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C/24400/2021

ACJC/1571/2022 du 17.11.2022 sur JTPI/6414/2022 ( SEX ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 27.12.2022, rendu le 10.05.2024, CONFIRME, 5A_999/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24400/2021 ACJC/1571/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 17 NOVEMBRE 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Etats-Unis, recourant contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 mai 2022, comparant par Me Beat MUMENTHALER, avocat, cours de Rive 13,
1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

1)             Monsieur B______, domicilié c/o Me Philip L. REIZENSTEIN, Reizenstein & Associates, P.A., 2828 Coral Way, Ste. 540, 33145 Miami, Floride, Etats-Unis, intimé,

2)             C______, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Nicolas GUIRAMAND, avocat, rue de Hesse 7, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/6414/2022 du 17 mai 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ des fins de sa requête de reconnaissance et d'exequatur de la décision rendue le 14 mai 2021 par l'United States District Court, Southern District of D______, ______ Division (ci-après: "le Tribunal de D______") dans la cause 1______ opposant [la banque] E______ à B______ et nommant A______ en tant que "receiver" et celle rendue le 19 juillet 2021 par l'United States District Court, Southern District of F______ (ci-après: "le Tribunal de F______"), dans la cause 2______ opposant [la banque] G______ à B______ (chiffre 1 du dispositif), ordonné la levée des mesures conservatoires instaurées par l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 par le Tribunal sur mesures conservatoires (ch. 2), compensé intégralement les frais judiciaires – arrêtés à 2'878 fr. – avec les avances de frais versées par A______ et les a mis à la charge de ce dernier (ch. 3), ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ le solde de son avance, à savoir 122 fr. (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé le 17 juin 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a recouru contre le jugement précité, reçu le 7 juin 2022, dont il a sollicité l'annulation, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et de deuxième instances.

Cela fait, il a conclu à ce que soient reconnues et déclarées exécutoires les décisions du 14 mai 2021 du Tribunal de D______ nommant A______ en tant que "receiver" et celle du 19 juillet 2021 du Tribunal de F______ ordonnant la jonction de deux causes précitées et confirmant A______ dans son rôle de "receiver" (ci-après: "les décisions américaines dont il est demandé la reconnaissance et l'exequatur" ou "les décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021").

Préalablement, il a conclu à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. B______ n'a pas fait usage de son droit de répondre sur effet suspensif.

c. Le 27 juin 2022, [la banque] C______ s'en est rapportée à justice s'agissant de la requête d'effet suspensif de A______, ainsi que sur le fond du recours.

d. B______ n'a pas fait usage de son droit de répondre sur le fond.

e. Par décision ES/66/2022 du 18 juillet 2022, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, attendu que les intimés ne s'étaient pas opposés à l'octroi de l'effet suspensif et qu'il existait un risque de préjudice difficilement réparable.

f. Par avis du 22 juillet 2022, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la présente procédure:

a. Le 24 mars 2021, la banque américaine G______ a déposé par devant le Tribunal de F______ une demande en paiement contre B______ et H______/3______ LLC visant le remboursement de montants tirés sur une ligne de crédit qui aurait été obtenue frauduleusement ("prétentions pour rupture de contrat, incitation frauduleuse, conversion et enrichissement illégitime") (cause n° 2______).

b. Par jugement du 14 juin 2021, avec l'accord de G______ et de B______, le Tribunal de F______ a, dans le cadre de l'action intentée par la première, condamné le second à lui payer un montant de USD 79'957'322.65 plus intérêts.

c. Le 5 mai 2021, E______ a déposé par devant le Tribunal de D______ une action en paiement contre B______, ainsi que contre H______/4______ L.P. et H______/3______ LLC (cause n° 1______).

d. Le 14 mai 2021, à la demande de E______, le Tribunal de D______ a rendu une décision "Order Appointing Receiver" nommant A______ en qualité de "receiver" ("tiers-séquestre") pour les biens de B______, se basant sur l'art. 66 "Federal Rules of Civil Procedure".

La décision porte le numéro de cause 1______ et son dispositif s'étend sur une dizaine de pages. Il prévoit, en très résumé, que A______, en sa qualité de "receiver" (ou "tiers-séquestre") se voit notamment conférer tout pouvoir sur les biens appartenant directement ou indirectement à B______. Le jugement prévoit explicitement que A______, en sa qualité de "receiver", est autorisé à prendre immédiatement possession de tous les biens, comptes bancaires ou autres comptes financiers, registres, dossiers, informations stockées électroniquement, mots de passe et tout autre document ou instrument liés à B______. A______ se voit également confier la charge d'effectuer des démarches en vue de localiser lesdits biens, d'en prendre possession et de les garder, notamment en devenant signataire autorisé des comptes bancaires. Il peut, selon la décision, faire appel à des tiers pour l'assister dans ses tâches. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les biens concernés soient dissimulés ou dispersés et peut introduire des actions en justice, y compris à l'étranger, en lien avec tous les biens faisant l'objet du tiers-séquestre.

