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Décisions | Chambre civile

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C/12863/2022

ACJC/903/2025 du 03.07.2025 sur JTPI/7914/2024 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 08.09.2025, 4A_428/2025
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12863/2022 ACJC/903/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 3 JUILLET 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 juin 2024, et intimée sur appel joint, représentée par Me Charles PIGUET, avocat, Green Avocats, rue Ferdinand-Hodler 9, 1207 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me Bastien GEIGER, avocat, Woodtli Lévy Brutsch & Geiger, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7914/2024 du 20 juin 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné B______ à verser à A______ le montant de 7'000 fr. (ch. 1 du dispositif du jugement), a arrêté les frais judiciaires à 8'600 fr. (ch. 2), les a compensés à hauteur de 1'600 fr. avec l'avance de frais effectuée par B______ (ch. 3), les a mis à la charge de A______ à hauteur de 7'000 fr. et de B______ à hauteur de 1'600 fr. (ch. 4), condamné A______ à verser à l'État de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, le montant de 7'000 fr. dès qu'elle serait en mesure de le faire (art. 123 CPC) (ch. 5), condamné A______ à verser le montant de 6'000 fr. TTC à B______ à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

En substance, le Tribunal a retenu que B______ avait, lors d'une rixe intervenue le 18 juin 2016, commis un acte illicite en donnant un coup de pied dans le genou droit de A______, occasionnant à cette dernière des lésions corporelles. A______ n'avait pas subi de perte de gain en lien avec cet acte, ayant continué de percevoir son salaire ou des indemnités. En revanche, elle avait subi un préjudice ménager. Elle vivait encore chez ses parents mais participait aux tâches ménagères de la famille. Sa mère avait déclaré qu'en 2016 sa fille l'avait beaucoup aidée pour le ménage, mais qu'après l'incident du mois de juin 2016 elle ne pouvait plus participer aux tâches ménagères car elle se déplaçait à l'aide de béquilles. Le Tribunal a retenu que la participation de A______ aux tâches ménagères pouvait être estimée à 5 à 6 heures par semaine, indemnisée à 30 fr. de l'heure, ce qui lui donnait droit à une indemnité de 7'000 fr. pour la période du 19 juin 2016 au 6 mai 2017 durant laquelle elle avait été en incapacité de travail. Aucun dommage ménager ne pouvait être retenu pour la période postérieure au 6 mai 2017 dès lors qu'il n'avait pas été établi que les lésions subséquentes de A______ étaient dues au coup donné dans son genou par B______.

B. a. Par acte déposé le 26 août 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'elle a reçu le 24 juin 2024. Elle a conclu à l'annulation de cette décision et, cela fait, à ce que B______ soit condamnée à lui verser 19'515 fr. 05 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2017 (date moyenne) ainsi que 15'364 fr. 45 dès le 1er juillet 2022 et condamnée à un tiers des frais judicaires et dépens de première instance ainsi qu'en tous les frais judiciaires et dépens d'appel.

A______ a précisé que son appel portait uniquement sur les prétentions liées au dommage ménager (actuel et futur).

b. Dans sa réponse du 23 octobre 2024, B______ a conclu à la confirmation du jugement.

Elle a simultanément formé un appel joint, concluant à l'annulation du jugement et au rejet de la demande, sous suite de frais judiciaires et dépens des deux instances.

c. Dans sa réponse à l'appel joint du 11 décembre 2024, A______ a conclu à son rejet.

d. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

e. Par plis du greffe du 15 mai 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure, étant rappelé que seule l'indemnisation d'un préjudice ménager est remise en cause par les parties devant la Cour :

a. Le 18 juin 2016, A______, née le ______ 1988, et sa sœur, C______, rentraient à leur domicile, lorsqu'elles ont croisé B______ et son époux, D______.

Une altercation a éclaté entre les intéressés, lors de laquelle B______ a donné un coup de pied dans le genou droit de A______.

b. Un constat médical établi le 18 juin 2016 a notamment fait état d'une tuméfaction du genou droit de A______ et d'une flexion dudit genou très algique [relatif à la douleur physique].

c. Un examen radiographique réalisé le lendemain a permis d'écarter toute lésion osseuse traumatique chez A______. Une ostéophytose [formation d'excroissances osseuses] du pôle supérieur de la rotule a été relevée.

d. Une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) réalisée le 22 juillet 2016 a révélé une rupture subtotale du ligament croisé antérieur, une fracture impaction du condyle fémoral externe, une contusion osseuse post-traumatique du versant inféro-interne du condyle fémoral interne, une fracture impaction du versant postérieur du plateau tibial externe, une hétérogénéité de la jonction ménisco-capsulaire postéro-interne sans disjonction ménisco-capsulaire et une intégrité du ménisque externe et interne. Une érosion superficielle du cartilage de la facette rotulienne externe a également été observée.

e. Le 10 novembre 2016, le Dr E______ a pratiqué une ligamentoplastie du genou droit de A______ afin de remédier à la rupture de son ligament croisé antérieur.

Il résulte du rapport opératoire que le ligament croisé antérieur était rupturé au plafond. En revanche, aucune lésion cartilagineuse des "trois compartiments" du genou n'a été observée.

f. A______ se plaignant d'une persistance des blocages de son genou droit, la société d'assurance F______ a demandé au Dr G______ de l'examiner.

