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C/11951/2024

ACJC/44/2025 du 13.01.2025 sur OTPI/527/2024 ( SP ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11951/2024 ACJC/44/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 13 JANVIER 2025

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______ [GE], recourants contre une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 août 2024, représentés par Mes Guillaume FRANCIOLI et
Federica PANETTI, avocats, rue du Rhône 100, 1204 Genève,

et

Monsieur C______, domicilié ______ (VD), intimé, représenté par Me D______, avocat.

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/527/2024 du 22 août 2024, reçue par les parties le 26 août suivant, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a déclaré irrecevables les répliques et écritures des 8, 11, 17 et 26 juillet 2024 (ch. 1 du dispositif), rejeté la requête de mesures provisionnelles déposée le 29 mai 2024 par B______ et A______ (ch. 2), révoqué en conséquence l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 29 mai 2024 (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 1'200 fr., mis à la charge de B______ et A______ et compensés avec l'avance qu'ils avaient versée (ch. 4), condamné ces derniers à verser à C______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 6 septembre 2024 à la Cour de justice, B______ et A______ ont appelé de cette ordonnance, dont ils ont sollicité l'annulation des chiffres 2 à 6 de son dispositif.

Ils ont repris intégralement leurs conclusions de première instance (cf. infra consid. C.q) et conclu, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Par acte complémentaire du 17 septembre 2024, ils ont également sollicité l'octroi de l'effet suspensif, requête qui a été rejetée par la Cour par arrêt ACJC/1164/2024 du 24 septembre 2024.

c. Par réponse du 30 septembre 2024, C______ a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Par réplique et duplique des 10 et 14 octobre 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe de la Cour du 1er novembre 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. En mai 2020, C______ était propriétaire de la parcelle 1______ sise sur la Commune de E______ [GE].

b. Il était alors également copropriétaire avec son oncle, F______ - placé sous la curatelle de Me D______ -, de la parcelle 2______ de la Commune de E______, contiguë à la parcelle 1______ précitée.

c. La parcelle 1______ est grevée d'une servitude de passage à pieds et à véhicules en faveur de la parcelle 2______, l'assiette de la servitude passant au milieu de la parcelle 1______ et reliant la parcelle 2______ à la route 3______.

d. La parcelle 2______, en zone 4B protégée, a fait l'objet d'une étude d'aménagement de la Commune de E______, tendant à la construction d'au moins 30 appartements sur celle-ci et l'aménagement de liaisons piétonnes (alternatives au cheminement sur route), passant notamment sur l'assiette de cette servitude.

e. Par courrier du 10 juillet 2019, l'étude du notaire ayant instrumenté l'acte de vente évoqué ci-après (cf. infra C.g) a pris contact avec le curateur de F______ et l'a informé de la vente envisagée de la parcelle 1______ et du fait que celle-ci était soumise à "la conclusion préalable" du dégrèvement de ladite parcelle de la servitude de passage, sollicitant ainsi son accord pour cette radiation.

S'en est suivie une correspondance, notamment avec Me G______, notaire, lors de laquelle le curateur a été informé de l'étude d'aménagement du territoire impliquant la parcelle 2______.

f. Le 12 août 2019, le curateur de F______ a répondu à Me G______ que l'intérêt de son protégé ne conduisait pas à accepter le projet de radiation de servitude.

La correspondance ne s'est pas poursuivie.

g. Par acte authentique instrumenté le 29 mai 2020, C______ a vendu à B______ et A______ la parcelle 1______.

Cet acte prévoit également que :

- C______ s'est engagé à procéder, au plus tard le 31 décembre 2023, au dégrèvement de la parcelle 1______ de la servitude de passage au bénéfice de la parcelle 2______, avec la précision qu'elle était propriété de ce dernier et de son oncle, F______, celui-ci se trouvant sous la curatelle de Me D______,

- il a déclaré avoir mandaté le notaire ayant instrumenté la vente pour instrumenter les actes et/ou réquisitions y relatifs, à ses frais, risques et périls,

- un montant de 13'000 fr. sur le prix de vente a été consigné en mains du notaire afin de garantir ledit engagement,

- si le dégrèvement s'avérait impossible, le vendeur s'est engagé à obtenir, à tout le moins, la limitation à un passage à pied et/ou à un déplacement de l'assiette de la servitude,

- C______ s'est également engagé à constituer des servitudes permettant de sécuriser les canalisations existantes et/ou qui seraient installées, ainsi qu'à la constitution d'une servitude pour les canalisations et pour le téléphone sur la parcelle 2181 voisine, et

