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C/7022/2023

ACJC/1357/2023 du 09.10.2023 sur SQ/526/2023 ( SQP ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7022/2023 ACJC/1357/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 9 OCTOBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 avril 2023, représenté par Me Nicolas JEANDIN, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, Case postale 3200, 1211 Genève 3,

et

HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE, sis Direction des affaires, juridiques, boulevard de la Cluse 77, 1211 Genève 14, intimée, représentée par Me Mathieu GRANGES, avocat, Python, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève.

 


EN FAIT

A. a. Par ordonnance du 18 mai 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur requête des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (ci-après : les HUG), a ordonné le séquestre, à hauteur d'un montant de 20'460'487 fr. plus intérêts à 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, notamment du compte de libre de passage de A______ en mains de la BANQUE B______ et des avoirs de celui-ci en mains de la CAISSE DE PREVOYANCE C______. Le titre de créance était : "arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/188/2020 du 26 mai 2020 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2020 du 22 décembre 2020".

Au terme de l'ordonnance de séquestre, le Tribunal a en outre condamné A______ aux frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., ainsi qu'à des dépens fixés à 35'000 fr. TTC.

Statuant sur opposition à séquestre formée par A______ contre cette ordonnance, le Tribunal, par jugement OSQ/37/2021 du 28 juin 2021, a rejeté celle-ci, mis les frais judiciaires de la procédure d'opposition à charge de ce dernier et dit qu'il n'était pas alloué de dépens. Concernant les dépens de 35'000 fr. alloués dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a jugé que A______ aurait dû les contester par un recours séparé à la Cour (C/2______/2021).

A______ a déposé plainte contre le procès-verbal de séquestre auprès de la Chambre de surveillance des Offices de poursuites et faillites, laquelle, par décision du 7 octobre 2021, a levé le séquestre en tant qu'il portait sur la rente LPP versée mensuellement à A______ par la [caisse de prévoyance] C______. Le séquestre n'a pas porté pour le surplus.

A______ a également interjeté recours le 12 juillet 2021 contre le jugement OSQ/37/2021 rendue par le Tribunal le 28 juin 2021. Par arrêt ACJC/191/2022 du 4 février 2022, la Cour a notamment annulé ce jugement ainsi que l'ordonnance de séquestre en tant que ceux-ci statuaient sur les dépens, et, cela fait, statuant à nouveau sur ce point, a dit que chaque partie supporterait ses propres dépens. Les frais du recours, en 3'000 fr., ont été mis à la charge HUG, qui ont été condamnés à les verser à A______, ainsi que des dépens de 3'000 fr.

La Cour a considéré tout d'abord que le Tribunal aurait dû se prononcer sur les dépens arrêtés dans l'ordonnance de séquestre, dans le cadre de la procédure sur opposition. Le montant de ceux-ci, de 35'000 fr., paraissait manifestement disproportionné, au vu de l'activité nécessitée par la rédaction de la requête de séquestre, de 8 pages, et de l'absence de difficulté de la cause. La valeur litigieuse de plus de 20 millions de francs ne permettait pas à elle seule de justifier ce montant.

Dans le cadre de la procédure d'opposition, l'activité du conseil des intimés s'était limitée à la restitution des titres produits à l'appui du séquestre et à sa présence à l'audience, qui avait duré moins de quinze minutes, comme retenu par le premier juge.

Au vu de l'issue du litige, les intimés ayant obtenu le séquestre, lequel avait finalement été levé par la Chambre de surveillance, aucune des parties n'avait eu gain de cause de sorte que chaque partie supporterait ses propres dépens.

b. Le 16 juin 2021, les HUG ont requis, et obtenu le lendemain, du Tribunal un nouveau séquestre à l'encontre de A______, à hauteur de 20'460'487 fr. plus intérêts à 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, visant notamment le compte de libre-passage de celui-ci, ainsi que le compte de prévoyance 3e pilIer A en mains de la BANQUE B______. Le titre de créance était : "arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/188/2020 du 26 mai 2020 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2020 du 22 décembre 2020".

Aux termes de l'ordonnance de séquestre, A______ a en outre été condamné aux frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., ainsi qu'aux dépens fixés à 35'000 fr. TTC.

