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Décisions | Chambre civile

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C/10743/2021

ACJC/986/2022 du 05.07.2022 sur OTPI/956/2021 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CPC.261.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10743/2021 ACJC/986/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 5 JUILLET 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 décembre 2021, comparant par Me Daniel MEYER, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par
Me Stéphanie FRANCISOZ GUIMARAES, avocate, BRS BERGER RECORDON & DE SAUGY, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/956/2021 du 20 décembre 2021, notifiée à A______ le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, statuant sur mesures provisionnelles et notamment, attribué à A______ la garde sur l'enfant C______, née le 5 avril 2008 (chiffre 1 du dispositif), réservé un droit de visite à B______ (ch. 2), exhorté B______ et A______ à entreprendre des démarches afin de favoriser la reprise du lien entre l'enfant et son père, ainsi qu'un travail de coparentalité (ch. 3 et 4), ordonné l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 5 et 6), donné acte à B______ de son engagement à verser 300 fr. en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, au titre de contribution à l'entretien de C______, l'y a condamné en tant que de besoin (ch. 7), réservé la décision finale quant au sort des frais (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 23 décembre 2021, A______ a formé appel de ce jugement et sollicité l'annulation du ch. 7 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour condamne B______ à lui payer, par mois et d'avance, 1'000 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant C______, ainsi que 2'100 fr. pour son propre entretien, sous suite de dépens.

b. B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles.

c. Les parties ont répliqué à plusieurs reprises aux écritures de l'autre.

B______ a produit des pièces nouvelles.

d. Par avis du 1er avril 2022, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

e. Par courrier des 21 avril et 30 mai 2022, B______ a fait parvenir des pièces nouvelles à la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1979, et B______, né le ______ 1979, se sont mariés le ______ 2002.

Une enfant est issue de cette union, C______, née le ______ 2008.

b. Début mai 2021, A______ a quitté le domicile conjugal avec sa fille, puis l'a réintégré le 28 mai 2021 après que B______ a accepté de partir.

c. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 7 juin 2021, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie d'une requête de mesures superprovisionnelles, sans formellement prendre de conclusions sur mesures provisionnelles.

Sur mesures superprovisionnelles, elle a, notamment, conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'000 fr. au titre de contribution à l'entretien de C______, ainsi que 2'100 fr. au titre de contribution à son propre entretien.

Elle a repris les mêmes conclusions sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Au titre de l'urgence, A______ a exposé que ses ressources ne lui permettaient pas de s'acquitter de ses charges incompressibles, ni de celles de sa fille. Il était impératif qu'elle reçoive des contributions d'entretien immédiatement pour y faire face, faute de pouvoir "terminer la fin du mois".

d. Par ordonnance du 7 juin 2021, le Tribunal a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles, faute d'une quelconque urgence et en l'absence de preuve du fait que B______ aurait cessé d'entretenir sa famille, la situation financière de l'intéressé devant être investiguée.

e. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 25 août 2021, A______ a persisté dans les conclusions de sa requête.

B______ ne s'est pas prononcé sur les aspects financiers.

f. Lors de l'audience de "plaidoiries sur mesures provisionnelles" du 17 novembre 2021, B______ a proposé de verser une contribution à l'entretien de C______ de 300 fr. par mois et de payer en sus l'assurance-maladie non couverte par le subside aussi longtemps qu'il n'aurait pas trouvé de logement. Il s'est opposé au versement d'une contribution à l'entretien de A______, ainsi qu'à un quelconque versement avec effet rétroactif.

A l'issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

g. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

g.a. A______ est au bénéfice d'une rente AI à 100% et perçoit mensuellement à ce titre 815 fr. Elle touche en outre des rentes de la D______ [assurance] de 464 fr. 20 et 448 fr. 80, ainsi que cela ressort de son exposé des faits à l'appui de sa requête, des relevés bancaires et des attestations d'assurance. A______ perçoit ainsi un revenu totalisant 1'728 fr. par mois.