- si les engagements pris n'étaient pas réalisés le 31 décembre 2023 au plus tard, les acquéreurs pourraient demander au notaire la restitution de tout ou partie de la garantie en mains de ce dernier.

h. F______ est décédé le ______ 2023, à la suite de quoi C______, seul héritier - non réservataire - de ce dernier, est devenu l'unique propriétaire de la parcelle 2______.

i. Par courrier du 12 décembre 2023, l'étude de notaire a rappelé à C______ l'engagement pris dans l'acte de vente du 29 mai 2020.

j. Le 15 mars 2024, le curateur de F______, consulté par C______, a répondu que l'engagement de dégrèvement était affecté d'un vice, dans la mesure où le précité - alors copropriétaire de la parcelle 2______ avec F______ - n'avait pas pu donner seul son accord de dégrever la parcelle 1______ et où, en sa qualité de curateur de F______, il avait lui-même informé le notaire par courrier du 12 août 2019 qu'il refusait de donner son accord au dégrèvement de la parcelle. Il a, en outre, indiqué que C______ n'entendait pas exécuter ce dégrèvement, cette servitude étant, selon lui, "absolument nécessaire dans le cadre du projet d'aménagement futur de la parcelle 2______".

k. Par courrier du 8 avril 2024, Me H______, notaire au sein de ladite étude de notaires, a réfuté tout vice et rappelé à C______ qu'il demeurait personnellement obligé à consentir au dégrèvement de la parcelle 1______ et ce, indépendamment de la question de l'obtention du consentement de F______.

l. C______, par l'intermédiaire de son conseil, également curateur de feu F______, lui a répondu le 10 avril 2024, qu'il persistait à considérer que l'engagement de dégrèvement de la parcelle 1______ aurait dû faire l'objet d'un accord des deux copropriétaires et qu'"une mise en validité rétroactive" n'était pas possible.

m. Lors d'une séance du Conseil municipal du 15 avril 2024, la Commune de E______ a décidé d'acquérir la parcelle 2______ afin d'y construire une cinquantaine de logements.

n. Le 15 mai 2024, B______ et A______ ont mis C______ en demeure de requérir l'instrumentation des actes et réquisitions de radiation nécessaires au dégrèvement, d'ici au 27 mai 2024.

o. Le 17 mai 2024, C______ leur a confirmé qu'il n'honorerait pas son engagement, notamment au regard du développement d'aménagements prévu par la commune sur la parcelle 2______.

p. Par courrier du 27 mai 2024, B______ et A______ ont informé la Commune de E______ de la problématique concernant la servitude de passage et de l'engagement de C______.

q. Par acte déposé le 29 mai 2024 au Tribunal, B______ et A______ ont requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant, notamment, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ d'aliéner la parcelle 2______ de la Commune de E______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à ce qu'une restriction du droit d'aliéner ladite parcelle soit inscrite au Registre foncier et à ce qu'un délai leur soit fixé pour agir au fond.

r. Par ordonnance rendue le 29 mai 2024 sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a prononcé l'interdiction requise, ordonné l'inscription d'une restriction du droit d'aliéner la parcelle 2______ et rejeté la requête pour le surplus.

s. Dans ses déterminations écrites du 1er juillet 2024, C______ a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

t. Les parties ont déposé des écritures spontanées les 8, 11, 17, 26 et 31 juillet 2024.

u. Lors de l'audience tenue le 12 août 2024 par le Tribunal, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger à l'issue de celle-ci.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 248 let. d, 249 let. d ch. 11 et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles(art. 308 al. 1 let. b CPC), qui statue sur une contestation de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est - compte tenu du montant de 13'000 fr. consigné en mains du notaire afin de garantir l'engagement litigieux - vraisemblablement supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 2 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).

Les maximes des débats (art. 55 al. 1 et 255 CPC a contrario) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

2. Les appelants font grief au Tribunal d'avoir mal constaté les faits et d'avoir violé l'art. 648 al. 2 CC et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 CC).

