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Décisions | Chambre civile

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C/4917/2018

ACJC/657/2021 du 21.05.2021 sur JTPI/11223/2020 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : acte illicite;utilisation d'une voie de droit;responsabilité
Normes : CO.41; CO.135; CO.60
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4917/2018 ACJC/657/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 21 MAI 2021

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 septembre 2020, comparant par Me Nicolas JEANDIN, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

ASSOCIATION B______, sise ______, intimée, comparant par Me Romolo MOLO, avocat, rue du Lac 12, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11223/2020 du 17 septembre 2020, reçu par les parties le 21 septembre 2020, le Tribunal de première instance a débouté A______ SA de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 32'000 fr., en les mettant à charge de celle-ci et en les compensant avec les avances de frais de 20'600 fr. fournies par elle, condamné en conséquence A______ SA à verser 11'400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 2), condamné celle-ci à verser 28'857 fr. à l'ASSOCIATION B______ (ci-après : la B______) à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 21 octobre 2020 au greffe de la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut à la condamnation de la B______ à lui verser les sommes de 170'000 fr., correspondant à la différence entre le prix de vente de l'appartement n° 1______ initialement convenu (1'000'000 fr.) et celui finalement perçu (830'000 fr.), et de 184'800 fr., correspondant aux loyers non perçus pour l'appartement précité entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, avec intérêts à 5% dès le 20 octobre 2017, sous suite de frais judicaires et dépens de première instance et d'appel.

Elle produit une pièce nouvelle, soit un acte de vente notarié du 29 juin 2004 et ses annexes (pièce n° 18).

b. Dans sa réponse, la B______ conclut au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle produit une pièce nouvelle, soit un courrier de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la Chambre administrative) du 14 octobre 2020 attestant du caractère exécutoire de l'arrêt ATA/725/2020 du 4 août 2020 (pièce n° 0.20).

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions et la B______ a produit une pièce nouvelle, soit l'arrêt de la Chambre administrative ATA/1298/2020 du 15 décembre 2020 rendu dans la cause A/10______/2019 (pièce n° 5).

d. Par avis du greffe de la Cour du 29 janvier 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. L'immeuble sis chemin 2______ [no.] ______ au C______ (GE) (ci-après : l'immeuble) a été, dès sa construction entre 1961 et 1970, la propriété de la société immobilière D______ SA (ci-après : SI D______ SA).

Fin 1999, la SI D______ SA en liquidation a cédé tous ses actifs et passifs à ses actionnaires, soit à E______, F______ et G______, en copropriété chacun pour un tiers.

b. Le 14 octobre 2009, E______ et l'hoirie de F______, qui avaient chacun racheté la part de G______ pour moitié, ont signé, par-devant le notaire Me H______, une promesse de vente portant sur huit appartements de l'immeuble en faveur de A______ SA pour le prix total de 3'500'000 fr., dont 500'000 fr. pour l'appartement n° 1______ de 4,5 pièces au 5ème étage, 500'000 fr. pour celui n° 3______ et 333'334 fr. pour celui n° 4______.

Cet acte notarié mentionnait que l'immeuble avait été "dès sa construction soumis au régime de la propriété par étage (ci-après : PPE), plus précisément à une forme analogue", soit une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après : SIAL), au sens de l'art. 39 al. 4 let. a de la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR - L 5 20).

c. Par arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009, entré en force de chose décidée, le Département des constructions et des technologies de l'information, devenu le Département du territoire (ci-après : le Département), a autorisé la vente des huit appartements susvisés au prix de 3'500'000 fr., en application de l'art. "39 al. 4" LDTR.

Cet arrêté était motivé par le fait que l'immeuble était "soumis au régime de la [PPE] depuis mars 1985, mais qu'il était précédemment et depuis sa construction exploité" par une SIAL.

d. Ces appartements étaient soumis à autorisation au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR.

L'art. 39 al. 2 LDTR précise que le Département peut refuser une autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.

A teneur de l'art. 39 al. 4 LDTR, le Département autorise l'aliénation de l'appartement si celui-ci : a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue - telle une SIAL comme en l'espèce - (let. a); était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b); n'a jamais été loué (let. c) ou a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la présente loi (let. d).

L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en PPE et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que l'acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée au sens du présent alinéa.

e. Par acte de vente définitif instrumenté les 10 et 17 décembre 2009, A______ SA a acquis les huit appartements.

f.a Par promesse de vente du 29 novembre 2011, A______ SA s'est engagée à vendre l'appartement n° 4______ de l'immeuble aux époux I______ au prix de 660'000 fr., à la condition suspensive d'obtenir du Département une autorisation conformément à la LDTR, entrée en force au plus tard le 1er mars 2012.

f.b Par arrêté n° VA 6______ du 7 mars 2012, le Département a autorisé la vente susvisée en application de l'art. 39 al. 4 let. a et d LDTR, soit pour les motifs que l'immeuble était exploité par une SIAL à sa construction et que l'appartement avait déjà fait l'objet d'une vente autorisée par arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009.

f.c Par acte de vente définitif du 17 avril 2012, A______ SA a vendu aux époux I______ l'appartement n° 10.6 au prix de 660'000 fr., payé le jour même.

f.d Par acte du 24 avril 2012 dirigé contre A______ SA et le Département, la B______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'arrêté n° VA 6______, en concluant à son annulation.

