Décisions | Chambre civile
ACJC/275/2025 du 11.02.2025 sur DTPI/11359/2024 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1815/2024 ACJC/275/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 11 FEVRIER 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ (France),
et
Monsieur B______, domicilié ______ (France),
recourants contre une décision rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 24 octobre 2024, tous deux représentés par Me Olivier CARRARD, avocat,
CMS von Erlach Partners SA, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26.
A. a. Par requête déposée le 22 octobre 2024, A______ et B______ ont saisi le Tribunal de première instance d'une requête en constatation de l'indignité successorale, subsidiairement en nullité d'un pacte successoral, à l'encontre de C______.
Ils ont conclu à ce qu'il soit constaté que D______ (seconde épouse du de cujus) est exclue de la succession de feu E______, leur père, pour cause d'indignité, à la constatation de la nullité absolue des articles II et III, en tant qu'ils concernent la précitée, et de l'art. IV, en tant qu'il concerne A______ et B______, du pacte successoral du 7 décembre 2018, à la constatation que A______ et B______ sont héritiers légaux de feu E______, les frais et dépens devant être mis à la charge de C______.
Dans la partie de leur requête dédiée à l'indignité et à ses effets, A______ et B______ ont fait état de ce que D______ avait perçu, selon convention de partage conclue le 11 avril 2020, 214'000 fr. à titre de legs et hors part, 4'676'543 fr. à titre d'autres legs, 2'407'808 à titre d'avancement d'hoirie et 2'982'305 fr. à titre de part héréditaire, représentant 10'280'656 fr. Du vivant de E______, elle se serait engagée à rédiger un testament prévoyant qu'elle léguerait, à son propre décès, à A______ et B______, le patrimoine lui restant. Les précités avaient découvert que l'intéressée avec rédigé des testaments olographes, prévoyant divers legs. Ils ne connaissaient pas la composition de l'actif successoral.
La demande ne fait pas mention d'une valeur litigieuse.
b. Par décision DTPI/11359/2024 du 24 octobre 2024, le Tribunal a imparti à A______ et B______ un délai au 29 novembre 2024 pour verser une avance de frais de 180'000 fr., sous peine d'irrecevabilité de la demande.
Dans sa décision, le Tribunal a fait référence aux art. 91ss, 98, 101 a. 1 et 117 ss CPC, 2, 23 et 17 RTFMC.
c. Le 1er novembre 2024, A______ et B______ ont indiqué au Tribunal que la décision d'avance de frais n'était pas motivée, de sorte qu'ils avaient présumé qu'une valeur litigieuse de 10'280'656 fr. avait été retenue. Ils ont requis du Tribunal qu'il reconsidère sa décision. La demande portait tant sur un aspect patrimonial que sur un aspect non patrimonial; il convenait en conséquence de rechercher quel intérêt primait. A leur sens, l'intérêt idéal en constatation de l'exclusion de la légataire de la succession primait, de sorte que seul une avance de frais comprise en 200 fr. et 50'000 fr. pouvait être sollicitée. A leur sens également, il devait subsister moins de 10'000'000 fr. au décès de D______.
d. Par décision DTPI/11694/2024 du 5 novembre 2024, le Tribunal a confirmé la décision d'avance de frais précitée. Il a considéré que le raisonnement de A______ et B______, selon lequel D______ aurait certainement dépensé une partie des montants qu'elle avait perçus, ne pouvait être suivi. La valeur litigieuse concernait les montants figurant dans la convention de partage litigieuse et non les éventuels montants non dépensés par l'intéressée. La décision d'avance de frais était en conséquence conforme à la loi et au RTFMC, notamment s'agissant de la majoration du tarif en cas de pluralité de demandeurs (art. 13 RTFMC).
B. a. Par acte déposé le 7 novembre 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre la décision d'avance de frais, dont ils ont sollicité l'annulation. Ils ont conclu à ce que la Cour fixe l'avance de frais à un montant entre 200 fr. et 50'000 fr., subsidiairement à un montant entre 20'000 fr. et 100'000 fr. et plus subsidiairement à 100'000 fr.
Ils se sont plaints d'une violation des art. 53 al. 1 CC, 5, 17 et 18 RTFMC, 91 CPC et 19 LaCC.
