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Décisions | Chambre civile

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C/7494/2021

ACJC/78/2023 du 17.01.2023 sur OTPI/757/2021 ( SP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 24.02.2023, rendu le 08.01.2024, IRRECEVABLE, 5A_163/2023
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7494/2021 ACJC/78/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 JANVIER 2023

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______, Etats-Unis,

2) Monsieur B______, domicilié ______, France, tous deux appelant d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 octobre 2021, comparant tous deux par Me Julie VAISY, avocate, Harari Avocats, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3, en l'Étude de laquelle ils font élection de domicile,

et

1) C______, ayant son siège ______ [ZH], intimée, comparant par Mes Hubertus HILLERSTRÖM et Albane DE ZIEGLER, avocats, Walder Wyss SA, rue d'Italie 10, case postale 3770, 1211 Genève 3, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile,

2) Madame D______, domiciliée ______, France, autre intimée,

3) Madame E______, domiciliée ______, France, autre intimée,

4) Madame F______, domiciliée ______, France, autre intimée,

5) Madame G______, domiciliée ______, France, autre intimée,

6) Monsieur H______, domicilié ______, France, autre intimé,

7) Monsieur I______, domicilié ______, France, autre intimé,

8) Monsieur J______, domicilié ______, France, autre intimé,

9) Monsieur K______, domicilié ______, France, autre intimé,

10) Monsieur L______, domicilié ______, Etats-Unis, autre intimé,

11) Madame M______, domiciliée ______, France, autre intimée,

12) Monsieur N______, domicilié ______, France, autre intimé,

13) Madame O______, domiciliée ______, France, autre intimée, comparant tous par Mes Christelle COMECHE et Arnaud MARTIN, avocats, Aegis Partners LLC, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude desquels ils font élection de domicile,

14) Madame P______, domiciliée ______, France, autre intimée, comparant en personne,

15) Madame Q______, domiciliée ______, France, autre intimée, comparant en personne.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du ______ 2023 et par voie de publication officielle pour P______ et Q______.

 

 

 

 

 

 



A. Par ordonnance OTPI/757/21 du 12 octobre 2021, reçue par A______ et B______ le 15 octobre 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête formée par les précités (chiffre 1 du dispositif), révoqué l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 22 avril 2021 (ch. 2) et dit que le procès-verbal de l'audience du 6 septembre 2021 était à la disposition de Q______ et de P______ au greffe du Tribunal de première instance (ch. 3).

Le Tribunal a par ailleurs statué sur les frais, arrêtant les frais judiciaires à 3'360 fr. (ch. 4), les mettant à la charge de A______ et de B______, conjointement et solidairement (ch. 5), les compensant avec les avances fournies par ces derniers (ch. 6), ordonnant la restitution de 1'000 fr. à A______ et B______, pris conjointement (ch. 7), condamnant ces derniers, conjointement et solidairement, à verser 1'000 fr. à C______ à titre de dépens (ch. 8) et 3'000 fr. à I______, H______, M______, G______, J______, D______, O______, F______, K______, L______, N______ et E______, pris conjointement, à titre de dépens également (ch. 9) et disant qu'il n'était pas alloué de dépens en faveur de Q______ et de P______ (ch. 10).

Pour le surplus, le Tribunal a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B. a.a Par acte expédié le 25 octobre 2021 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé appel contre cette ordonnance, dont ils ont sollicité l'annulation.

Cela fait, ils ont principalement conclu (conclusions 2 à 14) à ce que la Cour fasse interdiction à [la banque] C______ de détruire tout document relatif à plusieurs relations bancaires ouvertes auprès de C______, soit la relation n° 1______ dont feu R______ et feu S______ étaient titulaires, la relation n° 2______ ouverte au nom de T______ SA, dont I______ était l'ayant-droit, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 8 février 2019, la relation n° 3______ ouverte au nom de U______ SA, dont H______ était l'ayant droit économique, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 28 janvier 2019, la relation n° 4______ ouverte au nom de V______ SA, dont M______ était l'ayant droit économique, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 8 février 2019, la relation n° 5______ ouverte au nom de G______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour, la relation n° 6______ ouverte au nom de J______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour, la relation n° 7______ ouverte au nom de D______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour, la relation n° 8______ ouverte au nom de E______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 20 mars 2020, la relation n° 9______ ouverte au nom de N______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 9 avril 2018, la relation n° 10_____ ouverte au nom de O______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour, la relation n° 11_____ ouverte au nom de F______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour, la relation n° 12_____ ouverte au nom de L______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à sa clôture le 11 février 2016, la relation n° 13_____ ouverte au nom de K______, pour la période allant de l'ouverture de la relation jusqu'à ce jour.

Les conclusions suivantes de A______ et B______ (numérotées de 15 à 22) sont rédigées ainsi : "[t]ous les avis de crédit, indiquant l'origine des transferts, de la relation n° 15_____ dont étaient titulaires feu S______ et feu R______ auprès de [la banque] C______, depuis l'ouverture de la relation, le 10 avril 2012, à sa clôture, le 16 janvier 2013", "[t]ous les avis de débit, indiquant le nom des bénéficiaires, correspondant aux virements effectués à partir de la relation n° 15_____ dont étaient titulaires feu S______ et feu R______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 10 avril 2012, à sa clôture, le 16 janvier 2013", "[t]ous les avis de crédit, indiquant l'origine des transferts de la relation n° 16_____ dont était titulaire feu R______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 19 juin 2007, à sa clôture, le 26 juin 2009", "[t]ous les avis de débit, indiquant le nom des bénéficiaires, correspondant aux virements effectués à partir de la relation n° 16_____ dont était titulaire feu R______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 19 juin 2007, à sa clôture, le 26 juin 2009", "tous les avis de crédit, indiquant l'origine des transferts, de la relation n° 17_____ ouverte au nom de feu R______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 2 juillet 2008, à sa clôture, le 26 août 2008", "[t]ous les avis de débit, indiquant le nom des bénéficiaires, correspondant aux virements effectués à partir de la relation n° 17_____ ouverte au nom de feu R______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 2 juillet 2008, à sa clôture, le 26 août 2008", "[t]ous les avis de crédit, indiquant l'origine des transferts, de la relation n° 18_____ ouverte au nom de feu S______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 15 mars 2011, à sa clôture, le 17 avril 2013" et "[t]ous les avis de débit, indiquant le nom des bénéficiaires, correspondant aux virements effectués à partir de la relation n° 18_____ ouverte au nom de feu S______ auprès de C______, depuis l'ouverture de la relation, le 15 mars 2011, à sa clôture, le 17 avril 2013".

A______ et B______ ont par ailleurs conclu à ce que les mesures provisionnelles restent en vigueur jusqu'à droit jugé sur le fond et à ce qu'il soit renoncé à mettre à leur charge de quelconques frais judiciaires et/ou dépens.

Ils se sont prévalus d'une violation du droit (261 CPC) et n’ont formé aucun grief en lien avec une constatation inexacte des faits.

L’appel formé par A______ et B______ comporte un état de fait, qui ne distingue pas les faits ressortant de l’ordonnance entreprise, les faits nouveaux postérieurs à la clôture des débats de première instance, les faits antérieurs non allégués devant le premier juge et ceux qui auraient été écartés à tort par le Tribunal. Dans la partie en droit, les précités ont indiqué faire valoir des faits nouveaux en lien avec la valeur de la succession et la lésion de leur réserve, lesquels n'avaient pu être allégués en première instance car un important travail de recherche avait dû être entrepris pour reconstituer les faits et procéder auxdits calculs, travail qui n'avait pu être accompli avant le dépôt de l'action en réduction déposée le jour même.

