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Décisions | Chambre civile

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C/22490/2020

ACJC/1536/2022 du 22.11.2022 sur JTPI/13960/2021 ( SDF ) , RENVOYE

Descripteurs : PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE;COMPÉTENCE;COMPÉTENCE RATIONE LOCI;COMPÉTENCE INTERNATIONALE;DÉCISION DE RENVOI
Normes : CLaH96.11; LDIP.10.al2.leta; CLaH96.5
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22490/2020 ACJC/1536/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 22 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 novembre 2021, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TERRAVOCATS GENEVE, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (France), intimé, comparant par
Me Christophe GAL, avocat, CG PARTNERS, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1985, de nationalité suisse, et B______, né le ______ 1981, de nationalités suisse et française, se sont mariés le ______ 2012 à C______ (Seychelles).

De cette union sont issus deux enfants, de nationalités suisse et française, soit :

- D______, né le ______ 2014, et

- E______, née le ______ 2017.

b. Les époux - domiciliés en France avant leur mariage et travaillant en Suisse - se sont séparés le 14 septembre 2020, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal sis F______ (France). Elle s'est, installée à G______ (Genève), dans un premier temps chez ses parents, puis dans un appartement qu'elle a pris à bail dès le 1er avril 2021.

Les enfants sont demeurés avec le père qui a refusé leur établissement en Suisse avec la mère. Depuis la séparation, une garde alternée à raison d'un jour sur deux et d'un week-end sur deux a été mise en place par les parents.

Après avoir fréquenté une crèche à G______, D______ et E______ sont depuis toujours scolarisés à l'école primaire H______ située également dans cette commune. Ils pratiquent des activités extrascolaires (cours de natation et cours de tennis) en France depuis le courant de l'année 2021; ils suivaient auparavant des cours de natation à G______. Ils sont régulièrement gardés par leur grands-parents maternels. Ils sont suivis par un pédiatre à G______. Ils sont couverts par l'assurance-maladie suisse.

B. a. Par acte expédié le 6 novembre 2020 au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) et reçu le 9 novembre suivant, A______ a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale.

Elle a conclu à ce que les parties soient autorisées à vivre séparées, à ce que la jouissance exclusive du domicile conjugal soit attribuée à son époux, à ce que la garde des enfants lui soit attribuée et un droit de visite soit octroyé à leur père, devant s'exercer, sauf accord contraire entre les parties, à raison d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires, à ce que ce dernier soit condamné à payer, dès le 14 septembre 2020, une contribution à l'entretien de chacun des enfants de 1'150 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans, de 1'350 fr. dès l'âge de 10 ans et de 1'450 fr. dès l'âge de 16 ans jusqu'à la majorité, voire au-delà en cas d'études suivies et sérieuses, ainsi qu'à lui reverser l'intégralité des allocations familiales suisses perçues depuis le 14 septembre 2020, et à ce que les parents soient condamnés à prendre en charge par moitié les frais extraordinaires des enfants.

Préalablement, elle a sollicité la comparution personnelle des parties, l'établissement d'un rapport d'évaluation sociale par le SEASP et la production par B______ de tous documents utiles relatifs à sa situation financière.

b. Par acte du 13 novembre 2020, B______ a introduit une requête en divorce auprès du Tribunal judiciaire de I______ (France).

c. Lors de l'audience tenue le 30 mars 2021 par le Tribunal, B______ a soulevé une exception d'incompétence compte tenu du domicile légal et de la résidence des enfants en France et du dépôt de sa demande en divorce intervenu quelques jours après l'introduction de la procédure genevoise. Sur le fond, il a conclu à l'instauration d'une garde partagée, avec maintien du domicile légal des enfants en France.

A______ a acquiescé à l'instauration d'une garde partagée, pour autant que le domicile des enfants soit fixé à son domicile en Suisse, et a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

d. Par ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2021, exécutoire nonobstant appel, le Tribunal judiciaire de I______ a constaté la compétence des autorités françaises pour connaître de la requête en divorce déposée par B______ et l'application du droit français, et a rejeté en conséquence l'exception d'incompétence soulevée par A______.

