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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14439/2019

ACPR/826/2025 du 09.10.2025 sur ONMMP/3029/2025 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ORDONNANCE DE CLASSEMENT;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ
Normes : CPP.429; CPP.431; CPP.310; CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14439/2019 ACPR/826/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 9 octobre 2025

 


Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 juin 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 juillet 2025, A______ (ci-après, le recourant) recourt contre l'ordonnance du 24 juin 2025, notifiée le 27 suivant, par laquelle le Ministère public a prononcé une ordonnance de non-entrée en matière en sa faveur.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et à son remplacement "par l'application des art. 317 à 322 ainsi que l'art. 429 du CPP […]".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par suite de plaintes déposées à partir de 2019 pour des infractions contre l'honneur et la liberté, une procédure P/14439/2019 a été ouverte notamment contre A______ né en 1958 [homonyme du recourant qui est né en 1967] (ci-après, le prévenu).

b. Dans ce contexte, la police – se fondant sur l'adresse mentionnée dans une des plaintes –, puis le Ministère public, ont convoqué le recourant par courriers des 5 novembre 2020 et 2 février 2022, afin de l'entendre en qualité de prévenu.

Il ressort du procès-verbal de l'audition du 24 novembre 2020 que ce dernier avait nié avoir une quelconque connaissance avec l'ensemble des personnes mentionnées dans la procédure.

Le procès-verbal d'audience du 11 février 2022 contient une note du Procureur, aux termes de laquelle "[e]n début d'audience, un certain A______ entre en salle d'audience, il n'est pas celui visé par la procédure. Il déclare être né [en 1967] […]. Il est libéré de l'audience, n'ayant aucun lien avec cette procédure".

c. Aux dires du recourant, le Ministère public lui a adressé, le 30 avril 2025, un avis de prochaine clôture du 4 mars précédent, aux termes duquel il informait les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement à l'égard, notamment, de A______ [le prévenu né en 1958], au vu de l'acquisition de la prescription. Un délai leur était imparti au 21 mars 2025 pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves et solliciter une indemnisation.

d. Par courriers des 1er et 24 mai 2025 adressés au Ministère public, le recourant a notamment demandé à ce qu'il soit acquitté "totale[ment]", et non au vu de la prescription, dès lors qu'il n'avait aucun lien avec l'affaire instruite. Il convenait en outre de lui impartir un délai "fixé dans le futur" pour solliciter une indemnisation.

Les 5 et 26 mai 2025, le Procureur a répondu que l'envoi de convocations et d'actes de procédure s'expliquait par le fait que le recourant avait un homonyme à Genève, ce qui avait conduit à son inscription dans la base de données. Cette erreur avait été corrigée et il n'y avait, à ce jour, aucune procédure ouverte contre lui.

e. Par pli du 29 mai 2025, le recourant a exposé qu'il avait été visé par la procédure en tant que prévenu et qu'il convenait de prononcer une ordonnance de classement en sa faveur.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'en tant que le recourant n'était pas la personne visée par la procédure, ni par les actes en découlant – lesquels lui avaient été adressés par erreur –, les conditions à l'ouverture de l'action pénale n'étaient manifestement pas réunies à son encontre.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Procureur d'avoir considéré que l'erreur tiendrait uniquement dans l'envoi de quelques actes de procédure au mauvais destinataire, minimisant ainsi la gravité de son préjudice. Or il avait effectué de nombreux allers-retours à la police et au Ministère public pour répondre aux interrogatoires, consulté à plusieurs reprises les dossiers, et préparé sa défense. Par ailleurs, dans la mesure où il avait été mis en prévention en 2020, il n'était pas possible de rendre une ordonnance de non-entrée en matière à son égard.

b. Dans ses observations, le Ministère public précise se référer intégralement à l'ordonnance querellée et à ses divers courriers adressés au recourant.

c. Dans sa réplique, A______ persiste dans les termes de son recours.