A______ et B______ ont produit des pièces non soumises au premier juge, soit une action en réduction et en restitution déposée en vue de conciliation auprès du Tribunal le 25 octobre 2021 (pièce 2), des avis de taxation des époux R______ et S______ pour les années 2002 à 2012 dans lesquels figurent les éléments retenus par l'administration, étant précisé que le document le plus récent est daté du 23 novembre 2015 (pièce 3), un acte notarié de vente concernant une villa, dénommée "W______" et située en France, daté du 30 janvier 2015 (pièce 4) et une action en reddition de comptes et en obtention de renseignements déposée le 5 octobre 2021 au Tribunal (pièce 5).

a.b Par arrêt ACJC/1497/2021 du 17 novembre 2021, la Cour, statuant sur requête formée par A______ et B______, a ordonné la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance querellée et dit qu'il serait statué sur les frais dans la décision au fond.

b. Par réponse du 18 novembre 2021, C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance querellée.

Elle s'est par ailleurs opposée à la prise en considération des pièces 3 et 4 produites par A______ et B______ avec leur appel.

c. Par réponse du 22 novembre 2021, I______, H______, M______ (née M______), G______, J______, L______, K______, D______ (née D______), O______, N______, F______ (née F______) et E______ (née E______) (ci-après et par mesure de simplification : les consorts [de] H______/I______ et [de] M______) ont conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à l'irrecevabilité des faits nouveaux mentionnés aux allégués de l'appel numérotés 8 à 11, 13, 15 à 17, 19 à 21, 33 à 38, 39 à 44, 49 à 51, 54 à 59, des pièces nouvelles 2 à 5 et des conclusions de l'appel 15 à 22, au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d.a Dans leurs déterminations du 3 décembre 2021, A______ et B______ ont soutenu qu'une erreur de plume s'était glissée dans la rédaction des conclusions 15 à 22. Par ces conclusions, ils sollicitaient, comme pour les conclusions 2 à 14, qu'il soit fait interdiction à la banque de détruire les documents listés. Ils ont, pour le surplus, persisté dans leurs conclusions d'appel.

A______ et B______ ont par ailleurs allégué que seules les pièces 3 et 4 constituaient des faux novas ainsi que les allégués de fait qui s'y rapportaient, soit les allégués 8, 49 en partie, 54, 56 et 57 (étant précisé que les allégués 54, 56 et 57 énonçaient des montants ressortant des calculs effectués afin de chiffrer l'action en réduction et en restitution déposée par leurs soins). Cela étant, il s'agissait de documents et de faits dont ils ne disposaient pas en première instance.

d.b C______ a renvoyé à ses déterminations du 18 novembre 2021.

d.c Les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ se sont opposés à la rectification des conclusions 15 à 22 par A______ et B______, en faisant valoir que le droit à la réplique se servait pas à suppléer les manquements procéduraux d'une partie.

e. Les 29 décembre 2021 et 14 janvier 2022, A______ et B______, d'une part, et les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, d'autre part, se sont encore déterminés spontanément.

f. Q______ et P______ ne se sont pas déterminées sur l'appel formé par A______ et B______ dans le délai qui leur avait été imparti par voie édictale.

g. Les parties ont été informées par pli du greffe du 3 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. C______ (ci-après : la Banque) est société ______ ayant son siège à X______ [ZH], qui exploite une banque et dispose d'une succursale à Genève.

b. R______, né le ______ 1924, est décédé le ______ 2020.

A teneur du certificat d'héritier établi le 22 mars 2021, le défunt n’a pas rédigé de dispositions testamentaires connues et a laissé pour seul héritier son fils unique, Y______, né le ______ 1949 de son premier mariage avec AD______, dissous par le divorce le ______ 1954.

c. Par déclaration du 22 janvier 2021, enregistrée le 25 janvier 2021 par la Justice de paix, Y______, a répudié la succession de son père et a sollicité l'application de l'art. 575 CC, soit que ses enfants, A______ et B______, soient mis en demeure de se prononcer avant la liquidation de la succession.

d. A______ et B______ ont accepté la succession de leur défunt grand-père le 15 février 2021.

e. En 1981, R______ a épousé en troisièmes noces S______, née [S______].

Les époux R______/S______ se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, puis ont adopté le régime de la participation aux acquêts par contrat de mariage du 22 juillet 1997. Ils ont, une nouvelle fois, modifié leur régime matrimonial par contrat de mariage du 20 juillet 2007 et ont adopté le régime de la communauté universelle de biens.

S______ est décédée le ______ 2012.

f. Feu S______ a eu trois enfants, issus d'une précédente union : I______, H______ et M______, eux-mêmes parents de G______, J______, D______, O______, F______, K______, L______, N______ et E______.

Par testament du 19 juillet 2007, feu S______ a légué sa part relative aux relations bancaires dont elle était titulaire avec son mari à raison de 60% à ses enfants et de 40% à ses neuf petits-enfants.

g. A la suite d'un accident vasculaire cérébral, feu R______ a été placé sous curatelle de portée générale le 7 décembre 2017. Son fils Y______ a été nommé curateur.

h. Y______ a, dans le cadre de sa mission de curateur, procédé à des recherches dans les archives de son père.

h.a Ses enfants, A______ et B______, ont allégué qu'il avait ainsi découvert qu'une grande partie des avoirs et revenus de feu R______ ne figurait pas dans ses déclarations de revenus et patrimoine et que ce dernier avait procédé à des libéralités en faveur des enfants de sa dernière épouse sans respecter toutes les obligations fiscales (donations mobilières).

Cela est confirmé par des courriers et par une attestation du 20 avril 2021 de la fiduciaire Z______ SA, laquelle a notamment exposé s'être rendue compte d'irrégularités dans le dossier fiscal de son client, feu R______, dans le courant de l'année 2017 et avoir alors sollicité Y______ en sa qualité de curateur pour régulariser la situation fiscale de son client.

h.b Il est admis que les bénéficiaires de ces libéralités sont les enfants de feu S______, ses petits-enfants ainsi que Q______, veuve de son frère, et P______, veuve du frère cadet de feu R______.

h.c Le montant des libéralités effectuées est admis, à l'exception des montants allégués au bénéfice de I______, H______ et M______, étant précisé que les libéralités alléguées en faveur de Q______ et P______ n'ont pas été contestées.

Leur montant est de 41'363 fr. s'agissant de G______, de 34'910 fr. s'agissant de J______, de 27'073 fr. s'agissant de D______, de 44'611 fr. s'agissant de O______, de 45'236 fr. s'agissant de F______, de 41'363 fr. s'agissant de K______, de 41'363 fr. s'agissant de L______, de 36'980 fr. s'agissant de N______, de 47'947 fr. s'agissant de E______, de 167'788 fr. s'agissant de Q______ et de 190'622 fr. s'agissant de P______.

A______ et B______ allèguent des libéralités à hauteur de, respectivement, 344'485 fr. pour I______, de 357'053 fr. pour H______ et de 634'540 fr. pour M______, tandis que les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ allèguent que celles-ci se sont élevées à, respectivement, 164'090 fr., 134'830 fr. et 337'250 fr.

i. Feu R______ et/ou son épouse étaient titulaires des comptes suivants, ouverts auprès de la banque AA_____ : un compte "19_____" ouvert le 19 septembre 2007, clôturé le 25 octobre 2010, dont feu R______ était titulaire; un compte "20_____" ouvert le 11 juin 2007, clôturé le 1er juillet 2011, dont feu R______ était titulaire; un compte "21_____" ouvert le 19 septembre 2007, clôturé le 8 octobre 2015, dont feu S______ était titulaire; un compte "22_____" ouvert le 25 mai 2011, clôturé le 16 mai 2012, dont feu S______ était titulaire et un compte "23_____" ouvert le 12 avril 2012, clôturé le 3 juillet 2012, dont feu R______ et son épouse étaient co-titulaires.

