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C/24282/2022

ACJC/1610/2024 du 13.12.2024 sur JTPI/4336/2024 ( SML ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24282/2022 ACJC/1610/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 13 DECEMBRE 2024

 

Entre

A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY), sise ______, Russie, recourante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 avril 2024, représentée par Me Guerric CANONICA, avocat, Canonica Valticos & Associés SA, rue Pierre Fatio 15, case postale, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représentée par
Me Jean-Paul VULLIETY, avocat, Des Gouttes & Associés, avenue de Champel 4, 1206 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4336/2024 rendu le 3 avril 2024, notifié aux parties le 17 avril 2024, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a débouté [la banque] A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) (ci-après, A______) de ses conclusions en mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ [recte n° 2______] par B______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 4'000 fr., compensés avec l'avance de frais versée par A______ (ch. 2) et laissés à la charge de celle-ci (ch. 3), et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 29 avril 2024, A______ a formé recours contre ce jugement et sollicité son annulation, en requérant, préalablement, l'octroi de l'effet suspensif et le maintien à son profit du séquestre n° 1______ sur la parcelle n° 3______ sis sur la Commune de C______ [GE] et propriété de B______, ainsi que la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit jugé dans la procédure d'opposition à séquestre connexe C/4______/2022. Principalement, elle a conclu à ce que la Cour prononce l'exequatur des jugements du 22 octobre 2020 du Tribunal d'arrondissement D______ (E______, Russie) et du 8 novembre 2021 du Tribunal de la ville de E______ (Russie), dise que la présente procédure de recours vaut validation de séquestre et prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 2______ par B______ à concurrence de 32'992'841 fr. 63 avec intérêts à 5% l'an dès le 2 septembre 2022, 2'805 fr. 90 et 43'500 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit trois pièces nouvelles, soit des copies certifiées conformes et apostillées des jugements susmentionnés, avec leur traduction certifiée, et un avis de droit du 21 juin 2023.

b. B______ s'est déterminé sur la requête d'effet suspensif, concluant à son rejet.

c. Par arrêt du 7 mai 2024, la Cour a rejeté la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris.

d. B______, dans sa réponse au recours, a conclu au déboutement de A______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit une pièce nouvelle soit un avis de droit du 6 mars 2023.

e. A______ a répliqué, persisté dans ses conclusions et conclu à l'irrecevabilité des allégations et pièces nouvelles de B______.

f. B______ a spontanément produit une pièce nouvelle, soit un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) rendu le ______ avril 2024 dans une cause le concernant.

Il a ensuite dupliqué et persisté dans ses conclusions.

g. A______ s'est déterminée à nouveau, concluant à l'irrecevabilité des pièces nouvelles de B______.

h. B______ a spontanément produit un jugement du Tribunal rendu dans la cause connexe C/4______/2022 le 20 juin 2024.

i. A______ s'est encore déterminée et a conclu à l'irrecevabilité des allégations et de la pièce nouvelles de B______, tout en annonçant avoir recouru contre le jugement précité et en produisant un tirage de son acte de recours.

g. Par avis du 25 juillet 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ est une banque sise à F______ en Russie.

b. B______ est un homme d'affaires russe ayant fondé G______ SARL, sise en Russie.

Il a été arrêté et placé en détention provisoire en Russie le 7 février 2020.

c. Dès 2017, A______ et G______ SARL ont été contractuellement liée par un prêt d'un montant d'un milliard de roubles (soit approximativement 16'800'000 fr. au cours de l'époque) octroyé par la première à la seconde.

d. En 2018, un second prêt d'un montant identique (soit environ 15'800'000 fr. au cours de l'époque) a été octroyé.

e. Par contrats des 22 novembre 2017 et 31 mai 2018, conclus entre A______ et B______, celui-ci s'est notamment porté caution des prêts à titre personnel et s'est engagé sur l'intégralité de ses biens personnels, mobiliers et immobiliers, à assumer l'entier des obligations de G______ SARL en cas de défaillance de celle-ci.

f. G______ SARL n'a pas respecté ses obligations de remboursement.

g. Le 17 juillet 2020, A______ a déposé une demande en paiement à l'encontre de B______ devant le Tribunal d'arrondissement de D______ à E______ [Russie].