Dans son rapport du 21 septembre 2017, le Dr G______ a notamment indiqué qu'à l'exception du genou droit, les autres contusions dont avaient souffert A______ avaient guéri sans séquelle.

Il a rapporté que le 7 mai 2017, au cours d'une séance de rééducation, la patiente marchait dans les escaliers, lorsque son genou droit avait présenté un brusque lâchage avec torsion. Cet événement n'avait pas provoqué de chute car la patiente avait pu se rattraper à la rampe, mais durant les dix jours qui avaient suivi, A______ avait dû marcher avec des cannes anglaises avant que la situation ne se normalise.

Une IRM de contrôle effectuée le 29 mai 2017 avait conclu à l'intégrité de la plastie ligamentaire du ligament croisé antérieur et à l'intégrité des ligaments collatéraux. La présence d'une ulcération de 6mm [perte de cartilage] mettant à nu l'os sous-chondral sur le versant postéro-interne de condyle fémoral interne, avec un œdème sous-chondrial avait été observée ainsi que la présence d'un corps libre ostéo-cartilagineux [un fragment d'os et de cartilage qui se détache d'une articulation et se retrouve flottant dans l'espace articulaire] correspondant probablement à cette région.

Le 26 juin 2017, le Dr E______ avait procédé à l'ablation du corps libre (souris articulaire). Le protocole opératoire faisait état d'une lésion cartilagineuse du condyle interne, sans autre lésion associée et sans lésion méniscale.

Un nouvel IRM effectué le 24 août 2017 avait mis en évidence une calcification en regard du pôle postérieur du condyle fémoral interne et en profondeur du ligament poplité. Le ménisque interne, le ménisque externe et les cartilages ont été décrits comme intègres.

Aucune lésion nette de la partie postérieure du ménisque interne n'avait été objectivée après l'événement du 18 juin 2016. Une telle lésion était toutefois relativement fréquente lors de la rupture du ligament croisé antérieur. Selon le Dr G______, l'hétérogénéité de la jonction ménisco-capsulaire postéro interne révélée lors de l'IRM effectué le 22 juillet 2016 reflétait déjà une probable lésion, soit de l'insertion capsulaire, voire du ligament manisco-tibial de la corne postérieure du ménisque interne, mais l'IRM restait un examen insuffisant pour détecter formellement ce type de lésion. L'examen qu'il avait lui-même effectué faisait suspecter la présence d'une lésion de la corne postérieure du ménisque interne, lésion fréquemment associée à la rupture du ligament croisé antérieur, mais des examens supplémentaires devaient être effectués pour le confirmer.

L'événement survenu le 18 juin 2016 était responsable de la rupture du ligament croisé antérieur du genou droit et était très probablement la seule cause de la persistance des troubles du genou droit de A______. Il ne s'agissait pas de l'aggravation d'un état préexistant. L'événement du 7 mai 2017 pouvait toutefois avoir joué un rôle complémentaire dans l'instabilité suspectée de la partie de la corne postérieure du ménisque interne. La souris articulaire avait pu se détacher à la suite de la fracture postérieure originale, voire être une réaction sous forme d'une calcification que l'on pouvait observer en post-opératoire.

Selon le Dr G______, l'état de santé de A______ pouvait s'améliorer. Elle ne présentait aucune incapacité de travail dans la profession de caissière auxiliaire, ni dans la profession d'assistance administrative. Elle ne pouvait pas soulever, ni porter des charges en montant/descendant des escaliers, voire des échelles et devait éviter de s'accroupir et effectuer des activités en pivot.

En raison des examens proposés, il était trop tôt pour apprécier le taux d'atteinte à l'intégrité. La survenance d'une arthrose, avec une discrète instabilité résiduelle, au niveau du genou droit restait une évolution possible qui pourrait donner un taux d'atteinte à l'intégrité d'environ 10%.

g. Un arthroscanner du genou de A______, effectué le 31 octobre 2017, a révélé que la plastie du ligament croisé antérieur était bien positionnée en continuité d'allure homogène. Il n'y avait pas de complication au niveau des tunnels de forage et une intégrité des ménisques interne et externe. Le cartilage était d'aspect régulier dans les différents compartiments du genou. En revanche, il y avait une enthésopathie ossifiée [affection qui touche les points de jonction où les tendons et les ligaments se fixent aux os] au pôle supérieur de la rotule.

h. En date du 6 juin 2018, une troisième intervention chirurgicale a été pratiquée sur le genou de A______ par le médecin H______ du service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux Universitaires de Genève, lequel a réalisé une résection de corps libre [retrait de fragment de cartilage ou d'os détachés] en postéro-interne, ainsi qu'une suture du ménisque interne.

i. Les douleurs au genou de A______ persistant, la F______ a demandé au Centre d'Expertises Médicales (ci-après : CEM) d'établir un rapport.

Dans le cadre d'une expertise pluridisciplinaire réalisée les 10 et 17 janvier 2019, les experts ont considéré que l'événement du 18 juin 2016 était la seule et unique cause des troubles actuels de A______ et non d'une aggravation d'un état préexistant.