2.1 Le premier juge a considéré qu'au moment de la signature de l'acte de vente entre les parties, le 29 mai 2020, l'intimé n'était pas le seul propriétaire de la parcelle au bénéfice de la servitude de passage et que le second propriétaire de la parcelle 2______ - par l'intermédiaire de son curateur - s'était opposé à la radiation, de sorte que l'intimé ne pouvait consentir seul à la radiation de cette servitude et que l'engagement de dégrèvement qu'il avait pris de manière isolée n'était pas valable. En outre, le fait que ce dernier était devenu propriétaire de l'entier de la parcelle 2______ le 4 janvier 2023, à la suite du décès de son oncle, ne déployait aucun effet rétroactif et était sans incidence sur l'invalidité de l'engagement pris le 29 mai 2020. Les appelants avaient donc échoué à rendre vraisemblable qu'ils auraient été titulaires d'une prétention en exécution du contrat ou d'une prétention en radiation de la servitude litigieuse, si bien qu'il n'était pas nécessaire d'examiner les autres conditions posées par l'art. 261 al. 1 CPC.

2.2 Les appelants considèrent que l'intimé aurait pris un engagement personnel à leur égard à exécuter postérieurement à la conclusion de la vente et que les parties auraient tenu compte d'éventuels empêchements, tels que le fait que l'oncle de l'intimé continuerait à faire obstacle au dégrèvement litigieux ou le fait que l'intimé ne deviendrait pas seul héritier et propriétaire de la parcelle 2______ en cas de décès de son oncle. L'intimé aurait ainsi - par une promesse de faire dans le temps, régie par l'art. 22 CO - pris un engagement futur soumis à la condition suspensive qu'il hériterait de la part de copropriété de son oncle au plus tard le 31 décembre 2023, et que l'avènement de l'une des hypothèses précitées aurait rendu nul l'engagement pris. Aucune d'elles ne s'étant réalisée, tout obstacle aurait été levé au décès de l'oncle de l'intimé.

Ils soutiennent que, dans le cadre de l'acte de vente, l'intimé se serait engagé à une promesse de radier un droit réel et non à la radiation de la servitude en tant que telle, de sorte que l'art. 648 al. 2 CC serait inapplicable. Cet engagement aurait constitué un "précontrat soumis à la forme authentique au sens de l'art. 22 CO". La promesse future de dégrever se distinguerait donc du dégrèvement lui-même, qui aurait nécessité l'accord de l'oncle de l'intimé. L'unanimité n'aurait donc pas été requise pour que l'intimé s'engage à un dégrèvement futur au sens de l'art. 22 CO, de sorte que cet engagement était valable indépendamment de l'accord ou non de son oncle.

Les appelants font également valoir que l'engagement litigieux aurait été une condition sine qua non à la conclusion de la vente (tel que cela ressortirait du courrier du 10 juillet 2019; cf. supra EN FAIT consid. C.e) – ce que l'intimé n'aurait pas manqué de savoir –, qu'à défaut, ils n'auraient pas acquis cette parcelle ou, à tout le moins, en auraient négocié le prix de vente, que l'oncle de l'intimé n'aurait pas posé de conditions relatives aux actifs de sa succession tendant à ce que son opposition au dégrèvement continue à déployer des effets post-mortem, que le résultat auquel est parvenu le Tribunal serait, selon eux, particulièrement choquant au regard de l'art. 2 CC, dès lors qu'il reviendrait à admettre qu'une partie puisse se soustraire à ses engagements par commodité personnelle, et que l'intimé commettrait un abus de droit en refusant de procéder au dégrèvement litigieux.

Pour sa part, l'intimé considère avoir fait une promesse concernant son propre droit réel sur la parcelle 2______ et soutient que, lors du décès de son oncle, il aurait hérité des droits de ce dernier, notamment du droit exercé et exprimé de son vivant par son oncle de s'opposer à la radiation de la servitude litigieuse, qu'en tant qu'héritier, il n'aurait fait que maintenir.

Il doute en tout état du fait qu'une telle promesse puisse faire l'objet d'une action en exécution et relève que les appelants ont décidé de signer l'acte de vente tout en connaissant le refus de dégrèvement de F______ et alors que nul ne savait que l'intimé serait son unique héritier.

2.3 2.3.1 Les mesures provisionnelles sont des décisions à caractère temporaire qui règlent une situation juridique dans l'attente d'une réglementation définitive au travers d'une décision principale ultérieure (ATF 133 III 399 consid. 1.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_288/2012 du 9 octobre 2012 consid. 1.2). Elles ne sont que l'accessoire d'une action au fond, qui réglera définitivement la situation juridique (art. 263 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_229/2014 du 14 mai 2014 consid. 3.1).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’un droit dont il se prétend titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (let. a), et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

Le requérant doit rendre vraisemblable tant l'existence de sa prétention matérielle de nature civile que sa mise en danger ou atteinte par un préjudice difficilement réparable, ainsi que l'urgence (Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 23 ad art. 261 CPC; Bohnet, CR-CPC, 2019, n. 3 ad art. 261 CPC).