Les charges mensuelles retenues par le Tribunal, non contestées, sont de 3'740 fr. 25 (montant de base LP : 1'350 fr.; part au loyer : 1'636 fr. 80; parking : 190 fr.; assurance-maladie (subside déduit) : 393 fr. 45; frais médicaux non remboursés : 100 fr.; transport : 70 fr.).

A______ est titulaire d'un compte bancaire sur lequel se trouvait la somme de 13'000 fr. environ au 17 avril 2021.

g.b. A______ perçoit mensuellement pour C______ des rentes AI et accident pour enfant de 418 fr. 85 au total, ainsi que des allocations familiales en 300 fr.

Les charges mensuelles de l'enfant retenues par le Tribunal, non contestées et actualisées, sont de 1'275 fr. 95 (montant de base LP : 600 fr.; part au loyer : 409 fr. 20; assurance-maladie (subsides déduits; payée par B______) : 126 fr. 75; frais médicaux non remboursés : 40 fr.; cours d'anglais : 100 fr.).

g.c. B______ est chauffeur de taxi. Selon les montants retenus par le Tribunal, en 2019, il a déclaré un bénéfice de 37'993 fr. En 2020, selon son bilan, il a bénéficié des indemnités COVID et a réalisé un bénéfice net de 36'002 fr. pour un revenu brut de 47'650 fr., dont 22'390 fr. d'indemnités COVID. Sa déclaration fiscale fait toutefois état de charges supérieures et retient un bénéfice net de 24'909 fr. Ses cotisations AVS sont fondées sur un revenu net de 40'000 fr.

A______ estime les revenus réels de B______ à un montant annuel de 65'000 fr. net. Elle se fonde notamment sur ses relevés bancaires. Ainsi, selon le relevé du compte [privé auprès de la banque] E______ n° 1______, entre le 1er janvier 2019 et le 31 mai 2021, soit 17 mois, 102'986 fr. 25 ont été crédités, vraisemblablement uniquement de son activité professionnelle y compris les indemnités COVID, soit 6'058 fr. par mois ou 72'696 fr. par an en moyenne. Pour le mois de juillet 2021, les crédits sont de 4'216 fr. 65. B______ est en outre titulaire d'un compte F______, dont les relevés ont été produits en vrac, mais qui font état de nombreuses entrées d'argent liées à son activité professionnelle. Par ailleurs, pendant la vie commune, B______ a acquis un bien immobilier au Portugal d'une valeur fiscale de 220'875 fr. dont la valeur locative brute est de 7'951 fr. A______ a produit des photographies de diverses vacances en famille entre 2016 et 2021, soit au ski en Valais, à Marrakech, en Turquie, en Egypte, à Londres, en Thaïlande et en République Dominicaine. L'appelante soutient que ces voyages ont été payés par des versements exceptionnels liés à son activité professionnelle (indemnisation assurance-accident, remboursement des plaques de taxi) et par un crédit.

B______ vivait, depuis son départ du domicile conjugal, chez sa sœur qui l'a hébergé provisoirement contre paiement d'un loyer de 300 fr. par mois. Il réside désormais depuis le 15 janvier 2022 dans un appartement loué pour 1'440 fr. par mois charges comprises, plus 10 fr. par mois pour l'assurance de caution et 80 fr. pour un parking.

Selon les montants retenus par le Tribunal non contestés et actualisés, outre le loyer, ses charges mensuelles sont les suivantes : montant de base LP : 1'200 fr.; assurance-maladie (subsides déduits) : 381 fr. 85, puis 262 fr. 45 dès janvier 2022; assurance-maladie complémentaire : 14 fr. 70; frais médicaux non couverts : 103 fr.; parking : 210 fr. (jusqu'à l'obtention de son nouveau logement); frais maison du couple au Portugal : 350 fr. 90; cotisations AVS : 321 fr., soit un total de 2'476 fr. 75.

h. Le 8 juin 2022, la cause a été gardée à juger sur mesures protectrices par le Tribunal.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Dès lors que le présent litige porte exclusivement sur le montant des contributions à l'entretien, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_764/2021 du 11 février 2022 consid. 1).

En l'espèce, la capitalisation, conformément à l'art 92 al. 2 CPC, du montant des contributions d'entretien restées litigieuses au vu des dernières conclusions des parties devant le premier juge excède largement 10'000 fr.