Lors de cette procédure B______ était représenté par son conseil, Me H______. Celui-ci a procédé sans faire de réserve.

h. L'ensemble des correspondances judiciaires a été adressé à B______ à l'adresse No. ______ Ulitsa 5______, Bâtiment 6______, [code postal] E______.

i. Par jugement du 22 octobre 2020, le Tribunal d'arrondissement de D______ a condamné B______ à verser 2'023'747'927.58 roubles et 60'000 roubles à A______.

j. Sur appel formé par B______, le Tribunal de la ville de E______ a, par jugement du 8 novembre 2021, confirmé le jugement du 22 octobre 2020.

k. Le 22 octobre 2021, A______ a requis et obtenu le séquestre de la parcelle n° 3______, sise sur la commune de C______ [GE] et dont B______ est propriétaire, à concurrence de 26'113'685 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 23 novembre 2020, soit la contrevaleur, au cours du jour de la requête, de la somme de 2'023'747'927 roubles. Le séquestre est fondé sur l'absence de domicile en Suisse du débiteur.

Par jugement du 3 mai 2022, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 24 août 2022, le Tribunal, statuant sur opposition à séquestre formée par B______, a annulé le séquestre, dès lors que le cas de séquestre, soit l'absence de domicile en Suisse du débiteur, n'était pas réalisé. Le prénommé, détenu en Russie, avait rendu vraisemblable l'existence d'un domicile en Suisse.

l. Le 2 septembre 2022, A______ a formé une nouvelle requête de séquestre visant le même bien immobilier de B______ à concurrence de 32'992'841 fr. 63 (soit la contrevaleur de 2'023'747'927.58 roubles + 60'000 roubles) avec intérêts à 5% dès le 2 septembre 2022 visant la même parcelle.

A l'appui de sa requête, A______ a préalablement conclu au prononcé de l'exequatur des jugements [du Tribunal de D______/E______] des 22 octobre 2020 et 8 novembre 2021 et a exposé que le cas de séquestre était réalisé compte tenu de l'existence d'un jugement définitif, valant titre de mainlevée définitive.

q. Le 15 septembre 2022, le Tribunal a ordonné le séquestre requis (n° 1______) et a condamné B______ aux frais judiciaires arrêtés à 2'000 fr. et aux dépens arrêtés à 43'500 fr.

r. Le 17 octobre 2022, puis par complément du 10 mars 2023, B______ a formé opposition au séquestre susvisé et a conclu à l'annulation de l'ordonnance de séquestre du 15 septembre 2023, subsidiairement à ce que le Tribunal ordonne à A______ la fourniture de sûretés à hauteur d'au minimum 175'200 fr. (C/4______/2022).

s. Le 15 juin 2023, la Cour de cassation russe a rejeté le pourvoi formé par B______ à l’encontre du jugement du 8 novembre 2021.

t. Dans ses déterminations du 22 juin 2023 sur l'opposition à séquestre, A______ a conclu, préalablement à l'exequatur des jugements russes des 22 octobre 2020 et 8 novembre 2021, et, principalement, sous suite de frais, au rejet de l'opposition à séquestre et au maintien du séquestre n° 1______. Elle a soutenu que la procédure menée en Russie à l'encontre de B______ avait respecté le droit procédural et matériel russe.

u. Par jugement du 28 août 2023, le Tribunal a admis l'opposition, révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre rendue le 15 septembre 2022 et mis les frais judiciaires à la charge de la citée.

Le Tribunal a retenu que la citée avait rendu vraisemblable qu'elle disposait de deux créances à l'encontre de G______ SARL, vu les prêts dont l'opposant s'était porté caution. Lesdits prêts étaient garantis par plusieurs gages mobiliers et la citée n'avait pas rendu vraisemblable que ces gages ne suffiraient pas à couvrir le montant de ses créances de sorte que l'une des conditions de l'article 271 al. 1 LP faisait défaut.

v. Par arrêt du 8 février 2024, la Cour a annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En substance, la Cour a reproché au Tribunal d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des faits dans la mesure où la créance alléguée par la citée ne se fondait pas sur les contrats de prêt mais sur les jugements rendus par les autorités russes. Par ailleurs, les contrats de cautionnement conclus entre les parties n'étaient garantis par aucun gage. En outre, la valeur des gages mobiliers n'avait pas été rendue vraisemblable et ne pouvait donc être considérée comme suffisante. Enfin, les contrats de cautionnement conclus étaient distincts des contrats de prêt et ne pouvaient être considérés ensemble.

w. Sur réquisition de A______, un commandement de payer, poursuite n° 2______, a été notifié à B______, soit pour lui son représentant, le 9 novembre 2022, pour les sommes de 32'992'841 fr. 63 plus intérêts à 5% dès le 2 septembre 2022, ainsi que 2'805 fr. 90, 43'500 fr. et 755 fr. 90, ces sommes correspondant respectivement au montant dû conformément aux jugements précités et aux frais de séquestre.

