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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5412/2014

ACPR/818/2025 du 07.10.2025 sur OCL/857/2025 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.319.al1; CPP.426.al2; CPP.429.al1.leta; CPP.433; CPP.436; CO.321a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5412/2014 ACPR/818/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 octobre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 12 juin 2025 par le Ministère public,

et

C______ SA, représentée par Me Pietro RIGAMONTI, avocat, place de la Taconnerie 3-5, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 23 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public, après avoir rejeté les réquisitions de preuve de C______ SA et ordonné le classement de la procédure ouverte à son encontre (ch. 1 et 2 du dispositif), l'a condamné aux frais de la procédure arrêtés à CHF 1'230.- (ch. 3) ainsi qu'à payer un montant réduit à CHF 47'828.40 (TVA comprise) à C______ SA, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (ch. 4) et a refusé de lui allouer une indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ch. 5).

Le recourant conclut à l'annulation des ch. 3, 4 et 5 du dispositif de ladite ordonnance, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de CHF 59'431.60 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure par-devant le Ministère public, outre une indemnité CHF 4'888.82 pour la procédure de recours.

b. La Direction de la procédure a, par ordonnance OCPR/32/2025 du 27 juin 2025, rejeté la demande d'effet suspensif assortissant le recours et réservé le sort des frais.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ SA est une société, dont le siège est à Genève, ayant pour activité principale le commerce et la représentation de matériel et appareillage électrique, ainsi que tous travaux d'installation et d'équipement dans le domaine de l'électricité et du téléphone.

A______ a été employé par cette société de 1990 jusqu'à la fin de l'année 2012. À teneur du registre du commerce, il a été au bénéfice d'une procuration collective à deux du 24 janvier 1996 au 26 novembre 2010. Dès cette date et jusqu'au 21 décembre 2012, il en a été le directeur, au bénéfice d'une signature collective à deux avec D______, alors président.

b. Il lui est reproché d'avoir, à Genève, en sa qualité de responsable du bureau d'études de C______ SA:

- à tout le moins, depuis le 13 septembre 2010 jusqu'au 4 juin 2012, fait payer, par le biais de son compte "1_____" ouvert dans la comptabilité de C______ SA, des factures privées par débit des actifs de C______ SA, au détriment de cette dernière, respectivement fait livrer à son domicile privé des équipements sous le couvert de C______ SA, pour près de CHF 30'000.- soit : le 13 septembre 2010, un service traiteur E______ pour CHF 1'698.70; le 8 juin 2011 un lave-linge pour CHF 2'500.-; le 27 janvier 2012 des travaux effectués par [l’entreprise] F______ pour un montant de CHF 1'585.-; le 4 juin 2012, 240 luminaires pour un montant de CHF 23'280.-;

- à tout le moins de 2010 à 2012, faussé les paramètres de calcul de la valeur des prestations effectuées sur le chantier de la "villa G______": a) en omettant de décompter un nombre important de prestations effectuées par C______ SA et de facturer des équipements acquis aux frais de C______ SA ou en les devisant sur le compte d'autres clients; b) en faisant payer des équipements de la "villa G______" par le débit des actifs de C______ SA via le compte "1_____" au lieu de les facturer à G______, pour un montant de plus de CHF 543'000.-;

- à tout le moins de 2010 à 2011, réduit intentionnellement la valeur des prestations de C______ SA au détriment de cette dernière sur le chantier "villa H______/I______" à CHF 4'500.- en lieu et place de CHF 250'000.-, fait payer des équipements de la "villa H______/I______" par le débit des actifs de C______ SA via le compte "1_____", au lieu de les facturer aux époux H______ et I______, pour un montant de plus de CHF 260'000.-;

- de 2010 à 2012, fait procéder à l'achat d'équipements par débit des actifs de C______ SA et fait faire des travaux par C______ SA, à titre gratuit, au domicile privé de J______, directeur de la société K______ SA, pour un montant de plus de CHF 200'000.-.

c. C______ SA a déposé plainte pour ces faits le 18 mars 2014.

Elle avait découvert les agissements de A______ à la suite d'un audit interne effectué par L______, l'un de ses employés, après la démission de l'intéressé le 19 novembre 2012.

S'agissant de la "villa G______", un devis d'un montant de CHF 255'000.-, daté du 22 janvier 2008, ainsi qu'une facture finale de CHF 260'581.90, datée du 29 juin 2012, avaient été établis par A______. Elle avait toutefois découvert sur le poste de travail de l'intéressé, dans un compartiment du disque dur contenant des fichiers effacés, un devis général daté du 29 mai 2007, établi par ce dernier, portant sur la "villa G______" d'un montant de CHF 698'000.-. La facture finale ne correspondait pas à la réalité des prestations effectuées pour G______ et était ainsi constitutive d'un faux dans les titres.