LA B______ a, en substance, soutenu qu'aucune des hypothèses énoncées à l'art. 39 al. 4 let a à d LDTR n'était réalisée, de sorte que l'autorisation de vendre l'appartement n° 4______ n'aurait pas dû être délivrée. En particulier, cet appartement faisait partie d'un bloc de huit appartements, acquis comme tel par A______ SA en 2009, et ne pouvait donc pas être vendu individuellement. De plus, si l'immeuble avait été constitué sous la forme d'une société immobilière, on ignorait si les actions avaient été accordées aux locataires dès sa construction.

f.e Le 12 octobre 2012, le TAPI a appelé en cause les époux I______, lesquels ont indiqué, le 20 novembre 2012, qu'ils renonçaient à acquérir l'appartement n° 4______ en raison du recours formé par la B______.

f.f Par jugement JTAPI/41/2013 du 15 janvier 2013, le TAPI a par conséquent annulé l'arrêté n° VA 6______, constaté que le recours formé par la B______ était devenu sans objet et rayé la cause du rôle.

f.g Entre 2013 et 2014, A______ SA et les époux I______ se sont opposés dans le cadre d'une procédure civile, ayant engendré des frais d'avocat à hauteur de 7'282 fr. pour la première.

f.h Le 27 octobre 2014, A______ SA a vendu à un tiers l'appartement n° 4______ au prix de 642'500 fr.

f.i Le 27 octobre 2015, A______ SA a requis la poursuite de la B______ à hauteur de 17'500 fr., plus intérêts à 5% dès le 27 octobre 2014, correspondant à la différence entre le prix de vente de l'appartement n° 4______ accepté par les époux I______ et celui finalement acquitté par le tiers (660'000 fr. - 642'500 fr.).

Le commandement de payer afférent, poursuite n° 7______, n'a été notifié à la B______ qu'en date du 3 octobre 2019 et celle-ci y a formé opposition.

g.a Par promesse de vente du 8 mars 2012, A______ SA s'est engagée à vendre à la société J______ SA l'appartement n° 1______ de l'immeuble au prix de 1'000'000 fr., à la condition suspensive d'obtenir du Département une autorisation conformément à la LDTR, entrée en force au plus tard le 29 juin 2012.

A une date inconnue, A______ SA s'est également engagée à vendre à K______ l'appartement n° 3______ de l'immeuble au prix de 970'000 fr.

g.b Par arrêtés n° VA 8______ et VA 9______ du 14 mai 2012, le Département a autorisé la vente de l'appartement n° 3______, respectivement celle de l'appartement n° 1______, en application de l'art. 39 al. 4 let. a et d LDTR, soit aux motifs que l'immeuble avait été soumis, dès sa construction, à un régime analogue à une PPE, soit une SIAL, et que lesdits appartements avaient déjà fait l'objet d'une autorisation de vente par arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009.

g.c Par actes des 18 et 22 juin 2012 dirigés à l'encontre de A______ SA et du Département, la B______ a formé recours auprès du TAPI contre les arrêtés susvisés, en concluant à leur annulation. Ces procédures ont été enregistrées sous causes n° A/11______/2012 et A/12______/2012.

LA B______ a, en substance, soutenu que les appartements concernés ne pouvaient pas faire l'objet d'une autorisation de vente individuelle, car ils faisaient partie d'un bloc de huit appartements, acquis comme tel par A______ SA en 2009. De plus, ces appartements étaient, à l'origine, en location en non soumis au régime d'une PPE. Il était faux de prétendre que les locataires avaient été, dès la construction de l'immeuble, des locataires-actionnaires. La date à partir de laquelle le statut de SIAL avait été adopté était inconnue, mais ne correspondait pas à celle de la construction de l'immeuble.

g.d Le 3 juillet 2012, J______ SA a informé A______ SA qu'elle renonçait à acquérir l'appartement n° 1______, la condition suspensive d'obtenir une autorisation de vendre entrée en force au plus tard le 29 juin 2012 n'étant pas réalisée.

g.e Par jugements JTAPI/42/2012 et JTAPI/43/2012 du 15 janvier 2013, le TAPI a rejeté les recours formés par la B______ contre les arrêtés n° VA 8______ et VA 9______.