EN DROIT :

1.             1.1. L'acte de recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Se pose toutefois la question de la qualité pour recourir du recourant.

1.2.1. Conformément à l'art 382 al. 1 CPP, seule une partie qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1).

1.2.2. D'une manière générale, les personnes poursuivies ne peuvent recourir contre une décision rendue en leur faveur (ATF 101 IV 327; ATF 103 II 155 consid. 3; ACPR/344/2024 du 8 mai 2024 consid. 3.3).

1.2.3. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police, que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Le terme "immédiatement" indique que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue à réception de la dénonciation, de la plainte ou du rapport de police avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction ne soit ouverte selon l'art. 309 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2022 du 15 février 2023 consid. 4.1.1).

Lorsque le ministère public ouvre – formellement ou matériellement – une instruction (art. 309 al. 1 CPP), il est tenu de la clôturer (art. 318 CPP), puis de rendre un classement (art. 319 CPP). Quand il prononce néanmoins une non-entrée en matière, il n'y a pas lieu d'annuler cette décision pour ce seul motif, à moins que le recourant ne subisse un dommage de ce fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2022 du 15 février 2023 consid. 4.1.1).

1.2.4. En l'espèce, le recourant n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de l'ordonnance querellée, en tant qu'il est prononcé une non-entrée en matière en ce qui le concerne, cette décision lui étant en effet favorable. Conformément aux principes sus-rappelés, que le Ministère public ait rendu une ordonnance de non-entrée en matière au lieu d'une ordonnance de classement ne prête pas à conséquence, l'intéressé ne prétendant au demeurant pas qu'il en aurait résulté un préjudice pour lui.

Il s'ensuit que sous cet aspect, le recours est irrecevable.

2. À bien le comprendre, le recourant se plaint d'une absence d'indemnisation. Sous cet angle, le recours est recevable, l'intéressé disposant d'un intérêt juridique (art. 382 al. 1 CP).

2.1.1. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu bénéficiant d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

L'al. 2 de cet article prévoit que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Il incombe à l'autorité pénale, à tout le moins, d'interpeller le prévenu sur cette question et, comme le prévoit la loi, de l'enjoindre au besoin à chiffrer et justifier ses prétentions en indemnisation (ATF 146 IV 332 consid. 1.3; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1142/2016 du 18 mai 2017 consid. 2.1).

Bien que l'art. 429 CPP ne mentionne pas expressément l'ordonnance de non-entrée en matière, cette dernière peut également donner lieu à une indemnité (ATF 139 IV 241 consid. 1; ACPR/603/2025 du 6 août 2025 consid. 3.1).

2.1.2. Conformément à l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d'actes de procédure ou de fait de l'aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n'est pas couvert d'une autre manière, ainsi qu'à une réparation du tort moral

Les prétentions sont réglées dans le cadre de la décision finale. Lorsque le cas est clair, le ministère public peut les régler déjà au stade de la procédure préliminaire (art. 434 al. 2 CPP).

La notion de juste compensation du dommage se réfère aux principes généraux du droit de la responsabilité civile, à l'instar de ce qui prévaut pour l'indemnisation du prévenu (art. 429 ss CPP). Il s'agit en principe d'une pleine indemnité pour les inconvénients subis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1360/2016 du 10 novembre 2017 consid. 2).

2.2. En l'espèce, la question d'une éventuelle indemnisation du recourant, attiré par erreur dans la procédure P/14439/2019, n'a jamais été abordée ni tranchée par l'autorité précédente. C'est pourquoi, le Ministère public sera invité à statuer sur ce point, après lui avoir imparti un délai – le recourant agissant en personne – pour solliciter une éventuelle indemnisation, dont les conclusions doivent être chiffrées et justifiées.

Fondé, le recours sera par conséquent admis sur ce point.

3. Eu égard à ce qui précède, les frais du recours seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Renvoie la cause au Ministère public pour qu'il statue sur la question de l'indemnisation du recourant.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).