Décisions | Chambre civile
ACJC/1648/2023 du 13.12.2023 sur JTPI/665/2023 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/4812/2020 ACJC/1648/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MERCREDI 13 DECEMBRE 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 janvier 2023, représentée par Me Michel DUPUIS, avocat, 5, place Saint-François, case postale 7175, 1002 Lausanne,
et
1) Monsieur B______, domicilié ______, Congo, intimé,
2) Madame C______, p.a. Les D______, ______, Gabon, autre intimée,
3) Monsieur E______, domicilié ______, Congo, autre intimé,
4) SCI F______, p.a. Les D______, ______, Gabon, autre intimée, tous représentés par Me Sonja MAEDER MORVANT, avocate, REISER Avocats, route de Florissant 10, case postale 186, 1211 Genève 12,
5) G______ LTD, sise ______, Chypre, autre intimée.
A. a. Par jugement JTPI/665/2023 du 13 janvier 2023, reçu le 20 du même mois par toutes les parties, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire et sur incident ratione loci, s'est déclaré incompétent à raison du lieu pour connaître de la demande formée le 29 décembre 2021 par A______ SA à l'encontre de B______, C______, E______, G______ LTD et SCI F______ (chiffre 1 du dispositif), a déclaré en conséquence l'action irrecevable (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 7'817 fr. 75, les a mis à la charge de A______ SA et les a compensés avec les avances de frais de 20'040 fr. effectuées par celle-ci, a ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer le montant de 12'222 fr. 25 à A______ SA (ch. 3), a condamné A______ SA à verser à B______, C______, E______ et SCI F______, pris conjointement et solidairement, 1'660 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 16 février 2023, A______ SA a formé appel de ce jugement, dont elle a, principalement, sollicité la réformation, en ce sens qu'il soit constaté que le Tribunal est compétent ratione loci pour connaître de la demande du 29 décembre 2021. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.
Dans le corps de l'appel, A______ SA a sollicité la tenue d'une audience afin de faire entendre H______ et I______.
b. Dans leur réponse, B______, C______, E______ et SCI F______ ont conclu à ce que la Cour déboute A______ SA de toutes ses conclusions et confirme le jugement querellé, sous suite de frais et dépens.
Ils ont indiqué que G______ LTD avait été liquidée et n'était pas représentée dans le cadre de la procédure d'appel.
c. Par réplique du 17 mai 2023, A______ SA a persisté dans ses conclusions.
d. Par duplique du 16 juin 2023, B______, C______, E______ et SCI F______ ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont produit une pièce nouvelle, soit un extrait Linkedln de la société A______ SA (n. 12).
e. Le 27 juin 2023, A______ SA s'est déterminée sur l'écriture précitée. Elle a produit deux pièces nouvelles, soit une copie de l’extrait du Registre du commerce libanais de la société A______ (Liban) SARL et sa traduction française du 21 octobre 2011 (n. 24) et une copie d’un échange de messages intervenu les 4 septembre 2015 et 6 octobre 2015 (n. 25).
f. Par courrier du 29 juin 2023, A______ SA a produit une version actualisée au 27 juin 2023 de sa pièce nouvelle n. 24.
g. Le 3 juillet 2023, B______, C______, E______ et SCI F______ se sont déterminés sur les courriers de A______ SA des 27 et 29 juin 2023.
h. Par plis du greffe de la Cour du 25 août 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a. A______ se présente sur son site internet comme un "bureau international" basé à J______ (Liban), Genève (Suisse), K______ (Nigeria) et L______ (République du Congo) proposant des services de conception et conseil spécialisé en architecture, planification, ingénierie et gestion de projets.
L'adresse de A______ au Liban est "Immeuble M______ - N______ [quartier] - J______ - Liban".
b. I______ est un architecte et ingénieur domicilié à J______ depuis 2010. Sur son profil LinkedIn, il se présente comme le président de "A______ SA" depuis 1989.
c. A______ SA est une société anonyme inscrite depuis le ______ 2013 au Registre du commerce genevois, sise rue 1______ no. ______ c/o H______, [code postal] Genève. Elle a notamment pour but l'exécution de travaux d'architecture, d'urbanisme, d'ingénierie, d'organisation et direction de chantier.