Le Tribunal a relevé que certains arguments de la B______ étaient "difficilement compréhensibles". Cela étant, il résultait de l'acte notarié du 14 octobre 2009, par lequel A______ SA avait acquis huit appartements de l'immeuble, que celui-ci était, dès sa construction, soumis à un régime analogue à une PPE, soit une SIAL. De plus, l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009, ayant autorité de force décidée, ne stipulait pas qu'il s'agissait d'une vente en bloc. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let a. et d LDTR étant remplies, le Département avait, à juste titre, délivré les autorisations litigieuses.

g.f Par arrêt ATA/799/2013 du 10 décembre 2013, la Chambre administrative a, après avoir ordonné la jonction des causes n° A/11______/2012 et A/12______/2012, rejeté les recours formés par la B______ contre les jugements susvisés.

En se fondant sur l'acte notarié du 14 octobre 2009, la Chambre administrative a considéré que l'immeuble avait été, dès sa construction, soumis au régime de la SIAL. De plus, l'acquisition, en 2009, par A______ SA de huit appartements de l'immeuble avait été autorisée par le Département selon l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009. Cela étant, celui-ci, "tel qu'il a[vait] été rédigé, était imprécis et source possible de confusions". En effet, cet arrêté contenait l'autorisation de vendre plusieurs appartements alors qu'il s'agissait, selon l'acte notarié du 14 octobre 2009, de huit ventes distinctes lesquelles nécessitaient huit arrêtés différents, conformément à la LDTR. En outre, il mentionnait le prix de vente globale des huit appartements, alors que le prix de vente de chacun d'eux était connu et ressortait de l'acte notarié précité. Enfin, il aurait été souhaitable qu'il mentionne la lettre applicable de l'art. 39 al. 4 LDTR. Toutefois, l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009 était entré en force. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. a et d LDTR étaient par conséquent remplies, de sorte que le Département avait, à raison, autorisé les ventes des appartements n° 3______ et 1______.

La Chambre administrative a refusé d'infliger à la B______ une amende pour emploi abusif d'une procédure en application de l'art. 88 LPA, comme requis par A______ SA.

h. Le conseil de A______ SA a facturé ses honoraires à hauteur de 18'111 fr. pour son activité déployée dans le cadre des recours formés par la B______ contre les arrêtés n° VA 6______, VA 8______ et VA 9______.

i. Par acte de vente définitif du 3 mai 2014, A______ SA a vendu l'appartement n° 3______ à K______ au prix de 970'000 fr.

Par acte de vente définitif du 20 octobre 2017, A______ SA a finalement vendu l'appartement n° 1______ à un tiers au prix de 830'000 fr. Celle-ci a fait valoir que cet appartement n'avait pas pu être loué entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, en raison du recours formé par la B______ contre l'arrêté n° VA 9______.

Un appartement de 4,5 pièces au 5ème étage de l'immeuble, similaire à celui n° 1______, a été loué pour un loyer de 2'800 fr. par mois, hors charges.

D. a. Par acte du 17 août 2018, après l'échec de la conciliation requise le 26 février 2018, A______ SA a assigné la B______ en paiement des sommes de 17'500 fr., avec intérêts à 5% dès le 11 juin 2014, à titre de différence entre le prix de vente de l'appartement n° 4______ initialement convenu avec les époux I______ et celui finalement perçu en octobre 2014, 46'800 fr., avec intérêts à 5% dès le 11 juin 2014, à titre de loyers non perçus pour l'appartement n° 4______ entre le 13 avril 2012 et le 11 juin 2014, 7'282 fr., avec intérêts à 5% dès le 11 juin 2014, à titre remboursement des honoraires de son conseil pour la procédure l'ayant opposée aux époux I______, 170'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 20 octobre 2017, à titre de différence entre le prix de vente de l'appartement n° 1______ initialement convenu avec J______ SA et celui finalement perçu en octobre 2017 (1'000'000 fr. - 830'000 fr.), 184'800 fr., avec intérêts à 5% dès le 20 octobre 2017, à titre de loyers non perçus pour l'appartement n° 1______ entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017 (2'800 fr. de loyer x 66 mois), 18'111 fr., avec intérêts à 5% dès le 20 octobre 2017, à titre remboursement des honoraires de son conseil pour les procédures l'ayant opposée à la B______ et 67'200 fr., avec intérêts à 5% dès le 27 octobre 2014, à titre de loyers non perçus pour l'appartement n° 3______ entre le 8 mars 2012 et le 3 mai 2014.