Au jour de l'expertise, l'évolution du genou de A______ était favorable. Il était bien stabilisé, il n'y avait pas d'épanchement, la mobilité était subtotale, avec une persistance de douleurs de l'interligne interne à la palpation, plutôt en traction qu'en compression. Les radiographies montraient un début d'arthrose [détérioration du cartilage] du compartiment interne.

Les douleurs internes ressenties par A______ étaient liées à la suture méniscale interne récente, probablement à un début d'arthrose post-traumatique. Les lésions orthopédiques du genou droit étaient clairement somatiques [physiques], même si l'aspect objectif de ce genou droit pouvait montrer qu'il y a une surcharge psychologique empêchant certaines activités que l'intéressée devrait pouvoir faire sur le plan orthopédique pur. Il était assez raisonnable de penser que l'intéressée pouvait présenter des douleurs à l'effort, mais il semblait que celles-ci étaient un peu sur-interprétées.

Sur le plan fonctionnel, A______ était en mesure d'exercer les activités quotidiennes à son rythme. Professionnellement, elle pouvait travailler en évitant toutefois des métiers avec des ports de charges dans des escaliers ou sur des échelles et elle ne pourrait pas exercer d'activité qui pourrait se dérouler accroupie ou à genoux (puéricultrice par exemple), les accroupissements étant délétères à l'évolution de son genou droit.

Selon les experts, le pronostic d'un genou qui a subi une plastie du ligament croisé antérieur, même stabilisant bien le genou, n'était pas le même que celui d'un genou sain, une gonarthrose [maladie dégénérative de l'articulation du genou caractérisée par une usure progressive du cartilage et une inflammation] prématurée étant à craindre à moyen ou long terme. Elle existait déjà de façon modérée et était très clairement susceptible de s'aggraver. La rapidité de cette aggravation dans le temps était difficile à évaluer, mais cela pouvait conduire à une arthrose sévère justifiant une prothèse au genou, soit une incapacité de 30%.

Dans le cadre de cette expertise, A______ a notamment indiqué aux experts, s'agissant de ses activités quotidiennes, toujours habiter chez ses parents, se réveiller entre 8h et 9h, rester le plus souvent à son domicile à naviguer sur son ordinateur la matinée. L'après-midi, elle restait aussi chez elle, faisait un peu d'administratif et le ménage dans sa chambre, aidant parfois ses parents lorsqu'ils la sollicitaient.

j. A______ a été déclarée en incapacité de travail à 100 % entre le 19 et le 27 juin 2016, à 50 % entre le 8 août et le 21 août 2016, à 100 % entre le 22 août 2016 et le 18 octobre 2017, ainsi qu'à 100 % entre le 6 juin et le 6 juillet 2018.

k. Par ordonnance pénale du 5 décembre 2019, le Ministère public a déclaré B______ coupable de lésions corporelles simples et de rixe.

Il résulte de cette ordonnance que B______, forte de son expérience de dix ans de karaté, avait asséné un coup de pied dans le genou droit de A______, lui causant une déchirure ligamentaire qui avait rendu nécessaires trois interventions chirurgicales.

Quand bien même les déclarations des parties apparaissaient contradictoires quant à la responsabilité du début de l'altercation et quant à la portée de leurs gestes respectifs, qu'ils qualifiaient tous de défensifs, il n'en demeurait pas moins qu'ils avaient tous interagi les uns avec les autres en faisant montre de part et d'autre d'agressivité verbale ainsi que de gestes violents, dont on ne pouvait guère distinguer de manière systématique les auteurs directs, en particulier s'agissant des griffures au visage de B______. Il était impossible d'imputer à A______ la responsabilité du commencement de l'altercation et il n'était pas permis d'exclure que B______ avait eu des gestes ayant excédé des actes de pure défense.

l. A______, C______ et D______ ont également fait l'objet d'ordonnances pénales rendue par le Ministère public le 5 décembre 2019.

m. Les intéressés ont tous formé opposition aux ordonnances de condamnation rendues par le Ministère public.

n. Par jugement du Tribunal de police du 1er février 2022, B______ a été reconnue coupable de lésions corporelles simples et de rixe. Elle a été condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 50 fr. le jour, assortie du sursis, le délai d'épreuve étant fixé à deux ans, ainsi qu'au paiement en faveur de A______ de 3'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 18 juin 2016 à titre de réparation du tort moral.

D______, C______ et A______ ont également été reconnus coupables de rixe. Cette dernière a été exemptée de peine en application de l'art. 54 CP.

D. a. Par demande formée le 4 juillet 2022, déclarée non conciliée le 17 octobre 2022 et introduite le 19 octobre 2022, A______ a conclu à ce que B______ soit condamnée à lui verser les montants de 113'964 fr. avec intérêts à 5 % dès le 18 juin 2016 correspondant à sa perte de gain pour les périodes du 18 juin 2016 au 2 septembre 2016 et du 1er février 2017 au 30 juin 2019, de 20'511 fr. 60 avec intérêts à 5 % dès le 1er décembre 2017 pour son dommage ménager du 19 juin 2016 au 30 juin 2022 et de 51'214 fr. 80 avec intérêts à 5 % dès le 1er juillet 2022 pour son dommage ménager capitalisé dès le 1er juillet 2022.