Opposition y a été formée.

x. Par requête déposée au Tribunal le 28 novembre 2022, A______ a requis le prononcé de la mainlevée définitive de dite opposition. Elle a, préalablement, requis la suspension de la procédure de mainlevée dans l'attente de l'issue de la procédure sur opposition à séquestre C/4______/2022. Elle a requis, préjudiciellement, l'exequatur des deux jugements [du Tribunal de D______/E______] sur lesquelles elle fondait sa créance.

En annexe à sa requête, elle a produit des photocopies des jugements en question, de leur traduction et de l'apostille, mentionnant pourtant dans son chargé qu'il s'agissait d'originaux.

y. Invité à répondre par écrit, B______, représenté par un avocat genevois, ne s'est pas déterminé.

z. Par ordonnance du 14 mars 2024, le Tribunal a constaté l'absence des originaux desdits jugements dans les pièces produites par A______ et restées en sa possession. Il alors invité B______ à lui remettre le chargé de pièces qui lui avait été envoyé, pour déterminer si A______ avait remis des originaux ou non.

B______ n'a pas donné suite à cette requête.

aa. Le 25 mars 2024, A______ a spontanément écrit au Tribunal pour, notamment, lui exposer que les jugements originaux étaient en possession du Tribunal dans le cadre de la procédure d'opposition à séquestre (C/4______/2022) et qu'elle se proposait de verser "prochainement", si le Tribunal l'estimait nécessaire, un nouveau tirage original et apostillé avec traduction certifiée.

bb. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a constaté que A______ n'avait pas produit les originaux des jugements qui représentaient le titre de mainlevée définitive invoqué, "mais de simples photocopies en couleur" de ces documents, ce qui n'était pas suffisant au vu des exigences de forme applicables. Il n'appartenait pas au Tribunal d'aller rechercher des pièces produites dans le cadre d'une autre procédure.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2 Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a; 335 al. 3 et 339 al. 2 CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.3 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles au stade du recours.

2.1 Les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

Dans l'hypothèse où l'exequatur d'un jugement étranger est requis dans une procédure contradictoire de mainlevée définitive (art. 81 al. 3 LP), comme en l'espèce, et non pas dans une procédure unilatérale et distincte de la poursuite, les allégations et moyens de preuve admissibles s'étendent déjà en première instance à tout ce qui est nécessaire pour vérifier les conditions matérielles de la reconnaissance et de l'exécution (arrêt du Tribunal fédéral 5A_441/2011 du 16 décembre 2011 consid. 4.2.1), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'admettre des faits et moyens de preuve nouveaux en procédure de recours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_899/2020 du 15 novembre 2021 consid. 2.2.2 ; 5A_818/2014 du 29 juillet 2015 consid. 4.1).

2.2.1 La recourante a produit des pièces nouvelles au stade du recours à savoir des copies originales des deux jugements dont l'exequatur est demandée, ainsi qu'un avis de droit.

La recevabilité des deux copies originales de jugements sera admise, au vu des considérants en droit et du raisonnement ressortant du consid. 3. ci-après.

Quant à l'avis de droit, dans la mesure où il a été produit simultanément au recours, son rôle est d'appuyer le raisonnement juridique de la recourante, si bien qu'il ne s'agit pas d'une pièce contenant des faits nouveaux, mais d'une argumentation juridique recevable.

Enfin, l'acte de recours déposé dans la procédure parallèle de séquestre est sans incidence sur l'issue de la présente procédure et pourrait, en tout état, être considéré comme un fait notoire déjà connu de la Cour et des parties (voir sur ce point et parmi d'autres l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_37/2014 du 24 juin 2024 consid. 2.4.1).

2.2.2 L'avis de droit produit par l'intimé est soumis aux mêmes règles que celui de la recourante.

Quant à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, il s'agit d'une pièce qui contient tant des faits qu'un raisonnement juridique, les premiers étant surtout importants in casu comme le démontre l'écriture de l'intimé qui accompagne cet arrêt. Il est donc irrecevable, les questions juridiques traitées par cet arrêt, liées à la détention en Russie de l'intimé, étant sans pertinence dans la présente procédure.

Enfin, le jugement rendu par Tribunal dans la procédure parallèle de séquestre, tout comme le recours de la recourante contre celui-ci et déjà évoqué ci-dessus, est sans incidence sur l'issue du litige et pourrait, en tout état, être qualifié de notoire au vu du contexte.

3. La recourante fait grief au premier juge d'avoir refusé le prononcé de la mainlevée, car il n'avait pas produit les originaux des jugements dont il requérait l'exequatur.

3.1
3.1.1
Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP).

Aux termes de l'art. 25 LDIP, une décision étrangère est reconnue en Suisse si la décision n'est plus susceptible d'un recours ordinaire (let. b) et pour autant qu'il n'y ait pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. c).

