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C/4355/2022

ACJC/1675/2023 du 12.12.2023 sur JTPI/15307/2022 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4355/2022 ACJC/1675/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 DECEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 décembre 2022, représenté par Me Pascal DEVAUD, avocat, Eardley Avocats, rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

et

B______, SOCIETE COOPERATIVE, sise ______ [VD], intimée, représentée par Me Dan BALLY, avocat, rue J.-J. Cart 8, case postale 221, 1001 Lausanne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 12 décembre 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, pour le chiffre 1 du commandement de payer, sous déduction de 29'230 fr. (ch. 1 du dispositif) et mis à la charge de A______ les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., compensés ceux-ci avec l'avance effectuée (ch. 2 et 3).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 26 janvier 2023, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au déboutement de [l'organisme de cautionnement] B______, SOCIETE COOPERATIVE tendant au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. B______, SOCIETE COOPERATIVE a conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

c. Le 20 octobre 2023, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. Le 13 novembre 2023, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Le 22 janvier 2022, l'Office des poursuites a notifié à A______, à la requête de B______, SOCIETE COOPERATIVE, représentée par C______ SA, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur les sommes de 84'026 fr. 95, avec intérêts à 5% dès le 15 septembre 2021, réclamée sur la base d'un "cautionnement selon contrat n° 2______ du 29.02.2016" (poste 1) ainsi que de 4'615 fr. 34 à titre de "dommage 106 CO" (poste 2).

A______ y a formé opposition totale.

b. Par requête datée du 2 mars 2022, B______, SOCIETE COOPERATIVE a déposé devant le Tribunal une requête tendant au prononcé, avec suite de frais, de la mainlevée de l'opposition à hauteur de 54'796 fr. 95 avec intérêts à 5% dès le 15 septembre 2021 − un paiement de 29'230 fr. ayant été effectué le 25 janvier 2022 − et de 538 fr. 88 à titre d'intérêts à 5% sur la somme de 29'230 fr. du 15 septembre 2021 au 25 janvier 2022.

Elle a allégué que le 30 juin 2016, elle s'était portée caution solidaire de D______ SA pour les obligations de celle-ci envers [la banque] E______ à concurrence d'un montant maximum de 326'400 fr. et que le 1er juillet 2016, A______ s'était porté arrière-caution envers elle jusqu'à concurrence du montant de 272'000 fr. Le contrat de crédit accordé à D______ SA ayant été résilié par E______ le 6 août 2021 et le 31 août 2021, cette dernière avait fait appel à elle pour le remboursement de sa créance qui s'élevait alors à 84'026 fr. 95. Elle avait payé ce montant à la banque et était subrogée aux droits de celle-ci à concurrence du montant versé. A______ ne s'étant pas acquitté du montant dû malgré ses réclamations, elle avait requis sa poursuite.

Elle a produit à l'appui de sa requête le commandement de payer notifié le 22 janvier 2022, l'acte de cautionnement du 30 juin 2016, l'acte d'arrière-caution du 1er juillet 2016, le "contrat relatif au cautionnement" daté du 29 février 2016 entre B______, SOCIETE COOPERATIVE et D______ SA, les courriers de E______ des 6 août et 30 septembre 2021 ainsi que des courriers adressés par C______ SA à A______ les 14 octobre, 3 novembre et 23 novembre 2021 informant ce dernier de ce qu'elle était mandatée par B______, SOCIETE COOPERATIVE pour le recouvrement de sa créance et l'invitant à lui verser, en dernier lieu, la somme de 89'436 fr. 50.

c. Par courrier du 9 décembre 2022, A______ a transmis au Tribunal un courrier qu'il a adressé au Ministère public le 21 septembre 2022, portant un "n'empêche" de la procureure en charge de la procédure pénale qui précise que le dossier a été envoyé à la police et que les parties n'ont dès lors pas accès à la procédure.

d. Le 30 juin 2022, A______ a sollicité la suspension de la procédure au motif qu'une procédure pénale avait été ouverte en relation avec l'arrière-caution du 1er juillet 2016, précisant qu'il estimait avoir été trompé. Il a notamment produit deux courriers qu'il avait adressés au Ministère public par lesquels il sollicitait un accès au dossier, lequel lui avait été refusé.

e. Par ordonnance du 19 septembre 2022, le Tribunal a refusé la requête de suspension de la procédure, au motif notamment que la procédure pénale n’était guère avancée, que rien ne démontrait que celle-ci allait prochainement aboutir et que la suspension de la procédure sommaire de mainlevée serait contraire au principe de célérité.

f. Lors de l'audience devant le Tribunal du 12 décembre 2022, B______, SOCIETE COOPERATIVE n'était ni présente, ni représentée.

A______ a conclu au rejet de la requête de mainlevée au motif qu'une procédure pénale était ouverte, dont l'objet était l'acte d'arrière-caution.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

g. Dans son jugement du 12 décembre 2022, le Tribunal a relevé qu'il ignorait concrètement sur quoi portait exactement la procédure pénale mentionnée, qu'il n'était pas rendu vraisemblable que l'acte d'arrière-caution ne serait pas un titre de mainlevée de l'opposition et que la mainlevée provisoire serait ainsi prononcée pour le chiffre 1 du commandement de payer, sous déduction de la somme de 29'230 fr. versée le 25 janvier 2022.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable.