Sur mesures provisoires, le Tribunal judiciaire de I______ a, notamment, autorisé les époux à résider séparément, attribué la jouissance du domicile conjugal à B______, constaté le maintien de l'autorité parentale conjointe sur les enfants, fixé la résidence habituelle de ces derniers en alternance les semaines impaires chez le père et les semaines paires chez la mère, avec transfert de la résidence le vendredi après l'école, à charge pour le parent qui commence sa semaine de garde de récupérer les enfants à la sortie de l'école ou du périscolaire, dit qu'à défaut de meilleur accord, les vacances scolaires seraient réparties, s'agissant des petites vacances, à raison de la première moitié chez la mère et la seconde chez le père les années impaires, et inversement les années paires, et s'agissant des grandes vacances, les 1er et 3ème quarts chez la mère et les 2ème et 4ème quarts chez le père les années impaires, et inversement les années paires, condamné le père à verser (sans rétroactivité) une contribution - indexée - à l'entretien et à l'éducation de chacun des enfants de 100 euros par mois, en sus de toutes éventuelles prestations sociales, dit que les frais médicaux, chirurgicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et d'appareillage non remboursés des enfants seront pris en charge par moitié par chacun des parents, dit que les dépenses exceptionnelles (scolarité, fournitures scolaires, voyages et sorties extrascolaires et leurs matériels, permis de conduire, etc.) des enfants seront prises en charge par moitié par chacun des parents, après accord préalable entre eux pour toute dépense d'un montant supérieur à 200 euros et constaté l'accord des parents sur le partage par moitié des allocations familiales suisses.

Cette ordonnance a fait l'objet d'un appel par A______, procédure actuellement pendante à la connaissance de la Cour.

e. Lors de l'audience tenue le 7 septembre 2021 par le Tribunal, A______ a persisté dans ses conclusions initiales, au motif que la garde partagée ne fonctionnait pas. B______ a, quant à lui, conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la requête et, subsidiairement, à ce qu'il soit constaté que, jusqu'à la décision du juge français, la garde des enfants avait été alternée et le coût de ces derniers partagé entre les parents.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

C. Par jugement JTPI/13960/2021 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 3 novembre 2021, notifié à A______ le 8 novembre 2021, le Tribunal a "rejeté la requête dans la mesure de sa recevabilité" (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance fournie par cette dernière et répartis par moitié entre les parties, B______ étant condamné à rembourser 250 fr. à son épouse (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a relevé que le retour en Suisse de l'épouse résultait de la séparation du couple et que les enfants étaient demeurés officiellement domiciliés en France, ce point n'étant, toutefois, pas à lui seul déterminant. Aucune autre modification n'était intervenue, les enfants fréquentant déjà respectivement la crèche et l'école en Suisse, lieu où les parties travaillaient. Les parents ne s'étaient pas accordés sur le changement du domicile des enfants, le père s'y opposant. A titre provisoire, les époux avaient mis en place une garde alternée, qui est actuellement contestée par l'épouse au motif qu'elle ne se passerait pas bien; le juge français, saisi quatre jours après la réception de la requête de mesures protectrices déposée devant le juge suisse, s'était déclaré compétent et avait prononcé des mesures provisoires.

Le premier juge a considéré qu'aucun motif ne s'opposait à la reconnaissance de la décision du juge français, que la période concernée par d'éventuelles mesures protectrices allait du 14 septembre 2020 au 13 novembre 2020, soit la période avant le dépôt de la procédure en divorce comportant une requête de mesures provisoires d'ores et déjà prononcées. Il ressortait de la procédure que, à la suite de la séparation des parties, une garde alternée avait été exercée d'entente entre les parties et les coûts effectifs des enfants partagés. En conséquence, le Tribunal a déclaré irrecevable la requête de mesures protectrices de l'union conjugale, laissant ouverte la question du lieu de résidence des enfants.

D. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 18 novembre 2021, A______ a appelé de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 1 et 4 du dispositif.

Cela fait, elle a repris ses conclusions de première instance s'agissant des droits parentaux et des questions financières et a, subsidiairement, conclu au renvoi de la cause au premier juge, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel.

Préalablement, elle a sollicité la comparution personnelle des parties et l'établissement d'un rapport d'évaluation sociale par le SEASP.

A______ a également pris de nouvelles conclusions sur mesures provisionnelles, concluant, préalablement, à ce que la compétence des autorités suisses pour statuer sur mesures provisionnelles soit constatée et a, pour le surplus, repris l'ensemble des conclusions précitées.

b. Par réponse du 24 décembre 2021, B______ a conclu, à la forme, à ce qu'il soit dit et constaté que les juridictions suisses ne sont pas compétentes pour connaitre du litige et, sur le fond, à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, il a conclu à ce que le domicile officiel des enfants soit fixé chez lui et a offert de verser une contribution à l'entretien de chacun des enfants de 100 euros par mois, prenant pour le surplus des conclusions correspondant aux mesures prononcées par le Tribunal judiciaire de I______ dans l'ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2021.