Le dispositif de cette décision contient également des injonctions dirigées à l'encontre de tiers à la procédure, dont le but – en très résumé – est d'en obtenir la pleine et entière coopération. Elles ne visent pas uniquement la fourniture d'informations, mais également notamment la remise de fonds.

f. Par jugement du 22 juin 2021, le Tribunal de D______ a condamné B______ à payer un montant, sans intérêts, de USD 54'599'930 à E______ Le jugement mentionne que B______ a consenti à celui-ci et que les parties renoncent à faire appel. Il y est en outre précisé que le jugement définitif ne concerne que B______, les défendeurs H______/4______ L.P. et H______/3______ LLC n'ayant pas comparu.

g. Le 19 juillet 2021, le Tribunal de F______ a rendu une décision ordonnant la jonction des causes initiées par G______ et E______ sous le numéro de cause 2______, confirmant A______ en qualité de "receiver" et précisant ses pouvoirs en ce sens notamment que le "receivership" était étendu à tous les biens de chaque entité énumérée dans un document annexe, intitulé l'annexe A.

Parmi les entités énumérées dans l'annexe A, figurent notamment les sociétés et trusts I______ LTD, J______ TRUST et K______ TRUST, lesquels détiendraient (selon ce document) des avoirs auprès de [la banque] C______ à Genève, à savoir respectivement les comptes "espèces/investissements" (soit "Account, cash/investments") n° 5______, 6______, et 7______.

h. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 décembre 2021, A______ a formé, contre B______ et C______, une requête sur la base des art. 25 ss LDIP, concluant à la reconnaissance et à l'exécution en Suisse des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021.

Il a assorti sa requête de mesures conservatoires, avec et sans audition des parties citées, concluant (de la même manière) à ce qu'il soit fait interdiction à C______ d'exécuter tout ordre de transfert, toute transaction et de manière générale toute opération sur ou depuis les comptes espèces/investissements auprès de C______ à Genève n° 5______ dont le titulaire est I______ LTD, n° 6______ dont le titulaire est J______ TRUST, et n° 7______ dont le titulaire est K______ TRUST, ce tant que les décisions sur la reconnaissance et l'exequatur des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 n'avaient pas été rendues.

A titre principal, A______ a conclu à ce que les décisions américaines des 14 mai 2021 et 19 juillet 2021 soient reconnues et déclarées exécutoires et à ce que B______ soit condamné en tous les frais judiciaires et dépens de première instance.

Il a exposé que le but de l'institution de "receivership" de droit américain – inconnue du droit suisse – consistait à nommer un tiers (souvent un avocat) en charge de prendre possession, gérer et protéger les biens, sociétés ou avoirs qui sont l'objet d'une dispute. Le tiers en question – le "receiver" – était en règle générale nommé par une autorité judiciaire, dont il devenait alors l'organe. Il disposait des pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi et par le Tribunal. Il s'agissait en premier lieu d'assurer une bonne gestion des avoirs mis sous séquestre, puis de les distribuer aux lésés. Il existait divers types de "receivership", certains spécifiques nommés pour gérer des actifs individualisés, d'autres plus généraux concernant l'ensemble des biens du débiteur. En somme, le "receivership" et l'activité du "receiver" étaient avant tout gouvernés par les décisions qui les instituaient.

Sa requête d'exequatur s'inscrivait dans les diverses démarches effectuées suite à sa désignation en tant que "receiver" en vue de rapatrier aux Etats-Unis les fonds se trouvant (dans le cas d'espèce) en Suisse, "afin de dédommager les victimes de B______".

A______ a produit copies des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021, munies de traductions certifiées conformes, de l'apostille de La Haye, ainsi qu'une déclaration de son conseil américain selon laquelle les décisions précitées étaient définitives et exécutoires.

i. Par ordonnance du 14 décembre 2021, statuant sur les mesures conservatoires sollicitées avant audition des parties citées, le Tribunal a fait interdiction à C______ d'exécuter tout ordre de transfert sur ou depuis les comptes espèces/investissements n° 5______ dont le titulaire est I______ LTD, n° 6______ dont le titulaire est J______ TRUST et n° 7______ dont le titulaire est K______ TRUST, et ce tant que les décisions de reconnaissance et d'exequatur des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 n'avaient pas été rendues. Il a réservé la suite de la procédure ainsi que le sort des frais.

j. Par ordonnance du 7 février 2022, le Tribunal a transmis à B______ et C______ la requête déposée par A______, leur impartissant un délai de 30 jours à réception pour déposer leur réponse écrite, respectivement – s'agissant de B______ – pour élire un domicile en Suisse.

k. Par courrier du 17 mars 2022, C______ a indiqué s'en rapporter à justice quant aux mesures conservatoires sollicitées ainsi que sur le fond de la requête.