A la clôture des comptes "19_____" et "20_____", les avoirs ont été transférés, respectivement, vers les comptes "21_____" et "22_____".

j. Les avoirs du compte "23______" ont été transférés le 1er juin 2012 vers le compte n° 15_____, ouvert conjointement par les époux R______/S______ auprès de C______.

k. Outre ce compte n° 15_____, ouvert le 10 avril 2012 et clôturé le 16 janvier 2013, feu R______ et/ou son épouse étaient titulaires des relations bancaires suivantes ouvertes auprès de C______ : la relation n° 16_____, clôturée le 26 juin 2009, dont feu R______ était titulaire; la relation n° 17_____, clôturée le 26 août 2008, dont feu R______ était titulaire; et la relation n° 18_____, ouverte le 15 mars 2011, clôturée le 17 avril 2013, dont feu S______ était titulaire jusqu'à son décès.

k.a S'agissant des avoirs déposés sur le compte n° 16_____, ceux-ci provenaient d'une relation n° 1______ dont les époux R______/S______ étaient co-titulaires. C______ n'a pas fourni de documents en lien avec cette dernière relation, celle-ci ayant été clôturée plus de dix ans avant les demandes de renseignements formulées par Y______ (cf. infra let. l).

Les avoirs déposés sur le compte n° 16_____ ont par la suite été transférés sur le compte n° 17_____. Selon les informations transmises par C______ (cf. infra let. l.e), les valeurs patrimoniales ont ensuite été retirées en espèces entre le 20 et le 29 août 2008.

k.b Entre le 17 et le 24 avril 2012, les époux R______/S______ ont procédé à trois transferts identiques, de titres, lingots d'or et espèces provenant des comptes n° 4______, 3______ et 2______, dont les ayants droit sont les trois enfants de feu S______, mais sur lesquels feu R______ et S______ bénéficiaient d'une procuration, en faveur du compte n° 15_____.

k.c Par courrier du 26 juin 2012, suite au décès de S______, feu R______ a instruit C______ d'ouvrir neuf comptes pour les petits-enfants de feu S______, n° 5______ à 14_____, afin d'exécuter les dernières volontés de celle-ci. Il a émis le souhait que la part lui revenant soit virée en faveur des mêmes bénéficiaires et dans les mêmes proportions.

k.d Les avoirs du compte n° 15_____ ont été transférés, fin 2012, en faveur des comptes n° 4______ à 2______ et n° 5______ à 14_____.

k.e Le compte n° 18_____ a été crédité en 2011 de titres en provenance de la [banque] AB_____ pour une valeur totale de 734'631 euros.

A______ et B______ ont soutenu qu'entre avril 2012 et avril 2013, les fonds déposés sur ce compte, soit 664'422 euros, auraient été transférés sur les douze comptes des enfants et petits-enfants de feu S______.

l. Entre le 24 janvier 2018 et le 28 mai 2020, Y______ a adressé plusieurs demandes de renseignements à C______ concernant les relations bancaires de son père, en faisant valoir qu'il devait établir un rapport d'entrée en fonction au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, auquel devait être joint un inventaire des biens et des dettes éventuelles de son protégé.

l.a Dans ce cadre, C______ a fourni à Y______, le 30 avril 2018, les relevés de compte et de portefeuille des relations n° 16_____, 17_____ et 15_____ pour les dix années précédentes et jusqu'à leur clôture.

l.b Y______ a, à plusieurs reprises, requis davantage d'informations de la part de la Banque, soutenant que les données transmises étaient incomplètes et erronées. C______ a soutenu et confirmé à plusieurs reprises l'exactitude des informations transmises.

Par courrier du 27 juin 2018, Y______ a requis de C______ qu'elle lui donne un certain nombre d'informations et de documents, soit : l'origine et la destination des titres dont les comptes ouverts au nom de feu R______ avaient enregistré la vente ou l'achat; la destination de tous les "paiements" inscrits sous ce libellé au débit des comptes; la destination des lingots d'or achetés; l'intégralité des relevés du compte 24_____, dont la Banque tentait de dissimuler l'existence; l'intégralité des mouvements à destinations des trois comptes simultanément ouverts auprès de C______ au nom des enfants de feu S______ et des neuf comptes simultanément ouverts au nom des petits-enfants de celle-ci; plus généralement, l'intégralité des mouvements interbancaires venant accroître ou amputer le patrimoine mobilier de feu R______. Pour le surplus, Y______ a demandé à la Banque la confirmation qu'aucun compte n'était ouvert au nom de feu S______, compte dont feu R______ serait devenu ayant droit après son décès.

l.c Le 29 juin 2018, C______ a refusé de transmettre toute information concernant la relation 24_____, dont feu R______ n'était ni titulaire ni ayant droit économique. Elle a en revanche fourni à Y______, le 10 septembre 2018, les analyses de portefeuille et les copies des pièces de caisse des comptes n° 16_____ et 17_____, les avis de débits et crédits, les confirmations d'inscriptions en compte et les confirmations de sortie de dépôt du compte n° 15_____, les copies du testament de feu S______ ainsi que de la lettre du 26 juin 2012 signée par feu R______ (cf. supra k.c).

Le 3 décembre 2018, C______ a transmis des documents concernant la relation n° 18_____, soit les documents d'ouverture de compte, relevés de compte, relevés de fortune, avis de débits et de crédits, confirmations d'inscription en compte et de sortie de dépôt, décomptes d'achat et de vente, décomptes "corporate actions", relevés fiscaux, attestations en capital et intérêts, confirmations relatives au courrier banque restante, correspondance et documents de succession.

l.d A réception de ces documents, Y______ a, par courrier du 15 janvier 2019, requis de la Banque qu'elle le renseigne sur l'origine de titres et lingots d'or inscrits en compte en avril 2012, soit peu avant le décès de feu S______.

Par courriers des 31 janvier et 25 mars 2019, C______ a répondu que les époux R______/S______ bénéficiaient d'une procuration sur les relations bancaires depuis lesquelles les transferts en question avaient été effectués. Ceux-ci n'en étaient en revanche ni les titulaires, ni les ayants-droits économiques. La banque n'était dès lors pas autorisée à transmettre à Y______ les documents relatifs auxdits comptes.

C______ a fourni des documents supplémentaires, soit les relevés de fortune de la relation n° 15_____.

l.e Par courrier du 16 mars 2020, Y______ a adressé à C______ une injonction du Tribunal de protection visant à ce que la Banque lui communique le nom des titulaires des trois relations n° 4______ à 2______ et des neuf relations n° 5______ à 13_____, le nom du titulaire de la relation n° 24_____, ainsi que l'ensemble des mouvements portés au débit des comptes ouverts au nom de feu R______ ou dont il était l'ayant droit économique, et portés au crédit de tout compte tiers et atteste que l'ensemble des informations transmises traduisaient exhaustivement les mouvements ayant diminué le patrimoine de feu R______.

Le 28 mai 2020, après avoir refusé de donner suite au courrier susvisé, C______, interpellée directement par le Tribunal de protection, a transmis l'identité des ayants droit économiques des douze relations susvisées.

V______ SA et M______ étaient, respectivement, la titulaire et l'ayant droit économique de la relation n° 4______, clôturée le 8 février 2019.

U______ SA et H______ étaient, respectivement, la titulaire et l'ayant droit économique de la relation n° 3______, clôturée le 28 janvier 2019.

T______ SA et I______ étaient, respectivement, la titulaire et l'ayant droit économique de la relation n° 2______, clôturée le 8 février 2019.

G______, J______, D______, E______, N______, O______, F______, L______ et K______ étaient les titulaires et ayants droit économiques des relations n° 5______ à 13_____.

Feu R______ était au bénéfice d'une procuration sur ces comptes.

D. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2021, fondé sur les art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC, 400 al. 2 CO et 522 ss CC, A______ et B______ ont conclu, sur mesures provisionnelles, à ce qu'interdiction soit faite à C______ de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R______, feu S______ ainsi que les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, Q______ et P______ étaient ou avaient été titulaires, ayants droit économiques ou sur lesquelles ils disposaient ou avaient disposé d'une procuration auprès de la Banque et à ce que soit ordonnée la saisie conservatoire de 9'202'866 fr. 55 sur les comptes ouverts dans les livres de C______ dont les précités étaient titulaires, respectivement ayants droit économiques.

A______ et B______ ont allégué que, le jour des funérailles de feu R______, une ancienne employée du couple avait remis à Y______ la photocopie d’un courrier rédigé par feu S______ le 20 septembre 1998 et destiné à ses enfants, dans lequel elle leur expliquait comment procéder pour s’approprier la fortune dissimulée du couple. Selon A______ et B______, ce courrier et le fait que le couple avait changé plusieurs fois de régime matrimonial démontraient que le défunt entendait privilégier, en cas de décès, son épouse et les descendants de celle-ci plutôt que ses héritiers légaux.

Ils ont produit, sous pièce 59bis de leur chargé, la photocopie du courrier manuscrit rédigé par feu S______ le 20 septembre 1998, signé « Maman » et destiné à ses enfants, indiquant notamment où se trouvaient certains objets (les clefs de « W______ », de « Genève », des coffres, le livret de mariage, le contrat de mariage, etc.) et listant les banques auprès desquelles ses enfants étaient au bénéfice de procurations ainsi que les terrains dont ses enfants étaient propriétaires en commun.

Faute d’avoir pu obtenir les documents bancaires relatifs aux comptes ouverts par leur défunt grand-père, et notamment le nom des bénéficiaires des virements bancaires effectués dans le but d’éluder les règles successorales (respect des réserves successorales), A______ et B______ ont soutenu qu'ils n’étaient pas en mesure de chiffrer la lésion de leur réserve. Ils entendaient former une action en reddition de compte à l’encontre de C______, puis, une action en réduction et en restitution des libéralités pour cause de mort. Il était ainsi urgent d’assurer la conservation des documents par la banque. Quant à la saisie des fonds, elle était justifiée par le risque important de fuite des avoirs dès lors que les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, Q______ et P______ étaient domiciliés à l’étranger.

b. Par ordonnance du 22 avril 2021, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a fait interdiction à C______ de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R______ et feu S______ mais également les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, Q______ et P______ sont ou étaient titulaires, ayants droit économiques, ou sur lesquelles ils disposent ou disposaient d’une procuration, auprès de C______.

Il a rejeté la requête pour le surplus, retenant notamment que la conclusion tendant au prononcé d’une saisie conservatoire consistait en un « séquestre déguisé ».

c. Dans ses déterminations du 24 juin 2021, C______ s’en est rapportée à justice s’agissant des conclusions prises par A______ et B______ sur mesures provisionnelles.

Elle a fait valoir que les demandes formulées par Y______ visaient à récolter des informations concernant des avoirs dont feu R______ était ou avait été titulaire ou ayant droit économique, informations qu’elle avait transmises contrairement à ce que prétendaient le père et les fils A______/B______. Les informations concernant des tiers étant couvertes par le secret bancaire, elle ne les avait transmises qu'ultérieurement, sur instruction du Tribunal de protection. Elle relevait que Y______ et ses fils avaient fait preuve de mauvaise foi en exigeant d’elle qu’elle établisse des actes bancaires, tout en affirmant détenir des documents prouvant que ces actes seraient faux, mais en refusant de communiquer des informations précises qui lui auraient permis de clarifier la situation.

d. Le 9 juillet 2021, les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ ont conclu, à titre préalable, à ce que le Tribunal écarte de la procédure les moyens de preuve produits par A______ et B______ sous pièces 8 à 59ter et 63 et ordonne aux précités de produire l’original du courrier du 20 septembre 1998 (pièce 59bis).

Ils ont conclu, principalement, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que A______ et B______ soient condamnés à fournir des sûretés à hauteur de 200'000 fr.

Selon les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, la présente procédure avait pour toile de fond l’existence d’un conflit entre les intérêts du de cujus et ceux de son curateur, soit son fils, également père de A______ et B______, lesquels étaient représentés par le même conseil que leur père et se trouvaient en possession de l’ensemble des documents minutieusement récoltés par ce dernier.

Ils ont notamment fait valoir que A______ et B______ n’avaient pas rendu vraisemblable le montant de leur part réservataire, ni la lésion de celle-ci, ni même l’intention manifeste du de cujus de léser leur réserve héréditaire. Les précités n’avaient par ailleurs pas mentionné l’existence d’un bien immobilier à Genève dont ils avaient acquis une part de copropriété correspondant à la moitié de la valeur de ce bien, d’un compte bancaire auprès de AC_____ dont le solde s’élevait, le 13 mai 2012, à 1'237'603 fr. 44 et de comptes dont le défunt était titulaire auprès d’établissements bancaires en France.

Pour le surplus, les demandeurs n’avaient pas rendu vraisemblable leur prétention en reddition de compte, dont l’étendue était, quoi qu’il en soit, abusive.

e. Q______ et P______, régulièrement citées, ne se sont pas déterminées dans le délai imparti.

f. Lors de l’audience du Tribunal du 6 septembre 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, étant précisé que Q______ et P______ n’ont pas comparu.

A l’issue de l’audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a considéré d'une part que le droit de A______ et B______ à être renseignés était de nature contractuelle en tant qu'il portait sur les relations bancaires dont feu R______ était titulaire auprès de C______. En l'occurrence, la banque avait remis au père de ceux-ci, qui les leur avait remis à son tour, de très nombreux documents (incluant, selon les comptes, les relevés de compte, de fortune et de portefeuille des dix années précédant la demande jusqu'à leur clôture, les analyses de portefeuilles et les copies des pièces de caisse, les avis de débits et de crédits, les confirmations d'inscription en compte et les confirmations de sortie de dépôts, les documents d'ouverture de compte, les relevés fiscaux, les correspondances, etc.) et A______ et B______ n'avaient pas allégué ni, a fortiori, rendu vraisemblable quels documents ou informations la banque aurait omis de leur fournir en lien avec ces comptes. Partant, la réalisation des conditions au prononcé de mesures de conservation de ces documents n'apparaissait pas vraisemblable.

Le Tribunal a d'autre part considéré que le droit aux renseignements de A______ et de B______ était de nature successorale en tant qu'il portait sur les comptes dont feu R______, respectivement son épouse prédécédée, était ayant droit économique ou sur lesquels il disposait ou avait disposé d'une procuration, ainsi que les comptes dont I______, H______, M______, G______, J______, D______, O______, F______, K______, L______, N______, E______, Q______ et P______ étaient ou avaient été titulaires, ayants droit économiques ou sur lesquels ils disposaient ou avaient disposé d'une procuration. Les conclusions, telles que formulées par les précités, étaient toutefois trop peu précises et s'apparentaient plus à une fishing expedition qu'à une préservation de documents potentiellement nécessaires pour leur permettre de déterminer la mesure de la lésion de leur réserve.

Par ailleurs, A______ et B______ n'avaient pas rendu vraisemblable le bien-fondé de leurs prétentions au fond, ni l'urgence de prononcer les mesures requises. En effet, ils n'avaient pas rendu vraisemblable que les libéralités et/ou aliénations faites par feu R______ avant le ______ 2015 auraient été consenties par celui-ci dans l'intention manifeste de porter atteinte à la réserve de ses propres héritiers. Le fait que les époux R______/S______ aient fait évoluer leur régime matrimonial n'apparaissait pas décisif à cet égard et le courrier de feu S______ du 20 septembre 1998 se limitait à fournir aux héritiers de celle-ci des informations quant à la composition et à la situation de certains biens des époux et ne contenait aucun élément propre à rendre vraisemblable une intention du de cujus de favoriser ses héritiers au détriment de ceux de feu R______. Aucune urgence ne pouvait, pour le surplus, être retenue, même sous l'angle de la vraisemblance, faute de risque de destruction des documents relatifs à d'éventuelles libéralités faites par feu R______ dans les cinq années antérieures à son décès, soit depuis le ______ 2015.