Elle sollicitait nombre d'actes d'enquête.

d. Entendu par le Ministère public en qualité de personne appelée à donner des renseignements, les 24 avril 2014, sans l'assistance d'un conseil, et 12 décembre 2014, en présence de son conseil, A______ a déclaré que :

·      Un prix forfaitaire avait été établi pour le chantier "villa G______" sur la base d'une soumission. Les documents en attestant devaient se trouver chez C______ SA. Sa relation avec G______ était strictement professionnelle. Il n'avait reçu aucune contreprestation de la part de ce dernier;

·      M______ était un important client qui était devenu un ami au fil des années. Il travaillait à l'époque [à l'entreprise] N______. Il avait apporté plusieurs affaires extrêmement importantes à C______ SA, pour près de CHF 1,5 mio. Pour des raisons commerciales, il lui avait donc fait un "très bon prix" pour l'équipement de sa villa à O______ [GE]. Il avait établi un devis dans les règles qui devait se trouver dans le dossier du chantier. Il avait facturé sauf erreur CHF 5'200.- pour le compte de C______ SA pour des prestations qui valaient, en prix de revient, entre CHF 15'000.- et CHF 20'000.-. Le chiffre de CHF 260'000.- avancé par la plaignante était totalement démesuré pour des travaux d'électricité dans ce genre de villa. Il n'avait rien dissimulé à C______ SA, ni reçu de contrepartie de quelque ordre que ce soit de M______ à titre personnel. Son dossier "1_____" lui permettait de facturer des prestations lorsqu'aucun dossier chantier n'était ouvert. Les prestations non facturées pour la "villa H______/I______" avaient ainsi pu être comptabilisées dans cette rubrique, ce qui attestait de sa bonne foi, en ce sens qu'il n'avait pas dissimulé le fait que ce client avait bénéficié d'un prix spécial pour des raisons commerciales;

·      pour le chantier de J______, il avait commandé, avec l'accord de P______ [le fils de D______], alors directeur de C______ SA, une quantité importante de câbles en cuivre pour différents chantiers, dont une partie n'avait finalement pas été nécessaire. J______, directeur de la société K______ SA, une cliente de C______ SA, disposait de surfaces d'entreposage et avait proposé de prendre en dépôt l'excédent de câbles en échange de travaux à réaliser dans son appartement pour un coût de CHF 10'000.- à CHF 15'000.-. Il avait accepté dans la mesure où le coût d'entreposage des câbles s'élèverait à CHF 70'000.-. Le montant articulé par C______ SA, de plus de CHF 200'000.-, était absurde.

Chaque technicien de C______ SA fixait différemment ses tarifs sur une base de calcul interne qu'il ajustait en fonction de ses paramètres, avec une variation du prix de base allant du simple au double. Il n'existait aucune règle interne pour définir le montant des gestes commerciaux, une pratique assez courante chez C______ SA. En tant que responsable, il n'avait pas à en référer à qui que ce soit.

Ses relations avec C______ SA s'étaient dégradées depuis que P______, s'était chargé, en 2010 ou 2011, de plus de responsabilités au sein de la direction. Il avait finalement pris la décision de démissionner. C______ SA lui devait plusieurs mois de salaire, ainsi que CHF 200'000.- de primes.

Il ne s'était pas enrichi au détriment de C______ SA.

e. En 2014, A______ a fait défaut, sans excuse, aux audiences devant le Ministère public des 10 avril, 26 mai, 24 septembre, 5 novembre et 3 décembre.

f. C______ SA a exposé, dans un courrier du 17 novembre 2014, qu'en raison du manque de collaboration de l'intéressé, elle avait fait appel à une société de surveillance, laquelle l'avait suivi et photographié depuis son domicile à Q______ [GE] les 13 et 14 octobre 2014. Il menait "une vie tout à fait normale".

g. Auditionnés par le Ministère public :

g.a. Les 7 mai et 2 décembre 2014, P______ a exposé que A______ avait acquis de l'expérience et de l'autonomie au fil des années. Ce dernier fixait librement les prix les cinq ou six dernières années de sa carrière, sans contrôle particulier. S'agissant de la "villa G______", C______ SA n'avait pas trouvé de document attestant d'un forfait sur la base d'une soumission. Le 90% des chantiers de C______ SA était cependant facturé à forfait. Un devis d'un montant d'environ CHF 700'000.- avait toutefois été découvert sur le poste de travail de l'intéressé, qui avait donc sous-facturé les prestations effectuées en faveur de G______. Il arrivait à C______ SA d'accorder des rabais à certains clients, mais jamais dans les proportions accordées par A______. Lui-même avait donné son accord pour la commande des câbles en cuivre, mais il ignorait que G______ avait dû en entreposer une partie.

g.b. Le 5 novembre 2014, J______ a indiqué que les travaux effectués dans son appartement – une installation électrique standard dont le dessinateur de C______ SA avait dessiné les plans – représentant un coût de CHF 20'000.- à CHF 25'000.- ne lui avaient pas été facturés par A______, car il avait attribué à C______ SA un mandat d'environ CHF 190'000.-. Il pensait que cette dernière était au courant de ces travaux. Il avait ensuite accepté, pour le compte de K______ SA, de prendre des câbles de cuivre en dépôt.

g.c. Le 2 décembre 2014, L______, qui avait effectué l'audit interne, a confirmé, en substance, les éléments exposés dans la plainte pénale.

