du 26 juin 2018 consid. 2.2 et 5A_643/2010 du 11 janvier 2011 consid. 4.3).

Il ne saurait être toléré qu'un justiciable mis au bénéfice de l'assistance juridique et désireux de changer d'avocat place l'autorité devant le fait accompli en procédant audit changement sans autorisation, et tente de contraindre l'autorité à accéder à sa requête en empêchant, de fait, le conseil juridique nommé d'office de continuer à le défendre. En procédant de la sorte, le justiciable démuni s'expose à devoir s'acquitter seul des honoraires de son nouvel avocat, l'autorité pouvant relever le précédent conseil d'office de ses fonctions, sans en nommer de nouveau (DAAJ/3/2022 du 13 janvier 2022 consid. 3.1, DAAJ/130/2017 du 8 décembre 2017 consid. 3.4).

2.2 En l'espèce, outre que devant le premier juge le recourant n'a pas reproché à Me C______ d'avoir tardé à déposer une requête en mesures protectrices de l'union conjugale, ce dernier n'a pas été en mesure de le faire compte tenu d'une mauvaise communication avec le recourant. Le recourant n'a de plus pas rendu vraisemblable qu'il y aurait eu urgence à déposer une telle requête.

En outre, même si C______ a considéré que le lien de confiance avec le recourant était rompu, il était conscient de devoir continuer à assurer le mandat que lui avait confié l'Assistance juridique. Ce n'est que parce que le recourant a pris la décision unilatérale de changer de mandataire, sans en demander préalablement l'autorisation, mettant ainsi l'autorité de première instance devant le fait accompli, que Me C______ a été contraint d'informer l'Assistance juridique de la situation et de constater qu'il n'était plus à même de mener à bien son mandat.

Il importe peu à cet égard que Me C______ ait indiqué, le 23 décembre 2022, que "le lien de confiance réciproque s'était irrémédiablement détérioré" dès lors que c'est le comportement du recourant, qui n'arrivait pas à comprendre que Me C______ n'avait pas été commis pour le défendre dans toutes les procédures dont il faisait l'objet, qui a précipité le terme du mandat en exigeant la restitution de son dossier auprès de son conseil le 16 décembre 2022. Il a ainsi empêché l'avocat nommé d'office de poursuivre efficacement son mandat, de sorte que la vice-présidence du Tribunal civil, en application de la jurisprudence de la Cour de céans, a refusé avec raison le changement d'avocat et indiqué au recourant qu'il lui incombait de rémunérer son nouveau conseil de choix au moyen de ses propres deniers.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.  Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 10 mars 2023 par A______ contre la décision rendue le 28 février 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2105/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.