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Décisions | Sommaires

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C/1410/2023

ACJC/1476/2023 du 03.11.2023 sur JTPI/8480/2023 ( SML ) , CONFIRME

Normes : CL.53; CL.54; CL.55
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1410/2023 ACJC/1476/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 3 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [VD], recourant contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 juillet 2023,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8480/2023 du 25 juillet 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête d'exequatur [formée par A______] (ch. 1 du dispositif), a débouté le précité de ses conclusions en mainlevée définitive (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance fournie, laissés à la charge du précité (ch. 3 et 4) et a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5).

En substance, le Tribunal a retenu que A______ se fondait sur un arrêt rendu en juillet 2022 par la Cour d'appel de C______ (France), dont il avait produit une simple photocopie, et n'avait en outre pas versé à la procédure le certificat visé aux art. 53 al. 2 et 54 de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (ci-après : Convention de Lugano ou CL). La requête devait dès lors être rejetée.

B. a. Par acte expédié le 31 août 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant implicitement son annulation. Il a conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de dépens fixés à 800 fr., les frais judiciaires devant être mis à la charge de l'Etat de Genève.

Il a versé une nouvelle pièce, à savoir une confirmation de quittance d'envoi de la poste du 28 août 2023.

b. B______ n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti à cet effet.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 16 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A la requête de A______, l'Office cantonal des poursuites a notifié à B______ le 2 décembre 2022 un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 2'966 fr. 60, avec intérêts à 5% l'an dès le 5 juillet 2022.

Dans la rubrique "Titre et date de la créance", il est mentionné ce qui suit : "Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022 de la Cour d'appel de C______; Condamnation à verser la somme de 3'000 euros au titre de l'art. 26 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 pour les frais de première instance et d'appel".

Opposition y a été formée.

b. Par requête expédiée le 18 janvier 2023, A______ a requis du Tribunal de déclarer exécutoire en Suisse l'arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la Cour d'appel de C______ (France) et de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité.

Il a joint à sa requête une copie de l'arrêt rendu par les autorités françaises, de la poursuite, et d'un acte de transmission aux fins de signification ou de notification dudit arrêt à B______.

c. A l'audience du Tribunal du 2 juin 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

B______ n'était ni présente ni représentée.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Interjeté dans le délai et selon les formes prévus par la loi, le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. Le recourant a produit une nouvelle pièce.

2.1 En vertu de l'art. 326 CPC, les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (al. 1), les dispositions spéciales de la loi étant réservées (al. 2).

2.2 Il s'ensuit que la pièce nouvellement produite est irrecevable, étant souligné qu'elle n'est pas pertinente pour l'issue du litige.

3. Le recourant reproche au premier juge d'avoir retenu, sans lui impartir de délai pour produire une copie certifiée conforme du jugement, qu'il n'avait pas produit les pièces visées à l'art. 53 al. 1 CL.

3.1.1 Selon la CL, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2011, les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat lié par la Convention après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée (art. 38 al. 1 CL) (ATF 149 III 224 consid. 5.2.1.1).

La Suisse et la France sont parties à la Convention de Lugano.

Selon l'art. 33 al. 1 CL, les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention sont reconnues dans les autres Etats liés par celle-ci, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

La partie qui invoque la reconnaissance d'une décision doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ainsi que le certificat visé à l'art. 54 CL dont le modèle figure à l'annexe V de la Convention (art. 53 et 54 CL).

A l'original de la décision peut se substituer une copie certifiée conforme par l'autorité compétente de l'Etat d'origine. La production d'une simple photocopie de la décision ne suffit pas, même si l'intimé ne conteste pas la conformité avec l'original (Bucher, Commentaire romand CL, 2011, n. 1 ad art. 53 CL; ACJC/1444/2021 du 8 novembre 2021 consid. 4.1.3; ACJC/1652/2020 du 19 novembre 2020 consid. 2.1; ACJC/1394/2019 du 26 septembre 2019 consid. 4.1.1).

Le certificat visé à l'art. 54 CL constate les faits essentiels permettant à la juridiction sollicitée de constater la force exécutoire de la décision à reconnaître et notamment, si la décision a été rendue par défaut, la date de la signification ou de la notification de l'acte introductif d'instance, le texte du dispositif de la décision, l'éventuel octroi de l'assistance judiciaire, et la mention du caractère exécutoire de la décision, en précisant la partie contre laquelle l'exécution peut être dirigée (Bucher, op. cit., n. 3 ad art. 54 CL).

3.1.2 Si ce certificat fait défaut, l'autorité compétente de l'Etat requis peut impartir un délai pour le produire, accepter un document équivalent ou, si elle s'estime suffisamment éclairée, s'en dispenser (art. 55 ch. 1 CL).

Cette disposition est certes destinée à éviter tout formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 5P.471/2002 du 12 février 2003 consid. 3.3.1, publié  in : Pra 2003 n. 142). Cela étant, refuser d'entrer en matière sur une requête qui n'est pas accompagnée des pièces n'est pas une sanction d'une sévérité exagérée, le requérant débouté pouvant former une nouvelle requête munie des documents réguliers (ATF 125 III 186 consid. 4a, pour l'attestation de force exécutoire prévue à l'art. 47 ch. 1 CL-1988; arrêt du Tribunal fédéral 5A_818/2014 du 29 juillet 2015 consid. 3.4).  

Aux termes de l'art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets, et leur donne l'occasion de les clarifier et de les compléter. Cette disposition est inapplicable si la partie a déposé une pièce qu'elle tenait à tort pour valable. Le Tribunal fédéral a rappelé que la loi n'a pas pour but de remédier aux négligences procédurales des parties (arrêts du Tribunal fédéral 5A_818/2014 du 29 juillet 2015 consid. 4.2; 5A_921/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.4.2; Hurni, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n. 26 ad art. 56 CPC et les arrêts cités).  

3.2 En l'espèce, il est constant que le recourant n'a produit ni expédition originale de la décision dont il demande l'exequatur et l'exécution, ni copie certifiée conforme de celle-ci. Il n'a pas non plus accompagné sa requête du certificat visé aux art. 53 al. 2 et 54 CL. La jurisprudence citée par le recourant ne lui est d'aucun secours. En effet, dans ses décisions postérieures citées supra, le Tribunal fédéral a confirmé des décisions cantonales rejetant, respectivement déclarant irrecevables – des requêtes d'exequatur qui n'avaient pas été accompagnées de l'original de la décision étrangère ou d'une copie certifiée conforme par les autorités compétentes de l'Etat d'origine. Le Tribunal n'avait pas non plus à interpeller le recourant sur l'absence de production des pièces exigées par la CL, celui-ci pouvant déposer une nouvelle demande en tout temps.

Au vu des principes rappelés ci-avant, c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté la requête formée par le recourant, étant souligné qu'il est loisible à celui-ci de déposer une nouvelle requête, accompagnée des documents prévus par la Convention de Lugano.

3.3 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

4.  Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 800 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP), seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant qu'il a fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui ne s'est pas déterminée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2023 par A______ contre le jugement JTPI/8480/2023 rendu le 25 juillet 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1410/2023–14 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.