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est donc recevable.

Bien que l'appelante n'ait pas conclu à l'annulation du chiffre 9 du dispositif du jugement entrepris - qui, formellement, la déboute de ses conclusions concernant son propre entretien -, le fait qu'elle ait expressément conclu au versement d'un montant à ce titre est suffisant pour interpréter, de bonne foi, ses conclusions comme visant à l'annulation de la décision entreprise sur ce point. La Cour entrera donc aussi en matière sur l'entretien de l'appelante, les griefs de l'intimé sur la recevabilité étant rejetés.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne l'enfant mineure des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; 147 III 301 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.1).

En revanche, s'agissant de la contribution d'entretien réclamée par l'appelante, les maximes de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et inquisitoire limitée sont applicables (art. 272 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2; 147 III 301 consid. 2.2).

L'autorité judiciaire qui se prononce sur des mesures provisionnelles peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 2.2).

1.3
1.3.1
Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des novas en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.3.2 Etant donné que les pièces nouvelles produites en appel par l'intimé avec ses écritures responsive et de duplique sont susceptibles de jouer un rôle dans l'appréciation de la situation financière des parties pertinente pour déterminer la contribution d'entretien de l'enfant mineur, elles sont recevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent.

En revanche, les courriers et pièces expédiés par l'intimé après que la Cour a gardé à la cause à juger sont irrecevables (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5 et 2.2.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_451/2020 du 31 mars 2021 consid. 3).

2. 2.1
2.1.1
La question de savoir si des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, qui constituent déjà elles-mêmes des mesures provisionnelles, est controversée en doctrine (voir sur l'ensemble de la question : Kofmel Ehrenzeller, Vorsorgliche Anordnung von Unterhaltszahlungen im Eheschutzverfahren – ein Diskussionsbeitrag zur Frage der Zulässigkeit, FamPra.ch 2021 p. 19 et suivantes et les références citées).

Le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte (arrêts du Tribunal fédéral 5A_212/2012 du 15 août 2012 consid. 2.2.2; 5A_541/2019 du 8 mai 2020 consid. 1.1). Eu égard à cette controverse, il a jugé que ni l'acceptation ni le refus de telles mesures n'apparaissait arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_870/2013 du 28 octobre 2014 consid. 5).

La Cour de céans reconnaît la possibilité de prononcer valablement de telles mesures, notamment lorsque la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale risque de se prolonger. Elles ne peuvent toutefois être ordonnées que pour autant que les conditions posées par l'art. 261 CPC soient réunies (ACJC/1454/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3.1 et les références citées).

2.1.2 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable, d'une part, qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et, d'autre part, que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, Commentaire romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 3 et suivantes ad art. 261 CPC).

Dans le contexte particulier de mesures provisionnelles sollicitées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, l'existence d'un préjudice difficilement réparable doit être appréciée au regard des conséquences concrètes qu'aurait pour la partie requérante l'absence de telles mesures. Un tel préjudice doit ainsi notamment être admis s'il est rendu vraisemblable que, à défaut de mesures provisionnelles, la partie requérante serait contrainte de modifier de manière importante son organisation en prenant des mesures sur lesquelles il ne lui sera que difficilement possible de revenir par la suite. En revanche, le fait de devoir renoncer pendant la durée de la procédure à certaines dépenses (voyages de loisirs, achat d'un nouveau véhicule plus luxueux, etc.), n'influant pas durablement sur les conditions d'existence de l'époux requérant, ne saurait être considéré comme constitutif d'un préjudice difficilement réparable. (ACJC/1684/2019 cité consid. 4.1; ACJC/1387/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3.2; ACJC/824/2016 du 10 juin 2016 consid. 3.1.1).

2.1.3 Selon l'art. 276 al. 1 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires, ces trois éléments étant considérés comme équivalents (arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3; 5A_930/2019 du 16 septembre 2020 consid. 6.3; 5A_690/2019 du 23 juin 2020 consid. 6.3.1 et les références citées). Aux termes de l'art. 276 al. 2 CC, les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

Selon l'art. 285 CC, la contribution d'entretien due à l'enfant doit correspondre aux besoins de celui-ci ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant (al. 1). La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (al. 2).