A______ SA a soutenu que la B______ avait engagé sa responsabilité, au sens de l'art. 41 CO, en ayant abusivement recouru contre les arrêtés n° VA 6______, VA 8______ et VA 9______ et les jugements JTAPI/42/2012 et JTAPI/43/2012, alors que la situation juridique était claire. Les conditions de l'art. 39 al. 4 LDTR étaient remplies. LA B______ avait agi dans l'unique but de lui porter préjudice en "retard[ant] les ventes des appartements voire même en décourage[ant] les acquéreurs". Celle-ci avait ainsi commis un acte illicite lui causant les dommages dont elle sollicitait réparation.

b. Dans sa réponse, la B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

Elle a fait valoir que les prétentions de A______ SA relatives aux appartements n° 3______ et 4______ étaient prescrites. En tous les cas, les recours qu'elle avait formés n'étaient pas abusifs. En effet, la B______ avait découvert que l'immeuble n'était pas soumis au régime de la SIAL depuis sa construction, mais depuis mars 1985, conformément aux statuts modifiés de la SI D______ SA en février 1985, produits par la B______. L'autorisation de vendre les huit appartements, prononcée par l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009, n'aurait donc pas dû être accordée, de même que les autorisations subséquentes de vendre les appartements n° 3______, 4______ et 1______. LA B______ avait "pressenti l'irrégularité" de ces opérations, entachées "d'un fort soupçon de spéculation immobilière", mais n'avait pas produit les statuts de la SI D______ SA. Le Département et les instances judiciaires auraient dû exiger la production de ceux-ci, mais ils n'avaient pas instruit le dossier. Le seul but de la B______ était l'application de la LDTR et ainsi empêcher le démantèlement du parc locatif. Ses recours étaient donc justifiés.

A l'appui de ses allégués, la B______ a également produit les statuts de la SI D______ SA du 28 juin 1967, établis lors de sa constitution, dont il ressort que l'immeuble n'était, entre sa construction et 1985, pas soumis au régime de la SIAL (art. 3).

c. Lors des audiences des 11 septembre, 16 octobre 2019 et 20 janvier 2020, le Tribunal a entendu les parties et un témoin.

A______ SA, soit pour elle son administrateur, L______, a déclaré que la société J______ SA avait renoncé à acquérir l'appartement n° 1______ en raison des recours formés par la B______. Elle avait essayé de trouver un nouvel acquéreur au même prix, ce qui avait été impossible. Cet appartement n'avait pas été loué entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, car il était destiné à la vente. Elle ne savait pas que la SI D______ SA n'était pas à l'origine une SIAL. A cet égard, elle s'était fiée au Département et elle ne se doutait pas que l'acte notarié du 14 octobre 2009 était contraire aux informations du Registre du commerce.

LA B______, soit pour elle un représentant, a déclaré qu'elle n'aurait pas initié les recours litigieux s'il n'y avait eu aucune chance de succès. Son service juridique avait "subodoré que quelque chose ne jouait pas" dans les autorisations d'aliéner les appartements n° 3______, 4______ et 1______. Elle avait espéré que le Département appliquerait sérieusement la LDTR et que celui-ci, ainsi que les instances judiciaires, consulteraient le Registre du commerce. En 2014 et les années précédentes, le contrôle de la LDTR par le Département était insuffisant, de sorte qu'elle initiait de nombreux recours. LA B______ avait d'ailleurs contribué à faire changer des pratiques d'application de la LDTR du Département, en particulier pour les cas de vente en bloc d'appartements et pour les SIAL frauduleuses. Elle ne savait pas pourquoi son service juridique n'avait pas recouru contre l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009, mais ce service était une petite structure avec des moyens limités.

Entendue en qualité de témoin, Me M______, conseil de A______ SA dans le cadre des procédures litigieuses, a déclaré que la vente des huit appartements de l'immeuble en 2009 n'était pas une vente en bloc. Pour des raisons pratiques et afin de diminuer les frais administratifs, ces ventes avaient toutefois été regroupées dans un seul arrêté. Les recours formés par la B______ étaient infondés. Sur présentation des statuts de la SI D______ SA de 1967, le témoin a confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une SIAL et déclaré qu'elle était "consciente qu'il y avait quelque chose de contradictoire dans l'acte notarié" du 14 octobre 2009.

d. Par ordonnance du 19 décembre 2019, le Tribunal a écarté de nouveaux allégués de la B______, notamment ceux en lien avec la cause A/10______/2019 (demande de reconsidération de l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009).

e. Lors de l'audience du 22 juin 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions et A______ SA a, au surplus, conclu à la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 7______.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E. Les faits pertinents suivants résultent encore de la procédure :

a. Le 14 avril 2020, la B______ a saisi la Chambre administrative d'une requête en révision de son arrêt ATA/799/2013 du 10 décembre 2013, en concluant à son annulation, ainsi qu'à celle des arrêtés n° VA 8______ et VA 9______ du 14 mai 2012, et à la constatation de la nullité de l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009 (A/13______/2020).

b. Par arrêt ATA/725/2020 du 4 août 2020, la Chambre administrative a rejeté cette requête en révision, en raison de sa tardivité et pour des motifs de sécurité du droit et de protection de la confiance des acquéreurs des appartements concernés.