Statuant sur opposition à séquestre formée par A______ contre cette ordonnance (cause C/1______/2021), le Tribunal, par jugement OSQ/44/2022 du 6 décembre 2022, a partiellement admis celle-ci, et modifié l'ordonnance de séquestre en ce sens que les dépens en faveur des HUG ont été arrêtés à 5'000 fr. Le Tribunal a fait siens les considérants de l'arrêt de la Cour du 4 février 2022 dans la cause C/2______/2021. Sur opposition, les frais judiciaires de 2'000 fr., ont été mis à la charge de A______, compensés avec l'avance fournie par celui-ci, et il n'a pas été alloué de dépens.

c. Le 2 juillet 2021, un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur les sommes de (1) 20'460'487 avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, (2) 35'000 fr., (3) 547 fr. 30, (4) 476 fr. 90, (5), 551 fr. 70, (6) 3'190 fr. 80, (7) 2'455 fr. 60 et (8) 35'000 fr. a été notifié à A______ à la requête des HUG. Opposition y a été formée.

Par jugement JTPI/15638/2021 du 10 décembre 2021 (cause C/4______/2021), le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de cette opposition portant sur les sommes de (1) 20'460'487 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, (2) 35'000 fr., (3) 547 fr. 30, (4) 476 fr. 90, (5) 551 fr. 70 et (7) 2'455 fr. 60, débouté les HUG de leurs conclusions portant sur les sommes de (6) 3'190 fr. 80 et de (8) 35'000 fr., arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., compensés avec l’avance fournie par les HUG, mis à la charge de A______, condamné à payer aux HUG la somme de 2'000 fr, ainsi que 5'000 fr. TTC au titre de dépens.

B. a. Le 11 avril 2023, les HUG, comparant en personne, ont saisi le Tribunal d'une nouvelle requête (comportant 13 pages) de séquestre, portant sur un montant en capital de 20'460'487 fr. et de douze autres montants en capital, totalisant 397'966 fr., visant la rente de prévoyance professionnelle versée mensuellement par la [caisse de prévoyance] C______ à A______, ainsi que de divers actifs appartenant à celui-ci, en mains de ladite Caisse, de la BANQUE B______ Genève ______ [succursale] et de [la banque] D______.

Le titre de créance était : "jugement de mainlevée définitive JTPI/5638/2021 du 10 décembre 2021 (cause C/4______/2021), jugement du Tribunal de première instance OSQ/44/2022 du 6 décembre 2022 (cause C/1______/2021), arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/188/2020 du 26 mai 2020 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2020 du 22 décembre 2020".

S'agissant des frais, les HUG ont conclu, sans autre motivation, à la condamnation de A______ "au paiement des frais judiciaires et à une équitable indemnité pour le travail fourni par une avocate interne aux HUG".

Par ordonnance du 12 avril 2023, le Tribunal a ordonné le séquestre requis. Il a condamné A______ aux frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., ainsi qu'aux dépens fixés à 35'000 fr. TTC.

C. a. Par acte expédié à la Cour le 1er mai 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, communiquée par l'Office cantonal des poursuites le 21 avril 2023, concluant à son annulation en tant qu'elle le condamne à des dépens de 35'000 fr., et, cela fait, à ce qu'il soit dit qu'il ne doit aucun dépens, et à la condamnation de son adverse partie en tous les frais et dépens de recours.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Par réponse du 22 mai 2023, les HUG ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

c. Le 1er juin, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Les HUG en ont fait de même par courrier du 19 juin 2023. Ils ont allégué des faits nouveaux et produit de nouvelles pièces.

d. Dans des déterminations spontanées du 29 juin 2023, A______ a conclu à l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, des écritures des HUG 19 juin 2023.

Les HUG se sont déterminés le 10 juillet 2023, concluant à la recevabilité de leurs écritures du 19 juin 2023.

e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 10 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les 10 jours à compter de celui où il en a eu connaissance (art. 278 al. 1 LP). L'opposition et le recours n'empêchent pas le séquestre de produire ses effets.

La décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC).

1.1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

1.1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d’expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC).