Le requérant doit ainsi rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; Bohnet, op. cit., n. 7 ad art. 261 CPC). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC). L'atteinte, tout comme le risque de sa survenance, doit être concrète. En d'autres termes, le requérant doit avoir des raisons sérieuses de craindre la survenance d'une atteinte, un simple risque abstrait n'étant pas suffisant (Jeandin, Mesures provisionnelles en matière civile, in: Les mesures provisionnelles en procédure civile, pénale et administrative, 2015, n. 15, p. 10). La simple possibilité d'une atteinte exclut le prononcé d'une mesure, quand bien même le préjudice en résultant serait difficilement réparable (Stücki/Pahud, Le régime des décisions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles du code de procédure civile, in SJ 2015 II 1, p. 4).

Doit également être rendue vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle. Le risque de préjudice difficilement réparable suppose l’urgence (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 et 12 ad art. 261 CPC; Huber, ZPO, 2016, n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets. Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_50/2019 du 28 mai 2019 consid. 6.6.2 et 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

Lorsque les conditions de l'art. 261 CPC sont remplies, le juge doit accorder sa protection immédiate, en ordonnant les mesures provisionnelles nécessaires. La mesure qu'il prononce doit cependant être proportionnée au risque d'atteinte et le choix de la mesure doit tenir compte des intérêts de l'adversaire. La pesée d'intérêts qui s'impose pour toute mesure envisagée prend en compte le droit présumé du requérant à la mesure conservatoire et les conséquences que celle-ci entraînerait pour le requis (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Bohnet, op. cit., n. 17 ad art. 261 CPC).

Aux termes de l'art. 262 CPC, le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, ce qui inclut la possibilité de donner un ordre à une autorité qui tient un registre (let. c). Si l'action au fond n'est pas encore pendante, le tribunal impartit au requérant un délai pour le dépôt de la demande, sous peine de caducité des mesures ordonnées (art. 263 CPC).

2.3.2 A teneur de l'art. 646 CC, lorsque plusieurs personnes ont, chacun pour sa quote-part, la propriété d'une chose qui n'est pas matériellement divisée, elles en sont copropriétaires (al. 1); chacun des copropriétaires a les droits et les charges du propriétaire en raison de sa part (al. 3).

Le concours de tous les copropriétaires est nécessaire pour les aliénations, constitutions de droits réels ou changements dans la destination de la chose, à moins qu’ils n’aient unanimement établi d’autres règles à cet égard (art. 648 al. 2 CC).

La constitution de droits réels limités grevant l’objet en copropriété comme fonds servant requiert l’unanimité (Perruchoud, CR-CC II, n. 22 ad art. 648 CC).

2.3.3 A teneur de l'art. 734 CC, la servitude s'éteint par la radiation de l'inscription et par la perte totale du fonds servant ou du fonds dominant.

L'extinction d'une servitude par sa radiation exige un titre d'extinction et une opération d'extinction. Le titre d'extinction, qui doit être valable à tous égards, peut être un contrat par lequel le propriétaire du fonds dominant s'engage à requérir la radiation de la servitude; la loi ne soumet ce contrat à aucune forme particulière (Argul, CR-CC II, n. 2 à 4 ad art. 734 CC). Pour la doctrine dominante et la jurisprudence, la renonciation à une servitude, même manifestée par actes concluants, éteint le droit avec effet immédiat. Si le titulaire de la servitude ainsi éteinte ne requiert pas ensuite la radiation du droit, le propriétaire grevé peut agir en justice en vertu de l'art. 975 CC (David, Les servitudes collectives, 2021, p. 102; Steinauer, Les droits réels, Tome II, 2020, n. 3389, p. 45; Argul, op. cit., n. 3 à 5 ad art. 734 CC).

2.3.4 Selon l'art. 560 al. 1 CC, les héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte. Ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes; le tout sous réserve des exceptions prévues par la loi (al. 2).