La Chambre administrative a toutefois retenu que l'immeuble était à l'origine détenu par une société immobilière et non une SIAL. Ce n'était qu'en février 1985 que la SI D______ SA avait modifié ses statuts pour devenir une SIAL. Les hypothèses de l'art. 39 al. 4 let a et d LDTR n'étaient donc pas réalisées, de même que celles de l'art. 39 al. 4 let. b et c LDTR. Le Département n'était donc pas tenu de délivrer les autorisations d'aliéner les appartements n° 3______ et 1______ à A______ SA, mais aurait dû procéder à une pesée des intérêts conformément à l'art. 39 al. 2 LDTR.

F. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que les prétentions de A______ SA, tendant au versement des sommes de 17'500 fr., 46'800 fr., 7'282 fr., 18'111 fr. et 67'200 fr., étaient entièrement prescrites. S'agissant de celle visant au paiement de 184'800 fr., à titre de loyers non perçus pour l'appartement n° 1______ entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, le Tribunal a retenu que, la requête en conciliation de A______ SA du 26 février 2018 ayant interrompu la prescription annale, tous les loyers non perçus antérieurement au 25 février 2017 étaient prescrits, de sorte que seul un montant de 22'400 fr. pouvait entrer en considération à cet égard.

En tous les cas, toutes les prétentions de A______ SA, dont celle tendant au paiement de 22'400 fr. et 170'000 fr., correspondant à la différence entre le prix de vente de l'appartement n° 1______ initialement convenu avec J______ SA et celui finalement perçu en octobre 2017, étaient mal fondées. En effet, le rejet des recours initiés par la B______ contre les arrêtés litigieux, en particulier celui n° VA 9______, n'avait pas pour conséquence que ceux-ci, de même que les arguments soulevés à leur appui, étaient abusifs. Dans son arrêt ATA/799/2013 du 10 décembre 2013, la Chambre administrative avait d'ailleurs refusé d'infliger une amende pour emploi abusif de procédures à la B______. De plus, elle avait relevé que l'arrêté initial n° VA 5______ du 6 novembre 2009 était imprécis et source de confusion. A cela s'ajoutait que cet arrêté et ceux subséquents résultaient d'une mauvaise application de l'art. 39 al. 4 LDTR, dont les conditions n'étaient en réalité pas réunies. Ceux-ci étaient fondés sur le fait erroné que l'immeuble était, dès sa construction, soumis à un régime analogue à une PPE, soit une SIAL (art. 39 al. 4 let. a LDTR), ce que A______ SA savait et ce que les autorités et les juridictions administratives auraient dû élucider. Les trois autres hypothèses visées par l'art. 39 al. 4 let. b, c et d LDTR n'étant pas non plus réalisées, ces arrêtés n'auraient pas dû être délivrés. LA B______ avait ainsi recouru à raison contre ceux-ci, de sorte qu'aucun acte illicite ne lui était imputable.

Par ailleurs, le lien de causalité entre les recours formés par la B______ et les propres décisions de A______ SA, soit celles de ne pas mettre l'appartement n° 1______ en location et de vendre celui-ci en 2017 à prix librement convenu avec un tiers, faisait manifestement défaut. Pour les même motifs, l'existence même d'un dommage, compris comme une diminution involontaire du patrimoine, n'était pas évidente, dès lors qu'elle résultait des propres choix de A______ SA.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

3. Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de première instance de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1)

Dans le cas d'un pseudo nova, les conditions de l'art. 317 lit. a et b CPC peuvent être considérées comme réunies lorsque seul le jugement attaqué donne lieu à cet allégué (arrêt du Tribunal fédéral 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1).

3.2 En l'occurrence, la pièce nouvelle n° 18 produite par l'appelante est antérieure au 22 juin 2020, date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger. Cela étant, la production de celle-ci fait suite à une constatation inexacte des faits opérée par le premier juge, soit que l'acte notarié du 14 octobre 2009 a été conclu par les trois copropriétaires des huit appartements de l'immeuble, alors qu'en réalité il s'agissait de deux copropriétaires. La pièce n° 18 est ainsi recevable, même si elle n'est pas pertinente pour l'issue du litige.

La pièce nouvelle n° 0.20 produite par l'intimée est postérieure au 22 juin 2020 et concerne l'entrée en force de l'arrêt ATA/725/2020 du 4 août 2020, de sorte qu'elle est recevable. En revanche, la pièce n° 5 est irrecevable, car elle concerne la procédure administrative A/10______/2019, soit un allégué expressément écarté par le premier juge dans son ordonnance du 19 décembre 2019, non remise en cause en appel. Au demeurant, cette pièce n'est pas déterminante pour l'issue du litige.

