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Décisions | Chambre civile

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C/14585/2019

ACJC/1691/2022 du 20.12.2022 sur JTPI/5641/2022 ( OO ) , JUGE

Normes : CPC.95; CPC.106
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14585/2019 ACJC/1691/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 20 décembre 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 mai 2022, comparant en personne,

et

1) Madame B______, domiciliée ______ [GE],

2) Madame C______, domiciliée ______, France,

3) Madame D______, domiciliée ______, France,

4) Madame E______, domicilié ______, France,

5) Monsieur F______, ______, France,

intimés, comparant tous cinq en personne,

6) Madame G______, domiciliée ______ [GE], autre intimée, comparant par
Me Kevin PINTO PINA F., MENTHA AVOCATS, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12.


EN FAIT

A. a. Le 16 février 2021, H______ a déposé devant le Tribunal une action tendant au partage de la succession de feu son époux, I______, après liquidation du régime matrimonial.

b. C______, F______, D______ et E______ ont acquiescé à la demande.

A______ et B______ ont pris diverses conclusions similaires, tendant, en substance, au partage de la succession, à ce qu'il soit dit et constaté que leur part successorale est de 48'843 fr. 70 et à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge de J______, curatrice de H______.

c. H______ est décédée le ______ 2022.

d. Invités à se déterminer sur la suite de la procédure au vu de ce décès, A______ et B______ ont considéré que la cause devait être rayée du rôle. Ils ne pouvaient succéder à H______ dans la procédure car l'action serait alors dirigée contre eux-mêmes.

C______, F______, D______ et E______ ont indiqué qu'ils souhaitaient poursuivre la procédure.

B. Par jugement du 11 mai 2022, le Tribunal a constaté que la procédure était devenue sans objet, arrêté les frais judiciaires à 3'240 fr., compensés à due concurrence avec l'avance en 240 fr. effectuée par H______ et laissés à sa charge à hauteur de ce montant, mis le solde des frais judiciaires, en 3'000 fr., à la charge de A______ et de B______ par moitié chacun, condamné ceux-ci à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, un montant de 1'500 fr. et dit qu'il n'était pas alloué de dépens.

Le Tribunal a considéré que la demande en partage fondée sur l'article 604 CC, qui est une action civile personnelle, était devenue sans objet à la suite du décès de H______. La procédure ne pouvait se poursuivre, puisque demandeurs et défendeurs se confondraient. Partant, la cause devait être rayée du rôle, en application de l'art. 242 CPC.

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 3'240 fr., soit 240 fr. de frais de conciliation et 3'000 fr. d'émolument, réduit en application de l'art. 7 al. 1 RTFMC. Il a considéré que l'équité exigeait que l'émolument de décision soit mis à la charge de B______ et A______, par moitié chacun, dans la mesure où la procédure n'existait qu'en raison de leur position, les autres défendeurs ayant acquiescé à l'action en partage. Par simplification, l'émolument de conciliation était laissé à la charge de la demanderesse, soit indirectement ses héritiers / les défendeurs, après compensation avec l'avance de frais en 240 fr. qu'elle avait effectuée.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 27 mai 2022, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation en tant qu'il concerne les frais judiciaires et à ce que ceux-ci soient fixés à 1'000 fr., subsidiairement 2'000 fr. et plus subsidiairement 3'000 fr. et à ce qu'ils soient compensés à concurrence de 240 fr. avec l'avance effectuée par H______ et à ce que le solde de 760 fr., subsidiairement 1'760 fr., plus subsidiairement 2'760 fr., soit mis pour 1/5ème chacun à la charge de H______, C______, F______, D______ et E______, subsidiairement pour 1/7ème à la charge des chacun des précités ainsi qu'à sa propre charge et ainsi qu'à celle de B______.

Ce recours est dirigé contre l'hoirie de H______, soit pour elle A______ et B______ et G______, ainsi que Me K______, exécuteur testamentaire, B______, C______, F______, D______ et E______.

b. B______ a déclaré approuver les considérations "EN DROIT" de A______ et conclu à l'annulation du jugement attaqué, à ce que les frais judiciaires soient arrêtés à 750 fr., à ce qu'ils soient mis à la charge de la "demanderesse" à hauteur de 240 fr. et à ce que le solde soit mis à concurrence de 1/5ème, respectivement 1/7ème, à la charge des parties.

C______ et F______ se sont opposés au recours.

D______ et E______ n'ont pas répondu au recours.

Invitée à se déterminer sur le recours en sa qualité de membre de l'hoirie de H______, G______ a conclu à son rejet.