A______ et B______ étaient par conséquent déboutés de leurs conclusions en conservation de ces documents bancaires.

Ils ont également été déboutés de leurs conclusions en blocage d'un montant de 9'202'866 fr. 55, point sur lequel ils n'ont pas formé d'appel.

EN DROIT

1.             1.1 L’appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Dans les procédures en reddition de comptes, la pratique est d'apprécier la valeur litigieuse en fonction des prétentions pécuniaires auxquelles les renseignements ou documents requis peuvent servir de fondement (ATF 126 III 445 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1; 4A_38/2011 du 6 avril 2011 consid. 1 ; 5A_479/2008 du 11 août 2009 consid. 3.2 et 4A_413/2007 du 10 décembre 2007 consid. 1.2). Le demandeur est toutefois dispensé d’en chiffrer exactement la valeur litigieuse (ATF 127 III 396 consid. 1b/cc; arrêt du Tribunal fédéral 5A_479/2008 susmentionné).

Les appelants fondent leurs conclusions en mesures provisionnelles tendant à ce qu’il soit fait interdiction à la banque de détruire tout document relatif à diverses relations bancaires sur leur prétendu droit aux renseignements (action en reddition de compte).

Au vu du montant des avoirs sur lesquels portent la reddition de compte envisagée et les mesures provisionnelles requises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

Le présent appel, interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi, est recevable (art. 130 al. 1, 142 al. 1 et 3, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l’art. 310 let. b CPC).

1.3 Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), dans le cadre de laquelle, sauf exceptions (cf. art. 255 CPC), la maxime des débats s'applique (art. 55 CP; Haldy, Commentaire romand, CPC, 2019, n. 16 ad art. 55 CPC). La maxime de disposition est par ailleurs applicable (art. 58 al. 1 CPC).

Le juge se limite à la vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3).

2. Les appelants ont modifié leurs conclusions en appel.

Les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ concluent à l’irrecevabilité des conclusions d’appel 15 à 22 formulées par les appelants.

2.1.1 Selon l’art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée en appel que si les conditions fixées à l’art. 227 al. 1 sont remplies (let. a) et que la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

Selon l’art. 227 al. 1 CPC, la demande ne peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l’une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

La restriction des conclusions ne constitue pas une conclusion nouvelle mais un retrait partiel de cette demande. Pour ce motif, la réduction des conclusions est admissible en tout temps, c'est-à-dire jusqu'au début des délibérations (art. 227 al. 3 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_184/2013 du 26 avril 2013 consid. 3.2).

2.1.2 Les parties doivent formuler des conclusions précises et déterminées, qui puissent être reprises dans le dispositif du jugement en cas d'admission de la demande (ATF 142 III 102 consid. 5.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_581/2021 du 3 mai 2022 consid. 3.2; 4A_428/2018 du 29 août 2019 consid. 4.2.1).

Il y aurait formalisme excessif à pénaliser une partie pour une formulation malheureuse ou pour un libellé imprécis de ses conclusions, lorsque leur sens peut être d'emblée déterminé au vu de la motivation de la demande, des circonstances du cas à trancher ou de la nature juridique de l'action introduite (arrêts du Tribunal fédéral 5A_775/2018 du 15 avril 2019 consid. 4.1; 5A_377/2016 du 9 janvier 2017 consid. 4.2.3).

2.2 Devant le premier juge, les appelants ont conclu à ce qu’il soit fait interdiction à la Banque de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R______, feu S______, les consorts [de] H______/I______ et [de] M______, Q______ et P______ étaient ou avaient été titulaires, ayants droits économiques ou sur lesquelles ils disposaient ou avaient disposé auprès de la Banque. En appel, ils sollicitent la conservation des documents relatifs à certaines relations bancaires (n° 1______ dont feu R______ et feu S______ étaient titulaires, n° 2______ ouverte au nom de T______ SA dont I______ était l’ayant droit économique, n° 3______ ouverte au nom de U______ SA dont H______ était l’ayant droit économique, n° 4______ ouverte au nom de V______ SA dont M______ était l’ayant droit économique, n° 5______ dont G______ est titulaire, n° 6______ dont J______ est titulaire, n° 7______ dont D______ est titulaire, n° 8______ dont E______ était titulaire, n° 9______ dont N______ était titulaire, n° 10_____ dont O______ est titulaire, n° 11_____ dont F______ est titulaire, n° 12_____ dont L______ était titulaire et n° 13_____ dont K______ est titulaire ainsi que n°15_____ dont les époux R______/S______ étaient titulaires, n° 16_____ et 17_____ dont feu R______ était titulaire et n° 18_____ dont feu S______ était titulaire).

En précisant les comptes bancaires visés par leur requête, les appelants ont restreint leurs conclusions. Leurs conclusions d’appel sont dès lors recevables de ce point de vue.

Les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ font valoir que les conclusions 15 à 22 prises par les appelants en appel seraient irrecevables car formulées de manière ni claire et ni univoque.

Lesdites conclusions comportent en effet une erreur. La motivation de l'appel permet toutefois de comprendre qu'elles visent la conservation des divers documents énumérés, à l'instar des conclusions 2 à 14.

Les conclusions 15 à 22 prises par les appelants sont donc recevables, malgré leur libellé lacunaire.

3. En appel, les appelants ont produit des pièces nouvelles, que la Banque (pièces 3 et 4) et les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ (pièces 2 à 5) tiennent pour irrecevables.

La Banque et les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ considèrent, respectivement, les allégués des appelants 8, 49, 54, 56 et 58 pour l’une, et les allégués 8 à 11, 13, 15 à 17, 19 à 21, 33 à 38, 39 à 44, 49 à 51, 54 à 59 pour les autres, irrecevables, motif pris de ce que le mémoire d'appel comporte une partie "En fait" qui ne distingue pas entre les faits admis par le Tribunal, ceux qui n’auraient pas été retenus par celui-ci et les faits nouvellement allégués en appel.

3.1.1 Selon l’art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s’ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s’ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

S’agissant des faux novas, à savoir les faits et moyens de preuve qui existaient déjà lors de la fixation de l’objet du litige devant la première instance: il incombe au plaideur qui désire les invoquer devant l’instance d’appel de démontrer qu’il a fait preuve de la diligence requise, si bien qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas les avoir invoqués ou produits devant la première instance. La partie qui se prévaut d’avoir usé de la diligence requise doit exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve ou le fait nouveau n’a pas été porté plus tôt à la procédure, étant rappelé – s’agissant des faux nova – qu’il incombe, en première instance, à chaque plaideur d’exposer l’état de fait de manière soigneuse et complète ainsi que de faire état de tous les moyens de preuve propres à établir les faits pertinents (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad art. 317 CPC et les références citées).

3.1.2 Conformément à l’art. 221 al. 1 let. d CPC, les allégations de fait doivent être contenues dans la demande. Cette disposition exige des allégations détaillées, qui doivent permettre de préciser les preuves offertes pour chaque fait (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 17 ad art. 221 CPC).