Le Tribunal a transmis lesdites déterminations aux autres parties le 18 mars 2022.

l. B______ ne s'est pas manifesté.

m. Il ne résulte pas du dossier que les parties auraient été informées de ce que le Tribunal gardait la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a en substance retenu que la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères n'étaient possibles, selon les art. 25 ss LDIP, que pour celles rendues en matière civile, à défaut des décisions étrangères relevant de l'exécution forcée.

Contrairement à ce que soutenait A______, cette différenciation devait se faire à l'aune du droit suisse et non du droit américain. Or, à suivre le but poursuivi par le "receivership" tel que décrit par A______, les décisions américaines dont la reconnaissance était demandée ressortissaient non pas à la matière civile, mais à celle de l'exécution forcée. Ces décisions prévoyaient en effet une forme d'administration judiciaire de biens considérés comme appartenant à un débiteur, à savoir B______, ce en vue de leur liquidation au profit de certains créanciers. Elles organisaient ainsi le recouvrement des créances constatées dans les jugements portant condamnation de B______ à payer aux banques G______ et E______ des dizaines de millions de dollars américains, soit les jugements des 8 et 22 juin 2021 qui, eux, relevaient de la matière privée, mais dont A______ ne sollicitait ni la reconnaissance ni l'exequatur.

La demande de A______ tendait ainsi, non pas à la reconnaissance de décisions de droit privé à mettre en œuvre en Suisse avec les moyens de contrainte disponibles dans cet Etat, mais à ce qu'il puisse agir lui-même directement sur sol suisse, en sa qualité d'organe d'une institution judiciaire étrangère, aux fins de prendre possession de fonds et de les rapatrier aux Etats-Unis.

Les décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 ne concernant dès lors pas la matière civile, A______ ne pouvait en obtenir la reconnaissance et l'exequatur sur la base des art. 25 ss LDIP.

Au surplus, l'activité que déploierait A______ en Suisse était également manifestement contraire à l'ordre public suisse. L'art. 271 CP existait pour rappeler que l'Etat suisse protégeait sérieusement l'intérêt qui est le sien à ce que seuls ses pouvoirs publics puissent procéder à des actes officiels sur son sol. Certes, comme le relevait A______, des situations particulières existaient dans lesquelles la législation suisse permettait – exceptionnellement et à des conditions bien précises – à un représentant d'une institution judiciaire ou administrative d'intervenir directement sur sol suisse (par exemple à l'art. 174a LDIP). De telles exceptions avaient toutefois une portée strictement circonscrite et n'avaient pas vocation à être érigées en règle.

Dans ce contexte, le Tribunal a rejeté la requête formée par A______ et ordonné la levée des mesures conservatoires prononcées le 14 décembre 2021.


 

EN DROIT

1.             1.1 La présente procédure ayant pour objet la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire de deux décisions rendues par les autorités judiciaires américaines, elle relève de la compétence du tribunal de l'exécution (art. 335 al. 3 CPC).

L'appel étant irrecevable contre les décisions du tribunal de l'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

En l'espèce, le jugement attaqué constitue une décision finale, si bien que la voie du recours est ouverte.

1.2 Dans le cadre de l'exécution, le tribunal rend sa décision en procédure sommaire (art. 248 al. 1 let. a et 339 al. 2 CPC), de sorte que le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 2 CPC).

Interjeté selon la forme requise par la loi (art. 130 al. 1 et 131 CPC) dans le délai légal précité et devant l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), le recours est recevable.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2.             Le recourant produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables en procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC).

L'établissement du droit étranger ne relève pas du fait mais du droit, raison pour laquelle la loi ne parle pas de la preuve du droit, mais de son établissement (art. 16 al. 1 LDIP). Les éléments produits en vue d'établir le contenu du droit étranger ne sont donc pas soumis aux règles visant l'administration des preuves, en particulier l'interdiction de preuves nouvelles en procédure de recours (ATF 138 III 232 consid. 4.2.4).

