Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/783/2025 du 29.09.2025 sur OCL/1454/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/4958/2021 ACPR/783/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 29 septembre 2025 |
Entre
A______, représentée par Me Robert ASSAEL, avocat, MENTHA Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12,
recourante,
contre l'ordonnance de classement et refus de réquisitions de preuves rendue le 18 octobre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 1er novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 octobre précédent, notifiée le 22 suivant, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuve et ordonné le classement de la procédure.
La recourante sollicite, préalablement, l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite et, conclut, principalement, sous suite de frais et de dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la poursuite de l'instruction, le Ministère public devant prévenir B______ et C______, la Ville de Genève et toutes autres personnes impliquées, du chef de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP), et procéder aux auditions requises.
b. Par courrier du 26 juin 2025, la Chambre pénale de recours (CPR) a dispensé la recourante de verser les sûretés, au vu du rapport rendu par le greffe de l'assistance juridique le 19 précédent (art. 383 al. 1 CPP), tout en réservant l'examen de l'octroi, ou non, de l'assistance judiciaire gratuite dans la présente décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 31 mai 2018, vers 13h20, A______, née le ______ 2003 et alors âgée de 14 ans, cheminait normalement sur le trottoir, en compagnie d'un ami, afin de se rendre au Cycle d'orientation D______, où elle était scolarisée.
À la hauteur du no ______ de la rue 1______, elle a marché sur une grille en fer donnant accès à la ventilation d'un parking souterrain. Mal placée, la grille a basculé sous son poids, ce qui a entraîné sa chute à l'intérieur du trou de ventilation (ou ci-après: saut-de-loup) d'une profondeur d'environ 1,5 mètres [fiche d'intervention des secours du
31 mai 2018; rapport de renseignements de la police du 10 avril 2019].
En se soulevant à l'avant, la grille était venue frapper son visage. De ce fait, elle avait notamment subi un traumatisme facial, comportant une plaie du nez avec saignement actif et tuméfaction nasale [fiche d'intervention des secours du 31 mai 2018; rapport de consultation du service d'accueil et d'urgences pédiatriques du 1er juin 2018; rapport de renseignements de la police du 10 avril 2019].
Intervenus sur place, les agents de police ont constaté que la grille se soulevait facilement à mains nues [rapport de renseignements de la police du 10 avril 2019].
L'enquête a, par la suite, permis d'établir que la grille en question avait été déplacée un peu plus tôt par E______, née le ______ 2003 et également élève au cycle précité [rapport de renseignements de la police du 10 avril 2019; infra, let. B.c.].
b.a. Par courrier adressé le 13 juin 2018 au Ministère public, F______, maman de A______, a déposé plainte pénale pour le compte de sa fille du chef de lésions corporelles, à l'encontre du propriétaire de la grille en fer ainsi que tout tiers responsable de l'accident.
b.b. Dans un complément du 16 juillet 2018, elle a notamment mis en cause E______, laquelle avait, entre-temps, révélé à sa fille avoir soulevé la grille en question peu avant son passage.
b.c. Le 25 février 2021, sous la plume de son conseil, F______ a requis du Ministère public qu'il identifie le propriétaire de la grille.
c. Par ordonnance pénale du 30 avril 2021 (P/4______/2018), le Juge des mineurs a déclaré E______ coupable de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 CP) à l'encontre de A______ et a renvoyé F______ à agir par la voie civile s'agissant de ses prétentions civiles.
Le Juge des mineurs a tenu pour établi que E______ avait, le 31 mai 2018, aux alentours de 13h00, soulevé de quelques centimètres, avant de la laisser retomber, la grille qui s'était abattue une vingtaine de minutes plus tard sur le visage de A______ lorsque cette dernière avait marché dessus. E______ avait d'emblée reconnu ces faits et admis ne pas avoir vérifié que la grille était bien replacée après l'avoir soulevée. Aussi, en ayant soulevé la grille et en ayant omis de vérifier qu'elle était bien replacée, E______ avait créé une situation de mise en danger pour les futurs usagers de la voie publique qui ne pouvaient raisonnablement pas s'attendre à ce qu'une telle grille fût mal posée et se soulevât à leur passage. Malgré son jeune âge, elle aurait pu et dû s'en rendre compte. Un lien de causalité était donné entre son comportement et les lésions corporelles simples de A______ (ordonnance précitée, consid. H).