Très subsidiairement, B______ a conclu à ce que l'autorité parentale conjointe soit maintenue, à ce que la garde exclusive sur les enfants lui soit attribuée, à ce que soit réservé à la mère un droit de visite devant s'exercer, sauf accord contraire des parties, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, à ce que cette dernière soit condamnée à verser une contribution à l'entretien de chacun des enfants de 1'000 fr. par mois, à ce qu'il soit dit qu'il bénéficiera intégralement des allocations familiales et/ou d'études et à ce que les frais extraordinaires des enfants soient partagées par moitié entre les parents.

c. Par répliques et dupliques des 17 et 28 janvier et des 14 et 25 février 2022, les époux ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel relatives à la situation personnelle et financière de la famille.

e. Elles ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 23 mars 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes non patrimoniales (art. 308 al. 2 a contrario CPC).

L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Dès lors qu'en l'espèce, le litige porte, notamment, sur les droits parentaux, soit sur une affaire non pécuniaire, la voie de l'appel est ouverte (arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2015 du 14 mars 2016 consid. 1; 5A_331/2015 du 20 janvier 2016 consid. 1).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les enfants mineurs des époux (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a et d CPC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_918/2014 du 17 juin 2015 consid. 4.2.1; 5A_635/2013 du 28 juillet 2014 consid. 3.2.1), sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 1.5).

Le tribunal établit les faits d'office (art. 272 CPC).

1.4 Les parties ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs écritures, allégué de nouveaux faits et pris des conclusions nouvelles en appel.

1.4.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

1.4.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération au stade de l'appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Cependant, lorsque le juge est saisi de questions relatives à des enfants mineurs dans les affaires de droit de la famille, les pièces nouvelles sont recevables même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies du fait que la maxime inquisitoire illimitée s'applique (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.4.3 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 consid. 4.2.1).

Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis que jusqu'aux délibérations, lesquelles débutent dès la clôture des débats s'il y en a eu, respectivement dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6; arrêts du Tribunal fédéral 5A_364/2020 du 14 juin 2021 consid. 8.1; 5A_667/2019 du 7 avril 2020 consid. 5.3; 5A_369/2018 du 14 août 2018 consid. 2.3.2).

Lorsque la cause est soumise à la maxime d'office, le dépôt de conclusions nouvelles en appel est admissible jusqu'aux délibérations. Les restrictions posées par l'art. 317 al. 2 CPC n'entrent en effet pas en considération dans ce cadre (Schweighauser, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 3 ad art. 296 CPC; Jeandin, CR-CPC, 2019, n. 18 ad art. 296 CPC).

1.4.4 En l'espèce, les nouvelles pièces produites en appel par les parties, qui se rapportent à la situation financière et personnelle de la famille, sont recevables, de même que les allégués de fait y relatifs, indépendamment de la question de savoir si les conditions fixées à l'art. 317 al. 1 CPC sont réalisées.

Les modifications des conclusions des parties concernant leurs enfants mineurs sont également admissibles, étant rappelé que la Cour n'est en tout état pas liée par les conclusions des parties sur ces points.

2. L'appelante sollicite, préalablement, la comparution personnelle des parties et l'établissement d'un rapport d'évaluation sociale par le SEASP.

Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves.

En l'occurrence, il ne se justifie pas de donner une suite favorable aux conclusions préalables formulées par l'appelante, dès lors qu'elle n'indique pas les raisons pour lesquelles la comparution personnelle des parties serait nécessaire pour l'issue du présent litige et que l'établissement d'un rapport d'évaluation sociale par le SEASP suppose la compétence ratione loci du premier juge, point qui n'est pas encore tranché à ce stade de la procédure au vu des considérants qui suivent.

3. L'appelante fait grief au premier juge d'avoir violé l'art. 10 LDIP, ainsi que les art. 5 et 11 CLaH96 en déclarant sa requête de mesures protectrices de l'union conjugale irrecevable.