2.2 En l'espèce, une partie des pièces produites par le recourant devant la Cour constitue des actes de procédure ou figure déjà au dossier, de sorte qu'elles ne sont pas nouvelles (pièces A, B-Exhibit A, B-Exhibit B, B-Exhibit C, B-Exhibit E,
B-Exhibit G et B-Exhibit I). Ces pièces peuvent dès lors être prises en considération, sans autre examen. Les pièces D et Dbis, qui portent sur le contenu du droit américain, sont également recevables.

Les pièces B-Courrier, B-Exhibit D, B-Exhibit F, B-Exhibit J, C et Cbis – nouvelles – sont irrecevables.

3.             Le recourant reproche au premier juge, par une constatation manifestement inexacte des faits, d'avoir considéré que les décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 relevaient de l'exécution forcée et non de la matière civile, de sorte que les art. 25 ss LDIP n'étaient pas applicables.

3.1 La reconnaissance, la déclaration de force exécutoire et l'exécution des décisions étrangères sont régies par les art. 335 ss CPC, à moins qu'un traité international ou la LDIP n'en dispose autrement (art. 335 al. 3 CPC).

Sous réserve de traités internationaux spécifiques, la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291) réglemente la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères en matière civile, ainsi que, en matière internationale, la reconnaissance des faillites et concordats étrangers (art. 1 al. 1 let. c et d et al. 2 LDIP).

En l'absence de conventions conclues entre la Suisse et les Etats-Unis dans les deux domaines précités, la LDIP est applicable en l'espèce.

3.1.1 Aux termes de l'art. 25 LDIP, une décision étrangère est reconnue en Suisse si la compétence des autorités judiciaires ou administratives de l'Etat dans lequel la décision a été rendue était donnée (let. a), si la décision n'est plus susceptible d'un recours ordinaire ou si elle est définitive (let. b) et s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. c).

Les dispositions générales des art. 25 ss LDIP ne s'appliquent qu'aux décisions rendues en matière civile, à défaut de celles qui relèvent de l'exécution forcée (ATF 129 III 683 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2010 du 8 février 2011 consid. 3.2).

3.1.2 Selon l'art. 166 al. 1 LDIP, une décision de faillite étrangère est reconnue en Suisse à la requête de l'administration de la faillite étrangère, du débiteur ou d'un créancier si la décision est exécutoire dans l'Etat où elle a été rendue (let. a), s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. b) et si la décision a été rendue dans l'Etat du domicile du débiteur, ou dans l'Etat où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur si celui-ci n'était pas domicilié en Suisse au moment de l'ouverture de la procédure étrangère (let. c).

Ce qui importe est le but de l'action intentée en Suisse et non le fondement juridique de la créance que l'administration de la faillite étrangère fait valoir en Suisse (ATF 137 III 631 consid. 2.3.4, JdT 2012 II 451, p. 454 s.).

L'objet de la reconnaissance au sens de l'art. 166 LDIP est une décision de faillite étrangère, à savoir une procédure d'exécution forcée générale et collective qui vise à un égal intéressement des créanciers (du moins de la même classe) à la suite de la mise sous main de la justice et de la réalisation du patrimoine du débiteur, et qui se déroule sous le contrôle d'un tribunal ou d'une autre autorité (ATF
130 III 620 consid. 3.3.1). C'est l'identité fonctionnelle entre l'institution étrangère et la faillite telle qu'elle est réglementée en droit suisse qui est déterminante. Dans cette optique, constitue une "décision de faillite" au sens de la loi la liquidation d'une succession insolvable (art. 597 CC et 193 LP; ATF 112 II 165; Braconi, Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n. 2 ad art. 166 LDIP et les références citées).

La doctrine interprète largement la notion de "décision de faillite". Elle y inclut par exemple la confirmation de l'ouverture de la faillite par l'administrateur ou l'acte de nomination de celui-ci (Braconi, op. cit., n. 3 ad art. 166 LDIP). Le Tribunal fédéral s’est rallié à cette conception dans une affaire où le requérant n’avait pas produit la décision de faillite américaine, mais un "Order for relief in Bankruptcy" établi par le tribunal ayant déclaré la faillite, qui constatait l’ouverture d’une procédure de faillite et le dessaisissement du débiteur en faveur de la masse et au profit des créanciers (arrêt du Tribunal fédéral 5P_284/2004 du 19 octobre 2004 consid. 2.2; Braconi, op. cit., n. 3 ad art. 166 LDIP). Il est tout de même recommandé de produire le jugement lui-même afin que le juge puisse se convaincre de l’existence d’une décision de faillite (Braconi, op. cit., n. 3 ad art. 166 LDIP et les références citées).

La notion d'"administration de la faillite étrangère" – qui doit être qualifiée selon la lex fori – vise tout organe ou personne de droit public ou de droit privé qui remplit une fonction analogue à celle d'une administration ordinaire ou spéciale de la faillite en droit suisse, à savoir qui administre, réalise et réparti le patrimoine du débiteur (Braconi, op. cit., n. 25 ad art. 166 LDIP et les références citées).