Ils ont produit une nouvelle pièce (n. 2).
b. Par décision du 8 novembre 2024, la Cour a fait droit à la requête de suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise.
c. Par avis du 17 janvier 2025, la Cour a avisé A______ et B______ de ce que la cause était gardée à juger.
d. Par courrier du 20 janvier 2025, A______ et B______ ont attiré l'attention de la Cour sur "le fait qu'à quelques semaines près, en application du nouvel article 98 CPC entrée en vigueur le 1er janvier 2025, le Tribunal de première instance n'aurait en principe pu exiger des recourants une avance qu'à concurrence de la moitié des frais judiciaires présumés (al. 1)".
1. 1.1 La décision entreprise ayant été communiquée aux recourants avant le 1er janvier 2025, le présent recours demeure régi par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC, dont l'art. 98 CPC ne fait pas partie.
1.2 Par conséquent, le fait que le Tribunal eût pu, si la demande avait été déposée après le 1er janvier 2025, demander la moitié de l'avance de frais, en application du nouveau droit, comme souligné par les recourants, n'est pas pertinent. Il sera par ailleurs relevé que les recourants ont formé recours en novembre 2024, soit bien avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions dont ils font état.
1.3 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.
La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de recours de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC (art. 319 let. b ch. 1 CPC; Tappy in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], éd. 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).
En l'espèce, le recours a été formé dans le délai légal (art. 321 al. 1 et 142 al. 3 CPC) et est recevable à la forme.
1.4 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret/Bortolaso/Aguet, Procédure civile, T. II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).
1.5.1 Les pièces nouvelles et les allégués de fait nouveaux sont irrecevables en procédure de recours (art. 326 CPC).
Aux termes de l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d'expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés.
Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge. Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (ATF 135 III 88 consid. 4.1; 134 III 224 consid. 5.2), à l'instar par exemple des indications figurant au Registre du commerce, accessibles par Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2; 4A_509/2014 du 4 février 2015 consid. 2.1). En ce qui concerne Internet, seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex : Office fédéral de la statistique, inscriptions au Registre du commerce, cours de change, horaire de train des CFF etc.) peuvent être considérées comme notoires (ATF 143 IV 380 consid. 1.2).
1.5.2 Les recourants ont produit une pièce nouvelle (n. 2), soit un extrait d'un site internet du gouvernement français. Il doit être considéré qu'il s'agit d'un fait notoire, admissible en procédure de recours.
2. Les recourants se plaignent en premier lieu d'une violation de leur droit d'être entendus, la décision rendue par le Tribunal n'étant pas motivée.
2.1.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2). Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1; 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 consid. 6.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, RDAF 2009 II p. 434).
Le droit d'être entendu comprend l'obligation du tribunal d'apprécier toutes les allégations pertinentes que les parties ont formulées à temps (ATF 142 II 218 consid. 3.3).
Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).
Même en cas de violation grave du droit d'être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l'instance précédente, si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée (comparé à celui d’être entendu) à un jugement rapide de la cause (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1, JdT 2010 I 255;
136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).
Malgré son caractère formel, la garantie du droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêts du Tribunal fédéral 4D_76/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_148/2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2). En particulier, l'admission du grief de violation du droit d'être entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d'être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et de prolonger inutilement la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4).
Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 136 III 174 consid. 5.1.2; 133 I 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.2), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF
136 III 174 consid. 5.1.2 a contrario). A ces conditions, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation de ce vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité. L'allongement inutile de la procédure qui en découlerait est en effet incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.1; 5A_296/2013 du 9 juillet 2013 consid. 3.1).
2.1.2 L'action tendant à la constatation de l'indignité à succéder et en nullité d'un pacte successoral est une affaire patrimoniale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_795/2013 du 27 février 2014 consid. 1).
2.2 Dans le présent cas, les recourants ont saisi le Tribunal d'une requête en constatation de l'indignité successorale et subsidiairement en nullité d'un pacte successoral, soit d'une affaire patrimoniale. Il sera d'emblée relevé que les recourants n'ont pas fait état dans leur demande d'une valeur litigieuse dans leur demande, ni pris de conclusions chiffrées.
La décision d'avance de frais rendue par le Tribunal est certes succincte, mais elle mentionne les bases légales sur lesquelles il s'est fondé pour fixer le montant de l'avance de frais, de sorte qu'elle est suffisante. Les recourants ont d'ailleurs pu la contester utilement.
