Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/873/2025 du 24.10.2025 sur OMP/17470/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/18104/2024 ACPR/873/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 24 octobre 2025 | ||
Entre
A______ et B______, tous deux représentés par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, ARTES JURIS, rue de Candolle 34, 1205 Genève,
recourants,
contre l’ordonnance de refus de reprise de la procédure préliminaire rendue le 17 juillet 2025 par le Ministère public,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 31 juillet 2025, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 17 juillet 2025, notifiée le 21 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de reprendre la procédure préliminaire à la suite de leurs plaintes du 31 juillet 2024.
Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il reprenne la procédure préliminaire.
b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'200.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 31 juillet 2024, A______ et sa compagne, B______, ont déposé plainte contre l’ancienne partenaire du prénommé, C______, pour diffamation, calomnie, injure, menaces ainsi que pour toute autre infraction susceptible d’avoir été commise à leur encontre. Ils lui reprochaient d’avoir, à des dates indéterminées, entre janvier et le 30 avril 2024, envoyé à des tiers et à eux, notamment par l’intermédiaire de son père, plusieurs messages au contenu menaçant, les effrayant de la sorte, et au contenu injurieux, calomnieux et diffamant, les atteignant dans leur honneur. C______ avait également, courant février 2024, publié une vidéo sur SNAPCHAT qui comportait des menaces et des injures à leur égard, laquelle avait été vue par des tiers, les effrayant et les atteignant dans leur honneur. Ils ont également déposé plainte pour des messages envoyés par C______ à A______ le 5 mai 2024, dans lesquelles elle déclarait « t’es vraiment un enculé », puis, à propos de l’utilisation d’un véhicule, « tu l’as utilisé pendant 1 années à gogo avec ta tchoin » et « n’utilise pas ma voiture pour ta pétasse ».
En annexe à leurs plaintes, ils ont produit les messages litigieux, la vidéo SNAPCHAT ainsi qu’une vidéo TIKTOK effectuée par une amie de C______ qui, tout en modifiant les prénoms des protagonistes, relatait la séparation entre cette dernière et A______.
b. Entendue par la police le 31 janvier 2025, C______ a admis avoir injurié A______ et B______ plusieurs fois, sans se rappeler des termes exacts. Elle avait effectivement envoyé les messages mentionnés dans les plaintes pénales en février 2024.
c. Par ordonnances du 14 avril 2025, le Ministère public a reconnu C______ coupable de diffamation et injure pour les messages envoyés le 5 mai 2024 et refusé d’entrer en matière pour les faits antérieurs au 1er mai 2024, les plaintes pénales y relatives étant tardives.
C______ a formé opposition à l’ordonnance pénale.
d. Par courriel du 28 avril 2025, A______ et B______, par l’intermédiaire de leur conseil, ont indiqué au Ministère public avoir pris connaissance des messages litigieux ainsi que des vidéos SNAPCHAT et TIKTOK en juin et juillet 2024, conformément aux attestations de tiers annexées, et ont sollicité l’annulation de l’ordonnance de non-entrée en matière partielle.
e. Par ordonnance du 1er juillet 2025, le Ministère public a joint la P/18104/2024 à une autre procédure P/12126/2025 dirigée contre C______ pour contrainte au préjudice de A______.
f. Entendue par le Ministère public le 10 juillet 2025, B______ a indiqué avoir déposé plainte tardivement à la suite d’une « accumulation de tout pendant longtemps ». Depuis février 2024, elle voyait une psychologue. Le Ministère public a également signifié aux parties qu’il ne reviendrait pas sur les faits qui avaient fait l’objet de l’ordonnance de non-entrée en matière entrée en force.
g. Par courrier du 14 juillet 2025, A______ et B______ ont sollicité du Ministère public qu’il reprenne la procédure préliminaire s’agissant des faits antérieurs au 1er mai 2024, dans la mesure où ceux-ci avaient été portés à leur connaissance en juin et juillet 2024, soit dans le délai de trois mois pour déposer une plainte pénale.
C. Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public considère que les éléments invoqués par A______ et B______ auraient dû être soulevés dans le cadre d’un recours, ce qu’ils n’avaient pas fait. Ces derniers ne faisaient au demeurant état ni de faits nouveaux, ni de moyens de preuve nouveaux propres à la reprise de la procédure préliminaire.
D. a. Dans leur recours, A______ et B______ reprochent au Ministère public d’avoir refusé de reprendre la procédure préliminaire, quand bien même les attestations fournies en annexe à leur courriel du 28 avril 2025 constituaient des « faits » nouveaux, démontrant qu’ils n’avaient pas pris connaissance des messages et vidéos avant juin ou juillet 2024, ce qu’ils avaient déjà mentionné dans le cadre de leur plainte pénale. De plus, le Ministère public avait violé leur droit d’être entendus en refusant de poser des questions sur ces « faits nouveaux » lors de l’audience de confrontation et en ne les entendant pas avant de rendre l’ordonnance de non-entrée en matière partielle.
b. Le 1er août 2025, A______ et B______ ont expédié, par messagerie sécurisée, diverses pièces, soit des vidéos et des captures d’écran des réseaux sociaux de C______ et le bordereau de pièces mentionnées dans le recours, daté du 31 juillet 2025.
c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Il en va cependant différemment des courriels adressés par messagerie sécurisée le 1er août 2025 à la Chambre de céans, dans la mesure où ils ont été envoyés après l’échéance du délai de recours de dix jours tombant le 31 juillet 2025.
Ces pièces sont dès lors irrecevables.