g.d. Le 12 décembre 2014, M______, fils des époux H______ et I______, a expliqué qu'il avait rencontré A______ huit ans auparavant, dans un cadre professionnel. Tous deux avaient travaillé sur de nombreux projets, correspondant à un budget d'environ CHF 20'000'000.-, sans versement d'une quelconque commission. Il avait demandé des devis à diverses entreprises en vue d'une installation électrique pour la villa que ses parents faisaient construire, qu'il avait transmis à A______ en lui demandant une offre. Ce dernier lui avait proposé un forfait de CHF 4'864.50, montant similaire aux devis précédemment reçus. A______ lui avait offert l'installation de trois luminaires, à titre de geste commercial. Des spots intérieurs et deux prises pour des sèche-linges avaient également été installés.

h.a. Les 3 et 21 septembre ainsi que le 19 novembre 2015, le prévenu a spontanément adressé à C______ SA des déterminations relatives aux différents chantiers en cause, pièces à l'appui, contestant, en substance sa version des faits.

h.b. Le 9 décembre 2015, il les a transmises au Ministère public.

i.a. Par mandat d'actes d'enquête du 10 septembre 2019, le Ministère public a chargé la police de localiser le domicile de A______.

Il ressort du rapport de police du 3 octobre 2019 que ce dernier était toujours enregistré au contrôle de l'habitant à l'adresse de son dernier domicile connu, à Q______. La régie gérant l'immeuble en question avait toutefois indiqué à la police qu'il avait vendu son bien immobilier à la fin de l'année 2018 et qu'elle ignorait sa nouvelle adresse.

i.b. Un avis de recherche et d'arrestation a été émis à l'encontre de A______ le 2 mars 2020.

i.c. Dans son rapport du 31 mars 2022, la police a indiqué avoir été informée par Interpol Berne que A______ s'était adressé, par e-mail, à l'ambassade de Suisse à Bangkok afin d'obtenir une aide consulaire car il n'avait plus d'argent et avait des dettes auprès de l'hôtel où il était domicilié. Le message d'Interpol Berne mentionnait que ce dernier était arrivé en Thaïlande le 19 mai 2019 et qu'il n'y était plus reparti depuis lors.

i.d. Le 10 janvier 2024, A______ a été interpellé par l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) à son arrivée à l'aéroport de Genève en provenance de Thaïlande. Il a été libéré après avoir transmis une adresse en Suisse et s'est présenté à l'audience du Ministère public du 12 septembre 2024.

j. Mis en prévention lors de cette audience, assisté de son conseil, il a persisté à contester les faits. Il avait été directeur de C______ SA avec signature collective à deux au côté de D______. Il ne s'était pas enrichi au détriment de C______ SA. À l'époque, il s'était déterminé sur plus de 300 points environ s'agissant des griefs qui lui étaient reprochés. Il n'avait eu aucun retour. Pour lui, l'affaire était close. Il voulait voir les factures avec sa signature et le numéro de dossier. Quand c'était privé c'était marqué "P" pour privé ou "privé" en toutes lettres. S'agissant de la facture de traiteur par exemple, il ne contestait pas qu'elle fût privée mais elle avait été inscrite dans le "cahier du lait". Ce montant était déduit des primes dues. Il y avait un décompte qui était remis à la demande et pas systématiquement, en tout cas en ce qui le concernait. Il reconnaissait que le "spa" avait été livré à titre privé, mais il avait été déduit de ses primes dans le "cahier du lait". D______ était venu le voir chez lui lors de sa pendaison de crémaillère parce qu'il voulait acquérir un "spa" également. Si cette facture avait été inusuelle et avait posé problème, la comptabilité aurait dû réagir. Si tel n'avait pas été le cas, c'était parce que c'était marqué "privé". Il était utile que C______ SA produisît le "cahier du lait" de l'époque sur lequel figurait sa signature, apposée une fois par année.

Il était disposé à remettre copie de ses relevés bancaires ou à ce qu'ils soient demandés auprès des institutions bancaires (R______, S______, T______, U______ et V______).

k. Le 12 septembre 2024, le Ministère public a requis de quatre banques la documentation bancaire de toute relation dont A______ et "W______ [éclairage] – A______" avaient ou auraient été titulaires, ayants droit ou fondés de procuration, de 2010 au jour de l'ordre de dépôt.

l. Par courrier du 12 septembre 2024, le Ministère public a sollicité de C______ SA la transmission du "carnet de lait" évoqué par A______ et des décomptes de primes en faveur de ce dernier.

Le 21 octobre 2024, C______ SA a répondu qu'au vu du nombre d'années écoulées, elle n'avait pas retrouvé de carnet de lait, pour autant que cette pièce eût réellement existé, ni de décompte de primes en faveur de A______.

m. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 10 avril 2025, le Ministère public a informé les parties de ce qu'il entendait rendre une ordonnance de classement à l'égard de A______ et leur a imparti un délai afin de présenter d'éventuelles réquisitions de preuves et demandes d'indemnités.

n. Le 12 mai 2025, A______ a sollicité une indemnité de CHF 54'976.60 pour ses frais de défense.

o. Le 11 juin 2025, C______ SA a indiqué ne pas avoir de nouvelles réquisitions de preuve à présenter autres que celles figurant dans sa plainte. Les frais de procédure devaient être mis à la charge de A______, subsidiairement de l'État de Genève. Aucune indemnité ne devait être versée à A______ pour ses frais de défense. Une telle indemnité, de CHF 94'182.40, devait lui être versée (à elle).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève le contexte ayant conduit au dépôt de la plainte litigieuse, soit la dégradation des rapports de travail entre C______ SA et A______ et la démission de ce dernier, qui imposait de considérer avec une certaine prudence les allégations de chacun et de ne les retenir que si elles étaient corroborées par des éléments objectifs.