2.3.5 L'obligation de passer une convention future peut être assumée contractuellement (art. 22 al. 1 CO).

La promesse de contracter (ou précontrat) est un contrat générateur d'obligations (art. 1 CO), en vertu duquel une des parties au moins s'engage à passer ultérieurement un autre contrat générateur d'obligations (le contrat principal) avec l'autre partie ou avec un tiers. La conclusion d'un précontrat restreint ainsi l'autonomie de la volonté des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4C_60/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.2.1; ATF 118 II 32 consid. 3, in JT 1993 I 387; Morin,
CR-CO I, 2021, n. 2 ad art. 22 CO et les réf. cit.). Le précontrat peut être bilatéral ou unilatéral (Morin, op. cit., n. 6 et 7 ad art. 22 CO).

Selon la jurisprudence et la doctrine majoritaire, la conclusion (art. 1 ss CO) du précontrat implique un accord des parties sur tous les éléments essentiels du contrat principal (art. 2 CO), qui doivent déjà être déterminés ou au moins déterminables dans le précontrat. Cette exigence se justifie par la possibilité d'agir en exécution du contrat principal en cas d'inexécution du précontrat. En effet, lorsque le débiteur du précontrat n'exécute pas son obligation, le créancier peut en principe agir en exécution du précontrat. Les parties peuvent exclure l'action en exécution du précontrat (ce qui devrait être présumé selon l'opinion de Bucher, cette opinion devant néanmoins être rejetée selon Morin) (Morin, op. cit., n. 8 et 16 ad art. 22 CO et les réf. cit.). Selon Gauch, Schluep et Schmid (Schweirerisches Obligationenrecht, allgemeiner Teil, 2020, n. 1082 et 1083), le créancier peut exiger l'exécution du contrat préliminaire (au moyen d'une action en exécution) ou des dommages-intérêts.

Les parties à un (pré)contrat peuvent soumettre les obligations stipulées à une condition, c'est-à-dire un événement dont la réalisation est incertaine. Selon l'art. 151 CO, le contrat est soumis à une condition suspensive lorsque l'existence de l'obligation est subordonnée à l'arrivée d'un événement incertain (al. 1); il ne produit alors d'effets qu'à compter du moment où la condition s'accomplit, si les parties n'ont pas manifesté une intention contraire (al. 2).

2.3.6 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. L'existence d'un abus de droit se détermine selon l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire. Ce dernier cas (venire contra factum proprium) se rencontre lorsque l'exercice d'un droit a pour effet de décevoir des attentes légitimes suscitées par un comportement antérieur (ATF 143 III 666 consid. 3.1 et 4.2 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2023 du 9 septembre 2024 consid. 7.1).  

2.3.7 Le tribunal saisi du fond peut prononcer des mesures de contrainte indirecte au sens de l’art. 343 al. 1 CPC (art. 236 al. 2 CPC); celles-ci ne pourront néanmoins être exécutées directement, mais devront être concrétisées par le tribunal de l'exécution (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1047/2017 du 3 mai 2018 consid. 3.3.1).

Selon l’art. 343 al. 1 CPC, lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s’abstenir ou de tolérer, le tribunal de l’exécution peut, notamment, assortir la décision de la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP (let. a).

La menace de la peine prévue à l'art. 292 CP constitue une règle de contrainte propre à favoriser l'exécution de la décision. Dans l'hypothèse où des circonstances font apparaître que celle-ci sera exécutée sans problème, il n'apparaît pas insoutenable de renoncer à menacer la partie qui succombe de la sanction prévue par cette norme pénale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_839/2010 du 9 août 2011 consid. 6.3).

2.4 En l'espèce, les appelants prétendent détenir une prétention en exécution de l'engagement de dégrèvement pris par l'intimé dans l'acte de vente du 29 mai 2020.

Ils ne contestent pas que, dans la mesure où, au moment de la signature de cet acte, F______ était opposé à la radiation de la servitude litigieuse - ce dont ils avaient vraisemblablement été informés par le notaire - , l'intimé ne pouvait consentir seul à ce dégrèvement, de sorte que l'engagement que le précité a alors pris ne pouvait constituer un acte de dégrèvement valable, et que le fait que ce dernier soit devenu l'unique propriétaire du fonds dominant à la suite du décès de son oncle le 4 janvier 2023 n'a pas eu pour conséquence de rendre valable, de manière rétroactive, l'engagement imparfait pris.

Les appelants font, en revanche, valoir que l'intimé aurait fait une promesse future de dégrèvement (précontrat signé en la forme authentique soumis à l'art. 22 CO), à savoir qu'il se serait engagé à faire radier la servitude de passage, notamment au cas où il hériterait de la part de copropriété de son oncle dans le délai prévu.