S'agissant du dommage ménager, elle a allégué qu'avant le 18 juin 2016 elle participait de manière importante aux tâches ménagères du domicile familial, y consacrant vingt heures par semaine, à savoir six heures pour préparer les repas, quatre heures pour laver la vaisselle, la ranger et mettre la table, deux heures pour faire les courses, quatre heures pour faire le ménage, les lits et pour ranger, entre autres, ainsi que quatre heures consacrées à des travaux administratifs.

Entre le 19 et le 27 juin 2016, elle avait dû rester alitée, ce qui l'avait fortement impactée dans ses tâches ménagères. Ensuite, entre le 28 juin et le 21 août 2016, elle avait réussi à se charger de la moitié des tâches ménagères qu'elle réalisait avant son agression. Entre le 22 août et le 9 novembre 2016, malgré une incapacité de travail totale, elle avait pu participer à la tenue du ménage à hauteur de 14 heures par semaine. Après la ligamentoplastie du 10 novembre 2016, elle avait été contrainte de demeurer alitée ou, à tout le moins, de ne se déplacer qu'un strict minimum et ce, jusqu'au 4 décembre 2016. Dès le 5 décembre 2016, elle avait été en mesure d'effectuer la moitié des tâches ménagères qu'elle réalisait avant son agression puis, à compter du 8 mars 2017, sa capacité à s'occuper de la tenue du domicile familial avait augmenté à 80 %. Sa chute du 7 mai 2017 l'avait toutefois à nouveau rendue incapable d'effectuer la moindre tâche ménagère, jusqu'au 26 juillet 2017, compte tenu notamment de la réalisation de la deuxième opération le 26 juin 2017. À compter du 27 juillet 2017, elle avait récupéré la moitié de sa capacité à effectuer des tâches ménagères, dite capacité augmentant à 80 % dès le 28 août 2017. L'opération subie le 6 juin 2018 l'avait ensuite à nouveau contrainte à demeurer alitée la majorité du temps et ce n'était que dès le 7 juillet 2018 qu'elle avait recommencé à exercer des tâches ménagères à hauteur de 50 %, ce qui correspondait à dix heures par semaine. Sa capacité à participer à la tenue du ménage avait ensuite atteint 90 % à compter du 9 août 2018 et était demeurée inchangée depuis lors.

Il convenait également de tenir compte d'une incapacité ménagère résiduelle de 10% durant toute sa vie, au motif qu'elle ressentait toujours des douleurs au niveau de son genou droit, qu'elle souffrait d'une gonarthrose post-traumatique, que dite affection était susceptible de s'aggraver et que, si tel devait être le cas, il faudrait poser une prothèse du genou, ce qui la limiterait dans l'exercice de ses tâches ménagères quotidiennes.

b. Dans sa réponse du 20 janvier 2023, B______ a conclu au rejet de la demande, avec suite de frais.

Elle a contesté que A______ participait aux tâches ménagères et fait valoir qu'en tout état il devait être tenu compte de la faute concomitante de celle-ci, qui avait fait débuter la rixe, et ainsi réduire le montant de l'indemnité. Elle a également allégué que la chute du 7 mai 2017, qui était sans lien avec les événements du 18 juin 2016, avait eu pour conséquence d'aggraver les lésions de A______, ce qui ne pouvait pas lui être imputé.

c. Lors de son audition par le Tribunal le 30 mai 2023, A______ a expliqué qu'elle vivait chez ses parents, avec son frère et sa sœur. Ils habitaient un appartement de six pièces comportant une cuisine, un salon et quatre chambres. Avant le 18 juin 2016, elle partageait les tâches ménagères avec sa mère et sa sœur, son frère s'occupant surtout de sa chambre.

A ce jour, elle marchait sans problèmes mais avait très mal au genou lors de changements météorologiques et elle n'était pas en mesure de se mettre à genoux.

d. Lors de son audition par le Tribunal, la mère de A______, I______, a exposé qu'avant l'altercation, sa fille l'aidait beaucoup pour le ménage. Par la suite, elle n'avait plus pu participer aux tâches ménagères car elle avait besoin de béquilles.

e. Entendu par le Tribunal le 30 janvier 2024, le Dr E______ a notamment déclaré avoir vu A______ en consultation quinze jours après qu'elle ait fait un faux mouvement pivot lors de sa physiothérapie. Il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si ce faux mouvement était en lien avec un phénomène musculaire ou une autre chose (distraction, absence), relevant qu'il était courant d'effectuer un faux mouvement dans les escaliers.

De même, il ne pouvait pas indiquer l'origine du trou cartilagineux [lésion du cartilage] chez A______ car il pouvait être causé par un traumatisme, par la génétique ou par une maladie du cartilage.

Après l'ablation de la souris articulaire, le genou de A______ était sec, stable sur les deux plans et flexion subtotale (talon/fesse) mais comme il y avait un bout de cartilage en moins, et que l'os était à nu, il pouvait y avoir des douleurs provoquées par une inflammation ou une gêne quand on prenait appui sur la zone malade. Toutefois, le cartilage se reformait dans les 6 à 9 mois.