L'appelante ne remet pas en question la compétence du juge français pour statuer sur le divorce. Elle conteste, en revanche, sa compétence pour statuer sur le sort des enfants. Elle soutient que le juge genevois ne pouvait faire l'économie d'examiner la question du lieu de résidence habituelle des enfants. Selon elle, au vu de la prédominance du lien entre la Suisse et les mineurs - lien d'autant plus fort depuis son installation en Suisse et la mise en place d'une garde alternée -, la résidence habituelle des enfants se trouve en Suisse. Elle considère, dès lors, que c'est en violation de la CLaH96 que la France s'est déclarée compétente pour statuer sur le sort des enfants et que le juge genevois a reconnu la décision française sur ce point. Elle admet que le premier juge ne pouvait plus prononcer de mesures protectrices de l'union conjugale compte tenu du dépôt de la demande en divorce en France. Elle considère néanmoins qu'il appartenait au Tribunal de statuer sur mesures provisoires selon l'art. 10 LDIP, puisque "aucune décision concernant le sort des enfants rendue sur France ne pourra être reconnue par la Suisse dans la mesure où cet Etat n'est pas compétent pour statuer de leur sort".

3.1 La cause présente un élément d'extranéité en raison du domicile étranger de l'intimé.

En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la LDIP, sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b et al. 2 LDIP).

Le moment déterminant pour admettre la compétence à raison du lieu des juridictions suisses est la date du jugement, et non celle de la litispendance, conformément au principe applicable aux conditions de recevabilité énumérées par l'art. 59 CPC. Le Tribunal fédéral a confirmé ce principe dans une affaire relative à la compétence internationale des tribunaux genevois pour statuer sur l'entretien d'enfants mineurs (arrêt du Tribunal fédéral 5A_105/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.4.1).

3.2 Selon l'art. 85 al. 1 LDIP, en matière de protection des enfants, la compétence des autorités judiciaires suisses est régie par la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 (CLaH96), ratifiée tant par la Suisse que la France. Englobant toutes les mesures tendant à la protection de la personne ou des biens de l'enfant (art. 1er), cette convention régit en particulier l'attribution et le retrait de l'autorité parentale, ainsi que le règlement de la garde et des relations personnelles, notamment dans le cadre d'un divorce ou des mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 138 III 11 consid. 5.1; 132 III 586 consid. 2.2.1; 124 III 176 consid. 4 et les réf. cit.).

Selon l'art. 5 al. 1 CLaH96, les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.

Dans tous les cas d'urgence, l'art. 11 CLaH96 prévoit que les autorités de chaque Etat contractant sur le territoire duquel se trouve l'enfant ou des biens lui appartenant sont compétentes pour prendre les mesures de protection nécessaires (al. 1); les mesures prises en application de l'al. 1 à l'égard d'un enfant ayant sa résidence habituelle dans un Etat contractant cessent d'avoir effet dès que les autorités compétentes en vertu des art. 5 à 10 ont pris les mesures exigées par la situation (al. 2).

Il découle de la CLaH96 qu'une mesure rendue par un tribunal étranger ayant statué alors que l'enfant avait déjà transféré sa résidence habituelle dans un autre Etat contractant ne peut être reconnue (ATF 132 III 586 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_313/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.3).

3.3 Les obligations d'entretien étant exclues du champ d'application de la CLaH96 (art. 4 let. e CLaH96), la Convention de Lugano (CL) - ratifiée tant par la Suisse que la France - s'applique à cet égard.

En matière d'obligations alimentaires, la CL prévoit, en sus du principe du for dans l'Etat contractant du domicile du défendeur quelle que soit sa nationalité (art. 2 CL), son attraction dans un autre Etat et notamment devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle (art. 5 al. 2 let. a CL).

3.4 D'une manière générale, la LDIP prévoit que sont notamment compétents pour prononcer des mesures provisoires les tribunaux ou les autorités suisses du lieu de l'exécution de la mesure (art. 10 let. b LDIP).

Le but de l'art. 10 LDIP est d'assurer, dans certaines circonstances particulières, une protection immédiate et sans lacune, alors même que le juge suisse ne serait pas compétent sur le fond du litige (ATF 134 III 326 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2011 du 4 septembre 2012 consid. 5.3.5). Cette disposition ne s'applique toutefois que si les mesures requises sont urgentes et nécessaires, circonstances qu'il appartient au demandeur d'établir. Il en est ainsi, notamment, lorsqu'il y a péril en la demeure ou quand on ne saurait espérer que le tribunal étranger saisi prenne une décision dans un délai convenable (ATF 134 III 326 consid. 3.5.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.3.3; 5A_588/2014 du 12 novembre 2014 consid. 4.4; 5A_762/2011 du 4 septembre 2012 consid. 5.3.4).