Les faits en cause seraient notamment susceptibles de constituer une gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 CP. La plaignante n'avait toutefois pas pu apporter des éléments de preuve objectifs, tels que le "carnet du lait" évoqué par A______ et le récapitulatif des primes en faveur de ce dernier, lesquels auraient permis de privilégier l'une ou l'autre des versions. A______ avait formellement contesté les faits, alléguant que les factures représentant des dépenses privées avaient été soumises à C______ SA au moyen d'un "carnet du lait" et déduites de ses primes. Il a admis avoir accordé des rabais à des clients, une pratique courante des collaborateurs de C______ SA, ce que permettait son poste de responsable. Il affirmait ne pas avoir agi à l'insu et au détriment de son employeur, ni ne s'être enrichi. L'analyse des relevés bancaires de l'intéressé n'avait pas mis en évidence de crédits suspicieux. J______ et M______ avaient confirmé, en substance, les allégations du prévenu et contesté l'estimation faite par C______ SA du prix des prestations dont ils avaient bénéficié. P______ avait déclaré que le prévenu travaillait de façon autonome et fixait librement les prix, sans contrôle particulier de C______ SA.

En conséquence, les faits dénoncés par C______ SA ne remplissaient pas les éléments constitutifs de l'infraction de gestion déloyale. Les faits reprochés en lien avec la facture finale du 29 juin 2012 concernant la "villa G______" ne pouvaient être constitutifs d'une infraction pénale, dès lors que son montant, de CHF 260'581.90, était légèrement supérieur au devis du 22 janvier 2008, de CHF 255'000.-, ce qui était favorable aux intérêts financiers de la plaignante. Le devis "effacé" du 29 mai 2007 n'avait pas une force probante suffisante pour démontrer le coût réel des prestations dont G______ avait bénéficié. Ce document pourrait en effet être une simple ébauche, non corrigée.

Les faits faisant l'objet de la plainte pénale de C______ SA semblaient en réalité s'inscrire dans le cadre d'un différend civil, soit un litige ayant trait au droit du travail.

Les frais de procédure étaient mis à la charge du prévenu car il avait, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Pour les mêmes motifs, aucune indemnité ne lui était accordée. Il avait fait défaut à cinq audiences, sans excuse, alors qu'il avait été dûment cité à comparaître par mandat de comparution. Il avait déménagé sans aviser le Ministère public, ni l'Office cantonal de la population et des migrations. Son comportement avait ainsi contraint le Ministère public à émettre un avis de recherche et d'arrestation, ayant débouché sur une interpellation à l'aéroport de Genève.

Au surplus, la gestion par le prévenu des différents chantiers était de nature à complexifier les recherches de la plaignante quant aux affectations des commandes, des devis et des virements.

La somme totale de CHF 94'182.40 réclamée par la plaignante (art. 433 al. 2 CPP), était excessive au regard du travail exigé et de la complexité du dossier. Il n'était par ailleurs pas possible de distinguer clairement la durée exacte des postes en lien avec l'activité déployée entre le 30 décembre 2013 et le 28 juin 2018. Au vu de l'ampleur de la procédure, du fait qu'il n'y avait plus eu d'audience à compter du 3 décembre 2014 jusqu'à la fin du mandat du premier conseil de la partie plaignante, du niveau de complexité de la procédure ainsi que des faits reprochés, une indemnité réduite ex aequo bono à CHF 30'000.- (TVA comprise) était admise. Les montants des notes d'honoraires des 15 juillet 2019, 10 décembre 2019, 25 septembre 2020, 8 octobre 2024 et du 10 juin 2025 étaient retenus, pour le total de CHF 17'828.40 (TVA comprise). C'était ainsi CHF 47'828.40 (TVA comprise) qui étaient octroyés à C______ SA, à charge de A______.

Le Ministère public a chiffré à CHF 1'230.- les frais de la procédure, correspondant à CHF 1'210.- d'émoluments (éthylotests, éthylomètres, procès-verbaux d'audience, mandats de comparution, ordonnances, demandes au TMC, émoluments du TMC, etc.) et CHF 20.- pour les frais de notification (AR, frais FAO).