Une masse en faillite étrangère ou son administrateur judiciaire n'a qualité pour agir en Suisse que s'il a préalablement fait reconnaître la décision de faillite étrangère en Suisse conformément aux art. 166 ss LDIP. Dans le cas contraire, le système conçu par la LDIP aux dispositions précitées, qui vise notamment à privilégier les créanciers domiciliés en Suisse, serait vidé de son sens (ATF
145 II 168 consid. 3.2.3; 137 III 631 consid. 2.2.3; 137 III 570 consid. 3;
130 III 620 consid. 3.4.2); pour la même raison, la question de la reconnaissance ne peut être tranchée qu'à titre principal et non pas à titre préliminaire, par exemple dans le cadre d'une poursuite ou d'une action en paiement (ATF
134 III 366 c. 5.1.2 p. 373). (ATF 137 III 570 consid. 2, SJ 2012 I p. 461;
134 III 366 consid. 5.1.2 et 9.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 2C_303/2010 du 24 octobre 2011 consid. 2.4.1). Il importe peu de savoir si la reconnaissance de la décision de faillite étrangère est impossible et, le cas échéant, d'en connaître la raison (ATF 137 III 570 consid. 3, SJ 2012 I p. 461).

L'administration de la masse en faillite étrangère a uniquement qualité pour demander la reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger (art. 166 al. 1 LDIP), requérir des mesures conservatoires (art. 168 LDIP), et, après la reconnaissance de la décision de faillite étrangère en Suisse, sur la base de l'art. 171 LDIP, d'intenter une action en annulation conformément aux art. 285 à 292 LP, pour autant que l'office des faillites suisse et les créanciers colloqués y aient renoncé. Elle n'est pas autorisée à accomplir d'autres actes juridiques en Suisse, notamment à y recouvrer des créances par la voie de la poursuite (ATF 139 III 236 consid. 4.2; 135 III 40 consid. 2.5.1; 129 III 683 consid. 5.3).

En vertu de l'art. 170 al. 1 LDIP, la reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger a, en principe, les effets de la faillite tels que les prévoit le droit suisse pour tout le patrimoine du débiteur sis en Suisse. La procédure en Suisse est désignée par le terme de "faillite ancillaire". Par le mécanisme particulier de cette mini-faillite, le droit international suisse de l'exécution forcée tend à assurer la protection des créanciers gagistes dont le gage est situé en Suisse et celle des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse (ATF 134 III 366 consid. 5.1.2 et les références citées). Les effets de la faillite ancillaire sont régis par le droit suisse, à savoir la LP, sauf dispositions contraires de la LDIP (art. 170 al. 1 LDIP; ATF 145 II 168 consid. 3.2.3; 139 III 236 consid. 4.2; 138 III 628 consid. 5.1).

Dans le cadre de l'ACJC/660/2010 du 27 mai 2010 (confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2010 du 8 février 2011), la "Grand Court" des Iles Caïmans a ordonné la liquidation de sociétés et nommé des liquidateurs officiels auxdites sociétés. Elle a conféré aux liquidateurs de larges pouvoirs, notamment ceux de gérer les affaires des sociétés en liquidation et de localiser et prendre possession des biens ou actifs de ces dernières. Sans demander au préalable la reconnaissance et l'exequatur des décisions étrangères de faillite sur la base desquelles ils tiraient leur qualité de liquidateurs, ceux-ci ont requis la reconnaissance abstraite en Suisse de ladite qualité selon les art. 25 ss LDIP. Leur requête a été rejetée, dans la mesure où ces dispositions ne s'appliquaient qu'aux décisions rendues en matière civile et non à celles qui relevaient de l'exécution forcée. De plus, une telle reconnaissance abstraite de leur qualité de liquidateurs étrangers en Suisse leur aurait permis de se prévaloir de leur qualité d'organes des sociétés étrangères en liquidation et d'accomplir à ce titre directement des actes juridiques en Suisse, notamment de solliciter des renseignements des banques et d'ordonner des transferts de fonds, sans contrôle du juge suisse. Or, selon les normes du chapitre 11 de la LDIP (art. 166 ss LDIP), les liquidateurs, en tant qu'administrateurs de la faillite étrangère, étaient seulement habilités à requérir les mesures conservatoires prévues aux art. 162 à 165 et 170 LP après le dépôt des requêtes en reconnaissance des décisions de faillite rendues à l'étranger (art. 168 LDIP).