En tout état, un renvoi au Tribunal ne constituerait qu'une vaine formalité. En effet, le Tribunal a, à la suite de la requête de reconsidération formée par les recourants, rendu une nouvelle décision, motivée, confirmant la décision d'avance de frais présentement querellée.
2.3 Le grief des recourants sera dès lors rejeté.
3. Les recourants reprochent au Tribunal d'avoir violé les art. 18 RTFMC, en ne considérant pas que le litige est de nature non patrimoniale, de même que les art. 19 al. 3 let. d LaCC et 17 RTFMC, en prenant en considération une valeur litigieuse de 10'280'656 fr.
3.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.
L'avance a un double but : éviter que le demandeur puisse s'avérer insolvable ou doive être poursuivi si c'est finalement lui qui doit supporter les frais judiciaires en tout ou en partie, dans le cadre de leur répartition finale, d'une part, et assurer que l'Etat n'aura pas de peine à recouvrer les montants mis à la charge du défendeur dans cette même répartition finale, l'avance en question servant au fond dans ce cas de garantie de paiement, d'autre part (Tappy, Commentaire romand Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 3 ad. art. 98 CPC).
3.1.2 La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC).
L'objet du litige et la nature de l'action introduite sont déterminés par les conclusions de la demande et les faits invoqués à l'appui de celle-ci (ATF
130 III 547 consid. 2.1; 117 II 26 consid. 2a et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_408/2016 du 21 juillet 2017 consid. 4.2), à savoir par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 142 III 210 consid. 2.1; 139 III 126 consid. 3.2.2; 135 III 123 consid. 4.3.1).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'action en annulation d'un testament, subsidiairement à l'annulation de legs et l'institution d'héritier contenu dans un testament est de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5C_256/2004 du 2 juin 2005 consid. 1.1).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré que la valeur litigieuse d'une action en nullité d'un testament correspond au montant supplémentaire qui écherra au demandeur en cas de victoire. Si c'est un héritier légal qui agit, il s'agit de la part qu'il recevrait si les biens de la succession devaient être partagés selon les règles de la succession légale (ATF 78 II 181, JdT 1952 I 502: un quart du legs attaqué; 81 II 413 consid. 1, JdT 1956 I 546: trois quarts de la valeur nette de la succession, sous déduction de la valeur brute de l'usufruit qui la grève; arrêt du Tribunal fédéral 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 8.3.1.3.1 et les références).
En cas de caractère mixte des prétentions émises, lorsqu’une prétention unique pourrait présenter pour le demandeur un intérêt aussi bien idéal qu’économique, il faut rechercher celui qui prime (ATF 108 II 77 consid. 1a), en tenant compte aussi de l’enjeu effectif : pour le Tribunal fédéral, une contestation portant sur la qualité de membre d’une coopérative est ainsi patrimoniale ou non selon que l’intérêt du demandeur à en faire partie apparaît surtout économique ou non (ATF 80 II 71, rés. JdT 1955 I 66 ; ATF 108 II 77 ; la question est souvent laissée ouverte car le seuil de valeur litigieuse nécessaire serait de toute façon dépassé, cf. ATF
118 II 435 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_359/2010 du 8 novembre 2010, RSPC 2011 132).
3.1.3 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).
Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le RTFMC (RS GE E 1 05. 10).
La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).
Dans les causes pécuniaires, une valeur litigieuse comprise entre 1'000'001 fr. et 10'000'000 fr. donne lieu à un émolument forfaitaire de décision compris entre 20'000 fr. et 100'000 fr. et dès 10'000'001 fr., à un émolument compris entre 100'000 fr. et 200'000 fr. (art. 17 RTFMC).
Pour les causes non pécuniaires, l'émolument forfaitaire de décision est fixé entre 200 fr. et 50'000 fr. (art. 18 RTFMC).
En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, les émoluments sont majorés de 20% (art. 13 RTFMC).
3.1.4 Les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).
Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).
L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).
Dès lors, la Cour examine la cause avec une certaine réserve. Ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, op. cit., n. 8 ad. art. 98 CPC).
3.1.5 Le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action, soit notamment si les avances et les sûretés en garantie des frais de procès ont été versées (art. 59 al. 2 let. f CPC).