D. a. À l'appui de son recours, A______ explique que c'était quelques mois après qu'il eut pris la tête de la société X______ SA que C______ SA, qu'il avait en substance quittée en mauvais termes, avait déposé une plainte pénale de 74 pages, accompagnée de volumineuses annexes. Alors que l'analyse préalable de ces documents aurait nécessité du temps, le Ministère public l'avait convoqué quelques jours seulement après le dépôt de plainte. Il avait fait défaut à sa première audition car il ignorait l'existence de la procédure pénale. Il avait ensuite été présent à quatre auditions, parmi lesquelles des témoins avaient été entendus. Il avait dû se plaindre le 31 mars 2015 auprès du Ministère public pour recevoir enfin, courant 2015, copie de la plainte pénale et de ses annexes, alors que la plaignante avait refusé de lui remettre ces documents. Il avait ensuite rédigé des déterminations à l'attention du Ministère public en septembre, novembre et décembre 2015 et la partie plaignante, qui en avait reçu copie, n'avait jamais jugé utile d'y donner suite, pas plus que le Ministère public. Quatre années s'étaient écoulées sans nouvelles de cette autorité ni de la plaignante, de sorte qu'il s'était cru libre de déplacer son domicile en Thaïlande en 2019. Ce n'était qu'en juin 2019 que le Ministère public avait décidé de fixer une nouvelle audience de comparution des mandataires. Le 13 août 2019, le Ministère public avait demandé à la plaignante quelle suite elle entendait donner à sa plainte, alors qu'il lui était (à lui) reproché des infractions poursuivies d'office. Sur quoi, celle-ci avait exigé, par pli du 15 août 2019, une nouvelle audition. Il était apparu que la partie plaignante n'avait en réalité aucune question à lui poser, pas plus que le Ministère public, de sorte que cette demande d'audience n'avait au mieux qu'un objectif chicanier.

À son retour en Suisse le 10 janvier 2024, il avait eu la surprise d'être interpellé et avait à cette occasion été informé que la procédure qu'il croyait abandonnée était encore en cours. Lors de l'audience du 12 septembre 2024, le Ministère public s'était contenté de le questionner sur des faits sur lesquels il s'était déjà déterminé préalablement, étant relevé que le procès-verbal tenait sur quatre pages et les faits reprochés sur seize lignes. Ce n'était qu'au terme de cette audition que le Ministère public avait demandé directement aux banques concernées ses relevés bancaires mais aussi exigé que la plaignante produisît le "carnet de lait" auquel lui-même avait fait référence 10 ans auparavant. Le 21 octobre 2024, la plaignante avait prétendu qu'au vu du nombre d'années écoulées elle n'avait pas retrouvé ce document.

Son mode de travail au sein de C______ SA correspondait à celui exigé par son employeur – pour les raisons qu'il développait longuement – et ne permettait pas de lui imputer l'ouverture de la procédure, ce qui revenait à lui faire payer des erreurs internes imputables à la seule partie plaignante qui avait méconnu la subsidiarité de l'action pénale.

Les conditions d'application de l'art. 426 al. 2 CPP n'étaient pas remplies. Il était faux de prétendre qu'il porterait la responsabilité de la durée de la procédure ou l'aurait entravée. Le fait que le Ministère public eût inutilement tardé à la classer et largement violé le principe de célérité, alors qu'il disposait déjà de tous les éléments en ses mains pour une telle décision, était l'unique cause de cette situation. Tout indiquait d'emblée que le litige était de nature civile. Les trois volets principaux de la plainte (villas G______, H______/I______ et J______) n'auraient pas même dû faire l'objet d'une instruction pénale. Le Ministère public aurait davantage dû s'interroger sur la mise des frais à la charge de la partie plaignante (art. 432 al. 2 CPP), qui avait agi de manière téméraire. Par ailleurs, son absence à diverses audiences avait été sans incidence – le Ministère public n'en amenait pas la démonstration –, et ne saurait justifier de le condamner aux frais de la procédure.

Tous les actes d'instruction postérieurs au 12 décembre 2014 ne pouvaient être mis à sa charge, puisqu'inutiles. Autrement dit [après moult développements du recourant sur les étapes de la procédure], il n'existait absolument aucun lien entre ses actes et le retard pris par le Ministère public dans cette procédure.

Il revenait donc à l'État de Genève d'assumer les frais de la procédure et de lui allouer une juste indemnité pour ses frais de procédure, y compris s'agissant du travail réalisé par ses précédents conseils, soit un total de CHF 59'431.60 par-devant le Ministère public, outre CHF 4'888.82 pour la procédure de recours.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. S'agissant de l'art. 426 al. 2, 1ère hypothèse CPP, le recourant n'avait pas contesté avoir fait payer à C______ SA des factures privées par le biais du compte "1_____" de l'entreprise, lequel n'était pas destiné à de tels paiements en faveur des employés. Ce comportement apparaissait fautif et était civilement répréhensible au sens de l'art. 41 CO. Il était ainsi de nature à justifier l'ouverture d'une procédure pénale. Le fait que le recourant aurait comptabilisé ces dépenses dans le "carnet de lait" de l'entreprise et que celles-ci auraient ensuite été déduites de ses primes – ce qui n'était pas –, n'y changeait rien. Un tel comportement était en relation de causalité avec les frais imputés, puisque l'intégralité de la procédure avait porté sur sa gestion litigieuse des affaires de C______ SA. La plainte pénale était circonstanciée et étayée par de nombreuses pièces. Le Ministère public était ainsi légitimement en droit d'ouvrir une enquête à l'encontre du recourant. Les audiences qui avaient été tenues – lesquelles constituaient la plus grande partie des frais judiciaires – avaient été nécessaires pour clarifier l'état de fait.

