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Décisions | Chambre civile

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C/22636/2020

ACJC/1071/2021 du 24.08.2021 sur OTPI/257/2021 ( SDF ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22636/2020 ACJC/1071/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 24 AOÛT 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 mars 2021, comparant par Me Sonia RYSER, avocate, promenade du Pin 1, case postale,
1211 Genève 3, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (France), intimé, comparant d'abord par
Me Diane BROTO, avocate, puis en personne.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/257/2021 du 25 mars 2021, reçue le 29 mars 2021 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire sur mesures provisionnelles en modification du jugement de divorce, a attribué à B______ un droit de visite sur les mineurs C______ et D______ (recte : ______ [nom de famille de B______]), respectivement nés le ______ 2010 et le ______ 2012, à exercer d'entente avec A______ ou, à défaut, à raison d'un week-end sur deux du vendredi soir au dimanche soir ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires, à charge pour lui de chercher et de ramener les enfants auprès de leur mère (chiffre 1 du dispositif), ordonné la mise en place d'une curatelle de surveillance et d'organisation du droit de visite au sens de l'art. 308 al. 2 CC, à charge pour le curateur d'établir si nécessaire un calendrier des visites pendant les vacances scolaires et de signaler au Tribunal tous éventuels incidents auxquels ce droit de visite donnerait lieu, transmis la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour désignation du curateur surveillant (ch. 2), modifié et complété provisoirement, dans la seule mesure nécessaire à l'application des chiffres 1 et 2 de l'ordonnance, le jugement n° 1______/2018 du 20 août 2018 du Tribunal de première instance n° 2______, affaires familiales, de E______ (Espagne), prononçant le divorce de B______ et A______ (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., les a mis pour moitié à la charge de chacune des parties et compensés avec les avances de A______, condamné B______ à payer 250 fr. à cette dernière (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé le 6 avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle des chiffres 1, 3 et 6 du dispositif de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut à ce que la Cour réserve à B______ un droit de visite sur les enfants C______ et D______ à raison d'un week-end sur deux, à la journée de 9h00 à 18h00, en Suisse, suspende le droit de visite durant les périodes de vacances jusqu'à reddition du rapport du SEASP, interdise à B______ de quitter le territoire helvétique avec les enfants, sous réserve de son consentement préalable écrit et déboute celui-ci de toutes autres ou contraires conclusions, avec suite de frais et dépens d'appel.

Elle a également sollicité la suspension du caractère exécutoire des chiffres 1 et 3 de l'ordonnance entreprise, requête qui a été admise par arrêt de la Cour du 16 avril 2021 (ACJC/479/2021).

b. Dans sa réponse du 20 avril 2021, B______ a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont spontanément répliqué et dupliqué les 3 et 19 mai 2021, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Le 31 mai 2021, A______, s'est encore déterminée spontanément sur la duplique de B______.

e. Les parties ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs écritures respectives.

f. Par avis du 28 juin 2021, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissante française et américaine née le ______ 1974, et B______, ressortissant libanais et britannique né le ______ 1969, se sont mariés le ______ 2009 à E______ (Espagne).

Deux enfants sont issus de leur union, soit C______ et D______, nés respectivement le ______ 2010 et le ______ 2012 à F______ (Royaume-Uni).

b. La famille a vécu à F______ jusqu'en 2013, puis à G______ (Mozambique) d'août 2013 à novembre 2015, où B______ s'est lancé dans l'agrobusiness.

c. En novembre 2015, B______ a reçu des menaces d'enlèvement visant ses enfants – en raison de ses activités professionnelles selon A______ et en raison d'importantes jalousies quant à sa propriété terrienne selon B______ –, si bien que la famille a dû quitter le pays précipitamment – pour se mettre en sécurité, avec l'aide et la protection de l'ambassade américaine.

d. A______ s'est alors installée à E______ auprès de son père et de sa belle-mère avec les enfants, lesquels y ont été scolarisés.