Il avait encore revu A______ le 14 septembre 2017, laquelle avait l'intime conviction que son ménisque interne était touché et qu'il fallait l'enlever. Lui-même n'avait rien constaté et lui avait indiqué qu'il fallait laisser passer le temps et voir comment cela évoluait. Il n'avait plus revu A______ depuis.

f. La cause a été gardée à l'issue de l'audience du 19 mars 2024, lors de laquelle les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, étant précisé que A______ a modifié sa conclusion relative en paiement de 113'964 fr., la réduisant à 106'380 fr. 35.

EN DROIT

1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2. 2.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce compte tenu des montants des indemnités réclamées par l'appelante devant le Tribunal.

2.2 Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de l'appel joint, formé simultanément à la réponse (art. 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC).

A______ sera désignée ci-après comme l'appelante et B______ comme l'intimée.

2.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés à son encontre (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2 et les références citées).

Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

3. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du rapport du CEM du 14 février 2019, au motif que les expertises privées faisaient partie des allégations des parties et ne constituaient pas des moyens de preuve proprement dits.

En vertu de la nouvelle teneur de l’art. 177 CPC, entré en vigueur le 1er janvier 2025 et directement applicable aux procédures en cours selon l’art. 407f CPC, y compris au stade de l'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2024 du 5 février 2025 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg 101 2023 1 du 6 mai 2025 consid. 1.5), les expertises privées des parties sont des titres, à savoir des documents propres à prouver des faits pertinents (art. 168 CPC).

Par conséquent, le rapport établi par le CEM sera considéré comme un titre, contrairement à la procédure de première instance où il a été considéré comme une simple allégation de partie conformément à la jurisprudence fédérale valable avant la révision du CPC.

4. L'intimée reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'appelante avait subi un dommage ménager alors qu'elle n'avait pas établi réaliser des tâches ménagères avant le 18 juin 2016. L'appelante ne conteste pas la décision du Tribunal arrêtant à 6h par semaine le nombre d'heures de travail domestique qu'elle réalisait ainsi que le montant de 30 fr./h retenu, mais reproche au premier juge d'avoir considéré qu'aucune indemnisation ne lui était due au-delà du 6 mai 2017, faute de causalité. L'intimée reproche, enfin, au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de la faute concomitante de l'appelante dans la survenance du dommage dès lors qu'elle a pris part à la rixe.

4.1.1 Celui qui cause, d’une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (art. 41 al. 1 CO).

Pour que l'auteur soit tenu à réparation, quatre conditions cumulatives doivent être réalisées : un acte illicite, un préjudice, un rapport de causalité naturelle et adéquate entre le préjudice et l'acte illicite et une faute (ATF 132 III 122 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2023 du 31 août 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Il incombe à la partie demanderesse de prouver les faits permettant de constater que chacune des quatre conditions est réalisée (art. 8 CC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2023 du 31 août 2023 consid. 2.1).

4.1.2 En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique (art. 46 al. 1 CO).

Le préjudice ménager, ou dommage domestique, correspond à la perte de la capacité d'exercer des activités non rémunérées, telles que la tenue du ménage. Ce type de préjudice donne droit à des dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il ait été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues de la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des services (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1; 131 III 360 consid. 8.1).

Lors du calcul du préjudice ménager, il convient de procéder en trois étapes: il s'agit d'abord d'évaluer le temps que, sans l'accident, le lésé aurait consacré à accomplir des tâches ménagères, puis, en partant du taux d'invalidité médicale résultant de l'accident, de rechercher l'incidence de cette invalidité médico-théorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères et, enfin, de fixer la valeur de l'activité ménagère que le lésé n'est plus en mesure d'accomplir (ATF 131 III 360 consid. 8.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2).

Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, le juge peut soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités effectivement réalisées par le soutien dans le ménage. Dans le premier cas, le juge applique des critères d'expérience, alors que dans la seconde hypothèse, il examine la situation concrète, même s'il s'aide d'études statistiques pour déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise réalisée dans le ménage en cause (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.1). La jurisprudence considère que l'enquête suisse sur la population active (ESPA; en allemand, SAKE), effectuée périodiquement par l'Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.1).

Le dommage ménager doit être évalué concrètement dans la mesure du possible. Il faut se baser sur la mesure dans laquelle l'invalidité médicalement constatée se répercute sur la tenue du ménage (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1). Pour étayer le dommage ménager, il est donc nécessaire de présenter des arguments concrets sur le ménage dans lequel vit la victime, sur les tâches qui y sont assumées ainsi que sur la mesure dans laquelle l'accident l'a effectivement empêchée de fournir ces prestations pour le ménage. Ce n'est, en effet, que lorsqu'il est établi dans quelle mesure la partie lésée est effectivement gênée par l'accident dans ces tâches que se pose la question de la quantification, pour laquelle on peut recourir à des valeurs statistiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_481/2019 du 27 février 2020 consid. 4.1.3 et 4.5.2; 4A_430/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1). Il est tout à fait possible que le handicap dont souffre le lésé n'exclue pas la poursuite d'une activité ménagère ou ne commande qu'une faible diminution de celle-ci (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1). Il faut que le juge du fait puisse se baser sur des observations fiables et objectives, qui se rapportent à ces tâches-là et qui soient suffisamment différenciées pour permettre de tirer des conclusions ayant une certaine force probante (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.1).