Concernant l'art. 426 al. 2 2ème hypothèse CPP, le recourant ne pouvait prétendre que son défaut à plusieurs audiences, de même que la violation de son obligation légale d'annoncer son changement d'adresse aux autorités administratives (art. 5 al. 1 let. c LaLHR/GE), n'avaient eu aucune conséquence sur la conduite de la procédure pénale. L'intéressé avait dûment été convoqué par mandat de comparution à huit audiences, dont cinq auxquelles il avait fait défaut sans excuse. Depuis sa première comparution à l'audience du 24 avril 2014, le prévenu prétendait qu'il n'aurait plus eu de questions à lui poser, alors qu'il s'était exprimé, lors des autres audiences, sur les faits dénoncés. Il avait dû ordonner un mandat d'actes d'enquête pour le localiser et déterminer son domicile. Le recourant étant resté introuvable, il avait été contraint d'émettre un avis de recherche et d'arrestation à son encontre.

Les conditions desdites dispositions étant remplies, les frais de la procédure préliminaire devaient être mis à la charge du recourant qui devait aussi être condamné au paiement d'une indemnité à C______ SA.

c. C______ SA conclut au rejet du recours, ainsi qu'à l'octroi, à la charge du recourant ou subsidiairement de l'État, d'une indemnité de CHF 6'445.50 pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours, selon note d'honoraires du 27 août 2025.

C'était bel et bien le comportement du recourant qui avait retardé la procédure. En ne se présentant pas à plusieurs audiences, il n'avait pas respecté le principe d'oralité et d'immédiateté défini par l'art. 66 CPP. Il avait fui la Suisse pour s'installer en Thaïlande alors qu'il se savait être l'objet d'une procédure pénale, laquelle avait dû être suspendue le 24 septembre 2020 (art. 314 al. 1 let. a CPP). Un avis de recherche avait dû être émis à son encontre. Le recourant s'était soustrait à la justice pendant plus de 4 ans. Ce comportement étant fautif, les frais de la procédure devaient être mis à sa charge et aucune indemnité ne devait lui être allouée et, en tout état, être mise à sa charge (à elle).

Elle avait déposé plainte en toute bonne foi et en prouvant dûment les faits allégués. Le temps qui s'était écoulé et les manœuvres dilatoires du recourant n'avaient pas permis une bonne conduite de la procédure, puisque nombreux étaient les faits atteints par la prescription. Elle ne contestait pas le montant de CHF 47'828.40 qui lui avait été alloué (art. 433 CPP) dans l'ordonnance querellée, mais demandait qu'y soient ajoutés les frais et dépens afférents à la rédaction de ses observations à la Chambre de céans.

d. A______ réplique. Les prétendues difficultés rencontrées par le Ministère public dans la conduite de l'instruction découlaient du seul fait que celui-ci avait tardé, bien au-delà de ce qui était admissible, à rendre son ordonnance de classement. Des actes objectivement inutiles avaient été entrepris trop tardivement, alors qu'il disposait déjà de tous les éléments. Il ne saurait ainsi être question d'inverser les responsabilités.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art.382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste la mise à sa charge des frais de la procédure.

2.1. En application de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Dans un tel cas, les frais de procédure sont en principe supportés par la Confédération ou le canton qui a conduit la procédure (art. 423 CPP).

2.2. En vertu de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à la charge du prévenu, s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

2.3. Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 147 IV 47 consid. 4.1;
144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_43/2022 du 13 janvier 2023 consid. 10.2).

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c). La mise des frais à la charge du prévenu doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2). Par ailleurs, le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 7B_18/2023 du 24 août 2023 consid. 3.1.1 et 6B_113/2024 du 14 juin 2024 consid. 1.2.3).

2.4. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_88/2023 du 6 novembre 2023 consid. 3.2.3).

Le comportement fautif peut également être une "faute procédurale", c'est-à-dire un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge du prévenu ; il peut s'agir, par exemple, du défaut sans excuse de l'art. 205 al. 4 CPP ou du silence du prévenu, lorsqu'il est établi qu'il a obligé l'autorité à procéder à des investigations nombreuses et complexes, alors qu'il lui aurait été facile pour lui de se disculper (ATF 112 Ib 456 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1231/2021 du 4 janvier 2022 consid. 2.1).

2.4.1. En vertu du devoir de diligence prévu à l'art. 321a CO, le travailleur doit exécuter avec soin le travail qui lui est confié. Le travailleur a également l'obligation de sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 1 CO).

2.4.2. L'art. 5 al. 1 let. c, 2 et 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes (LaLHR ; F 2 25) prévoit que celui qui entend s'établir hors du canton ou mettre fin à son séjour est tenu de l'annoncer auprès de l'office cantonal de la population et des migrations dans les quatorze jours dès la survenance du fait.

2.5.1. En l'espèce, il ne peut être reproché au prévenu d'avoir provoqué l'ouverture de l'action pénale en raison d'un comportement illicite et fautif.

En effet, la partie plaignante ne remet pas en cause le constat du Ministère public selon lequel la plainte a été déposée dans un contexte conflictuel, soit la dégradation des rapports de travail, la démission du prévenu, puis sa prise d'emploi auprès d'une société concurrente, contexte qui imposait de considérer avec une certaine prudence les allégations de chacun et de ne les retenir que si elles étaient corroborées par des éléments objectifs. Or, la partie plaignante n'a non seulement pas été en mesure d'apporter des éléments de preuve objectifs permettant de réfuter la version du recourant, mais a de plus concédé qu'elle offrait des rabais à certains bons clients et que le recourant, ayant acquis de l'expérience et de l'autonomie au fil des années, fixait librement les prix sans contrôle particulier de sa part.