I______ en est l'administrateur président. Son fils, H______, est l'un des deux autres administrateurs. Il a suivi des études d'ingénieur et dans la finance.
d. B______, domicilié à L______ au Congo, a une fille, C______, et un fils, E______, tous deux domiciliés au Congo.
e. SCI F______ est une société immobilière sise à L______, dont la première gérante est C______.
f. G______ LTD était une société enregistrée au registre du commerce de Chypre. Elle a été dissoute le ______ 2021.
g. Les 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012, I______, en sa qualité de "directeur général", a adressé à B______, "pour A______", trois propositions portant sur la conception et les études architecturales et techniques de deux projets d'immeubles à L______ au Congo (extension de la résidence de B______ et immeuble commercial) et d'un projet d'immeuble résidentiel à O______ au Congo.
Selon ces propositions, A______ devait préparer un avant-projet sommaire, un avant-projet détaillé, des plans d'exécution et élaborer des pièces écrites. Pour deux des projets, la société devait en outre superviser les travaux de construction.
Lesdites propositions ont été établies à J______ et mentionnent en bas de page l'adresse "Immeuble M______ - N______ - J______ - Liban", suivi d'un numéro de téléphone libanais.
Sur les propositions du 31 octobre 2011 et du 15 octobre 2012 figure en outre l'adresse "no. ______ avenue 2______ CH-[code postal] P______ Genève, Suisse".
h. Les 13 février 2012 et 23 novembre 2012, les propositions des 31 octobre 2011 et 15 octobre 2012 ont été signées par C______ "pour accord".
i. Plusieurs échanges de courriels intervenus entre C______ et I______ durant la période allant d'avril 2012 à juillet 2013, ont été produits à la procédure.
Deux courriels des 4 avril 2012 et 23 avril 2013 ont pour objet des demandes de modifications ou remarques de la part de C______ sur des plans soumis par I______.
Dans un échange de courriels du 23 avril 2012, I______ a indiqué à C______ avoir repris ses activités et planifié le travail à fournir chaque semaine à compter du 30 avril 2012. Il a évoqué l'extension de la résidence familiale ainsi que l'immeuble de bureaux à L______, pour lequel il avait donné instruction de préparer l'avant-projet détaillé avant fin mai.
j. Entre le 23 avril 2012 et le 4 avril 2016, diverses factures comportant le logo A______ ont été adressées à G______ LTD, SCI F______, B______ et C______ pour le paiement des projets de construction effectués.
Toutes ces factures ont été établies à J______.
La même adresse et le même numéro de téléphone libanais mentionnés sur les propositions des 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012 figurent en bas de page.
Selon les factures, les montants devaient être versés soit à l'intention de "A______" sur un compte dans une banque sise à J______, soit à celle de "A______ SA" sur un compte dans une banque sise à L______.
k. Par courriel du 7 décembre 2015, I______ s'est adressé à B______ et SCI F______ pour réclamer le paiement de factures impayées relatives aux trois projets d'immeubles à L______ et à O______.
Dans ce cadre, il a fait valoir que les travaux commandés étaient presque achevés et a notamment indiqué aux précités "comme vous le savez j'avais opté dans le temps de réaliser le développement des plans de ces trois projets au Liban pour réduire le coût".
l. Par courriel du 30 décembre 2016, H______ a indiqué à B______ et à SCI F______ avoir été mandaté "par A______ SA basée en Suisse" pour recouvrer les montants des factures encore impayées. Il indique que "la société A______" a été compréhensive mais qu'aucun paiement n'avait été reçu depuis 2014, de sorte qu'une procédure judiciaire allait être lancée. Ce courriel est signé par "H______, Département du Recouvrement, A______ Suisse".
m. Par courrier du 28 octobre 2017 adressé à A______ SA, sans précision d'adresse, et dirigé à l'attention de I______, C______, en sa qualité de gérante de SCI F______, a reconnu avoir confié à I______ en 2011 et 2012 la réalisation de trois projets d'immeubles à L______ et à O______ et devoir encore la somme de 205'809.88 euros à cet égard.
n. Le 2 mars 2020, A______ SA a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une requête de conciliation à l'encontre de B______, C______, E______, SCI F______ et G______ LTD, concluant au paiement de 135'000'000 francs CFA, ce qui correspond à 205'806.17 euros au cours du jour, avec intérêts à 12%, pour les factures impayées relatives aux trois projets d'immeubles.