B______ leur rendait sporadiquement visite à E______, tout en poursuivant ses activités professionnelles sur le continent africain. Il a notamment passé une période totale de l'ordre de deux mois à E______ durant l'année 2017.

e. En 2017, C______ s'est vu diagnostiquer un trouble autistique (syndrome d'Asperger).

f. La relation entre les époux s'étant détériorée, A______ et B______ ont décidé de déposer une requête commune en divorce par-devant le Tribunal de première instance, affaires familiales, de E______.

g. Par jugement n° 1______/2018 du 20 août 2018, définitif et entré en force, le Tribunal précité a prononcé le divorce des époux A______/B______ et, entérinant leur accord complet concernant les deux mineurs, a notamment et en substance :

-          maintenu l'autorité parentale commune sur C______ et D______;

-          attribué la garde des enfants à la mère et autorisé celle-ci à changer leur pays de résidence;

-          attribué au père, résidant alors principalement en Afrique, un droit de visite sur les enfants de dix jours consécutifs lors de ses séjours à E______.

h. En septembre 2019, B______ a été arrêté au Mozambique, suspecté de trafic de drogue.

Il a expliqué que dans le cadre de son activité professionnelle portant sur la production de cigares, il avait importé de la colle se présentant sous forme de poudre blanche soluble dans l'eau, servant à maintenir la feuille de tabac extérieure. Alors qu'il récupérait sa commande à l'aéroport de fret de G______, il avait été arrêté en raison de l'aspect sous lequel se présentait cette colle, semblable à la cocaïne. Il avait alors été placé en détention provisoire durant près de deux mois, le temps que des examens soient effectués sur la marchandise. Les trois examens effectués avaient toutefois confirmé qu'il ne s'agissait aucunement d'une substance psychotrope et il avait été remis en liberté et sa marchandise restituée.

Dans un courrier du 10 décembre 2020 à l'attention du Tribunal, l'avocat de B______ à G______ a confirmé les faits qui précèdent et indiqué qu'une ordonnance de non-lieu avait été rendue.

Le mandat de mise en liberté daté du 22 octobre 2019 ainsi qu'un document attestant de la restitution de la marchandise à B______ ont été produits par celui-ci.

Le certificat de registre criminel de B______ émis par la République du Mozambique le 11 décembre 2020 est vierge et ce dernier ne figure pas dans le système d'information d'Interpol selon leur courrier du 2 février 2021.

i. Selon A______, l'exercice du droit de visite prévu par le jugement de divorce a relativement bien fonctionné dans un premier temps, avant de se dégrader à la suite de l'incarcération de B______ au Mozambique.

Elle lui reproche en effet d'avoir laissé les enfants plusieurs fois tous seuls ou avec leur nourrice le soir et/ou la nuit, de les avoir égarés sur une piste de ski, de ne pas leur faire faire leurs devoirs et, de manière générale, de les négliger – notamment au niveau alimentaire – et de mal s'en occuper lorsqu'ils sont avec lui.

i.a A cet égard, B______ n'a en particulier pas contesté que durant son droit de visite du 27 décembre 2019 au 7 janvier 2020, qu'il avait écourté le 3 janvier 2020, il avait laissé les enfants avec la nourrice le 29 décembre 2019 de 15h à minuit, le 30 décembre 2019 avant le repas jusqu'à 5h du matin et le 2 janvier 2020 à compter de 17h30, rentrant une fois les enfants couchés. Il qualifie ces faits de "non pertinents".

i.b B______ a par ailleurs admis que durant son droit de visite du 26 au 29 janvier 2020, il avait laissé ses enfants seuls - sans la nourrice - durant deux nuits consécutives, s'étant rendu dans des villes situées à 40, respectivement 35 km de E______ et étant rentré à 6h, respectivement 7h du matin, indiquant alors à A______ qu'il était bon que les enfants - alors âgés de 7 et 9 ans - apprennent à être indépendants.

i.c Il a également admis que durant l'exercice de son droit de visite du 22 février au 1er mars 2020, correspondant aux vacances de février passées dans les Pyrénées, il avait laissé les enfants avec la nourrice le 22 février de 18h à 7h le lendemain matin, le 23 février de 20h à minuit et demi, le 25 février de 14h45 à 16h30 puis de 19h50 à minuit, le 26 février de 20h30 à minuit et le 28 février de 19h30 à 1h du matin. Il n'a pas contesté avoir écourté les vacances le 29 février 2020 pour revenir à E______ et avoir quitté le domicile à 20h pour y revenir à 4h du matin, qualifiant ces faits de "non pertinents".

i.d B______ a encore admis qu'en mars 2020, il devait s'occuper des enfants du 2  au 8 mars, mais avait finalement informé la nourrice qu'il lui laisserait les enfants du 4 au 8 mars.

j. En été 2020, A______ s'est installée avec les deux enfants à Genève, où elle les a scolarisés à I______.

B______ s'est quant à lui installé en France voisine où, en attente d'une autorisation de séjour à Genève, il a provisoirement pris un appartement à bail à H______.