EN DROIT

1. La décision sur les frais (frais judiciaires et dépens) ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC). Il s'agit d'un cas d'application de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC.

Le recours, écrit et motivé, a été introduit auprès de l'instance de recours dans le délai et selon la forme prescrits (art. 321 al. 1 CPC), de sorte qu'il est recevable.

2. Le recourant soutient que son droit d'être entendu a été violé au motif que le Tribunal ne l'a pas invité à se déterminer sur la question des frais et qu'il n'a pas motivé sa décision sur ce point.

2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment. Avant de statuer sur les frais et dépens d'une procédure devenue sans objet, le tribunal doit entendre les parties (ATF 142 III 284 consid. 4.2).

Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_567/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.2).

La jurisprudence admet qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur la suite de la procédure compte tenu du décès de H______. Le recourant, qui a notamment indiqué qu'il considérait que la procédure était devenue sans objet, a eu la possibilité à cette occasion de se déterminer sur la question des frais, ce qu'il n'a pas fait. Il ne peut dès lors reprocher au Tribunal de ne pas lui avoir donné l'occasion de s'exprimer sur la question des frais.

Le Tribunal a par ailleurs expliqué pourquoi il mettait les frais de la procédure à la charge du recourant et de sa fille, puisqu'il a indiqué qu'il considérait que l'équité exigeait que l'émolument de décision soit mis à la charge des précités, par moitié chacun, dans la mesure où la procédure n'existait qu'en raison de leur position, les autres défendeurs ayant acquiescé à l'action en partage.

Aucune violation du droit d'être entendu de l'appelant ne peut donc être retenue. Une éventuelle violation pourrait, quoi qu'il en soit, être réparée devant la Cour et le recourant ne demande d'ailleurs pas le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision après avoir été entendu.

3. Le recourant invoque une violation de l'interdiction de l'arbitraire et des règles de l'équité (art. 4 CC), en relation avec l'art. 107 al. 1 let. e CPC, ainsi que de l'art. 7 al. 1 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10).

3.1 Aux termes de l'art. 106 CPC, les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie succombante (al. 1) ou sont répartis selon le sort de la cause, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (al. 2). Le juge peut toutefois s'écarter de ces règles et répartir les frais selon sa libre appréciation, en statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 139 III 33 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_140/2019 du 5 juillet 2019 consid. 5.1.2), dans les hypothèses prévues par l'art. 107 CPC, notamment lorsque la procédure est devenue sans objet et que la loi n'en dispose pas autrement (art. 107 al. 1 let. e CPC; ATF 145 III 153 consid. 3.3.2).

Lors de la répartition des frais en cas de procédure devenue sans objet, il convient, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation découlant de l'art. 107 al. 1 let. e CPC, de prendre en compte quelle partie a donné lieu à la procédure, l'issue prévisible de celle-ci et les motifs qui ont conduit à la rendre sans objet (arrêts du Tribunal fédéral 5A_78/2018 du 14 mai 2018, consid. 2.3.1; 5A_91/2017 du 26 juillet 2017 consid. 3.2; 4A_667/2015 du 22 janvier 2016 consid. 2.2; 4A_272/2014 du 9 décembre 2014 consid. 3.1; 4A_284/2014 du 4 août 2014 consid. 2.6). Il n'y a pas d'ordre de priorité entre ces divers critères. Ils ne doivent pas non plus nécessairement être examinés cumulativement; il faut au contraire déterminer, selon les circonstances du cas concret, quel(s) critère(s) est (sont) le mieux adapté(s) à la situation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_24/2019 du 26 février 2019 consid. 1.1; 5A_78/2018 précité consid. 3.2.1). L'issue prévisible du procès doit être déterminée sur la base d'une appréciation sommaire du dossier, sans que d'autres mesures probatoires soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_327/2016 du 1er mai 2017 consid. 3.4.3, non publié in ATF 143 III 183, et la référence). Il est en effet exclu que le juge apprécie les preuves et analyse des questions juridiques à la seule fin de répartir les frais judiciaires après que la contestation a perdu de son objet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_346/2015 du 16 décembre 2015 consid. 5).

Les frais judiciaires sont fixés et répartis d’office (art. 105 al. 1 CPC).

Lorsqu'une cause est retirée, transigée, déclarée irrecevable, jointe à une autre cause ou lorsque l'équité le justifie, l'émolument minimal peut être réduit, au maximum à concurrence des ¾, mais, en principe, pas en deçà d'un solde de 1'000 fr. (art. 7 al. 1 RTFMC).