Les besoins de l'enfant doivent être répartis entre les père et mère en fonction de leurs capacités contributives respectives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1; 5A_119/2017 du 30 août 2017 consid. 7.1).

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon l'art. 176 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF 121 I 97 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1). Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale. Aux termes de cette disposition, mari et femme contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille (al. 1); ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution (al. 2). Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l'union conjugale et de leur situation personnelle (al. 3). (ATF 147 III 293 consid. 4.4; 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_848/2017 du 15 mai 2018).

Dans trois arrêts désormais publiés, le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, dite en deux étapes avec répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 = SJ 2021 I 316, 147 III 293 et 147 III 301). Selon cette méthode, il convient de déterminer les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis répartir l'éventuel excédent (ATF 147 III 265 consid. 7 = SJ 2021 I 316).

Lorsque les conclusions ne précisent pas la date à partir de laquelle les contributions sont réclamées, il n'est pas arbitraire de retenir qu'elles le sont à compter du jour du dépôt de la requête (arrêts du Tribunal fédéral 5A_454/2017 du 17 mai 2018 consid. 4.1; 5A_458/2014 du 8 septembre 2014 consid. 4.1.2 et les références)

Le versement d'une contribution d'entretien en espèces suppose une capacité contributive correspondante (art. 285 al. 1 CC), ce qui est le cas lorsque les revenus de l'intéressé excèdent ses propres besoins (arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3 et les références; sur le respect du minimum vital du débirentier: ATF 144 II consid. 6.5; 137 III 59 consid. 4.2.1; 135 III 66 consid. 1; 123 III 1 consid. 3b/bb et consid. 5 in fine).

2.2
2.2.1
Concernant la contribution d'entretien de l'enfant, le Tribunal a constaté que la contribution que l'intimé s'était engagé à verser couvrait, avec les autres montants perçus pour l'enfant, en grande partie les charges de celle-ci. De surcroît, il n'était pas rendu vraisemblable que l'appelante risquait de subir une atteinte ne pouvant qu'être difficilement réparée par la décision finale, soit notamment par le versement d'une contribution à titre rétroactif.

Sur ce point, l'appelante considère que le premier juge aurait dû tenir compte de revenus dissimulés par l'intimé en s'éloignant des déclarations fiscales et des bilans pour retenir un revenu approximativement deux fois plus élevé (soit environ 6'750 fr.), qui s'accordait d'ailleurs avec le train de vie des époux pendant la vie commune. Il ne pouvait être exigé de l'enfant qu'elle couvre son entretien avec les montants perçus pour elle.

Ce raisonnement ne peut être suivi. Des mesures provisionnelles rendues dans une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale posent un contexte particulier. Eu égard au caractère de "procédure sommaire dans la procédure sommaire" de ces mesures provisionnelles, l'exigence posée quant à l'examen des faits et du droit est limitée. L'intervention du juge vise à éviter que les circonstances aboutissent à une situation qui ne peut pas être réparée par une décision "au fond" ultérieure, un examen approfondi de la cause ne peut donc être exigé.

Or, s'agissant de l'enfant, l'appelante ne conteste pas que son entretien mensuel minimal est pratiquement couvert par la contribution fixée à ce stade (charges minimales (hors cours d'anglais) : 1'175 fr. arrondis ; rente, allocations familiales, paiements opérés par le père et contribution d'entretien : 1'150 fr. arrondis).