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas avoir pu exercer leur droit d'être entendus avant le prononcé de l’ordonnance de non-entrée en matière partielle.
3.1. Lorsque le ministère public considère qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à informer les parties de son choix puisque l'art. 318 CPP n'est pas applicable dans une telle situation; le droit d'être entendu des parties sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière. Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP). Inversement, faute d'ouverture d'instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas, et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2018 précité consid. 1.3).
3.2. En l’espèce, les recourants, qui n’ont pas contesté l’ordonnance de non-entrée en matière partielle, désormais entrée en force, ne sauraient, dans le cadre du présent recours contre l’ordonnance de refus de la reprise de l’instruction préliminaire, invoquer une violation du droit d’être entendu, laquelle ne saurait également être retenue du fait que le Ministère public a refusé de faire porter l’instruction sur des éléments qui avaient fait l’objet d’une non-entrée en matière.
Dans tous les cas, même à considérer qu’un tel grief puisse être invoqué ici, le Ministère public n'avait aucune obligation de les entendre avant de rendre l’ordonnance de non-entrée en matière partielle, de sorte qu’aucune violation du droit d’être entendu n’aurait pu être retenue.
4. Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas avoir repris la procédure préliminaire close par l'ordonnance de non-entrée en matière partielle du 14 avril 2025, malgré les éléments nouveaux portés à sa connaissance.
4.1. Selon l'art. 323 al. 1 CPP, le ministère public ordonne la reprise d'une procédure préliminaire close par une ordonnance de classement entrée en force s'il a connaissance de nouveaux moyens de preuves ou de faits nouveaux si ceux-ci révèlent une responsabilité pénale du prévenu (let. a) et s'ils ne ressortent pas du dossier antérieur (let. b).
Ces deux conditions doivent être cumulativement remplies et supposent que les faits ou les moyens de preuve concernent des événements antérieurs à la décision de classement, soit à la décision sur laquelle l'autorité entend revenir (ATF 141 IV 194 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_653/2016 du 30 mars 2017 consid. 2.2.2; 6B_1015/2013 du 8 avril 2014 consid. 5.1).
Cet article vise une sorte de "révision étroite": seuls deux motifs (applicables de manière cumulative) exhaustivement énumérés dans la loi peuvent ouvrir la révision (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 323).
4.2. En raison du renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP, les conditions pour la reprise de la procédure posées à l'art. 323 al. 1 CPP s'appliquent également à la procédure close par une ordonnance de non-entrée en matière. Dans ce dernier cas, les conditions de la reprise sont cependant moins sévères qu'en cas de reprise après une ordonnance de classement (ATF 141 IV 194 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1135/2016 du 24 novembre 2017 consid. 3.1 et 6B_1015/2013 du 8 avril 2014 consid. 5.1).
4.3. Les moyens de preuves sont nouveaux s'ils étaient inconnus au moment de rendre l'ordonnance de classement ou de non-entrée en matière. Ce qui est décisif est de savoir si des informations pertinentes figuraient déjà au dossier ou non. Les moyens de preuve ne sont pas considérés comme nouveaux s'ils ont été cités, voire administrés, lors de la procédure close, sans être toutefois complètement exploités. En revanche, un fait ou un moyen de preuve sera qualifié de nouveau lorsque le ministère public ne pouvait pas en avoir connaissance dans la procédure antérieure, même en ayant fait montre de la plus grande diligence (ATF 141 IV 194 consid. 2.3).
4.4. En l'espèce, au regard des principes susvisés, la décision du Ministère public ne prête pas le flanc à la critique.
En effet, les recourants soutiennent que les attestations produites en annexe de leur courrier du 28 avril 2025 constituent des faits nouveaux qui justifieraient la reprise de la procédure préliminaire. Or, ils soutiennent eux-mêmes que ces éléments leur étaient déjà connus lors du dépôt de leur plainte pénale, en juillet 2024. Ainsi, ils auraient pu et dû être produits à ce moment. De plus, en cas de désaccord avec la motivation du Ministère public qui avait retenu que le délai de trois mois pour porter plainte était échu, il leur appartenait de former recours contre la décision, ce qu’ils n’ont pas fait. Les attestations susvisées ne constituent dès lors pas des pièces nouvelles et auraient dû être produites en temps opportun, ce d’autant qu’ils étaient alors dûment assistés d’un avocat. Ils ne peuvent désormais, par l’intermédiaire d’une demande de reprise de la procédure préliminaire, contourner l’absence de recours en temps voulu afin qu’il soit procédé à un nouvel examen de leur plainte.
Dans tous les cas, même à considérer que les attestations en question constitueraient des éléments nouveaux, il ressort de la procédure, notamment de l’audition de B______, que cette dernière avait eu connaissance des faits litigieux en février 2024 déjà, puisqu’elle était, depuis lors, suivie par une psychologue en raison de ceux-ci et a admis avoir tardé à déposer plainte en raison d’une « accumulation de tout pendant longtemps ». Quant à la vidéo TIKTOK, elle a été mise en ligne par une amie de C______, de sorte que l’on peine à comprendre quel comportement pourrait être reproché à cette dernière.
Compte tenu de ce qui précède, il n'existe pas de motif qui justifie la reprise de la procédure préliminaire, même à l'aune des conditions assouplies de l'art. 323 CPP pour une procédure close par une ordonnance de non-entrée en matière.
5. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.
6. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
7. Corrélativement, aucun dépens ne leur sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
| Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
| P/18104/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 1'115.00 |
| Total | CHF | 1'200.00 |