3.2 En l'espèce, il ne peut être déduit du jugement attaqué que le Tribunal aurait "puni" le recourant pour s'être défendu et opposé à la demande en le condamnant aux frais judiciaires, puisqu'il en ressort que le Tribunal a fondé sa décision sur le fait que la procédure n'existait qu'en raison de sa position, les autres défendeurs ayant acquiescé à l'action en partage, ce par quoi il faut comprendre que les frais encourus n'étaient pas de leur fait.

Il convient ensuite de relever que H______ est la partie qui a donné lieu à la procédure, en sa qualité de partie demanderesse, et que la procédure est devenue sans objet à la suite de son décès. Ces circonstances permettent de mettre à sa charge les frais judicaires, soit pour elle ses héritiers. Le recourant considère par ailleurs, à juste titre, que sur la base d'une analyse sommaire du dossier, il n'est pas possible de savoir quelle aurait été l'issue de la procédure si elle s'était terminée par une décision au fond et, ainsi, s'il s'est opposé à tort ou à raison au partage proposé par H______ et accepté par quatre des six parties défenderesses à la procédure de première instance. Il ne peut cependant être considéré, prima facie, qu'il s'est opposé manifestement à tort aux conclusions de la partie demanderesse et qu'il aurait succombé. Quant à l'issue du litige après le décès de la partie demanderesse, le recourant a indiqué à juste titre au Tribunal que la cause devait être rayée du rôle, alors que les intimés ont requis la continuation de la procédure.

Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de mettre les frais judiciaires exclusivement à la charge du recourant (et de sa fille). Au vu de l'issue du litige, il apparaît au contraire équitable de mettre ceux-ci à la charge des différentes parties défenderesses en première instance à parts égales, la partie demanderesse s'acquittant pour sa part des frais de conciliation qui ont fait l'objet d'une avance versée par elle.

Quant au montant des frais judiciaires, le Tribunal a fixé l'émolument de décision à 3'000 fr., montant que le recourant estime trop élevé. Il relève, à juste titre, que le Tribunal n'a pas tenu d'audience et que son jugement s'est limité à constater que la procédure était devenue sans objet, sans aborder le fond de la cause. Pour le surplus, son activité s'est limitée à inviter les parties à, d'abord, répondre à la demande, puis à se déterminer sur la suite de la procédure à la suite du décès de la partie demanderesse. Dans ces circonstances, le montant fixé à 3'000 fr. apparaît excessif et l'émolument de décision sera fixé à 1'500 fr.

En définitive, les frais judiciaires seront arrêtés au total à 1'740 fr., laissés à hauteur de 240 fr. à la charge de la partie demanderesse et compensés avec l'avance versée, et mis, pour le surplus, à concurrence de 250 fr. à la charge de chacune des six parties défenderesses à la procédure de première instance, soit le recourant, B______, C______, F______, D______ et E______.

4. Au vu de l'issue du litige, aucune partie n'obtenant totalement gain de cause, les frais judiciaires de recours, arrêtés à 600 fr., seront mis à la charge à parts égales de chacune des six parties à la procédure, soit le recourant, B______, C______, F______, D______ et E______.

Le solde de l'avance en 200 fr. sera restitué au recourant. B______, C______, F______, D______ et E______ seront chacun condamnés à verser 100 fr. à A______ à titre de frais judiciaires.

Pour les mêmes motifs, chaque partie précitée supportera ses propres dépens de recours. Il ne sera notamment pas alloué de dépens à G______ qui n'obtient pas gain de cause et n'a répondu au recours que par un bref courrier de son conseil.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

 

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/5641/2022 rendu le 11 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14585/2019-15.

Au fond :

Annule ce jugement en tant qu'il statue sur les frais judiciaires et, cela fait, statuant à nouveau :

Arrête les frais judiciaires à 1'740 fr., les met à hauteur de 240 fr. à la charge de H______, soit pour elle A______, B______ et G______, pris solidairement et les compense avec l'avance effectuée par H______ et met le solde des frais judiciaires, en 1'500 fr., à la charge de A______, B______, C______, F______, D______ et E______ à hauteur de 250 fr. chacun.

Condamne A______, B______, C______, F______, D______ et E______ à verser 250 fr. chacun à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr., les met à la charge de A______, B______, C______, F______, D______ et E______ à hauteur de 100 fr. chacun et les compense à due concurrence avec l'avance fournie qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 200 fr. à A______.

Condamne B______, C______, F______, D______ et E______ à verser chacun 100 fr. à A______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.