4. L'appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir considéré que son dommage, correspondant aux loyers non perçus pour l'appartement n° 1______ entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, n'était pas évolutif. Selon elle, le dies a quo de la prescription annale de ce dommage était le 20 octobre 2017, soit le jour de la vente de cet appartement.

4.1 Selon l'art. 60 al. 1 CO, dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2020 (cf. art. 49 du titre final du CC), l'action en dommages-intérêts se prescrit par un an à compter du jour où la personne lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne qui en est l'auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit.

Le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice. Le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 136 III 322 consid. 4.1; 131 III 61 consid. 3.1.1). Le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1).

Si l'ampleur du préjudice dépend d'une situation qui évolue, la prescription ne court pas avant le terme de cette évolution (ATF 108 Ib 97 consid. 1c; 93 II 498 consid. 2). En effet, selon le principe de l'unité du dommage, celui-ci doit être considéré comme un tout et non comme la somme de préjudices distincts. Par conséquent, en cas d'évolution de la situation, le délai de prescription ne court pas avant que le plus tardif des éléments du dommage ne soit apparu. Cette règle vise essentiellement le préjudice consécutif à une atteinte à la santé de la victime, quand il n'est pas possible d'en prévoir l'évolution avec suffisamment de certitude (ATF 112 II 118 consid. 4); elle peut néanmoins être transposée à d'autres cas où un fait dommageable exerce un effet médiat et graduel, aux conséquences difficilement prévisibles, sur le patrimoine du lésé (ATF 108 Ib 97 consid. 1c).

A teneur de l'art. 135 al. 2 CO, la prescription est notamment interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par une requête de conciliation.

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'action en dommages et intérêts intentée par l'appelante à l'encontre de l'intimée est soumise à la prescription d'une année, en application de l'ancien art. 60 al. 1 CO.

De même, l'appelante ne remet pas en cause, en appel, que ses prétentions tendant au paiement des sommes de 17'500 fr., 46'800 fr., 7'282 fr., 18'111 fr. et 67'200 fr. sont entièrement prescrites.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la jurisprudence relative au dommage dit évolutif ne semble pas s'appliquer à une prétention visant à l'indemnisation de loyers non perçus. Il ne s'agit pas d'une situation dommageable qui évolue de manière incertaine, en ce sens que ses conséquences seraient "difficilement prévisibles" sur le patrimoine du lésé. En effet, l'absence de location d'un bien immobilier a pour conséquence prévisible la non perception d'un loyer, dont le montant est connu, et ce tous les mois.

La requête de conciliation déposée par l'appelante le 26 février 2018 étant le premier acte interruptif de prescription relatif à sa prétention en indemnisation pour loyers non perçus de l'appartement n° 1______ entre le 8 mars 2012, soit six années après, et le 20 octobre 2017, le Tribunal a, à juste titre, retenu que les prétentions en relation avec les loyers non perçus antérieurement au 25 février 2017 étaient prescrites.

En tous les cas, comme relevé par le premier juge, la question de la prescription peut rester indécise compte tenu de l'issue du litige (cf. consid. 5.2.2 infra).

5. L'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir considéré que les recours initiés par l'intimée étaient abusifs, car voués à l'échec, et partant qu'ils constituaient un acte illicite.

5.1.1 En vertu de l'art. 41 al. 1 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer. La responsabilité délictuelle suppose ainsi que soient réalisées cumulativement les quatre conditions suivantes : un acte illicite, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité, naturelle et adéquate, entre l'acte fautif et le dommage (ATF 137 III 539 consid. 5.2; 132 III 122 consid. 4.1).

Le demandeur supporte le fardeau de la preuve de chacun de ces faits pertinents, ce qui signifie que si le juge ne parvient pas à une conviction, n'est pas à même de déterminer si chacun de ces faits s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au détriment du lésé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614 du 25 avril 2016 consid. 3.3).

5.1.2 L'exercice de moyens de recours et autres moyens de droit est en principe légitime, même s'il aboutit finalement à un échec. Toute personne a le droit de requérir la protection du juge pour les prétentions qu'elle croit avoir, à condition d'agir de bonne foi. L'ouverture d'une action ou la façon de conduire un procès ne peut être constitutif d'un acte illicite que si le comportement du plaideur est abusif, dolosif ou encore trahit une mauvaise foi manifeste (ATF 123 III 101 consid. 2a).