3.1.3 Un concordat ou une procédure analogue homologuée par une juridiction étrangère est reconnu en Suisse conformément aux art. 166 à 170 LDIP, concernant la reconnaissance d'une faillite étrangère, applicables par analogie (art. 175 LDIP). Par procédure analogue, la doctrine entend les mesures d'assainissement qui ne reposent pas sur un arrangement entre le débiteur et les créanciers ou qui ne sont pas subordonnées à l'acceptation d'une majorité de créanciers (Braconi, op. cit., n. 10 ad art. 175 LDIP).

3.1.4 La reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (art. 27 al. 1 LDIP).

La sauvegarde de l’ordre public de l’Etat requis peut porter sur le fond du litige (ordre public "matériel"; art. 27 al. 1 LDIP) ou sur les aspects fondamentaux de la procédure (ordre public "procédural"; art. 27 al. 2 LDIP) (ATF 142 III 180 consid. 3.2; Bucher, Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n. 1 ad art. 27 LDIP).

De manière générale, la réserve de l'ordre public doit permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse. En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public doit être interprétée de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public); la reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 126 III 101 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_120/2015 du 19 février 2016 consid. 3.2 et les références citées; Bucher, op. cit., n. 3 ad art. 27 LDIP). La reconnaissance de la décision étrangère, en raison de son contenu, ne doit pas aboutir à un résultat fondamentalement opposé à la conception suisse du droit (ATF 131 III 382 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_604/2009 du 9 novembre 2009 consid. 4.2.2.1).

L’examen de la conformité avec l’ordre public – qui doit se faire d'office – ne porte pas sur la décision en tant que telle, mais sur les effets que celle-ci pourrait produire dans l’Etat requis en cas de reconnaissance ou d’exécution. Au cas où l’ordre public est heurté uniquement par une partie des effets de la décision, la reconnaissance et l’exécution peuvent ainsi être admises partiellement. On songera en particulier à des jugements attribuant des dommages-intérêts ayant un caractère excessif ou punitif ("punitive damages") ou des honoraires d’avocat manifestement trop élevés. Au lieu de refuser purement et simplement de tels jugements, il convient de réduire le montant réclamé jusqu’à un niveau tolérable sous l’angle de l’ordre public (Bucher, op. cit., n. 15 ad art. 27 LDIP et les références citées).

3.1.5 En principe, la reconnaissance n’a pas pour objet d’attribuer à la décision étrangère dans l’Etat requis d’autres effets que ceux créés dans l’Etat d’origine. L’autorité compétente ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel en ce sens. En d’autres termes, la décision étrangère produit en Suisse les effets qu’elle a acquis dans l’Etat d’origine (principe de la "Wirkungserstreckung"; ATF 129 III 626 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2010 du 14 février 2011 consid. 3.3). Il n’y a donc pas lieu de reconnaître uniquement les effets qui seraient ceux d’une décision comparable rendue par un tribunal suisse (principe de la "Wirkungsgleichstellung"). Cette dernière solution s’applique cependant, à titre d’exception, en cas de reconnaissance d’une faillite étrangère (art. 170 al. 1 LDIP). A part ce cas particulier, la décision étrangère ne doit pas être reconnue avec des effets moindres pour le seul motif que le droit suisse ne les lui attribuerait pas. Une telle conséquence ne peut être admise que dans la mesure où un effet particulier de la décision est impossible à transposer dans les catégories du droit suisse ou dans l’hypothèse d’une atteinte à l’ordre public (ainsi dans le cas d’un mariage ou d’un lien de filiation limité dans le temps ou d’un délai de prescription manifestement trop court) (Bucher, op. cit., n. 32 ad art. 25 LDIP).

3.1.6 L'art. 271 ch. 1 CP réprime celui qui, sans y être autorisé, aura procédé sur le territoire suisse pour un Etat étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics, celui qui aura procédé à de tels actes pour un parti étranger ou une autre organisation de l'étranger et celui qui aura favorisé de tels actes.

Relèvent notamment des pouvoirs publics au sens de l'art. 271 CP les actes d'exécution forcée (Dupuis/Moreillon/Piguet/Berger/Mazou/Rodigari, Petit commentaire du Code pénal, 2017, n. 6 ad art. 271 CP et les références citées).

Pour qu'une activité soit qualifiée d'"acte exécuté pour un Etat étranger" au sens de l'art. 271 ch. 1 CP, il suffit qu'elle soit exécutée dans l'intérêt de l'Etat étranger et qu'elle lui soit destinée (Husmann, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2013, n. 43 ad art. 271 CP). L'application de cette disposition suppose que la nature et le but de l'acte aient un caractère officiel, selon l'interprétation en droit suisse (ATF 114 IV 130; arrêt du Tribunal fédéral 6B_402/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.3.2). C’est la nature de l’acte qui est déterminante, et non pas la qualité de son auteur, puisque celui-ci ne doit pas nécessairement être un fonctionnaire (ATF 114 IV 128 consid. 2d, JdT 1990 IV 15).