Le Juge des mineurs a encore observé que "l'absence de scellement de [la] grille, imputable au responsable de cette grille, certes regrettable et qui a contribué à provoquer le dommage, n'est pas une circonstance à ce point exceptionnelle [et] suffisante en soi pour interrompre le rapport de causalité adéquate existant entre la négligence de la jeune fille et les lésions corporelles provoquées" (ordonnance précitée, consid. H in fine).
d. D'après le rapport de renseignements de la police du 18 décembre 2021, la grille en question se trouvait, selon le cadastre, sur la voie publique et dépendait de l'immeuble sis rue 5______ [recte: rue 1______] no ______, appartenant à B______ et C______ et dont la gérance était assumée par la régie G______.
Après avoir été informée de l'accident du 31 mai 2018 (supra, let. B.a), la régie G______ avait fait fixer, par une entreprise, un système de blocage sur la grille en question.
La Ville de Genève, B______ et C______, de même que la régie G______, avaient toutefois décliné leur responsabilité dans l'accident.
e. Par courrier du 18 janvier 2022, sur demande du Ministère public, le conservateur du registre foncier a indiqué que les parcelles 2______ et 3______ de la commune de Genève-I______ faisaient partie du domaine public communal. La grille sise rue 1______ reposait, semble-t-il, sur le domaine public communal 2______.
f. Entendu par la police le 7 décembre 2022, J______, ______ [GE] de l'aménagement, du génie civil et de la mobilité (AGCM) depuis 2012, a confirmé que le trottoir sur lequel se trouvait le saut-de-loup se trouvait sur la voie publique et appartenait à la Ville de Genève. En revanche, le saut-de-loup en tant que tel – sur lequel était apposé la grille (ou soupirail) en question ‒ appartenait aux propriétaires du parking souterrain, soit, à teneur du registre foncier, B______ et C______, aucune servitude n'existant sur la parcelle. L'entretien de la grille était à la charge du propriétaire, en vertu du règlement concernant l'utilisation du domaine public (art. 19 RUDP). Le trottoir se trouvait en outre abaissé à cet endroit-là afin de permettre le stationnement des véhicules sur les places extérieures, lesquelles appartenaient aux propriétaires de l'immeuble. Cette partie, communément appelée "entrée à chars" (art. 34 de la loi sur les routes), indiquait qu'il incombait au propriétaire de l'immeuble desservi d'effectuer les travaux d'entretien nécessaires.
g. Selon le rapport de renseignements de la police du 6 juin 2023, s'agissant des normes de sécurité régissant les sauts-de-loup, la police du feu avait indiqué que plusieurs paramètres pouvaient entrer en ligne de compte, notamment les dimensions du garage ainsi que son année de construction.
Les démarches permettant de déterminer si la grille présentait des défauts de sécurité s'étaient révélées infructueuses. Il n'avait pas non plus été possible de déterminer clairement qui avait la pleine responsabilité de la grille.
h. D'après le rapport de renseignements de la police du 12 mai 2024, la problématique des obligations légales afférant à la pose d'une grille de ventilation, et notamment la question de savoir si elle devait être sécurisée par un système de blocage, avait été exposée à plusieurs secteurs, à savoir au département du territoire (DT), à la police du feu, rattachée au département précité, à l'AGCM, ainsi qu'à la société MDB, ingénieurs civils associés.
Il était ressorti de ces échanges qu'il n'existait pas de réglementation pour les grilles servant à la ventilation des sous-sols, au contraire de celles installées aux abords des voies ferrées.
Par conséquent, la grille en question ne faisait l'objet d'aucun défaut.
i. Dans le délai imparti par l'avis de prochaine clôture de l'instruction du 23 mai 2024, A______, devenue entre-temps majeure, s'est constituée partie plaignante et s'est opposée au classement annoncé par le Ministère public, relevant qu'au-delà de la question de savoir s'il existait une réglementation spécifique pour les grilles servant la ventilation des sous-sols, celle incriminée n'était pas sécurisée, ce dont ses propriétaires et la Ville de Genève devaient répondre.