Le 6 octobre 2021, l'autorisation de procéder a été délivrée à la suite de l'échec de la conciliation.
o. Le 8 décembre 2021, une convention de cession de créances a été conclue entre "A______ SARL", société à responsabilité limitée inscrite depuis le ______ 1992 au Registre du commerce de J______, sise "Immeuble Q______, Avenue 3______, N______, J______, Liban", représentée par son président directeur général, I______, agissant en qualité de cédant, et "A______ SA", société anonyme inscrite depuis le ______ 2013 au Registre du commerce genevois, sise rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, représentée par son administrateur H______, agissant en qualité de cessionnaire.
Il y est indiqué que "le groupe A______" a conclu avec B______, "à travers la société A______ SARL" les contrats des 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012.
Le document précise encore que la société A______ SA, qui était "alors en cours de constitution", a chargé A______ SARL de signer les trois contrats et que, dès sa constitution, A______ SA, en accord avec A______ SARL, a repris et exécuté directement l'ensemble des contrats.
A______ SARL a cédé à A______ SA une créance de 294'226.60 euros fondée sur les propositions litigieuses des 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012.
Le contrat de cession précise qu'il est régi et interprété par le droit suisse et que la résolution de tout différend ou litige quel qu'il soit entre les parties, dans le cadre ou du fait de la présente convention, se fera à l'amiable ou par voie de médiation.
p. Le 29 décembre 2021, A______ SA a introduit devant le Tribunal une demande en paiement à l'encontre de B______, C______, E______, G______ LTD et SCI F______ à hauteur de 135'000'000 francs CFA, soit 205'806.17 euros, avec intérêts à 12%.
q. Par ordonnance du 28 avril 2022, le Tribunal a limité le litige à la question de la recevabilité de la demande sous l'angle de la compétence à raison du lieu et a invité les parties à se déterminer sur cette question.
r. Dans leurs déterminations du 15 septembre 2022, B______, C______, E______ et SCI F______ ont conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal se déclare incompétent à raison du lieu pour connaître de la demande du 29 décembre 2021 et la déclare irrecevable.
Ils ont fait valoir que les propositions des 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012 étaient antérieures à l'existence de A______ SA et qu'elles avaient été signées à J______ par I______ pour le compte de la société A______ au Liban, dont l'adresse libanaise figurait en bas des pages de ces propositions ainsi que sur les factures produites. La plupart desdites factures étaient également antérieures à l'existence de A______ SA ce qui signifiait que les prestations avaient été effectuées avant cette date, de sorte qu'elles n'avaient pas été exécutées par A______ SA et a fortiori pas à Genève. A______ SA jouerait ainsi sur la confusion liée à sa raison sociale identique à celle de la société libanaise A______ pour tenter de créer un for à Genève. Même après sa constitution, A______ SA n'avait exercé aucune activité d'architecture à Genève. Le siège de A______ SA se trouvait au domicile de H______, qui n'était pas architecte. Aucune indication de l'existence d'une société A______ ne se trouvait à cette adresse. L'appartement du précité servait donc de "boîte-aux-lettres" pour A______ SA.
s. Dans ses déterminations du 3 octobre 2022, A______ SA a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal se déclare compétent à raison du lieu pour statuer sur sa demande du 29 décembre 2021 et la déclare recevable.
Elle a affirmé qu'avant sa constitution, B______, C______, E______, G______ LTD et SCI F______ s'étaient adressés dans un premier temps à la société A______ SARL au Liban pour obtenir des propositions. Elle avait été inscrite au registre du commerce genevois "dans la foulée des conclusions des contrats conclus" avec ses adverses parties. Les trois projets d'immeubles avaient ensuite été conçus, développés, contrôlés et entièrement gérés à Genève, au siège de A______ SA. Les actes avaient été exécutés au nom de la société en formation par les fondateurs de la société. Les obligations contractuelles découlant des propositions des 31 octobre 2011, 15 juin 2012 et 15 octobre 2012 avaient été reprises par A______ SA dès sa constitution. Dès lors que B______, C______, E______, SCI F______ et G______ LTD s'étaient adressés à A______ SA, après sa constitution, concernant les projets de construction en question, les parties auraient convenu, en toute connaissance de cause, que les prestations seraient effectuées en Suisse.
t. Les parties ont encore répliqué, dupliqué et déposé des déterminations écrites.
u. Le 3 novembre 2022, la cause a été retenue à juger sur la compétence ratione loci du Tribunal.