S'agissant de fixer la valeur du travail ménager, la jurisprudence considère qu'il faut prendre comme référence le salaire d'une femme de ménage ou d'une gouvernante (ATF 132 III 312 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.3), qui peut être retenu aux alentours de 30 fr. par heure dans la région genevoise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.2.3).

4.1.3 Un fait est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non. En d'autres termes, il existe un lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. L'existence d'un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon la règle du degré de vraisemblance prépondérante
(ATF 133 III 462 consid. 4.4.2). Pour dire s'il y a causalité naturelle, le juge doit apprécier les preuves fournies et s'interroger, de manière purement factuelle, sur l'enchainement des événements et le caractère indispensable, pour provoquer le résultat, du comportement invoqué à l'appui de la demande. Il appartient donc au juge d'apprécier les diverses preuves et de constater l'existence, ou l'inexistence, du rapport de causalité naturelle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2016 du 22 juin 2017 consid. 2.1).

Une cause est adéquate lorsqu'elle est de nature, dans le cours ordinaire des choses et selon l'expérience de la vie, à produire l'effet qui s'est réalisé, de sorte que celui-ci paraît en général favorisé par cette cause (ATF 129 II 312 consid. 3.3). Pour décider si un fait constitue la cause adéquate d'un préjudice, le juge doit procéder à un pronostic rétrospectif objectif. Il examine la prévisibilité objective du résultat, ou en d'autres termes, si une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_522/2014 du 16 décembre 2015 consid. 4.5, non publié in ATF 142 III 9).

L'exigence d'un lien de causalité adéquate ne signifie pas que le résultat doit apparaître comme survenant régulièrement ou fréquemment après un événement du type de celui qui est survenu, ni que seules peuvent être retenues les conséquences médicales d'un accident auxquelles on doit généralement s'attendre au vu de son déroulement et de son impact sur le corps direct du lésé. Il convient bien plutôt de partir des conséquences effectives et de décider rétrospectivement si et dans quelle mesure l'accident apparaît encore comme leur cause essentielle. Si un événement est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui s'est produit, même des conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires, peuvent constituer des conséquences adéquates de l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 5A_522/2014 du 16 décembre 2015 consid. 4.5, non publié in ATF 142 III 9; SJ 2004 I 407). L'examen de la causalité adéquate implique de porter un jugement de valeur, le juge faisant usage de son pouvoir d'appréciation selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC); à ce titre, il tient notamment compte des objectifs de politique juridique poursuivis par la norme applicable dans le cas concret. La question de la causalité adéquate est ainsi une question de droit (ATF 123 III 110 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_302/2020 du 15 octobre 2020 consid. 5.2). 

La causalité adéquate peut être exclue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple le comportement de la victime, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; encore faut-il que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, et notamment le comportement de l'auteur (ATF 131 IV 145 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C.324/2005 du 5 janvier 2006 consid. 2.2). Autrement dit, l'intensité de chacune des causes en présence est déterminante: si la faute du lésé ou d'un tiers apparaît lourde au point de presque supplanter le fait imputable à la partie recherchée, alors le lien de causalité adéquate est rompu (ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les arrêts cités). Toutefois, même si d'autres causes apparaissent à côté de la cause originelle et la font passer à l'arrière-plan, celle-ci reste dans un rapport de causalité adéquate, du moins aussi longtemps qu'elle peut être considérée comme relevante dans le cours des événements. La preuve des faits justifiant les facteurs interruptifs de la causalité adéquate incombe au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2017 du 11 juillet 2018 consid. 5.3.1).

4.1.4 Selon l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts ou même n'en point allouer, lorsque des faits dont le lésé est responsable ont contribué à créer le dommage ou à l'augmenter.

La faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse, alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2017 précité consid. 6.1; 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.2). La réduction de l'indemnité suppose que le comportement reproché au lésé soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice (ATF 126 III 192 consid. 2d et les références citées). 

Dans l'application de l'art. 44 al. 1 CO, il appartient au juge de discerner objectivement les divers facteurs à l'origine du dommage, d'après les circonstances, et de pondérer de façon appropriée les responsabilités propres de chaque partie. La jurisprudence lui reconnaît un large pouvoir d'appréciation (ATF 141 V 51 consid. 9.2 ; 131 III 12 consid. 4.2).

4.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimée a commis un acte illicite en infligeant des lésions corporelles à l'appelante, soit en la blessant par un coup porté au genou droit.

4.2.2 L'intimée reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'appelante réalisait des tâches ménagères avant le 18 juin 2016, faisant valoir qu'à teneur du rapport du CEM, l'appelant ne faisait "presque rien" de ses journées. L'intimée perd toutefois de vue que ce rapport décrit les activités de l'appelante au jour de l'établissement du rapport, soit en janvier 2019, après avoir été blessée au genou. Il ne peut donc pas en être déduit que l'appelante n'effectuait pas de tâches ménagères avant le 18 juin 2016. En revanche, la mère de l'appelante a témoigné que celle-ci l'aidait beaucoup dans la tenue du ménage avant que son genou ne soit endommagé. Si l'appelante n'a pas établi quelles étaient exactement les travaux qu'elle effectuait lorsqu'elle habitait chez ses parents, il n'en reste pas moins qu'étant alors âgée de 28 ans, il peut être tenu pour établi, comme l'a témoigné sa mère, que celle-ci participait à la tenue du foyer.