Si, comme le relève à raison l'intimé, l'acte de vente ne contient aucune mention des hypothèses grâce auxquelles le dégrèvement pouvait se réaliser (décès, vente donation, etc.), il n'en demeure pas moins que l'intimé s'est engagé à procéder dans un futur proche à la radiation de la servitude litigieuse et qu'il est devenu l'unique propriétaire du fonds dominant avant l'échéance du délai prévu par les parties au 31 décembre 2023. Il importe peu en définitive de déterminer s'il avait envisagé cette éventualité ou non au moment de l'acte du 29 mai 2020. En effet, rien ne s'oppose dès lors plus à ce qu'il exécute son engagement, ce qu'il n'a pas fait; l'argument selon lequel il ne ferait, en sa qualité d'héritier, que respecter le droit exercé et exprimé de son vivant par son oncle de s'opposer à la radiation de la servitude litigieuse, apparaît - outre qu'il semble a priori et sous l'angle de la vraisemblance spécieux et abusif - invoqué à la seule fin de se soustraire à son obligation, et favoriser la vente de la parcelle 2______ à la Commune de E______ en vue de la réalisation d'un projet immobilier et l'aménagement d'une liaison piétonne passant par l'assiette de cette servitude.

Les appelants ont ainsi rendu vraisemblable qu'ils seraient titulaires à l'encontre de l'intimé d'une prétention, dont ils pourraient solliciter l'exécution, la question de savoir si le précontrat litigieux serait susceptible d'exécution et/ou de dommages-intérêts n'ayant pas à être examinée plus avant au stade des mesures provisionnelles.

De plus, compte tenu du projet envisagé par la Commune de E______ sur la parcelle 2______, les appelants ont rendu vraisemblable le risque imminent de vente de cette parcelle et le préjudice difficilement réparable qui en résulterait pour eux du fait que le dégrèvement litigieux ne pourrait pas intervenir avant la finalisation de cette vente.

Partant, les chiffres 2 à 6 du dispositif de la décision attaquée seront annulés.

Il sera fait interdiction à C______ d'aliéner la parcelle 2______ sise sur la Commune de E______ et ce, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dès lors que l’on ne peut pas conclure des indications fournies par l’intimé qu'il acceptera de s'y conformer.

Il sera, par conséquent, ordonné au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, en faveur des appelants, à l'inscription provisoire d'une restriction du droit d'aliéner sur la parcelle 2______ sise sur la Commune de E______.

De plus, un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt sera imparti aux appelants pour faire valoir leur droit en justice et il sera précisé que cet arrêt déploiera ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties.

3. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

3.1 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires de première instance ont été arrêtés par le Tribunal à 1'200 fr., montant qui n'est pas contesté en appel et qui est couvert par l'avance de frais effectuée par les appelants, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe.

Par conséquent, ce dernier sera condamné à verser la somme de 1'200 fr. aux appelants à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

S'agissant des dépens de première instance, ceux-ci ont été arrêtés par le Tribunal à la somme de 1'000 fr., montant qui n'est pas non plus contesté devant la Cour et dont l'intimé sera condamné à s'acquitter en faveur des appelants pour le même motif.

3.2 Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 960 fr. (art. 26 et 37 RTFMC), entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par les appelants, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge de l'intimé (art. 106 al. 1 CPC).

Ainsi, ce dernier sera condamné à verser la somme de 960 fr. aux appelants à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

L'intimé sera, par ailleurs, également condamné à verser 1'000 fr. aux appelants à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris, au regard de l'activité déployée par leurs conseils (art. 106 al. 1 CPC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 85 et 88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2024 par B______ et A______ contre les chiffres 2 à 6 du dispositif de l'ordonnance OTPI/527/2024 rendue le 22 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11951/2024–12.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 6 du dispositif de l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

Fait interdiction à C______ d'aliéner la parcelle 2______ sise sur la Commune de E______, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP.

Ordonne au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, en faveur de B______ et A______, à l'inscription provisoire d'une restriction du droit d'aliéner sur la parcelle 2______ sise sur la Commune de E______.

Impartit à B______ et A______ un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt pour faire valoir leur droit en justice.

Dit que le présent arrêt déploiera ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'200 fr., les met à la charge de C______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à verser à B______ et A______ la somme de 1'200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

Condamne C______ à verser à B______ et A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 960 fr., les met à la charge de C______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à verser à B______ et A______ la somme de 960 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne C______ à verser à B______ et A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.