D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que, dans la mesure où A______ SA concluait au versement de montants pour les études architecturales effectuées, il convenait d'examiner si ces études avaient bien été réalisées au lieu qu'elle alléguait, à savoir Genève. Aucun élément du dossier ne démontrait que A______ SA – qui n'était pas encore inscrite au Registre du commerce genevois lors de la conclusion des contrats – aurait repris et exécuté l'ensemble des contrats à Genève conformément à un accord des parties. Au contraire, les contrats et les factures avaient été établis à J______, y compris celles établies après l'inscription de A______ SA au Registre du commerce genevois. Les factures envoyées indiquaient elles aussi des coordonnées bancaires au Liban et au Congo, y compris celles établies après l'inscription de A______ SA au Registre du commerce genevois. Toute la communication en lien avec les projets immobiliers avait été effectuée par I______, domicilié au Liban durant la période dont il était question. C'est aussi ce qui semblait ressortir de la cession de créances du 8 décembre 2021. Non seulement le fait que la société libanaise A______ SARL ait cédé une créance fondée sur les contrats litigieux à A______ SA signifiait que c'était elle la véritable créancière des versements, mais en outre, ce document mentionnait que les contrats avaient été conclus "par le groupe A______". Le Tribunal avait renoncé à l'audition de H______ et I______ qui ne pouvaient être qualifiés de témoins en raison de leur position dirigeante au sein de A______ SA. Leur interrogatoire, en bonne logique parfaitement conforme aux allégués de A______ SA, ne saurait apporter de preuve déterminante, apte à modifier l'appréciation du Tribunal. Il convenait de retenir que l'essentiel de la réalisation des études des immeubles ne pouvait pas avoir été effectué à Genève, qui n'était ainsi pas le lieu d'exécution effective de la prestation caractéristique litigieuse des divers contrats. Le Tribunal n'était ainsi pas compétent à raison du lieu pour statuer sur la demande du 29 décembre 2021, de sorte qu'elle était irrecevable.
1. 1.1 En tant qu'il constate l'incompétence ratione loci du Tribunal, le jugement entrepris constitue une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 308 CPC). La valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 2 CPC).
1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 et 2 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable sauf en tant qu'il vise la société G______ LTD, qui n'a plus de personnalité juridique dès lors qu'elle a été dissoute en 2021.
1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC).
2. Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
2.2 En l'espèce, l'extrait du Registre du commerce libanais datant du 21 octobre 2011 et sa traduction (n. 24), produits par l'appelante, concernent la société libanaise A______ SARL inscrite au Registre du commerce libanais depuis 1992, de sorte que ces pièces sont antérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et auraient pu être produites devant le premier juge. L'appelante, qui ne les a produites que tardivement, soit au stade de sa réplique devant la Cour, n'expose pas les motifs qui l'auraient empêchée de les produire en première instance, de sorte que ces pièces sont irrecevables. Il en va de même de l'extrait actualisé au 27 juin 2023 de ces pièces, adressé à la Cour le 3 juillet 2023, de même que les faits qui s'y rapportent.
Les échanges de SMS produits par l'appelante (n. 25), datant de 2015, auraient également pu être produits avant que le Tribunal ne garde la cause à juger, de sorte qu'ils sont irrecevables. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de l'extrait LinkedIn de A______ SA (n. 12) produit par les intimés, de même que les faits qui s'y rapportent.
3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé son droit à la preuve en refusant d'auditionner I______ et H______ en qualité de témoins.
Elle sollicite que la Cour procède à l'administration de ces preuves.
3.1.1 Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).
Le droit à la preuve ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226), ni n'exclut l'appréciation anticipée des preuves (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 p. 376 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4D_3/2020 du 28 août 2020 consid. 4.1).
Le droit à la preuve n’existe que s’il s’agit d’établir un fait pertinent, qui n’est pas déjà prouvé, par une mesure probatoire adéquate (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 133 III 295 consid. 7.1, SJ 2007 I 513; arrêts du Tribunal fédéral 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 2.1.1.1 et 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 et les références citées).