D.           a. Par acte déposé le 11 novembre 2020 au greffe du Tribunal, A______ a formé une action en modification du jugement de divorce à l'encontre de B______ en lien avec les droits parentaux de ce dernier sur les enfants C______ et D______.

Sur mesures provisionnelles – objets de la présente procédure – et superprovisionnelles, elle a notamment conclu, s'agissant des points litigieux en appel, à ce que le Tribunal réserve à B______ un droit de visite sur les enfants C______ et D______ à raison d'un week-end sur deux, à la journée de 9h00 à 18h00, en Suisse, suspende le droit de visite durant les vacances jusqu'à reddition du rapport du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: SEASP) et interdise à B______ de quitter le territoire helvétique avec les enfants, sous réserve de son consentement préalable écrit, avec suite de frais et dépens.

b. Par ordonnance du 11 novembre 2020 rendue sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a modifié le dispositif du jugement n° 1______/2018 rendu le 20 août 2018 par le Tribunal de première instance de E______ en ce sens que le droit de visite de B______ sur C______ et D______ s'exercerait désormais uniquement un week-end sur deux, à la journée, de 9h00 à 18h00, et en Suisse, rejetant la requête pour le surplus.

c. Par réponse du 29 janvier 2021 sur mesures provisionnelles, B______ a notamment conclu, s'agissant des points encore litigieux en appel, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à ce que le Tribunal lui réserve un droit de visite sur les enfants C______ et D______ devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux, nuits incluses, du vendredi soir au dimanche soir ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, en Suisse comme à l'étranger, avec suite de frais et dépens.

d. Le Tribunal a entendu les parties à deux reprises lors des audiences des 18 janvier et 10 février 2021.

A______ a notamment déclaré que B______ n'était pas régulier dans l'exercice de son droit de visite. Sur dix week-end, il n'était pas venu deux fois et il n'exerçait son droit de visite que durant trois heures sur neuf. Il cherchait les enfants plus tard que prévu et les ramenait soit plus tard, soit plus tôt. Elle ne souhaitait pas lui confier les enfants pour la nuit en raison des épisodes lors desquels il les avait laissés seuls sans surveillance, justifiant même son attitude ce qui était d'autant plus choquant. Elle ne souhaitait pas non plus qu'il quitte le territoire Suisse avec les enfants, de peur qu'il ne les enlève et les emmène au Liban par exemple.

B______ a confirmé qu'il avait gardé les enfants trois heures de temps au lieu de neuf, expliquant que ces derniers étaient fatigués, avaient froid et qu'il ne pouvait pas les emmener à son domicile selon l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles.

e. Le 21 janvier 2021, le Tribunal a sollicité du SEASP qu'il établisse un rapport d'évaluation sociale avec audition des enfants, lequel n'avait pas encore été rendu lors du prononcé des mesures provisionnelles.

f. A l'issue de l'audience du 10 février 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, après quoi la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

E.            Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a notamment retenu que l'installation des parties à Genève et en France voisine constituait une modification importante et a priori durable des circonstances, justifiant de modifier le jugement de divorce, possiblement déjà sur mesures provisionnelles, pour autant que la réglementation du droit de visite, telle que fixée dans cette décision porte atteinte ou menace sérieusement le bien des enfants.

En l'occurrence, le droit de visite de B______ de dix jours consécutifs lors de ses séjours à E______, tel qu'arrêté dans le jugement de divorce, était devenu impraticable et caduc. Or, il était essentiel à l'intérêt de tout enfant d'entretenir autant que possible une relation avec chacun de ses parents. Si le droit de visite exercé depuis 2018 ne satisfaisait pas A______ et semblait donner lieu à des tensions entre les parents, il n'apparaissait pas qu'il en serait à ce jour résulté une menace ou une atteinte sérieuse à l'intérêt, la santé et le développement des enfants. Les imputations de la mère de mauvaise prise en charge de ceux-ci par leur père n'étaient guère objectivées en l'état, encore moins un risque de leur enlèvement. L'intérêt des deux mineurs commandait donc d'adapter le droit de visite de B______ aux circonstances nouvelles résultant de l'installation des parties en région genevoise. Dans l'attente du rapport du SEASP, un droit de visite usuel d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires serait ainsi provisoirement attribué à B______.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte notamment sur les droits parentaux, soit une affaire de nature non pécuniaire, de sorte que la voie de l'appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1, 248 let. d et 314 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 1______ CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

Sont également recevables la réponse (art. 314 al. 1 CPC) ainsi que les écritures subséquentes et spontanées des parties, déposées conformément à leur droit de répliquer (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1) avant que la cause n'ait été gardée à juger par la Cour.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

1.4 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et art. 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

2.             La présente cause revêt un caractère international en raison de la nationalité étrangère des parties, du domicile français de l'intimé et du jugement espagnol dont la modification est sollicitée.