Contrairement à ce que considère l'intimée, le nombre d'heures de ménage retenu par le Tribunal – de 5h à 6h par semaine pour l'appelante – n'est pas "intrinsèquement inconcevable". Selon les statistiques fédérales, le temps consacré par les femmes en 2024 au travail domestique et familial était de l'ordre de 22 heures par semaine, sans encadrement d'enfants (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/ travail-remuneration/activite-professionnelle-temps-travail/conciliation-travail-non-remunere/travail-domestique-familial.html), de sorte que le temps de 16h par semaine retenu pour l'ensemble du ménage de l'appelante n'apparait pas excessif. Il sera relevé que cette durée ne tient pas uniquement compte, comme semble le penser l'intimée, du temps de nettoyage des pièces, mais également des commissions, de la préparation des repas, de la vaisselle, de la lessive, du repassage et d'autres travaux administratifs. Puisque les tâches ménagères du foyer étaient partagées entre l'appelante, sa mère et sa sœur, le premier juge doit être suivi lorsqu'il retient que l'appelante réalisait environ 6h de ménage par semaine, ce que cette dernière ne remet pas en cause en appel.

Par ailleurs, le jugement n'a pas été contesté en tant qu'il a fixé à 30 fr. de l'heure l'indemnisation du travail domestique.

4.2.3 L'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre la blessure au genou de l'appelante causé par l'intimée et son incapacité de réaliser des travaux ménagers n'a, à juste titre, pas été remise en cause en appel pour la période du 18 juin 2016 au 6 mai 2017.

On ne saurait suivre l'intimée lorsqu'elle fait valoir que l'état du genou de l'appelante s'est aggravé à la suite de l'incident survenu lors de la séance de physiothérapie du 7 mai 2017 de sorte qu'elle ne peut en être tenue pour responsable des suites de cet événement.

En effet, puisque l'appelante ne souffrait d'aucun problème de genou préexistant, ce qui est admis par tous les médecins, l'incident du 7 mai 2017 et ses éventuelles conséquences sont en lien avec la blessure au genou infligée par l'intimée à l'appelante. Même si le ligament de l'appelante a été réparé par une opération, il n'en reste pas moins que le genou de l'appelante en est ressorti affaibli, ce qui l'a contrainte à suivre des séances de physiothérapie. On ne saurait suivre l'avis du Dr E______ lorsqu'il met en doute que la torsion du genou de l'appelante dans les escaliers pourrait provenir d'une distraction de l'appelante et non d'un problème physique puisqu'à ce moment cette dernière effectuait une séance de physiothérapie. Elle était donc concentrée sur les mouvements que lui faisait faire le physiothérapeute. L'aggravation de l'état de santé de l'appelante n'est pas à mettre en lien avec une activité que celle-ci n'aurait pas dû pratiquer, comme une activité sportive lors de laquelle elle se serait blessée, et qui reléguerait à l'arrière-plan, comme la raison de son mal, la blessure au genou infligée par l'intimée. Il n'y a donc pas eu rupture du lien de causalité adéquate du fait de l'événement du 7 mai 2017.

De plus, il n'est pas établi que l'incident du 7 mai 2017 ait aggravé la blessure de l'appelante. Selon le Dr G______, il n'était pas rare que des lésions internes se produisent lors de la rupture de ligament et les experts du CEM n'ont considéré à aucun moment que les lésions au genou de l'appelante pourraient être consécutives à l'événement du 7 mai 2017.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le dommage actuel de l'appelante est en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'acte illicite de l'intimée.

4.2.4 En revanche, c'est à tort que le premier juge a considéré que l'appelante devait être indemnisée à 100% pour toute la période du 19 juin 2016 au 6 mai 2017. En effet, elle a indiqué avoir été en mesure d'effectuer une partie des tâches ménagères, même lorsqu'elle avait été au bénéfice d'un certificat d'incapacité totale de travail.

L'appelante a admis avoir pu effectuer dix heures, voire plus, de travail domestique par semaine, soit un temps supérieur aux six heures hebdomadaires retenues par le Tribunal, hormis du 19 au 27 juin 2016 (9 jours), du 10 novembre au 4 décembre 2016 (25 jours), du 8 mai au 26 juillet 2017 (80 jours) et du 6 juin au 6 juillet 2018 (31 jours), soit 145 jours au total correspondant à 20,71 semaines. Puisque, de son propre aveu, l'appelante a pu effectuer sa part de tâches ménagères durant les autres périodes, elle ne peut être indemnisée. C'est donc une somme de 3'728 fr. (20,71 x 6h x 30 fr.) qui est due à l'appelante à titre de dommage ménager.