Même le Tribunal fédéral peut les prendre d'office en considération; dans cette mesure, les faits notoires sont soustraits à l'interdiction des nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

Il s’agit des faits et des circonstances connus du tribunal de par son activité officielle (Message CPC [2006], 6922). Ainsi, les faits qui ressortent d’une autre procédure entre les mêmes parties peuvent être pris en considération même en l’absence d’allégation ou d’offre de preuve correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018, consid. 4.1.1; 5A_610/2016 du 3 mai 2017, consid. 3.1 et réf. cit.), du moment que c’est la même Cour qui traite des procédures en question (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 5).

1.2 En l'espèce, le recours, dirigé essentiellement contre les dépens arrêtés par le Tribunal, a été interjeté dans la forme et le délai prescrits, de sorte qu'il est recevable.

Les pièce et allégations nouvelles des parties, qui ne sont pas des faits notoires, connus des parties et de la Cour, sont irrecevables. Il n'en a pas été tenu compte dans l'état de faits ci-dessus. Dès lors, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur la recevabilité des écritures des intimés du 19 juin 2023.

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir alloué des dépens aux intimés qui comparaissent en personne et n'ont pas fait état de démarches en justifiant l'octroi. En tout état, le montant alloué serait trop élevé.

2.1 Lorsqu'une partie procède sans représentant professionnel, elle n'a droit à une indemnité équitable pour ses démarches, en sus du remboursement de ses débours nécessaires (art. 95 al. 3 lit a CPC), que dans les cas où cela se justifie (art. 95 al. 3 let. c CPC; cf. arrêt du Tribunal fédéral 5D_229/2011 du 16 avril 2012 consid. 3.3 s'agissant d'éventuels dépens alloués à un canton). Selon le Message du Conseil fédéral (FF 2006 6905), l'art. 95 al. 3 let. c CPC vise notamment la perte de gain d'un indépendant. Le fait que l'activité déployée par une partie non assistée d'un avocat lui occasionne des frais susceptibles d'indemnisation est exceptionnel et nécessite une motivation particulière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_355/2013 du 22 octobre 2013 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, les intimés, dans leur requête de séquestre, ont certes sollicité l'allocation de dépens, mais n'ont fourni aucun élément concret relatif au travail particulier fourni par l'avocat employé par leur service juridique interne dans ce cadre. Leurs allégations à cet égard devant la Cour sont irrecevables. En tout état, elles n'emportent pas conviction.

La requête de séquestre déposée le 11 avril 2023 ne revêt au demeurant pas une complexité particulière. D'une part, elle vise une créance pour laquelle deux séquestres avaient déjà été sollicités, et à la suite desquels les intimés se sont vu allouer des dépens d'au total 10'000 fr. (2 x 5'000 fr.). D'autre part. les montants supplémentaires de la créance visée par ce troisième séquestre ont trait à des frais judiciaires et dépens alloués par les autorités judiciaires dans d'autres procédures, aux termes de décisions définitives et exécutoires, de sorte que le fondement juridique de celle-ci ne présente aucune difficulté particulière.

L'activité déployée dans le cadre des autres procédures est sans pertinence pour juger du droit à l'allocation de dépens dans la présente cause.

Dès lors, c'est à tort que le Tribunal a alloué aux intimés des dépens, sans rapport aucun avec l'ampleur du travail des intimés et l'absence de complexité de la cause.

L'ordonnance entreprise sera annulée en ce qui concerne les dépens et il sera statué dans le sens qui précède (art. 327 al. 3 let. b CPC).

3. Les frais judiciaires du recours, arrêtés à 300 fr., seront mis à la charge des intimés, qui succombent. Ils seront compensés avec l'avance fournie par le recourant, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les intimés seront condamnés à verser au recourant la somme de 300 fr. à titre de remboursement de l'avance effectuée, ainsi que 500 fr. à titre de dépens de recours, au vu du travail fourni par le conseil du recourant et de l'absence de complexité de la cause (art. 23 LaCC; art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC).

****


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er mai 2023 par A______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 12 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7022/2023–16 SQP.

Au fond :

Annule cette ordonnance en ce qu'elle condamne A______ à verser aux HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE la somme de 35'000 fr. à titre de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr., les met à la charge des HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE, dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie par A______, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE à verser à A______ la somme de 300 fr. à titre de remboursement de l'avance opérée.

Condamne les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE à verser à A______ la somme de 500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.