Reste le comportement admis par le recourant d'avoir fait payer à la plaignante des factures privées par le biais du compte "1_____" de l'entreprise. Il semble toutefois qu'un "carnet du lait" ou "cahier du lait" aurait existé, comptabilisant les achats du recourant et leur déduction sur ses primes, calepin que la plaignante dit ne pas avoir retrouvé. Là encore, vu le contexte conflictuel à la fin des rapports de travail, il ne saurait sans autre être imputé au recourant un comportement violant en particulier son devoir de diligence à l'égard de son – ancien – employeur, alors que la plaignante n'a nullement démontré qu'elle n'aurait pas été au courant de cette pratique. Enfin, selon le Ministère public, aucun crédit d'origine douteuse n'a été découvert suite à l'analyse des documents bancaires du recourant. Aussi, étant rappelé que l'autorité ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis, un comportement du recourant en violation de ses devoirs d'employé (art. 321a CO) ne saurait être retenu.

2.5.2. Quant au fait d'avoir rendu plus difficile la conduite de la procédure, ce constat du Ministère public doit être nuancé et ne saurait justifier la mise à la charge du recourant de l'intégralité des frais.

En effet, le Ministère public a tenu plusieurs audiences afin d'entendre d'autres personnes que le recourant. Celui-ci a transmis à la plaignante à trois reprises, en 2015 (les 3 et 21 septembre, ainsi que le 19 novembre) des déterminations écrites portant sur le contenu de la plainte pénale, sans qu'aucune suite ne leur soit donnée, que ce soit par la plaignante ou le Ministère public, ce dernier en ayant eu connaissance à la suite de leur transmission le 9 décembre 2015. Lors de l'audience du 12 septembre 2024, le recourant s'est dit prêt à transmettre l'intégralité de sa documentation bancaire. À la suite de cette audience, le Ministère public a sollicité de la plaignante la production d'un carnet de lait et requis de quatre établissements bancaires la transmission de documents relatifs à toute relation bancaire que le recourant détiendrait ou aurait pu détenir. Or, on discerne mal ce qui aurait empêché que cette seconde démarche, assurément de nature à faire progresser utilement l'enquête, soit entreprise en 2014 déjà. Concernant ces éléments de l'enquête, il ne saurait être retenu que le recourant, par son comportement, aurait rendu plus difficile sa conduite.

En revanche, il peut lui être reproché d'avoir, sans excuse, fait défaut à cinq audiences du Ministère public malgré la notification d'un mandat de comparution et d'avoir manqué à son obligation légale d'annoncer son départ à l'étranger aux autorités administratives, obligeant ainsi le Ministère public à procéder à certains actes d'enquête afin de le localiser. C'est à cet égard à tort que le recourant soutient qu'il aurait répondu de manière exhaustive aux questions de cette autorité – ce qu'il ne lui revenait pas de décider – lors de ses auditions des 24 avril et 12 décembre 2014, puisqu'il ressort au contraire du procès-verbal d'audience du 12 septembre 2024 qu'il a alors livré de nouveaux éléments susceptibles de faire progresser l'enquête. Il a à cette occasion en effet en particulier évoqué pour la première fois le "cahier du lait", expliquant que, quand une dépense était privée, la facture acquittée par la plaignante portait la mention "P" pour privé ou "privé", ce qui avait été le cas pour une facture de traiteur et l'achat d'un "spa", montants qui avaient été inscrits dans le "cahier du lait" et déduit des primes dues. Il était donc utile que C______ SA produisît le "cahier du lait" de l'époque sur lequel figurait sa signature, apposée une fois par année.

Par conséquent, seuls les frais directement liés auxdits manquements devront être mis à la charge du recourant.

Le Ministère public n'a pas détaillé, dans le bordereau de frais annexé à la décision querellée, la ventilation de chacun des postes avant de parvenir au montant de CHF 1'230.-, outre les CHF 20.- de frais de notification. Dans la mesure où il y a lieu de ne mettre à la charge du recourant que les frais afférents aux convocations aux cinq audiences devant cette autorité auxquelles celui-là a fait défaut, au mandat d'acte d'enquête du 10 septembre 2019 par lequel il était demandé à la police de localiser son domicile et à l'avis de recherche et d'arrestation du 2 mars 2020, un montant arrêté à CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, le solde en CHF 750.- restant à la charge de l'État.

3.             Le recourant conteste le refus d'octroi d'une indemnité pour ses frais de défense.

3.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let a CPP, le prévenu au bénéfice d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

3.2. En vertu de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

La jurisprudence de l'art. 426 al. 2 CPP y est applicable par analogie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3).

3.3. La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là. Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 147 IV 47 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_88/2023 du 6 novembre 2023 consid. 3.2.4).

3.4. L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. L'état ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (ATF
142 IV 45 consid. 2.1). Il appartient en premier lieu aux autorités pénales d'apprécier le caractère raisonnable de l'activité de l'avocat et elles disposent dans ce cadre d'un pouvoir d'appréciation considérable (arrêt du Tribunal fédéral 7B_423/2023 du 4 mars 2025 consid. 3.2).