L'allégation globale d'un ensemble de faits par simple référence aux pièces produites n'est pas suffisante; à plus forte raison, un ensemble de faits passé entièrement sous silence dans les mémoires, même s'il peut être reconstitué par l'étude des pièces, n'est pas valablement introduit dans le procès, et il est donc nouveau si une partie s'avise de s'en prévaloir en appel seulement. Un renvoi à des annexes à la demande pour compléter les allégations de faits n'est admissible que très exceptionnellement et suppose notamment que les faits soient allégués dans leurs traits ou contours essentiels dans le mémoire lui-même (arrêts du Tribunal fédéral 4A_429/2019 du 13 novembre 2019 consid. 4.2; 4A_309/2013 du 16 décembre 2013 consid. 3.2).

3.1.3 Selon l’art. 311 al. 1 CPC, il incombe au recourant de motiver son appel, c’est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. Pour satisfaire à cette exigence de motivation, il ne suffit pas à l’appelant de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l’instance d’appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu’il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1).

3.2.1 En l’espèce, les pièces 3 et 4 des appelants, soit, respectivement, les avis de taxation des époux R______/S______ pour les années 2002 à 2012 et un acte de vente du 30 janvier 2015, sont des pièces antérieures à la clôture des débats de première instance. Les appelants font valoir qu'un important travail de recherche a été entrepris pour identifier et récolter les pièces leur permettant notamment de déposer une action en réduction et en restitution, introduite le 25 octobre 2021 (pièce 2). Cela étant, ils ne soutiennent pas que ces pièces ne faisaient pas partie du lot de documents qu’ils avaient déjà en leur possession au moment de l’introduction de la présente procédure. En tout état, il appartenait aux appelants d'entreprendre les recherches nécessaires avant de déposer leur requête, afin que celle-ci soit complète, étant relevé qu'une période de six mois s'est écoulée entre le décès de feu R______ et l'introduction de la présente procédure.

Les pièces 3 et 4, ainsi que les faits s'y rapportant, notamment les allégués 8, 49, 54, 56 et 57 de l'appel – les appelants admettant que ces faits découlent desdites pièces – sont par conséquent irrecevables.

S'agissant des pièces 2 et 5, les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ soutiennent que les appelants, qui étaient en possession de toutes les informations utiles, auraient pu déposer ces deux actions avant que la cause ne soit gardée à juger par le premier juge et les produire devant le Tribunal. La question de leur recevabilité peut demeurer indécise, dans la mesure où ces pièces permettent uniquement d'établir que les appelants ont introduit deux nouvelles actions auprès du Tribunal, ce qui n'a pas d'incidence sur l'issue du litige.

3.2.2 Reste à statuer sur les faits nouveaux introduits par les appelants.

Selon les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ et la Banque, les faits présentés sous les allégués 8 à 11, 13, 15 à 17, 19 à 21, 33 à 38, 39 à 44, 49 à 51, 54 à 59 n’ont pas été articulés par les appelants devant le premier juge et sont irrecevables en appel. Certains des allégués litigieux consistent en des raisonnements ou des déductions et non des allégations de faits (allégués 17, 35 à 38, 42, 43, 50, 51 et 55) et d'autres figurent dans l'ordonnance entreprise (allégués 15, 33, 34, 44); il ne s'agit donc pas de faits nouvellement allégués en appel, de sorte que la question de leur recevabilité ne se pose pas. Les allégués 39 à 41 portent sur des faits exposés dans leurs contours essentiels devant le premier juge et sont admissibles en appel. Les allégués 9, 10, 11, 13, 16 et 19 à 21 n'ont en revanche pas été valablement exposés dans la requête de mesures provisionnelles, ce qui les rend irrecevables; le fait qu'ils ressortent pour certains de pièces produites en première instance n'y change rien. Enfin, les allégués 58 et 59 se rapportent à des faits postérieurs à la clôture des débats de première instance; ils sont ainsi recevables dans la mesure de leur pertinence.

4. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir considéré qu'ils n'avaient pas rendu vraisemblable le bien-fondé de leurs prétentions et le caractère urgent de leur requête.

4.1.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

En particulier, il peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment prononcer une interdiction (art. 262 let. a CPC).

4.1.2 Une mesure provisionnelle ne peut exister isolément. Elle trouve sa justification dans l'existence d'un litige au fond. Elle naît et meurt avec la procédure dont elle dépend. Il faut donc, en premier lieu, que la partie requérante possède une prétention au fond à l'encontre de la partie visée (Stucki/Pahud, Le régime des décisions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles du Code de procédure civile, in SJ 2015 II 1, p. 2). Le requérant doit ainsi avant tout rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, faute de quoi la requête doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire de passer à l'examen des conditions inscrites à l'art. 261 al. 1 let. a et b CPC (ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3).

L'octroi des mesures provisionnelles suppose ensuite la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant. La simple possibilité d'une atteinte exclut le prononcé d'une mesure, quand bien même le préjudice en résultant serait difficilement réparable. Il en va de même de la probabilité élevée qu'un acte préjudiciable soit commis si ses conséquences apparaissent aisément réparables. En définitive, le juge doit avoir l'impression que, sans la mesure requise, l'atteinte se produira et causera un préjudice difficilement réparable (Stucki/Pahud, op. cit., p. 4).

Le requérant doit enfin rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

4.1.3 Le droit privé suisse ne contient pas de droit général aux renseignements. Dans chaque cas, il faut examiner quelle disposition légale fonde le droit à l’information. Le droit de l'héritier à obtenir des informations peut avoir un fondement contractuel ou successoral. Lorsque l'héritier exerce par une action séparée une prétention de nature contractuelle fondée sur les contrats conclus par le de cujus (art. 400 CO), il doit établir d'une part la relation contractuelle du défunt avec les tiers intimés, d'autre part l'acquisition de cette prétention par voie successorale. Même si la prétention a un fondement contractuel, il n'en demeure pas moins que la légitimation pour faire valoir ce droit relève, elle, du droit successoral (ATF 138 III 728 consid. 3.5).

En ce qui concerne les avoirs du défunt au jour du décès, les héritiers – qu’ils soient réservataires ou non – ont droit à toutes les informations sur ces avoirs, qui font partie de la masse successorale. Les héritiers qui ont droit à la délivrance des biens de la succession sont les titulaires de ce droit aux renseignements à l’égard de la banque. Leur droit est de nature contractuelle, puisqu’il résulte du contrat qui liait le défunt à la banque et a son fondement dans l’art. 400 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 du 18 juillet 2019 consid. 4.2.1 et les références).

En ce qui concerne les transferts effectués par le de cujus antérieurement à son décès, la question de l’étendue du droit aux renseignements de nature contractuelle fondé sur l’art. 400 al. 1 CO est l’objet de controverses. Toutefois, la jurisprudence reconnaît aux héritiers, en plus du droit aux renseignements pour pouvoir mettre en cause la responsabilité de la banque pour inexécution ou mauvaise exécution du mandat, le droit d’obtenir de la banque des renseignements sur les versements et virements effectués par le défunt antérieurement à son décès en faveur de tiers. Conformément à la jurisprudence genevoise, seul l’héritier réservataire dispose d’un droit contractuel aux renseignements à l’égard de la banque au sujet des transferts effectués de son vivant par le défunt en faveur de tiers, ces informations devant lui permettre d’exercer l’action en réduction (art. 522 ss CC) ou de faire respecter l’obligation de rapporter de ses cohéritiers (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 précité consid. 4.2.2.2 et les références; ACJC/620/2019 du 10 avril 2019 consid. 6.1.1). L'héritier réservataire peut en particulier être renseigné sur les transactions exécutées du vivant du titulaire aussi longtemps que remontent les documents et pièces à disposition de la banque, la période couverte devant être au moins de dix ans dès la demande (Guggenheim, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 2014, n. 450-451).