3.2 En l'espèce, les recourants soutiennent que la cause est de nature non pécuniaire, la demande visant à faire constater que la seconde épouse de feu leur père est exclue de la succession pour cause d'indignité et constater la nullité absolue de certaines dispositions du pacte successoral du 7 décembre 2018. Si, certes, ces conclusions sont de nature constatatoire, elles visent toutefois à intégrer, dans la succession, les sommes perçues par la précitée, selon la convention de partage du 11 avril 2020. Ces sommes visent à augmenter la part des recourants, héritiers légaux, dans la succession, si les biens de celle-ci devaient être partagés selon les règles de la succession légale. Par conséquent, l'intérêt prépondérant des recourants est économique, de sorte que la cause est de nature patrimoniale. En tout état, et selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-avant, il y a lieu de considérer que la valeur litigieuse de la demande formée par les recourants correspond, comme cela est le cas dans le cadre d'une action en nullité de testament, au montant supplémentaire qui leur écherra en cas de victoire.
L'arrêt rendu par la Cour en mai 2022 (ACJC/750/2022), cité par les recourants, ne leur est d'aucun secours. Dans cette affaire, la valeur nette de la succession ressortait de l'inventaire figurant au dossier, alors qu'en l'espèce, les recourants ne font état d'aucun inventaire ni d'autre pièce, afin de déterminer la valeur de la succession.
C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré que la cause était de nature patrimoniale.
Dans la partie de leur requête dédiée à l'indignité et à ses effets, les recourants ont fait état de ce que la seconde épouse de leur père avait perçu, selon convention de partage conclue le 11 avril 2020, une somme totalisant 10'280'656 fr.; ils ne connaissaient pas la composition de l'actif successoral. Ils allèguent, de manière péremptoire, dans leur recours, que le montant devant rester en mains de l'intéressée serait évidemment inférieur à 10'00'000 fr. Ils ne fournissent toutefois aucun élément permettant de retenir que tel serait le cas, ni aucun titre.
Le Tribunal était ainsi fondé à considérer la valeur litigieuse sur le montant ressortant de la convention produite, sur laquelle les recourants se fondent. Il a fixé à 180'000 fr. le montant de l'avance de frais, soit dans la fourchette prévue par l'art. 17 RTFMC, entre 100'000 fr. et 200'000 fr. Par ailleurs, c'est à bon droit que le Tribunal a majoré de 20% le montant de l'avance de frais, compte tenu de la pluralité de parties (art. 13 RTFMC).
Les recourants soutiennent encore que les sommes qu'ils pourraient obtenir par la présente procédure seront imposées par les autorités fiscales françaises, à raison de 45%. Ce fait ne peut être retenu, sur la seule base des allégués ressortant du site internet produit. En effet, les explications en résultant sont vagues. Par ailleurs, il fait également état d'exonérations d'imposition. Les recourants n'ont pour le surplus pas versé à la procédure de première instance d'avis de droit explicitant les conditions d'imposition d'une succession, selon le droit français, respectivement dans quelles circonstances une exonération entre en ligne de compte.
Enfin, il sera souligné que la présente cause paraît, prima facie, être relativement complexe, au vu des faits allégués par les recourants, et va vraisemblablement nécessiter de nombreux actes d'instruction du Tribunal, également à l'étranger.
L'on ne discerne en conséquence aucun abus de pouvoir d'appréciation du Tribunal dans la fixation du montant de l'avance de frais, de sorte que le recours sera rejeté.
3.3 Compte tenu de l'effet suspensif accordé au recours, un délai de 30 jours sera imparti aux recourants pour verser l'avance de frais de 180'000 fr. fixée par la décision entreprise.
4. Les frais judicaires de recours, arrêtés à 800 fr., seront mis à la charge des recourants, qui succombe (art. 106 al. 1 CC), et partiellement compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les recourants sont condamnés, solidairement entre eux, à verser le solde de 400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2024 par A______ et B______ contre la décision DTPI/11359/2024 rendue le 24 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1815/2024.
Au fond :
Le rejette.
Impartit à A______ et B______ un délai de 30 jours dès réception du présent arrêt pour verser l'avance de frais de 180'000 fr.
Déboute A______ et B______ de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires à 800 fr., partiellement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux.
Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser 400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.