Au vu du domicile des enfants à Genève, c'est avec raison que les parties ne contestent pas la compétence des juridictions genevoises pour trancher la question litigieuse (art. 5 ch. 1 de la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants [CLaH96]; art. 64 al. 1 et 85 al. 1 LDIP) et l'application du droit suisse dans ce cadre (art. 15 ch. 1 CLaH96; art. 64 al. 2, 82 al. 1 et 85 al. 1 LDIP).

3.             Les parties ont toutes deux produit des pièces nouvelles en appel.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles sont susceptibles d'avoir une influence sur les questions relatives aux enfants mineurs, de sorte qu'elles sont recevables, de même que les faits qui s'y rapportent.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir fixé les modalités du droit de visite de l'intimé sans tenir compte des circonstances dans lesquelles celui-ci avait été exercé jusque-là et en contrevenant à l'intérêt des enfants.

4.1.1 Après l'ouverture d'un procès en modification d'un jugement de divorce, le prononcé de mesures provisionnelles analogues à celles de l'art. 276 al. 1 CPC (art. 284 al. 3 CPC) est soumis à des conditions restrictives. Compte tenu de l'autorité de la chose jugée dont bénéficie le jugement de divorce, une modification ne peut être ordonnée, à titre de mesures provisionnelles dans un procès subséquent, qu'en cas d'urgence et en présence de circonstances particulières (arrêts du Tribunal fédéral 5A_274/2016 du 26 août 2016 consid. 4.1 et 5A_641/2015 du 3 mars 2016 consid. 4.1 et les références citées).

La modification des droits parentaux autres que l'autorité parentale, tels que les relations personnelles, sont définies par les dispositions relatives aux effets de la filiation (art. 134 al. 2 CC, applicable par renvois successifs des art. 284 al. 3 et 276 al. 1 CPC ainsi que de l'art. 179 al. 1 CC).

Une nouvelle réglementation ne dépend pas seulement de l'existence de circonstances nouvelles importantes; elle doit aussi être commandée par le bien de l'enfant. La modification ne peut ainsi être envisagée que si le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l'enfant et le menace sérieusement; la nouvelle réglementation doit s'imposer impérativement, en ce sens que le mode de vie actuel nuit plus au bien de l'enfant que le changement de réglementation et la perte de continuité dans l'éducation et les conditions de vie qui en est consécutive (arrêts du Tribunal fédéral 5A_762/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1; 5A_228/2020 du 3 août 2020 consid. 3.1).

4.1.2 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le parent qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est considéré comme un droit de la personnalité de l'enfant qui doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci; dans chaque cas, la décision doit donc être prise de manière à répondre le mieux possible à ses besoins, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 130 III 585 consid. 2.1 et 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_669/2019 du 7 février 2020 consid. 6.3).

Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être retiré ou refusé (art. 274 al. 2 CC).

La fixation du droit aux relations personnelles relève de l'appréciation du juge du fait, qui jouit pour cela d'un large pouvoir et applique les règles du droit et de l'équité (arrêts du Tribunal fédéral 5A_669/2019 précité consid. 6.3; 5A_334/2018 du 7 août 2018 consid. 3.1).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté – à juste titre – que la situation a changé au point de nécessiter une modification du jugement de divorce sur mesures provisionnelles déjà, le droit de visite tel que fixé dans ce jugement – à savoir dix jours consécutifs lors des visites de l'intimé à E______ – étant impraticable depuis que les enfants sont domiciliés à Genève et la relation personnelle de ceux-ci avec leurs deux parents étant essentielle pour leur développement.