Le droit de nature contractuelle des héritiers aux renseignements ne saurait être illimité, autrement dit avoir exactement la même étendue que le droit du défunt aux renseignements envers la banque, et cela lorsque ce n’est pas la responsabilité de la banque qui est en jeu (art. 398 al. 2 CO), mais seulement les versements et virements antérieurs au décès effectués correctement sur ordre du défunt. En effet, le droit à l’information des héritiers se heurte au droit du défunt au maintien de sa sphère privée, laquelle englobe non seulement les faits de nature strictement personnelle, mais aussi les aspects d’ordre économique relatifs à son patrimoine et donc les ordres qu’il a donnés, qu’il ait expressément ou non ordonné à la banque d’en maintenir la confidentialité. Dès lors que toute action est subordonnée à l’existence d’un intérêt juridique du demandeur, seul l’héritier réservataire dont la réserve est lésée et dont l’action en réduction n’est pas périmée, ou l’héritier légal qui dispose d’un droit au rapport et au partage sont en droit d’obtenir des renseignements sur les opérations effectuées par le défunt de son vivant. En revanche, l’intérêt du défunt à la confidentialité de ses décisions économiques doit prévaloir sur l’intérêt de l’héritier qui ne dispose d’aucun de ces droits. Lorsqu’un transfert ordonné par le défunt lèse la réserve ou le droit au rapport, la banque doit communiquer aux héritiers le nom du tiers bénéficiaire du transfert, contre lequel ils ne peuvent agir en réduction ou en rapport que s’ils en connaissent l’identité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 précité consid. 4.5.2).

4.1.4 Lorsque l’héritier se prévaut d’un droit à l’information sur des avoirs dont le défunt était seulement l’ayant droit économique, il fait valoir un droit successoral, et non pas contractuel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_288/2012 du 9 octobre 2012 consid. 3.5). En effet, dès lors que l’ayant droit économique n’est pas partie à la relation contractuelle avec la banque, et que, pour la banque, les rapports entre le titulaire du compte et l’ayant droit économique sont des res inter alios acta, l’héritier n’a pas de droit contractuel aux renseignements en ce qui concerne ces valeurs patrimoniales dont le défunt n’était qu’ayant droit économique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 précité consid. 4.2.2.2).

En droit suisse, le droit successoral aux renseignements découle des art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC. L’art. 607 al. 3 CC oblige les héritiers en possession de biens de la succession ou débiteurs envers celle-ci d’en informer avec précision les cohéritiers. L’art. 610 al. 2 CC leur fait plus largement l’obligation de se communiquer tous les renseignements sur leur situation personnelle envers le défunt propre à permettre une égale et juste répartition de la succession. Ces dispositions visent toutes les informations qui, considérées objectivement, sont potentiellement de nature à influencer le partage de quelque manière que ce soit. Si, à rigueur de texte, ce droit de l’héritier n’est reconnu qu’à l’encontre des cohéritiers, la jurisprudence l’a étendu par analogie à l’égard des tiers, non seulement au sujet de biens en leur possession dès lors que ceux-ci se trouvent potentiellement liés à l’héritier du point de vue du droit des successions, comme un donataire contre lequel peut être introduite une action en réduction (art. 522 ss CC), mais aussi au sujet de l’identité des tiers auxquels ces biens auraient été remis ou cédés et qui en seraient devenus possesseurs ou ayants droit, de façon à ce que l’héritier puisse ensuite agir en restitution contre ceux-ci. En d’autres termes, l’héritier a le droit d’exiger d’une banque des renseignements au sujet de biens faisant potentiellement partie de la succession et qu’elle détient mais aussi au sujet de l’identité de tiers auxquels ces biens auraient été remis ou cédés et dont ceux-ci seraient devenus titulaires ou ayants droit économiques. Ce droit aux renseignements présuppose toutefois que l’héritier ait vraisemblablement un intérêt juridique à la restitution de ces biens, que ce soit par l’action en réduction et restitution ou par l’action en rapport et en partage. Ce droit de nature successorale appartient à chaque héritier individuellement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 précité consid. 4.3).

4.1.5 Les héritiers qui ne reçoivent pas le montant de leur réserve peuvent agir en réduction jusqu’à due concurrence contre les libéralités qui excèdent la quotité disponible (art. 522 al. 1 CC).

La quotité disponible se calcule suivant l’état de la succession au jour du décès. Sont déduits de l’actif les dettes, les frais funéraires, les frais de scellés et d’inventaire et l’entretien pendant un mois des personnes qui faisaient ménage commun avec le défunt (art. 474 CC). Les libéralités entre vifs s’ajoutent aux biens existants, dans la mesure où elles sont sujettes à réduction (art. 475 CC).

Pour que la réserve du demandeur soit lésée, il ne suffit pas que celui-ci ne reçoive pas (à titre d’héritier) la fraction de la succession à laquelle il a droit. Il faut encore, selon l’art. 522 al. 1 CC, que le réservataire n’ait pas reçu, sous une autre forme, « le montant de sa réserve ». Le réservataire doit donc se laisser imputer sur sa réserve les avantages que le de cujus lui a accordés, tels que les biens reçus à titre d’avancement d’hoirie (Steinauer, Le droit des succession, 2015, n. 816 ss).

La réserve était, pour un descendant, des trois quarts de son droit de succession, en application du droit en vigueur au moment du décès de R______ (art. 471 ch. 1 aCC, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022, art. 15 Tit. fin. CC).

Selon l’art. 527 CC, sont sujettes à réduction comme les libéralités pour cause de mort, notamment les donations que le disposant pouvait librement révoquer et celles qui sont exécutées dans les cinq années antérieures à son décès, les présents d’usage exceptés (ch. 3) et les aliénations faites par le défunt dans l’intention manifeste d’éluder les règles concernant la réserve, sans limite rétrospective dans le temps (ch. 4).

Pour ce dernier point, le de cujus doit avoir agi avec conscience et volonté en renonçant, par exemple, à sa part de bénéfice de la liquidation du régime matrimonial, lésant du même coup la réserve de ses enfants (art. 216 al. 2 CC). La preuve de cette intention manifeste doit être apportée par l'héritier; il faut pour cela qu'il parvienne à démontrer clairement le dol éventuel, celui-ci devant s’imposer comme une évidence aux yeux du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2016 consid. 2.2.2; Leupin, La prise en compte de la masse successorale étrangère en droit successoral suisse, Etude de droit suisse et de droit comparé, 2010, p. 67).

4.1.6 Par procuration bancaire, l'on désigne le pouvoir de représentation conféré par le client d'une banque à une personne qui le représente à l'égard de celle-ci et qui est appelée le fondé de procuration (Guggenheim, op. cit., n. 1563).

Les pouvoirs de représentation découlant d’un acte juridique s’éteignent par la perte de l’exercice des droits civils, par la faillite, par la mort ou par la déclaration d’absence, soit du représenté, soit du représentant, à moins que le contraire n’ait été ordonné ou ne résulte de la nature de l’affaire (art. 35 CO). Après l'extinction de la procuration, le fondé de procuration perd son droit à être renseigné sur le compte concerné, même pour une période antérieure à ladite extinction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_457/2008 du 8 mai 2009 consid. 2.1).

4.2 En l’espèce, les fondements d’un éventuel droit à être informé sur les comptes visés par la demande de mesures provisionnelles formée par les appelants étant différents selon qu’il s’agisse de relations dont le de cujus était le titulaire ou dont il était l’ayant droit économique, ou encore de relations dont il n’était que fondé de procuration, il sied de procéder en deux étapes, comme l’a fait à juste titre le premier juge.

4.2.1 Les appelants critiquent tout d’abord le raisonnement du premier juge qui a refusé d’ordonner les mesures provisionnelles sollicitées par les appelants concernant les relations bancaires dont le de cujus était titulaire, considérant que les appelants n'avaient pas allégué ni rendu vraisemblable que la banque aurait omis de leur fournir des documents ou des informations déterminés.