Elle sollicitait une nouvelle audition de J______, ainsi que celle de B______ et C______.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a préalablement rejeté les réquisitions de preuve sollicitées par la partie plaignante, considérant, d'une part, que les faits pertinents pour l'appréciation de la cause étaient suffisamment établis et, d'autre part, que les auditions sollicitées ne seraient pas susceptibles d'apporter des éléments inédits et probants de nature à renverser sa conviction.
Aucun élément au dossier ne permettait d'affirmer que la grille aurait présenté un quelconque défaut, ni qu'une violation du devoir de prudence pourrait être reprochée au propriétaire de la grille, susceptible d'être à l'origine de l'accident. Il ressortait en particulier des échanges avec les différentes entités consultées qu'il n'existait pas de réglementation pour les grilles servant à la ventilation des sous-sols et que la grille en question ne faisait l'objet d'aucun défaut.
Cela étant, même à supposer qu'une obligation particulière eût incombé au propriétaire de la grille et que celui-ci eût failli à une telle obligation, un classement se justifiait en raison de l'absence d'un lien de causalité, subsidiairement d'une rupture de ce lien, sous l'angle de la causalité adéquate. En effet, c'était le comportement d'un tiers, en l'occurrence le geste par lequel E______ avait déplacé la grille, qui s'imposait comme la cause la plus probable et la plus immédiate des blessures de A______. Ce geste avait sans conteste relégué à l'arrière-plan tous les autres facteurs ayant pu contribuer à amener celui-ci, notamment un éventuel défaut d'entretien de la grille.
Partant, les éléments constitutifs de l'infraction de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) n'étant pas réunis, à tout le moins en tant qu'une telle infraction pourrait être reprochée à une personne autre que E______, déjà condamnée par ordonnance pénale du Tribunal des mineurs du 30 avril 2021, le classement de la présente procédure pénale devait être ordonné (art. 319 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ soutient que, contrairement à ce qu'avait retenu le Ministère public, B______ et C______, en tant que propriétaires de la grille, ainsi que la Ville de Genève, en qualité de responsable de l'espace public, avaient un devoir de prudence consistant en l'obligation de garantir la sécurité relative à la grille. Ils devaient la fixer, afin qu'elle ne pût être déplacée, ce d'autant plus qu'elle se situait dans un lieu de passage et à proximité d'une école. Les précités auraient dû anticiper le déplacement possible de la grille, surtout dans un lieu public, où se trouvaient notamment des jeunes, susceptibles de commettre des incivilités. En ne bloquant pas la grille, ils avaient commis une imprévoyance coupable.
Or, sans les carences de B______ et C______ ainsi que de la Ville de Genève, il n'y aurait pas eu d'accident, de sorte qu'un lien de causalité entre la violation du devoir de prudence et ses lésions était donné. De plus, il était dans le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie qu'une grille non sécurisée soit soulevée, en particulier par des jeunes, et qu'un accident s'ensuive. Le lien de causalité n'avait pas été rompu par le comportement de E______, qui ne supprimait pas les devoirs incombant aux précités. En effet, si ceux-ci les avaient respectés, E______ n'aurait pas pu soulever la grille et l'accident n'aurait pas eu lieu. Les éléments constitutifs de l'art. 125 CP étaient donc également réalisés à l'égard de B______ et C______ ainsi que de la Ville de Genève, de sorte qu'il convenait de les prévenir de ce chef.
J______ devait être auditionné devant le Ministère public. En outre, il convenait de procéder à des interrogatoires plus détaillés auprès des interlocuteurs compétents au sujet de la réglementation applicable pour les grilles, les entretiens effectués par la police à ce propos ayant été laconiques et n'ayant pas fait l'objet de procès-verbaux.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante, lésée, qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir poursuivi, aux côtés de E______, les propriétaires et responsables de la grille, soit notamment de B______ et C______ ainsi que la Ville de Genève, du chef de lésions corporelles par négligence.
3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).
3.2.1. L'art. 125 al. 1 CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits; art. 2 CP] punit, sur plainte, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.
Cette disposition suppose la réalisation de trois conditions : une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.
3.2.2. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).
3.2.3. Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence. En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1063/2013 du 2 septembre 2014 consid. 3.2).