3.1.2 Selon l'art. 29 al. 1 LDIP, la requête en exécution sera accompagnée d'une expédition complète et authentique de la décision (let. a) et d'une attestation constatant que la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est définitive (let. b).

Il convient d'éviter tout formalisme excessif dans l'application de l'art. 29 al. 1 LDIP. Les exigences visées ont pour seul but de fournir, par un moyen de preuve formel, la certitude que la décision est authentique et qu'elle a acquis force de chose jugée; leur absence n'entraîne toutefois pas le refus de l'exequatur, si l'authenticité de la décision et le fait qu'elle est passée en force ne sont pas contestés ou ressortent des autres pièces du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_17/2022 du 4 août 2022 consid. 5.3.1; 5A/712_2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.3.2; 5A_355/2016 du 21 novembre 2016 consid. 1.2 non publié aux ATF 143 III 515A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.3). En effet, la preuve littérale n'est pas le seul moyen admissible pour établir la réalisation des conditions de la reconnaissance ou de l'exécution d'un jugement étranger (arrêt du Tribunal fédéral 5P.353/1991 du 24 avril 1992 consid. 3c non publié aux ATF 118 Ia 118 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.4).

Ainsi, selon la jurisprudence, lorsque le requérant ne produit pas le jugement original à l'appui d'une requête en reconnaissance de celui-ci, mais seulement une copie, puis qu'il le produit à l'appui de son recours, accompagné d'une apostille et d'une traduction certifiée, alors que la partie intimée n'avait soulevé aucune objection quant à l'authenticité et au caractère complet de l'expédition du jugement en première instance, ni remis en cause son entrée en force, la preuve de l'authenticité du jugement est suffisamment apportée. Retenir le contraire consacrerait un formalisme excessif qui ne serait justifié par aucun intérêt digne de protection. Le débiteur qui soulève pour la première fois au stade du recours que les documents ne seraient pas authentiques, alors qu'il s'était abstenu de le faire jusqu'au moment de recevoir la décision de première instance, adopte une attitude contradictoire contraire à la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.4).

3.2 En l'espèce, la recourante a, en première instance, produit des photocopies des jugements dont elle a demandé préjudiciellement la reconnaissance, en les désignant comme des originaux dans le bordereau de son chargé de pièces.

Cela étant, l'intimé n'a pas procédé en première instance et n'a pas remis en cause l'authenticité de ces documents. Il a attendu la procédure de recours pour le faire.

Quant au Tribunal, il a d'office soulevé cette problématique, comme le démontre l'ordonnance qu'il a rendue le 14 mars 2024. La recourante a alors exposé que les originaux se trouvaient en mains du Tribunal, certes sous une autre cause (opposition à séquestre) dont il a mentionné le numéro. Il sied de rappeler que cette cause parallèle était, tout comme la présente cause, pendante depuis 2022. De plus, la recourante a expressément suggéré de produire une nouvelle copie originale des jugements visés. Or, quelques jours plus tard, le Tribunal a rendu le jugement querellé, sans même annoncer aux parties que la cause avait été gardée à juger.

Au stade du recours, la recourante a produit une copie originale des deux jugements, accompagnés des annexes requises.

Il s'ensuit que le Tribunal s'est montré excessivement formaliste en retenant que la recourante n'avait pas produit les titres originaux fondant sa créance, l'authenticité de ceux-ci n'étant pas remise en cause par la partie intimée jusqu'au recours contre le jugement entrepris.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente afin qu'elle examine si les autres conditions de la mainlevée sont réalisées, ce qui n'a pas été fait à ce stade et ne peut l'être pour la première fois devant l'instance de recours, qui dispose d'une cognition limitée (art. 327 al. 3 let. a et b a contrario CPC).

3.3 Au vu de l'issue du recours, la requête de suspension formulée par la recourante est sans objet.

4. Les frais judiciaires du recours, y compris sur effet suspensif, seront arrêtés à 5'200 fr. (art. 26 et 38 RTFMC; art. 48 et 61 OELP), mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance que la recourante a fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera donc condamné à verser ce montant à la recourante (art. 111 al. 2 CPC).

Vu l'issue du litige, l'intimé sera condamné à verser à la recourante 5'500 fr., débours compris, à titre de dépens de recours (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; art. 23 LaCC), sans la TVA compte tenu du siège russe de la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2024 par A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) contre le jugement JTPI/4336/2024 rendu le 3 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24282/2022-22 SML.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure de recours à 5'200 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance de même montant payée par A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY), qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer 5'200 fr. à A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) à titre de remboursement des frais judiciaires de la procédure de recours.

Condamne B______ à payer 5'500 fr. à A______ (PUBLIC JOINT-STOCK COMPANY) à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.