La jurisprudence considère en effet que le fait pour une personne d'exercer un droit de procédure, notamment dans le cadre d'une procédure administrative, ne peut en principe entraîner la responsabilité civile de son auteur que s'il a agi par dol ou négligence grave (ATF 112 II 32 consid. 2a). Autrement dit, un acte illicite ou contraire aux moeurs au sens de l'art. 41 CO ne sera retenu que si le plaideur introduit abusivement une procédure ou adopte, en cours de procès, une attitude malveillante ou contraire aux règles de la bonne foi (ATF 123 III 101 consid. 2a; 117 II 394 consid. 3b et consid. 4; 112 II 32 consid. 2a; arrêts du Tribunal 4C_353/2002 du 3 mars 2003 consid. 5.1 et 5C_261/1997 du 16 février 1999 consid. 4d). Un comportement abusif et, partant, illicite consistera par exemple à utiliser une voie de droit manifestement vouée à l'échec ou - ce qui ira souvent de pair - à introduire une procédure qui n'est justifiée par aucun motif réel ou soutenable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_766/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.2.1). Dans ce contexte, un moyen de droit doit être considéré comme dépourvu de chance de succès uniquement lorsque son utilisation n'est justifiée par aucun motif matériellement soutenable (arrêt du Tribunal fédéral 4C_353/2002 précité consid. 5.1).

Une responsabilité fondée sur l'art. 41 CO ne doit être admise qu'exceptionnellement et avec retenue (ATF 124 III 297 consid. 5e), et qu'en présence d'un comportement intentionnel ou relevant de la négligence grossière, en particulier lorsque l'appréciation de la situation juridique est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4C_353/2002 précité consid. 5.1).

5.1.3 Le dommage se définit comme la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l'évènement dommageable ne s'était pas produit. Il peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2).

Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue une condition sine qua non. Autrement dit, on admet qu'il y a un lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2). Pour déterminer ensuite s'il y a causalité adéquate, il faut examiner si le fait en discussion était propre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 130 III 182 consid. 5.4).

5.2.1 En l'espèce, il s'agit de déterminer si les procédures judiciaires initiées par l'intimée à l'encontre de l'arrêté n° VA 9______ autorisant la vente de l'appartement n° 1______, qui concerne les seules prétentions encore litigieuses en appel, étaient d'emblée et irrémédiablement vouées à l'échec.

Dans le cadre de ces procédures, l'intimée a fait valoir, dans un premier argument, que l'appartement n° 1______ ne pouvait pas être vendu de manière individualisée, car il faisait partie d'un bloc de huit appartements, acquis comme tel par l'appelante en vertu de l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009.

Sur ce point, le TAPI, dans son jugement JTAPI/43/2012 du 15 janvier 2013, et la Chambre administrative, dans son arrêt ATA/799/2013 du 10 décembre 2013, ont considéré que l'arrêté précité, entré en force de chose décidée, ne stipulait pas qu'il s'agissait d'une vente en bloc, de sorte que l'appartement n° 1______ pouvait être vendu seul.

Cela étant, la Chambre administrative a relevé que la teneur de l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009 était "imprécis(e) et source de possibles confusions". En effet, celui-ci autorisait la vente de huit appartements distincts, alors qu'une telle vente aurait nécessité huit arrêtés différents. De plus, cet arrêté ne mentionnait que le prix de vente total des huit biens immobiliers et il ne précisait pas sur la base de quel motif ces ventes étaient autorisées, au sens de l'art. 39 al. 4 let. a, b, c ou d LDTR.

Il apparaît ainsi que le grief soulevé par l'intimée n'était pas abusif et sa position n'était pas manifestement indéfendable.

Dans un deuxième argument, l'intimée a mis en doute le fait que l'immeuble aurait été, dès sa construction, soumis à un régime analogue à une PPE, soit une SIAL, de sorte que le motif d'autorisation de l'art. 39 al. 4 let a LDTR n'était pas donné. Elle a fait valoir que la date de constitution de la SIAL était inconnue, mais que celle-ci ne correspondait pas à celle de la construction de l'immeuble. Elle n'a toutefois pas produit de pièces probantes à l'appui de ses allégués. Cela étant, les autorités administratives et judicaires auraient pu instruire cette question, en vertu de l'art. 19 LPA, qui stipule que l'autorité établit les faits d'office et qu'elle n'est notamment pas limitée par les offres de preuves des parties. La question de savoir si l'intimée a fait preuve de toute la diligence requise dans les procédures litigieuses n'est ainsi pas déterminante.

Par son argumentaire, l'intimée a tenté, en vain, de remettre en cause la force probante accrue, au sens de l'art. 9 CC, de l'acte notarié du 14 octobre 2009, qui mentionnait que l'immeuble était soumis au régime d'une SIAL dès sa construction. Les autorités judiciaires se sont toutefois fondées sur celui-ci pour rejeter les recours litigieux, sans autre instruction. Dans le cadre de la présente, procédure, il s'est finalement avéré que cette mention contenue dans l'acte notarié n'était pas correcte, ce que l'appelante ne conteste pas. Le fait que cette dernière et/ou son conseil était ou non au courant, durant les procédures administratives litigieuses, de "l'inexactitude" de cet acte notarié est sans incidence sur l'issue du litige.