3.2.4. L'infraction de lésions corporelles par négligence suppose en règle générale un comportement actif. Elle peut toutefois aussi être réalisée par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir (art. 11 al. 1 CP).
Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique. L'art. 11 al. 2 CP énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque. N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 141 IV 249 consid. 1.1;
134 IV 255 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_244/2019 du 10 avril 2019 consid. 3.1; 6B_315/2016 du 1er novembre 2016 consid. 4.1; 6B_614/2014 du 1er décembre 2014 consid. 1).
3.2.5. La violation fautive d'un devoir de prudence doit avoir été la cause naturelle et adéquate des lésions subies par la victime (ATF 133 IV 158 consid. 6; 129 IV 119 consid. 2.4). Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne s'était pas produit; il s'agit là d'une question de fait (ATF 133 IV 158 consid. 6.1; 125 IV 195 consid. 2b).
Il en est la cause adéquate lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, il est propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1; 131 IV 145 consid. 5.1). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2). La causalité adéquate peut toutefois être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 135 IV 56 consid. 2.1; 134 IV 255 consid. 4.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_315/2016 du 1er novembre 2016 consid. 5 et 6B_466/2016 du 23 mars 2017).
3.3.1. En l'espèce, il est constant que, le 31 mai 2018, alors qu'elle cheminait normalement sur le trottoir, la recourante a marché sur la grille d'un saut-de-loup, laquelle, légèrement déplacée, a basculé sous son poids, ce qui a entraîné sa chute dans un trou et lui a occasionné, à tout le moins, des lésions corporelles simples, plainte pénale ayant été déposée en temps utile.
Il est également établi que cet accident a été directement causé par un acte de la dénommée E______, laquelle avait, peu avant le passage de la recourante, soulevé et déplacé la grille en question, avant de quitter les lieux sans vérifier que celle-ci fût correctement replacée.
3.3.2. La recourante fait grief au Ministère public de ne pas avoir considéré que l'omission de la Ville de Genève ainsi que de B______ et C______ de bloquer la grille en question avaient contribué à la survenance de l'évènement, et des lésions corporelles subies.
Aucun élément ne permet toutefois de retenir que les mis en cause auraient violé fautivement un devoir de prudence.
En effet, il résulte des investigations complètes menées par le Ministère public qu'il n'existait alors pas de réglementation spécifique pour les grilles servant à la ventilation des sous-sols et que la grille en question ne faisait l'objet d'aucun défaut (supra, let. B.h). Les mis en cause n'ont donc pas violé de règles ni n'ont enfreint un devoir de prudence.
En tout état de cause, l'omission éventuelle de B______ et C______ ou de la Ville de Genève de ne pas avoir précédemment bloqué la grille ne saurait vraisemblablement être assimilée au comportement actif de E______ de l'avoir déplacée sans aucun motif digne de protection.
3.3.3. Sous l'angle de la causalité adéquate, l'acte de E______ n'était pas prévisible, le Juge des mineurs ayant du reste relevé que son jeune âge ne l'empêchait pas de se rendre compte du danger créé. Constituant la cause la plus immédiate de l'accident, le comportement de la précitée a effectivement relégué à l'arrière-plan le fait que la grille n'était pas bloquée.
3.3.4. Il s'ensuit qu'un acquittement des mis en cause apparaît bien plus vraisemblable que leur condamnation, les éléments constitutifs de l'art. 125 CP n'étant a priori pas réunis en ce qui les concerne.
3.3.5. Compte tenu de ce qui précède, les auditions sollicitées par la recourante ne sont pas utiles, celles-ci, ni aucune autre mesure d'instruction, n'apparaissant propre à modifier l'appréciation exposée ci-avant (art. 139 al. 2 CPP).
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.
5.1. L'assistance judiciaire ne peut être accordée qu'à la condition que la démarche à entreprendre et l'action pénale ne soient pas vouées à l'échec, comme le prévoient les art. 29 al. 3 Cst. et 136 al.1 let. b CPP. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4; 129 I 129 consid. 2.2).
5.2. En l'espèce, compte tenu de l'issue du recours, celui-ci était manifestement voué à l'échec, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la requête d'assistance judiciaire.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation financière.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite de A______.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI
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Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/4958/2021 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 715.00 |
Total | CHF | 800.00 |