Cela étant, c'est à tort que le Tribunal s'est écarté du droit de visite à la journée fixé sur mesures superprovisionnelles. En effet, cette modalité du droit de visite est en place depuis de nombreux mois, sans que les parties n'allèguent qu'elle ne conviendrait pas aux enfants. Par ailleurs, l'intimé a admis qu'il avait à plusieurs reprises laissé les enfants avec la nourrice, voire complètement seuls, le soir et/ou la nuit, ce qui n'est pas dans l'intérêt de jeunes enfants, étant en particulier rappelé que l'aîné souffre du syndrome d'Asperger et requiert une attention particulière. Dans ces conditions, en l'absence du rapport du SEASP et sur mesures provisionnelles – lesquelles ne sont pas amenées à durer –, il se justifie de maintenir en l'état le droit de visite d'un week-end sur deux à la journée de 9h00 à 18h00 en place depuis neuf mois, ceci afin de garantir tant la stabilité que la sécurité des enfants. Les nuitées n'étant pas comprises, il n'y a pas lieu en l'état d'étendre le droit de visite à la moitié des vacances scolaires, étant également relevé que celui-ci a régulièrement été écourté par l'intimé.

La limitation de l'exercice du droit de visite sur le seul territoire helvétique ainsi qu'une interdiction de quitter la Suisse avec les mineurs ne se justifient en revanche pas, les craintes de l'appelante quant à un enlèvement des enfants par leur père n'étant pas objectivées. En effet, le départ précipité de la famille du Mozambique en 2015 et l'incarcération – injustifiée selon les éléments du dossier – de l'intimé en 2019 ne permettent aucunement de craindre qu'il pourrait enlever les enfants, aucun élément de la procédure ne laissant pour le surplus présager un tel comportement de sa part. Son lieu de résidence à H______ en attendant l'obtention d'un permis de séjour en Suisse est par ailleurs clairement établi, contrairement à ce que soutient l'appelante, le contrat de bail y relatif ayant notamment été produit. La restriction territoriale ne répond par ailleurs pas à l'intérêt des enfants, dès lors que le domicile de l'intimé se trouve en France voisine, ce qui le contraint à voir ses enfants à l'extérieur, durant deux journées entières consécutives, en période de pandémie et sans égard aux conditions météorologiques parfois défavorables. Cette modalité du droit de visite complique en outre l'aide aux devoirs, qui doivent se faire à l'extérieur du domicile, et ne permet pas aux enfants de se reposer lorsqu'ils en éprouvent le besoin, ce qui oblige l'intimé à écourter son droit de visite régulièrement et alimente le conflit parental en raison du non-respect des horaires fixés, ce qui n'est pas dans l'intérêt des mineurs. Par conséquent, il sera précisé que le droit de visite de l'intimé pourra être exercé tant en Suisse qu'en France. Cette liberté territoriale sera propice au respect, par l'intimé, des horaires fixés et la régularité qui en résultera devrait rassurer la mère et favoriser un élargissement ultérieur du droit de visite.

Les chiffres 1 et, par souci de clarté, 3 de l'ordonnance entreprise seront modifiés conformément à ce qui précède.

5.             5.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

La modification partielle de l'ordonnance entreprise ne commande toutefois pas de revoir la décision du Tribunal sur les frais de première instance, laquelle ne fait l'objet d'aucun grief et est conforme aux normes applicables (art. 31 RTFMC; art. 107 al. 1 let c CPC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel, comprenant les émoluments forfaitaires de la présente décision et de la décision sur effet suspensif, seront fixés à 700 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Pour des motifs d'équité liés à la nature et à l'issue du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC), ces frais seront répartis à parts égales entre les parties. L'intimé sera par conséquent condamné à verser 350 fr. à l'appelante à titre de remboursement de l'avance de frais.

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 avril 2021 par A______ contre l'ordonnance OTPI/257/2021 rendue le 25 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22636/2020-3.


Au fond :

Annule les chiffres 1 et 3 du dispositif de cette ordonnance et, statuant à nouveau sur ces points :

Réserve à B______ un droit de visite sur les mineurs C______ et D______, respectivement nés le ______ 2010 et le ______ 2012, à exercer d'entente avec A______ ou, à défaut, à raison d'un week-end sur deux à la journée, de 9h00 à 18h00, en France ou en Suisse, à charge pour lui de chercher et de ramener les enfants auprès de leur mère.

Modifie et complète provisoirement, dans la seule mesure nécessaire à l'application du paragraphe qui précède et du chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée, le jugement n° 1______/2018 du 20 août 2018 du Tribunal de première instance n° 2______, affaires familiales, de E______ (Espagne), prononçant le divorce de A______ et B______.

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 700 fr., les met à la charge des parties par moitié et les compense entièrement avec l'avance de frais de 700 fr. versée par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ à verser 350 fr. à A______ à titre de remboursement de l'avance de frais.


 


Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.


Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.