Le premier juge était ainsi fondé à retenir que l'arrêté n° VA 9______, autorisant la vente de l'appartement n° 1______, n'aurait pas dû être délivré sur la base des art. 39 al. 4 let a et d LDTR, ce que la Chambre administrative a d'ailleurs reconnu dans son arrêt ATA/725/2020 du 4 août 2020. En effet, l'immeuble n'était pas soumis au régime d'une SIAL depuis sa construction (art. 39 al. 4 let a LDTR) et il n'y avait pas eu de vente valable préalable au sens de la LDTR (art. 39 al. 4 let. d LDTR), dès lors que l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009 n'aurait pas non plus dû être prononcé, étant donné qu'il se fondait uniquement sur l'acte notarié du 14 octobre 2009, soit sur le fait, erroné, que l'immeuble était, dès sa construction, soumis à une SIAL.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, en retenant ce qui précède le premier juge n'a pas violé le principe de l'autorité de chose jugée des arrêtés susvisés et des décisions judiciaires afférentes. En effet, il a constaté cela pour aboutir à la conclusion que l'intimée n'avait pas commis d'actes illicites en initiant les procédures administratives litigieuses. Il n'a ainsi pas "revisité arbitrairement la portée des décisions judicaires entrées en force", ni "refait l'histoire", comme soutenu par l'appelante, mais il a estimé que lesdites procédures n'étaient pas abusives, étant donné que la thèse soutenue par l'intimée concernant le statut de l'immeuble dès sa construction s'était finalement avérée correcte.

Dans ces circonstances particulières, le seul fait que l'arrêté n° VA 5______ du 6 novembre 2009 était entré en force de chose décidée ne permet pas de retenir que les recours initiés par l'intimée étaient illicites.

Par ailleurs, il n'est pas certain que l'arrêté n° VA 9______ aurait de toute façon été rendu sur la base de l'art. 39 al. 2 LDTR, soit après une pesée des intérêts en présence, comme soutenu par l'appelante.

De plus, le dossier ne contient pas d'indices permettant de retenir que l'intimée aurait agi par pur esprit de chicane, soit dans l'unique but de nuire à l'appelante ou d'empêcher les ventes des appartements concernés, ou encore à des fins étrangères aux droits que l'intimée à vocation à défendre, soit notamment le maintien du parc locatif en conservant des loyers et des prix abordables pour l'ensemble de la population, par une application correcte de la LDTR.

Enfin, la Chambre administrative a refusé d'infliger une amende à l'intimée pour emploi abusif de procédures, ce qui constitue un élément supplémentaire pour retenir que la position soutenue par l'intimée dans les procédures litigieuses n'était pas insoutenable.

Dans ces circonstances, les recours litigieux ne sauraient constituer un acte illicite au sens de l'art. 41 CO. Le fait que certains arguments soulevés par l'intimée dans le cadre de ceux-ci étaient "difficilement compréhensibles" est sans incidence.

5.2.2 Enfin, comme relevé par le premier juge, la condition d'un lien de causalité naturel et adéquat entre les recours litigieux et la différence de prix de vente de l'appartement n° 1______ initialement convenu avec J______ SA et celui finalement perçu en octobre 2017, ainsi que l'absence de location dudit appartement entre le 8 mars 2012 et le 20 octobre 2017, n'est pas remplie.

En effet, l'appelante n'a pas établi avoir entrepris, en vain, tous les efforts possibles pour retrouver un acquéreur au même prix. Elle a, de son propre chef, accepté une offre inférieure en octobre 2017. De plus, elle a fait le choix de ne pas louer l'appartement n° 1______ durant une longue période, soit de mars 2012 à octobre 2017. A cet égard, c'est en vain que l'appelante soutient avoir effectué ce choix pour pouvoir obtenir l'autorisation d'aliéner en application de l'art. 39 al. 4 let. c LDTR (absence de location comme motif d'autorisation de vente), dès lors qu'elle s'est toujours prévalue de l'hypothèse énoncée à l'art. 39 al. 4 let. d LDTR, soit le fait que l'appartement en question avait déjà fait l'objet d'une autorisation d'aliéner.

Partant, les conditions cumulatives de l'art. 41 CO ne sont pas toutes remplies, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé.

6. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 15'000 fr., mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95, 96 et 106 al. 1 CPC; art. 5, 17 et 35 RTFMC), et compensés avec l'avance de 18'000 fr. fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 98 et 111 al. 1 CPC). Le solde de 3'000 fr. sera ainsi restitué à l'appelante.

L'appelante sera également condamnée à verser à l'intimée la somme de 10'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 95 al. 3 CPC; art. 85 et 90 RTMFC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 octobre 2020 par A______ SA contre le jugement JTPI/11223/2020 rendu le 17 septembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4917/2018.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 15'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance versée par elle, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser 3'000 fr. à A______ SA à titre de remboursement partiel de l'avance de frais.

Condamne A______ SA à verser 10'000 fr. à l'ASSOCIATION B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.