Les appelants, en tant qu'héritiers réservataires, bénéficient d'un droit aux renseignements de nature contractuelle sur les comptes dont feu R______ était titulaire.

En l'occurrence, ils persistent à soutenir qu'ils ne disposeraient pas de toutes les informations nécessaires pour reconstituer le montant à hauteur duquel leur réserve aurait été lésée. Or, il ressort des pièces produites qu'ils sont renseignés s'agissant des relations n° 16_____, 17_____, 15_____ et 18_____ puisqu'ils ont déjà en leur possession les documents bancaires leur permettant d’identifier d’éventuels mouvements sur les comptes litigieux. Les appelants ne précisent toujours pas en quoi la documentation fournie par la banque serait cas échéant lacunaire. Leur appel est à cet égard insuffisamment motivé.

Quant à la relation n° 1______, il est admis que celle-ci a été clôturée depuis plus de dix ans. La banque, qui n'est soumise à aucune obligation contractuelle de conservation après ce délai, a d'ailleurs déjà indiqué à Y______ ne plus détenir de documents concernant ce compte bancaire.

Dans la mesure où aucune atteinte imminente aux droits des appelants n'est rendue vraisemblable, c'est à juste titre que le Tribunal a refusé d'entrer en matière sur les mesures provisionnelles requises en tant qu'elles concernaient les relations n° 16_____, 17_____, 15_____, 18_____ et 1______.

4.2.2 S'agissant des comptes dont les consorts [de] H______/I______ et [de] M______ sont ou auraient été titulaires et/ou ayants droit économiques (n° 4______ à 2______ et 5______ à 13_____), le Tribunal a considéré que les appelants n’avaient pas démontré, au stade de la vraisemblance, que des libéralités avaient été consenties par feu R______ dans l’intention manifeste de léser leur réserve, ni qu’ils étaient titulaires d’un droit aux renseignements concernant la documentation bancaire sollicitée.

4.2.2.1 Les appelants font valoir que leurs demandes au fond auront pour objet de démontrer que feu R______ a utilisé différents moyens pour aliéner sa fortune depuis 2007 à tout le moins, dans l'intention manifeste d'éluder les règles en matière de réserve successorale et que, partant, ces libéralités sont sujettes à réduction. Selon eux, plusieurs éléments corroborent leur version des faits, comme l'adoption du régime de la communauté de biens par les époux, la clôture des comptes dont feu R______ était seul titulaire, les transferts des avoirs des comptes précités vers des comptes ouverts au nom des deux époux ou de l'épouse uniquement ou encore l'ouverture de comptes dont les enfants et petits-enfants de cette dernière étaient titulaires ou ayants droit économiques.

Si les appelants ont rendu vraisemblable une importante planification patrimoniale entreprise par feu R______ dès 2007, ils n'ont, en revanche, comme l'a retenu le Tribunal, pas rendu vraisemblable que cette planification avait pour but manifeste de léser leur réserve successorale, ni expliqué comment elle était susceptible d'atteindre cet objectif. Notamment, les appelants ne démontrent pas en quoi la modification du régime matrimonial de feu R______ et de son épouse aurait eu pour effet de les priver d'une partie de leur réserve successorale.

De surcroît, les intimés allèguent que les appelants ont eux-mêmes obtenu des actifs provenant du patrimoine de feu R______, notamment des avoirs auprès de AC_____ et d'établissements bancaires en France, ainsi que des immeubles, dont ils taisent l'existence. Les appelants ne répondent pas à cet allégué et persistent à affirmer qu'"il ne fait aucun doute" que les libéralités entre vifs consenties par feu R______ en faveur des intimés portent atteinte à leur réserve au regard de la fortune du défunt. Or, en se focalisant exclusivement sur les libéralités dont les intimés ont bénéficié, tout en omettant d'alléguer les libéralités dont ils auraient eux-mêmes bénéficié et la totalité des actifs successoraux de feu R______ à partager, les appelants ne rendent pas vraisemblable une atteinte à leur réserve et, partant, leur droit aux renseignements sur des avoirs appartenant à des tiers conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 précité.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a retenu que le droit sous-jacent aux mesures provisionnelles requises n'avait pas été rendu vraisemblable.

4.2.2.2 En tout état, les appelants n'auraient disposé que d'un droit très restreint à être renseignés sur les relations bancaires n° 4______ à 2______ et 5______ à 13_____, limité à l’identité des tiers auxquels des biens faisant potentiellement partie de la succession auraient été remis ou cédés et dont ceux-ci seraient devenus titulaires ou ayants droit économiques, ainsi qu'aux opérations concernant ces seuls biens. Ce droit ne couvre donc pas l’entier de la documentation bancaire concernant les relations bancaires destinataires des libéralités, mais uniquement les opérations consacrant la prétendue lésion de leur réserve. Or, les appelants ont été renseignés et ont obtenu les documents pertinents s'agissant de la titularité des avoirs litigieux. En ce qui a trait à d'éventuelles opérations lésant leur réserve, ils ont persisté à viser une large documentation concernant ces relations bancaires, sans désigner, au vu des nombreux éléments déjà obtenus, les documents précis qui leur étaient encore nécessaires, ce que leur imposait pourtant la limitation de leur droit aux renseignements en cette matière. Dans cette mesure, le Tribunal n'a pas erré en qualifiant la démarche des appelants de fishing expedition.

Que le de cujus ait disposé d'une procuration sur ces comptes ne change rien au fait que les relations bancaires n° 4______ à 2______ et 5______ à 13_____ appartiennent à des tiers et ne font pas partie des avoirs du de cujus relevant de la succession et n'autorise pas une reddition de compte étendue de nature contractuelle. Au demeurant, la procuration s'est éteinte quand feu R______ a perdu l’exercice de ses droits civils du fait de sa mise sous curatelle de portée générale en 2017.

A cet égard, l'arrêt 4A_383/2019 du Tribunal fédéral – qui résume et reprend les principes posés dans l'arrêt 4A_522/2018 précité et les applique à une situation différente du cas d'espèce –, n'apporte rien de plus à l'argumentation des appelants contrairement à ce qu'ils prétendent.

4.2.2.3 Par conséquent, les appelants ont échoué à rendre vraisemblable qu’ils étaient titulaires d’un droit aux renseignements, et partant d'un droit aux mesures conservatoires requises, concernant la documentation bancaire sollicitée pour les relations n° 4______ à 3______ et 5______ à 13_____, ainsi que l'a retenu à bon droit le Tribunal.

4.2.3 En définitive, l’ordonnance entreprise sera intégralement confirmée.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 3'200 fr. (art. 95 al. 1 let. a et 2, 96, 105 al. 1 CPC ; art. 13, 26 et 37 RTFMC), mis à la charge des appelants qui succombent (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais du même montant fournie par ces derniers, qui reste acquise à l’Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Les appelants, solidairement entre eux, seront condamnés à verser 3'000 fr., débours compris, aux consorts [de] H______/I______ et [de] M______, solidairement entre eux, et 1'000 fr., débours et TVA compris, à C______ à titre de dépens d’appel, au vu de l'activité déployée par les conseils des intéressés (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 LaCC).

Il ne sera pas alloué de dépens à Q______ et à P______ qui n'ont pas participé à la procédure.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 25 octobre 2021 par A______ et B______ contre l’ordonnance OTPI/757/2021 rendue le 12 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7494/2021.

Au fond :

Confirme l’ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 3'200 fr., les met à la charge de A______ et de B______, pris solidairement entre eux, et les compense avec l’avance de frais versée par ces derniers, qui demeure acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser 3'000 fr. à I______, H______, M______, G______, J______, D______, O______, F______, K______, L______, N______ et E______, pris conjointement, à titre de dépens d’appel.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser 1'000 fr. à C______ à titre de dépens d’appel.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens en faveur de Q______ et P______.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l’art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.