3.5 Dès qu'une action en divorce est pendante devant un tribunal compétent, des mesures protectrices de l'union conjugale ne peuvent plus être prononcées pour la période postérieure à la litispendance, seules des mesures provisoires pouvant encore être ordonnées pour la durée de la procédure de divorce, règle qui s'applique aussi dans les causes à caractère international (ATF 137 III 614 consid. 3.2.2; 134 III 326 consid. 3.2, in JT 2009 I 215). Ainsi, seules des mesures provisoires au sens de l'art. 10 LDIP peuvent être ordonnées. Les mesures protectrices peuvent toutefois, comme la jurisprudence en admet la possibilité, être converties en de telles mesures provisoires (ATF 134 III 326 consid. 3.4 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_929/2016 du 11 mai 2017 consid. 2.2 et 3.3).

Les effets des mesures protectrices éventuellement ordonnées avant le dépôt de la demande en divorce perdurent au-delà de l'introduction de l'instance de divorce tant qu'elles ne sont pas modifiées par le juge du divorce sur mesures provisionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_233/2016 du 28 juillet 2016 consid. 5.1.2.1; Bucher, CR-LDIP/CL, n. 9 ad art. 46 LDIP, n. 2 ad art. 62 LDIP, n. 5 ad art. 50 LDIP). Elles jouissent ainsi d'une autorité de la chose jugée relative (ATF 142 III 193 consid. 5.3 et réf. cit.).

3.6 Selon l'art. 318 al. 1 let. c CPC, l'instance d'appel peut renvoyer la cause à la première instance lorsqu'un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé (ch. 1), ou lorsque l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (ch. 2).

Selon le principe du double degré de juridiction, le tribunal cantonal supérieur ne peut pas trancher un litige avant que le tribunal inférieur ait statué (ATF 99 Ia 317 consid. 4a). Le principe n'exclut cependant pas que l'instance de recours complète l'état de fait et statue à nouveau, pour autant que la cause ne doive pas être renvoyée au premier juge parce qu'un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé ou car l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (ATF
143 III 42 consid. 5.4).

3.7 En l'espèce, l'appelante considère que l'ordonnance de non conciliation rendue le 1er juillet 2021 par le Tribunal de Grande Instance de I______ ne pouvait être reconnue en Suisse au motif que le juge français se serait à tort déclaré compétent.

Conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 2.2), le Tribunal ne pouvait sans autre examen reconnaître ladite ordonnance française. Il lui appartenait, au contraire, d'examiner la question de la résidence habituelle de l'enfant, puisque la reconnaissance de la décision française n'était possible que dans l'hypothèse où l'enfant disposait d'une résidence habituelle en France au moment de son prononcé.

S'agissant des mesures requises, l'appelante a saisi le juge suisse d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale expédiée le 6 novembre 2020 et reçue le 9 novembre suivant, alors que l'intimé a déposé une demande en divorce devant le juge français le 13 novembre 2020. Le juge suisse a ainsi été saisi en premier lieu et il lui appartenait d'examiner sa compétence ratione loci au moment du dépôt de ladite requête, laquelle dépend du lieu de résidence habituelle de l'enfant.

En effet, en cas de résidence habituelle de l'enfant en Suisse, le Tribunal serait compétent pour prononcer des mesures protectrices de l'union conjugale. Dans l'hypothèse où la résidence habituelle de l'enfant serait en France, le Tribunal devrait alors déterminer s'il serait compétent pour prononcer d'éventuelles mesures provisoires au sens des art. 11 CLaH96 et 10 LDIP, mesures qui - si elles devaient être prononcées - demeureraient en vigueur jusqu'au 1er juillet 2021.

Il apparaît ainsi que le premier juge ne pouvait d'emblée se déclarer incompétent et faire l'économie d'examiner la question de la résidence habituelle de l'enfant.

Par conséquent, le jugement entrepris sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal afin qu'il statue à nouveau sur sa compétence (art. 318 al. 1 let. c CPC), étant relevé que, pour ce faire, le juge doit, conformément à la jurisprudence précitée, tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance au moment du prononcé de son jugement (cf. supra consid. 2.1).

Il appartiendra au premier juge de statuer sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qui sera rendu au terme de la procédure de renvoi.

4. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 31 et 35 RTFMC), couverts par l'avance de frais opérée par l'appelante de 800 fr., laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties, à savoir à hauteur de 400 fr. pour l'appelante et de 400 fr. pour l'intimé (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

L'intimé sera, par conséquent, condamné à verser la somme de 400 fr. à l'appelante à titre de remboursement des frais judiciaires.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 18 novembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/13960/2021 rendu le 3 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22490/2020.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que le Tribunal statuera sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qui sera rendu au terme de la procédure de renvoi.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge des parties par moitié chacune et les compense avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ 400 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.