3.5. En l'espèce, le recourant a requis le versement d'une indemnité de CHF 59'431.60 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure devant le Ministère public. Dans la mesure où l'État doit supporter une partie des frais de la procédure pénale, la question d'une telle indemnisation, dans la proportion inverse, se pose, à savoir pour l'activité de son conseil en lien notamment avec les auditions et audiences auxquelles le recourant a déféré.

Compte tenu du double degré de juridiction, la cause sera dès lors renvoyée au Ministère public afin qu'il fixe le montant de cette indemnité partielle à laquelle le recourant a droit.

4.             Le recourant conteste la mise à sa charge de l'indemnité de la partie plaignante pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

4.1. L'art. 433 al. 1 let. b CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP.

4.2. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre ainsi les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue du plaignant (ATF 139 IV 102 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_90/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.5).

4.3. En l'espèce, le Ministère public a arrêté à CHF 47'828.40, sur les CHF 94'182.40 sollicités (une somme excessive au regard du travail exigé et la complexité du dossier), le montant de l'indemnité due à la partie plaignante au titre de ses frais de défense. Dans la mesure où le prévenu doit supporter une partie des frais de la procédure pénale, il ne pourra être mis à sa charge une indemnité qu'à concurrence de l'activité déployée par le conseil de la partie plaignante en lien avec les cinq audiences auxquelles il a fait défaut et les actes – raisonnablement – entrepris pour le localiser.

La procédure sera, partant, renvoyée au Ministère public afin qu'il statue à nouveau sur cette indemnité, étant relevé que sa réduction de moitié n'a pas été contestée par la plaignante, de sorte qu'elle est acquise au recourant.

5.             Partiellement fondé, le recours doit être admis ; partant, les ch. 3, 4 et 5 du dispositif de l'ordonnance querellée seront annulés.

6.             L'admission partielle du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

7.             En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

8.             Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, sollicite une indemnité de CHF 4'888.82 pour ses frais d'avocat dans la procédure de recours.

8.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

8.2. L'autorité pénale amenée à fixer l'indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/222/2017 du 31 mars 2017 consid. 6.1).

Seuls les frais de défense correspondant à une activité raisonnable, au regard de la complexité, respectivement la difficulté, de l'affaire et de l'importance du cas doivent être indemnisés (ATF 139 IV 241, consid. 2.1; 138 IV 197, consid. 2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 3.1.2). L'avocat qui défend les intérêts du prévenu a lui-même, à cet égard, une obligation de diminuer le dommage (décision de la Cour des plaintes BB.2015.100 du 22 février 2016 consid. 5.3.1).

L'autorité compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour juger du caractère approprié des démarches accomplies (arrêt du Tribunal fédéral 6B_331/2019 du 6 mai 2019 consid. 3.1). Lorsqu'une liste des opérations de l'avocat a été déposée, la garantie du droit d'être entendu implique toutefois que le juge, s'il entend s'en écarter, indique au moins brièvement les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 5). Il ne saurait en outre se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, (éds), Strafprozessordnung - Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 19 ad art. 429).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_331/2019 du 6 mai 2019 consid. 3.1). À Genève, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3; AARP/125/2012 du 30 avril 2012 consid. 4.2 ; ACPR/178/2015 du 23 mars 2015 consid. 2.1).

8.3. En l'espèce, le conseil du recourant a annoncé une activité totale de 10.05h, dont 9.25h consacrées à la rédaction du recours. Cette durée paraît excessive pour la rédaction d'un acte qui comporte vingt-quatre pages – pages de garde et conclusions comprises – dont huit en lien avec la discussion juridique. L'indemnité, à la charge de l'État, sera ainsi ramenée à CHF 2'270.10, correspondant à une activité globale de 6h00, y compris la réplique, au tarif horaire de CHF 350.- – le conseil étant collaborateur de l'Etude –, TVA (8.1%) comprise.

9. La partie plaignante, intimée, sollicite une indemnité de CHF 6'445.50 pour la rédaction de ses observations.

9.1. C______ SA, partie plaignante et intimée, obtient partiellement gain de cause Elle peut dès lors prétendre à une juste indemnité pour ses dépens selon l'art. 433 CPP, par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, fixée en conséquence.

Le conseil de l'intimée a annoncé une activité totale de 12h30, dont 5h50 consacrées à la rédaction des observations sur recours (et à un courriel à la cliente) et 1h45 minutes de recherches juridiques sur l'effet suspensif et l'art. 426 al. 2 CPP. Cette durée paraît excessive pour la rédaction d'un acte qui comporte 12 pages et un paragraphe – pages de garde et conclusions comprises – dont plus de 2 et demi sur la question de l'effet suspensif. L'indemnité, à la charge de l'État, sera ainsi ramenée à CHF 1'945.80, correspondant à une activité globale de 4h00, au tarif horaire de CHF 450.-, TVA (8.1%) comprise.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance querellée et condamne A______ aux frais de la procédure de première instance à hauteur de CHF 500.-.

Dit que le solde des frais de la procédure de première instance, en CHF 730.-, est laissé à la charge de l'État.

Annule les chiffres 4 et 5 du dispositif de l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______ une indemnité de CHF 2'270.10 (TVA 8.1% incluse), à la charge de l'État, pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Alloue à C______ SA une indemnité de CHF 1'945.80 (TVA 8.1% incluse), à la charge de l'État, pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure de recours (art. 433 CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, à l'intimée, soit pour eux leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).