1.2. Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables. Les pièces nouvelles produites par l'appelant devant la Cour sont donc irrecevables, notamment son courrier du 17 janvier 2023 au Ministère public.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelant invoque une constatation manifestement inexacte des faits en lien avec l'avancement de la procédure pénale ainsi qu'une violation des art. 82 LP, 299 ss CPP et 181 et 305bis CP. Il soutient qu'il ressort des pièces produites que la procédure pénale porte sur la question de la nullité de l'acte d'arrière-caution et que l'existence de ladite procédure pénale démontre la vraisemblance de la commission d'une infraction. Il a également invoqué dans sa réplique l'absence d'identité entre la créance alléguée dans la poursuite, qui mentionne le cautionnement du 29 février 2016, et l'acte d'arrière-caution. L'intimée soutient pour sa part dans sa réponse qu'il ne se justifie pas de suspendre la procédure en application de l'art. 126 CPC.

2.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire. Constitue une reconnaissance de dette au sens de la disposition précitée, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1) -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1).

La reconnaissance de dette dont se prévaut le poursuivant doit aussi réunir les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_65/2020 du 7 juillet 2020 consid. 4.2.3.1; 5A_740/2018 du 1er avril 2019 consid. 6.1.2 et les références, non publié aux ATF 145 III 160, mais in Pra 2020 n° 3 p. 45).

Il ne prononcera pas la mainlevée, notamment, s'il y a absence manifeste d'identité entre la créance et le titre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_169/2009 du 3 novembre 2009 consid. 2.1 et les références). Ainsi, si le montant est dû en vertu d'un autre titre que celui indiqué dans le commandement de payer, la mainlevée doit être rejetée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_740/2018 précité consid. 6.1.2; 5A_1001/2015 du 22 juin 2016 consid. 5.3.2, publié in BlSchK 2018 p. 4).

Le juge doit vérifier d'office l'existence d'une reconnaissance de dette et des trois identités (ATF 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_650/2018 du 3 décembre 2018, consid. 4.1.1).

Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1), notamment l'inexistence de la dette reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_65/2020 du 7 juillet 2020 consid. 6.2 et la référence; Veuillet, in La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 113 ad art. 82 LP; Staehelin, in Basler Kommentar, SchKG I, 2ème éd. 2010, n° 90 ad art. 82 LP). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC), d'autres moyens de preuves immédiatement disponibles n'étant, le cas échéant, pas exclus (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et les références). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence; arrêt 5A_977/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le recourant ne peut être suivi en tant qu'il soutient que les pièces produites prouvent l'existence d'une procédure pénale en lien avec l'arrière-caution puisque cet élément ressort de ses seules allégations figurant dans lesdites pièces et que, pour sa part, le Ministère public s'est limité à indiquer que la procédure était en mains de la police et que l'accès à celle-ci était refusé. En outre, le recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il soutient que l'existence d'une procédure pénale démontrerait la vraisemblance de la commission d'une infraction puisque ladite procédure a précisément pour but d'établir si une infraction a été commise ou pas.

Cela étant, le juge doit examiner d'office, notamment, l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre mentionné dans le commandement de payer ainsi que l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné dans le titre. Or, le commandement de payer mentionne comme titre de mainlevée le contrat de cautionnement du 29 février 2016. Ledit contrat est toutefois conclu entre l'intimée et D______ SA, soit une société tierce. Le recourant a certes signé le contrat de cautionnement du 29 février 2016, mais en qualité de "personne habilitée à engager la société", et non à titre personnel. En outre, la créance pour laquelle le recourant est recherché ne résulte pas du titre mentionné dans le commandement de payer, mais de l'acte d'arrière-caution. Le contrat de cautionnement ne constitue ainsi pas un titre de mainlevée pour le montant réclamé par l'intimée au recourant. Enfin, il ressort des explications figurant dans la requête de mainlevée de l'opposition que le montant réclamé l'est sur la base de l'acte d'arrière-caution, et non sur le cautionnement mentionné comme titre de la créance dans le commandement de payer.

Au vu de ce qui précède, la requête de mainlevée de l'opposition doit être rejetée compte tenu du défaut d'identité entre le titre de mainlevée indiqué dans le commandement de payer et celui sur lequel se fonde le montant pour lequel le recourant est poursuivi.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et, la cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la requête de mainlevée sera rejetée.

3. Au vu de l'issue du litige, l'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais des deux instances (art. 106 al. 1 CPC). Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqués seront donc également annulés.

3.1 Les frais judiciaires de première instance seront été arrêtés à 500 fr., soit le montant fixé par le Tribunal, qui n'a pas été critiqué devant le Cour.

L'émolument pour la présente décision sera quant à lui arrêté à 750 fr. (art. 48, 61 OELP), étant précisé que l'émolument de 200 fr. pour l'arrêt du 7 février 2023 sur effet suspensif a été directement fixé dans ledit arrêt.

Les frais judiciaires d'un montant total de 1'250 fr. seront compensé avec les avances fournies et acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera dès lors condamnée à rembourser au recourant le montant de 750 fr. (art. 111 al. 2 CPC).

3.2 L'intimée versera en outre au recourant la somme totale de 3'500 fr. à titre de dépens de première et seconde instance, débours et TVA compris (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC), comprenant notamment le montant de 2'414 fr. arrêté par le Tribunal et non remis en cause devant la Cour.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/15307/2022 rendu le 12 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4355/2022-1 SML.

Au fond :

Annule le jugement attaqué et, cela fait :

Rejette la requête de mainlevée datée du 2 mars 2022 formée par B______, SOCIETE COOPERATIVE dans la présente cause.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux instances à 1'250 fr., compensés avec les avances de frais fournies, acquises à l'Etat de Genève, et les met à la charge de B______, SOCIETE COOPERATIVE.

Condamne B______, SOCIETE COOPERATIVE à verser à A______ 750 fr. à titre de frais judiciaires.

Condamne B______, SOCIETE COOPERATIVE à verser à A______ 3'500 fr. à titre de dépens des deux instances.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.