Le droit à la preuve n’est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n’apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2 ; 145 I 167 consid. 4.1; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1).
En cas d'appréciation anticipée des preuves, il doit au moins implicitement en ressortir les raisons pour lesquelles le tribunal dénie toute importance ou pertinence aux moyens de preuve qu'il n'administre pas. Le fait que le tribunal ne se prononce ni expressément, ni implicitement sur les réquisitions tendant à l'interrogatoire des parties et l'audition de témoins viole en effet le droit constitutionnel des parties à l'examen de leurs réquisitions et à une motivation (art. 29 al. 2 Cst.; ATF 114 II 289 consid. 2b, JdT 1989 I 84; arrêt du Tribunal fédéral 5A_304/2014 du 13 octobre 2014 consid. 3.3 ss).
L'appréciation des preuves par le premier juge ne peut être revue par la Cour que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un fait important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_64/2021 du 8 décembre 2021 consid. 2.2).
3.1.2 Selon l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut administrer les preuves.
Si l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves en vertu de l'art. 316 al. 3 CPC, cette disposition ne confère pas au justiciable un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2021 du 29 août 2022 consid. 3.3.2). Elle peut administrer des preuves lorsqu'elle estime opportun de renouveler leur administration ou de donner suite à une offre que l'instance inférieure a refusé d'accueillir, de procéder à l'administration d'un moyen nouveau ou d'instruire à raison de conclusions et/ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2012 du 19 juillet 2012 consid. 4; Jeandin, op. cit., n. 4 et 5 ad art. 319 CPC).
3.1.3 Les personnes morales exercent leur capacité d'ester en justice par l'entremise de leurs organes statutaires (art. 55 al. 1 CC; ATF 141 III 80 consid. 1.3). Selon l'art. 159 CPC, lorsqu’une personne morale est partie au procès, ses organes sont traités comme une partie dans la procédure d’administration des preuves.
3.2 En l'espèce, le refus du Tribunal d'auditionner I______ et H______ n'est pas critiquable.
Le Tribunal a considéré, ce qu'il a expliqué dans sa décision de manière claire, que l'audition de ces personnes, ne serait pas susceptible de modifier sa décision, au vu des titres qui avaient été versés à la procédure, suffisamment pertinents pour régler la question de sa compétence ratione loci. Il a ainsi procédé à une juste appréciation anticipée des preuves, dès lors que les preuves qu'il a administrées, soit l'examen des trois propositions, des factures et des échanges de courriels, étaient suffisantes pour se forger une conviction quant au lieu d'exécution de la prestation caractéristique (cf. consid. 4 ci-dessous), de sorte que l'interrogatoire des administrateurs de l'appelante n'était pas nécessaire pour trancher cette question.
De plus, I______ et H______, tous deux administrateurs de A______ SA, ne revêtent pas la qualité de témoins mais d'organes de la société appelante. Ainsi, leur audition n'était pas susceptible d'apporter une preuve déterminante de nature à pouvoir modifier l'opinion du Tribunal, au regard des pièces produites, suffisantes à cet égard.
En tout état, l'appelante n'indique pas en quoi les éventuelles déclarations de ses administrateurs seraient propres à prouver que les prestations contractuelles auraient été exécutées à Genève, ni dans quelle mesure elles pourraient apporter des informations non déjà contenues dans ses allégations.
Au vu de ce qui précède, le grief de nature formelle invoqué par l’appelante, tiré de la violation de son droit à la preuve, doit être rejeté.
Il n'y a de même, et pour les mêmes motifs, pas lieu de procéder à l'administration de ces preuves devant la Cour.
4. Dans un second grief, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir déclaré sa demande irrecevable, faute de compétence ratione loci. Elle soutient que Genève constitue le lieu d'exécution effective de la prestation caractéristique des contrats conclus entre les parties.
4.1.1 Dans les causes de nature internationale, l'art. 2 CPC prévoit que les traités internationaux et la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291) sont réservés.
Une cause est de nature internationale lorsqu'elle a une connexité suffisante avec l'étranger, ce qui est toujours le cas lorsque l'une des parties possède son domicile ou son siège à l'étranger, peu importe que ce soit le demandeur ou le défendeur, et indépendamment de la nature de la cause (ATF 141 III 294 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid. 3).