Des actes accomplis par une administration de faillite étrangère ou un liquidateur auquel le droit étranger confère un pouvoir officiel (ou des actes accomplis en faveur de ceux-ci) sont susceptibles d'être qualifiés d'actes relevant "des pouvoirs publics" au sens de l'art. 271 ch. 1 CP, dans tous les cas aussi longtemps que la procédure de reconnaissance de la faillite étrangère – au sens des art. 166 ss LDIP – n'a pas abouti (Fischer/Richa, Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n. 11 ad art. 271 CP). Selon les auteurs précités, le cas dans lequel l’administrateur de la faillite étrangère ou le liquidateur se substitue au failli dans les rapports contractuels avec une personne localisée en Suisse (step into the shoes) ne devrait pas tomber sous le coup de l'art. 271 ch. 1 CP (ibidem).

3.1.7 Selon le nouvel art. 174a LDIP, entré en vigueur le 1er janvier 2019, il est possible d’obtenir une renonciation à la faillite ancillaire en l’absence de créanciers privilégiés suisses, ce qui confère à l’administration de la faillite étrangère des pouvoirs plus importants en Suisse. Plus précisément, l'art. 174a al. 4 LDIP prévoit que si le tribunal qui a prononcé la reconnaissance de la faillite étrangère renonce à la procédure de faillite ancillaire, l’administration de la faillite étrangère peut, dans les limites du droit suisse, exercer l’ensemble des pouvoirs que lui confère le droit de l’Etat où la faillite est ouverte; elle peut notamment transférer les biens à l’étranger et intenter des procès. Elle peut ainsi agir sur le territoire suisse sans encourir les sanctions de l'art. 271 ch. 1 CP. Sont toutefois expressément exclus l’accomplissement d’actes de souveraineté, l’emploi de moyens de contrainte et le règlement de litiges.

3.2 En l'espèce, la question de savoir si les deux décisions américaines dont la reconnaissance et l'exequatur sont requises relèvent de la nature civile, permettant alors l'application des dispositions générales des art. 25 ss LDIP, doit s'apprécier selon la conception du droit suisse. Il n'est dès lors pas déterminant que les décisions en question aient été rendues sur la base du code de procédure civile américain et non sur la base de dispositions américaines du droit de la faillite.

3.2.1 Le recourant reproche au premier juge d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte quant aux différents types de "receivership" et à leur implication dans le cas d'espèce. Selon lui, puisque les décisions américaines dont la reconnaissance est demandée ne contiennent aucun renseignement sur une quelconque insolvabilité de l'intimé, le "receivership" qu'elles instituent en faveur du recourant ressortirait à la matière civile. Contrairement à ce que soutient le recourant, le Tribunal ne pouvait se limiter à examiner les décisions américaines précitées pour en déduire la matière à laquelle elles ressortissaient selon le droit suisse. Le fait que ces décisions ne fassent pas état de l'insolvabilité de l'intimé n'est pas pertinent pour exclure que lesdites décisions relèveraient du domaine de la faillite selon le droit suisse, et a fortiori, en déduire qu'elles ressortiraient de la matière civile. Le Tribunal a, au contraire et avec raison, cherché à circonscrire le but de la requête intentée par le recourant en Suisse et les effets des décisions américaines dont la reconnaissance est demandée en droit suisse.

Le recourant a précisément demandé la reconnaissance de sa qualité de "receiver" afin de pouvoir accomplir sa "mission" en Suisse, à savoir "échanger avec la C______, (…) prendre possession des fonds conformément aux décisions américaines et (…) les rapatrier aux Etats-Unis". Dès lors, le but final de la requête déposée en Suisse par le recourant – qui est prédominant – est d'augmenter la part de fonds à partager entre les créanciers lésés par les agissements frauduleux de l'intimé, en rapatriant aux Etats-Unis les valeurs patrimoniales déposées en Suisse auprès de l'intimée. Il doit être assimilé au but visé par l'administrateur d'une faillite étrangère, de sorte que les décisions américaines dont il est demandé la reconnaissance et l'exequatur ne relèvent pas de la matière civile.