Les mesures provisionnelles des art. 261 et suivants CPC visent à régler de manière provisoire une situation d'urgence, dans le but de prévenir la survenance d'un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). Il en résulte que, si le prononcé de telles mesures s'avère nécessaire dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale afin d'éviter que l'un des époux ou des enfants ne tombent dans le besoin, leur portée devra être limitée à la couverture des besoins fondamentaux des membres de la famille dont il est rendu vraisemblable qu'ils ne peuvent y subvenir par leurs propres moyens. Il ne s'agit donc pas, dans le cadre de telles mesures provisionnelles, de fixer une contribution d'entretien permettant de couvrir le minimum vital élargi des bénéficiaires, ni a fortiori de répartir entre les divers membres de la famille un éventuel excédent. C'est dans le cadre de sa décision finale que le juge des mesures protectrices procèdera à l'examen des différents éléments pertinents, parmi lesquels l'imputation à l'un ou l'autre époux d'un éventuel revenu hypothétique pour fixer les contributions dues conformément aux art. 176 al. 1 et 285 et suivants CC.

C'est ainsi à juste titre, dans le cas d'espèce, que le premier juge, constatant que le minimum vital de l'enfant était couvert par les diverses prestations lui revenant et les paiements de l'intimé, s'est borné à donner acte à ce dernier de ses engagements et à le condamner en tant que de besoin à les exécuter.

Les griefs en lien avec la contribution d'entretien de l'enfant seront ainsi rejetés.

2.2.2 Quant à la contribution à l'entretien de l'appelante, le Tribunal a retenu qu'aucun préjudice ne pouvant être réparé par une décision ultérieure n'était rendu vraisemblable et que l'appelante n'avait pas formellement pris de conclusions sur mesures provisionnelles concernant son propre entretien.

S'agissant, en premier lieu de la question des conclusions, l'appelante se contente de considérer l'argumentation du Tribunal comme "choquante", sans pour autant parvenir à désigner à quel moment elle aurait formulé des conclusions sur mesures provisionnelles relatives à son propre entretien, question qui est, il faut le rappeler, soumise à la maxime de disposition. Si elle a formulé des conclusions sur mesures superprovisionnelles et sur mesures protectrices concernant son entretien, elle n'a cependant jamais pris formellement des conclusions sur mesures provisionnelles. Ses conclusions doivent donc être interprétées comme tendant, après le rejet de sa requête en mesures superprovisionnelles, à attendre un prononcé sur mesures protectrices. Il s'ensuit que cet argument scelle déjà le sort de la cause en ce qu'elle porte sur la contribution d'entretien sur mesures provisionnelles que l'appelante réclame en appel.

De surcroît, l'appelante perçoit un revenu régulier, dont elle conteste, sans convaincre, la quotité en appel : les relevés bancaires et d'assurance, corroborés par ses propres allégués, montrent que le montant retenu par le Tribunal est le plus vraisemblable. L'évolution de la situation révèle qu'elle a continué à payer son loyer et ses frais de base au moins jusqu'à ce stade. La cause étant gardée à juger sur mesures protectrices, il est à prévoir qu'une décision sera rendue à brève échéance, qui comportera, cas échéant, le paiement d'un montant de contribution rétroactif permettant de compenser le déficit mensuel de l'appelante. Il n'existe donc pas d'indices suffisants permettant de retenir qu'un risque de préjudice difficilement réparable par une décision ultérieure est rendu vraisemblable.

A cela s'ajoute que, au vu de la situation financière de l'intimé telle qu'établie par le Tribunal à ce stade de la procédure, et qui ne doit pas être revue de manière plus approfondie dans le cadre de la présente décision conformément aux principes applicables, l'intimé ne serait vraisemblablement de toute manière pas en mesure de lui verser un quelconque montant, sans entamer son minimum vital.

Par conséquent, les griefs de l'appelante seront rejetés et la décision entreprise confirmée.

3. 3.1 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 800 fr. (art. 2, 31, 35 et 37 RTFMC). Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, au vu de la nature familiale du litige et pour des raisons d'équité (art. 106 et 107 al. 1
let. c CPC).

La part des frais judiciaires d'appel à la charge de l'appelante, qui plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève (art. 111 al. 3 et 122 al. 1 let. b CPC).

3.2 Pour les mêmes raisons, les parties conserveront leurs propres dépens à leur charge.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 décembre 2021 par A______ contre l'ordonnance OTPI/956/2021 rendue le 20 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10743/2021.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr. et les met à charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que la part des frais à la charge de A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 400 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, au titre des frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Jessica ATHMOUNI

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.