En l'espèce, la cause est de nature internationale puisque les intimés sont domiciliés, respectivement, au Congo et au Gabon.
4.1.2 En l'absence de traité international applicable (art. 1 al. 2 LDIP), la compétence des tribunaux genevois doit être déterminée en application de la LDIP (art. 1 al. 1 let. a LDIP).
4.1.3 En matière contractuelle, la compétence générale des tribunaux suisses est régie par les art. 112 ss LDIP.
L'art. 112 LDIP prévoit la compétence des tribunaux suisses du domicile ou, à défaut de domicile, ceux de la résidence habituelle du défendeur, pour connaître des actions découlant d'un contrat.
Selon l'art. 113 LDIP, lorsque la prestation caractéristique du contrat doit être exécutée en Suisse, l'action peut aussi être portée devant le tribunal suisse du lieu où elle doit être exécutée.
Selon l'art. 117 al. 3 let. c LDIP, relatif au droit applicable au contrat, la prestation caractéristique correspond à la prestation de service dans le mandat, le contrat d’entreprise et d’autres contrats de prestation de service. La notion de prestation caractéristique retenue à l'art. 117 al. 3 LDIP est aussi déterminante pour l'art. 113 LDIP (arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1 et les références citées; Bonomi, CR LDIP - CL, 2011, n. 14 ad art. 113 LDIP).
En présence de plusieurs prestations contractuelles caractéristiques, comme c'est le cas d'un contrat prévoyant la planification et la direction de travaux de construction d'immeubles par un architecte, le Tribunal fédéral a retenu que le lieu d'exécution de chacune de ces prestations peut constituer un for. Il a toutefois laissé ouverte la question de savoir si la compétence appartient uniquement à la juridiction du lieu d'exécution de la prestation caractéristique qui sert de base à la demande ou si un for doit être admis au lieu d'exécution de chaque prestation caractéristique (ATF 145 III 190 consid. 3.3, 4.2 et 4.3).
S'agissant du lieu d'exécution de la prestation caractéristique, si la prestation caractéristique a été exécutée, en tout ou en partie, le lieu de l'exécution effective est déterminant, même s'il ne correspond pas à l'accord des parties ou à la loi dans la mesure où le créancier a reçu la prestation sans contester (arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid.6.2; Bonomi, op. cit., n. 25 ad art. 113 LDIP).
4.2 En l'espèce, il convient d'emblée de relever que les parties ne contestent pas l'appréciation du Tribunal selon laquelle la prestation caractéristique fondant la demande de l'appelante est la conception et les études architecturales des trois projets d'immeuble, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.
Il en va de même de la détermination du lieu d'exécution de la prestation caractéristique selon la méthode du lieu d'exécution effective choisie par le Tribunal, non remise en cause en appel.
Les parties ont un avis divergent sur le lieu de l'exécution effective du contrat, l'appelante prétendant que le lieu d'exécution était Genève, ce que les intimées contestent.
L'appelante, inscrite au Registre du commerce genevois en ______ 2013, n'existait pas au moment de la conclusion des trois contrats en 2011 et 2012. Elle allègue toutefois qu'elle était alors en constitution et que, conformément à l'accord des parties, c'est bien elle qui a réalisé les projets d'immeubles à son siège à Genève, par l'un de ses administrateurs, soit H______.
Ces allégations ne sont toutefois corroborées par aucun élément du dossier. En effet, l'appelante n'est pas mentionnée sur les trois propositions de contrat, ni sur aucune des factures produites, ni dans aucun des échanges de courriels relatifs aux études architecturales, pas plus que son siège à Genève, étant précisé, comme l'a justement relevé le Tribunal, que l'adresse genevoise figurant sur le bas de deux des propositions ne correspond pas au siège de l'appelante, qui n'a pas indiqué à quoi elle correspondait.
Le Tribunal a, en outre, correctement relevé que les trois propositions de contrat avaient été établies à J______, tout comme les factures produites, y compris celles établies après l'inscription de l'appelante au Registre du commerce genevois. La plupart des factures sont d'ailleurs antérieures à la constitution de l'appelante, ce qui corrobore encore le fait que les prestations n'ont pas pu être exécutées à Genève.