Le présent cas peut d'ailleurs être rapproché de celui de l'ACJC/660/2010. En effet, les larges pouvoirs conférés au recourant s'apparentent à ceux confiés aux liquidateurs nommés par les tribunaux des Iles Caïmans pour récupérer les actifs de sociétés en liquidation à travers le monde. Or, une reconnaissance abstraite du statut de "receiver" du recourant et des pouvoirs qui s'y accompagnent, notamment solliciter des renseignements auprès de l'intimée et ordonner des transferts de fonds, permettrait à celui-ci, comme dans le cas de l'ACJC/660/2010 pour les liquidateurs, d'agir sans contrôle du juge suisse de la faillite et de contourner ainsi les restrictions imposées par les art. 166 ss LDIP.

Quant à la comparaison opérée par le recourant avec les pouvoirs plus larges offerts à l'administration de la faillite étrangère par l'art. 174a LDIP en cas de renonciation à l'ouverture d'une faillite ancillaire en Suisse, il faut préciser que ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une modification législative récente et dans le cadre d'un régime de règles spéciales de la faillite internationale et non des règles générales de reconnaissance des art. 25 ss LDIP. Le recourant n'a d'ailleurs pas repris cet argument en seconde instance, après que le Tribunal a précisé que l'art. 174a LDIP constituait précisément une exception qui n'avait pas vocation à être érigée en règle. Il n'a, au demeurant, pas invoqué une autre disposition dérogatoire au système général.

Ainsi, dans la mesure où le recourant n'a pas, préalablement, obtenu – ni même requis – la reconnaissance de décisions de faillite étrangères et que les décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 dont il tire sa qualité de "receiver" n'y sont pas assimilables (pas davantage qu'au concordat ou à une procédure analogue), son statut de "receiver" ne peut être constaté de manière abstraite sans violer les art. 166 ss LDIP. Au surplus, le recourant – qui précisément conteste que les décisions américaines susvisées soient des décisions de faillite – n'a pas démontré la réalisation des conditions posées par les art. 166 ss LDIP dans le cas d'espèce (notamment le respect du principe de l'égalité des créanciers). Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, il est possible qu'une décision étrangère puisse ne pas être reconnue en Suisse, que cela soit sous l'angle des art. 25 ss LDIP ou des art. 166 ss LDIP.

3.2.3 A ce qui précède s'ajoute que la "mission" que le recourant est censé accomplir en Suisse est contraire à l'ordre public suisse. En effet, les actes que le recourant entend accomplir en Suisse, relevant de l'exécution forcée, tomberaient sous la protection instaurée par l'art. 271 ch. 1 CP. On voit mal comment il serait justifié que la qualité de "receiver" du recourant puisse être reconnue abstraitement, lui donnant alors la capacité de procéder à des actes d'exécution forcée sans violer l'art. 271 ch. 1 CP, tandis qu'il est refusé aux liquidateurs et aux administrateurs de faillite étrangère de faire reconnaître leur qualité préalablement à la reconnaissance de la décision de faillite étrangère. La situation du recourant ne peut pas non plus être rapprochée de celle dite "step into the shoes". Au contraire de celle-ci, le recourant agit en tant que personne nommée par les tribunaux américains et ayant pour mission de récupérer les biens de l'intimé déposés auprès de l'intimée et non comme simple substitut d'un failli dans des rapports contractuels avec un cocontractant localisé en Suisse.

Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, il ne peut être exigé du juge suisse de limiter et d'encadrer précisément le rôle de "receiver" du recourant et de lui donner des instructions claires afin de ne pas violer l'ordre public suisse. En effet, la décision étrangère devant produire en Suisse les effets qu'elle a acquis dans l'Etat d'origine, il n'est pas possible de restreindre les pouvoirs du recourant tels que confiés par les tribunaux américains. De plus, ceux-ci étant très larges, la restriction serait telle qu'elle viderait de sa substance la qualité de "receiver" du recourant. On est loin du cas dans lequel il s'agit de réduire le montant réclamé à titre de dommages-intérêts punitifs ou d'honoraires d'avocat à un niveau tolérable sous l'angle de l'ordre public suisse. Enfin, en l'absence de reconnaissance d'une décision de faillite étrangère, l'exception au principe de la "Wirkungs-gleichstellung" ne s'applique pas en l'espèce.

3.2.4 Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

4.             Les frais judiciaires du recours – comprenant l'émolument relatif à la décision sur effet suspensif – seront arrêtés à 2'500 fr. (art. 13, 26 et 38 RTFMC) et mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens aux intimés, l'intimé, comparant en personne, ne s'étant pas exprimé dans la procédure de recours et l'intimée n'ayant répondu à celui-ci que par un simple courrier, dans lequel elle s'en est rapportée à justice et n'en a pas sollicités (art. 95 al. 3 let. c et d CPC; 23 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6414/2022 rendu le 17 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24400/2021-1 SEX.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 2'500 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance effectuée par celui-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.