S'agissant de l'incapacité future de l'appelante, les experts ont uniquement retenu qu'il était probable que son état de santé puisse se dégrader. Selon le Dr G______ la survenance d'une arthrose restait une évolution possible, et selon les experts du CEM, une gonarthrose post-traumatique qui existait déjà de façon modérée était susceptible de s'aggraver. Il ne s'agissait toutefois que d'évolutions possibles. Lors des expertises, il avait été retenu que l'appelante était en mesure de faire ses activités quotidiennes à son rythme et que ses mouvements n'étaient pas limités objectivement, les freins étant vraisemblablement psychologiques. Or, l'appelante n'a produit aucun certificat médical attestant de son état de santé actuel. Devant le Tribunal, l'appelante a déclaré qu'à ce jour, elle était en mesure de marcher correctement, même si elle n'arrivait pas à s'accroupir. Elle n'a toutefois pas indiqué quelles tâches ménagères elle ne serait plus jamais en mesure de réaliser.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que les séquelles de l'événement du 18 juin 2016 n'empêchent pas l'appelante de réaliser les travaux domestiques.

4.2.5 Enfin, si l'appelante a participé activement à la rixe, quand bien même elle aurait, comme allégué par l'intimée, insulté cette dernière, l'aurait griffée au visage et lui aurait tiré les cheveux, cela ne justifiait pas le coup que lui a porté l'intimée. En effet, cette dernière n'a pas fait que se défendre et ne lui a pas porté un simple coup de pied au genou mais, en tant que personne ayant pratiqué dix ans de karaté, lui a porté un coup dont elle devait savoir qu'il blesserait gravement l'appelante. La faute de l'intimée est donc lourde au regard de celle de l'appelante.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de retenir une faute concomitante de l'appelante ayant entraîné sa blessure au genou.

4.2.6 Partant, le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera annulé et il sera statué à nouveau sur ce point (art. 318 CPC), en ce sens que l'intimée sera condamnée à verser à l'appelante la somme de 3'728 fr. à titre de dommage ménager, avec intérêts compensatoires à 5% l'an dès le 27 juin 2017 (date moyenne entre le 19 juin 2016 et le 6 juillet 2018) (ATF 131 III 12 consid. 9.1, 9.4 et 9.5).

5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Cette réglementation confère au juge un large pouvoir d'appréciation en matière de répartition des frais (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 du 19 août 2020 consid. 4.3; 4A_207/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3.1). Pour la répartition des frais selon l'art. 106 al. 2 CPC, le résultat du procès doit en principe être comparé aux conclusions que les parties ont formulées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 précités consid. 4.3). Dans la pratique, il n'est toutefois pas tenu compte d'une succombance minime. Le juge peut en outre prendre en considération l'importance de chaque conclusion dans le litige ou le fait qu'une partie a obtenu gain de cause sur une question de principe (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 précités consid. 4.3; 4A_207/2015 précité consid. 3.1), circonstance qui, de surcroît, est expressément prévue par l'art. 107 al. 1 let. a CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2015 précité consid. 3.1).

5.2.1 En l'espèce, devant le Tribunal, l'appelante a conclu au versement de 113'964 fr. à titre de perte de gain, 20'511 fr. 60 à titre de préjudice ménager jusqu'au 30 juin 2022 et 51'214 fr. 80 de préjudice ménager futur. Si, comme elle le plaide, elle a obtenu gain de cause quant à son préjudice ménager jusqu'au 30 juin 2022, elle a, en revanche, entièrement succombé s'agissant de l'indemnité pour perte de gain et de préjudice ménager futur. En outre, s'agissant du préjudice ménager jusqu'au 30 juin 2022, elle n'a obtenu que le 20% de ses conclusions, représentant 2% de l'ensemble de ses conclusions. Par conséquent, on ne saurait condamner l'intimée à un tiers de frais et dépens de première instance, de sorte qu'il se justifie de confirmer les frais et dépens de première instance.

5.2.2 Les frais judiciaires de seconde instance seront fixés à 2'700 fr. (1'800 fr. pour l'appel principal et 900 fr. pour l'appel joint; art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec les avances de frais opérées par les parties, lesquelles demeurent entièrement acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). 

L'appelante succombant dans toutes ses conclusions (27'897 fr.) et l'intimée dans la moitié des siennes (condamnation réduite à 3'728 fr. au lieu de 7'000 fr.), l'appelante sera condamnée au 90% des frais, soit 2'430 fr., et l'intimée à 10% des frais, soit 270 fr. L'appelante sera ainsi condamnée à verser à l'intimée la somme de 630 fr.

Pour les mêmes raisons, l'appelante sera condamnée à verser à l'intimée 2'600 fr. à titre de dépens réduits (art. 84, 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 26 août 2024 par A______ ainsi que l'appel joint formé le 23 octobre 2024 par B______ contre le jugement JTPI/7914/2024 rendu le 20 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12863/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à verser 3'728 fr. avec intérêts compensatoires à 5% l'an dès le 27 juin 2017 à A______, à titre d'indemnité pour préjudice ménager.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 2'700 fr., les compense avec les avances de frais fournies par les parties et les met à la charge de A______ à raison de 2'430 fr. et de B______ à raison de 270 fr.

Condamne A______ à verser 630 fr. à B______ au titre des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser 2'600 fr. à B______ au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.