Le premier juge a aussi justement considéré que les coordonnées bancaires figurant sur les factures envoyées aux intimés indiquent des comptes bancaires au Liban et au Congo, y compris pour les factures établies après l'inscription de l'appelante au Registre du commerce genevois.
Tant les propositions de contrat que les factures mentionnent en bas de page une adresse au Liban qui correspond à l'adresse du groupe A______ dans ce pays. Qui plus est, cette adresse est située dans le même quartier que le siège de la société libanaise qui aurait cédé sa créance à l'appelante et qui a une raison sociale identique à celle-ci.
A cet égard, la cession de créances, intervenue en décembre 2021, soit après la tentative de conciliation, ne prouve pas non plus que les prestations auraient été exécutées à Genève. Au contraire, elle indique que les contrats ont été conclus par "le groupe A______ à travers la société A______ SARL" au Liban. Elle démontre, en outre, que la société libanaise, qui a cédé la créance fondée sur les contrats litigieux à l'appelante, était la véritable créancière des versements, de sorte que cette cession ne peut modifier, quel qu'en soit son contenu, le véritable lieu d'exécution des prestations caractéristiques, afin de créer un for artificiel à Genève.
Ainsi, aucun élément ne permet de retenir que l'appelante aurait repris et exécuté les contrats de 2011 et 2012 à Genève dès sa constitution en 2013, ce qu'a justement retenu le Tribunal.
Les échanges de courriels relatifs à la réalisation des projets, dont la plupart ont eu lieu avant la constitution de l'appelante, démontrent que I______, qui est architecte, était l'interlocuteur des intimés et qu'il a personnellement travaillé sur les trois projets depuis le Liban où il est domicilié.
Il était, en effet, en relation avec C______ à qui il soumettait les plans des projets d'immeubles et les avant-projets conformément à ce que prévoyait les contrats.
Qui plus est, dans un courriel de décembre 2015, I______ a clairement énoncé le lieu d'exécution des prestations en rappelant aux intimés qu'il avait choisi de réaliser les plans des trois projets au Liban afin de réduire les coûts.
A l'inverse, aucun élément ne permet d'établir que H______ aurait réalisé les prestations contractuelles à Genève. En effet, le nom de celui-ci n'apparaît pas dans les communications avec les intimés, relatives à la réalisation des trois projets, mais seulement dans un courriel de 2016 – soit après la réalisation des prestations – en lien avec le recouvrement des créances y relatives, où il se présente comme membre du département du recouvrement de la société. Qui plus est, au contraire de son père, il n'est pas architecte de sorte que l'on voit mal comment il aurait eu les compétences nécessaires pour réaliser les études architecturales litigieuses.
Enfin, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, la reconnaissance de dette produite est impropre à prouver une exécution des prestations en Suisse, dans la mesure où elle est adressée à "A______ SA" sans aucune mention d'adresse. Par ailleurs, C______ s'adresse directement à I______ à qui elle reconnait avoir confié la réalisation des trois projets, ce qui appuie encore le fait que c'est celui-ci qui a réalisé les études architecturales au Liban.
En définitive, Genève n'étant pas le lieu de l'exécution effective de la prestation caractéristique des contrats, la décision du Tribunal, qui s'est déclaré incompétent à raison du lieu et partant a déclaré la demande de l'appelante irrecevable, n'est pas critiquable.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
5. Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 6'000 fr. (art. 13 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de frais de 1'200 fr. opérée par cette dernière, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'appelante sera condamnée à verser 4'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.
L'appelante sera, par ailleurs, condamnée à s'acquitter des dépens d'appel des intimés, conjointement et solidairement, lesquels seront arrêtés à 4'980 fr. (art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours inclus (art. 25 LaCC), sans TVA, compte tenu du domicile, respectivement du siège des intimés à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare irrecevable l'appel interjeté le 16 février 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/665/2023 rendu le 13 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4812/2020 en tant qu'il est dirigé contre G______ LTD.
Déclare l'appel recevable pour le surplus.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 6'000 fr. et les met à la charge de A______ SA.
Dit que ce montant est partiellement compensé avec l'avance de frais de 1'200 fr. versée par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Condamne en conséquence A______ SA à verser 4'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Condamne A______ SA à verser 4'980 fr. à B______, C______, E______ et SCI F______, conjointement et solidairement, à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.