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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7404/2025

ACPR/779/2025 du 29.09.2025 sur ONMMP/1591/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE;VOIES DE FAIT
Normes : CPP.310; CP.123; CP.126

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7404/2025 ACPR/779/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 29 septembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Igor ZACHARIA, avocat, rue  De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 7 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 mars 2025, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 26 novembre 2024 dirigée contre B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public "pour qu'il procède dans le sens des considérants".

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 26 novembre 2024, A______ s'est présenté à la police pour déposer plainte contre B______ – la mère de sa compagne, C______ – pour agression physique.

La nuit du 2 au 3 novembre 2024, C______ – laquelle se trouvait au restaurant "D______" en compagnie de sa famille – lui avait demandé de venir la chercher, ce qu'il avait accepté. Alors qu'il l'attendait, dans sa voiture, à proximité du restaurant, B______ s'était dirigée vers lui. Elle avait commencé à mal lui parler, avant de frapper son rétroviseur. Lorsqu'il avait ouvert la fenêtre, la précitée lui avait donné un coup de poing avec sa main droite à la hauteur de la bouche, ce qui lui avait fait mal et lui avait occasionné une blessure. Suite à ces évènements, il s'était déplacé avec son véhicule et avait appelé sa compagne pour lui dire ce qui venait de se passer, puis avait pris la décision de rentrer. Sur insistance de cette dernière, il était revenu sur place et, une fois celle-ci montée dans sa voiture, lui  avait "montré ses lèvres", en lui disant "regarde ce que ta mère m'a fait".

Il n'avait pas fait établir de constat médical, ni n'avait pris de photographies de ses blessures, car il était en état de choc. Il n'avait pas non plus, dans un premier temps, déposé plainte, par égard pour sa compagne. B______ – laquelle n'acceptait pas qu'il fût en couple avec C______ – l'avait déjà agressé verbalement par le passé. Il s'était finalement séparé de sa compagne le 16 novembre 2024.

b. Par lettre du 5 décembre 2024 adressée au Ministère public, A______ a, sous la plume de son conseil, sollicité le versement à la procédure des images de vidéosurveillance des environs du restaurant "D______".

c. Entendue par la police en qualité de prévenue le 18 février 2025, B______ a contesté les faits reprochés. Le soir du 2 novembre, elle était en train de fêter son anniversaire au restaurant "D______" en compagnie de sa famille et de ses amis. Vers 2h du matin, elle avait vu la voiture de A______ par la vitre du restaurant. Elle s'était approchée de lui pour lui demander ce qu'il faisait là, ce à quoi ce dernier lui avait répondu qu'il attendait C______. Elle lui avait expliqué que sa fille allait dormir chez elle, puis lui avait dit "fiche le camp". À la suite de son refus, elle lui avait répété en haussant la voix qu'il devait partir, ce qu'il avait finalement fait. Elle ne lui avait jamais donné de coup de poing, ni n'avait été violente à son égard. Elle ne l'avait pas non plus insulté, ni menacé. Elle n'était pas d'accord que sa fille fût en couple avec A______, car ce dernier "l'[avait] oblig[ée] à faire des choses qu'elle ne voulait pas". C______ avait déposé plainte contre lui pour agression sexuelle et violence psychique.

d. Entendue le 4 mars 2025 par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements, C______ a expliqué que le 3 novembre 2024, vers 1h du matin, elle avait contacté A______ pour qu'il vienne la chercher au restaurant "D______". Environ 30 minutes après, sa mère était sortie du restaurant, avant de revenir vers elle – stressée et angoissée – pour la supplier de rester avec elle. Un peu plus tard, elle avait quand même décidé de retourner avec A______, lequel l'attendait un peu plus loin, en compagnie de son frère. Une fois entrée dans sa voiture, elle avait vu que sa lèvre était gonflée, mais qu'il n'y avait pas de sang. Lorsqu'ils étaient arrivés chez eux, elle s'était excusée pour sa mère, même si elle n'avait pas vu ce qu'il s'était passé. A______ s'était mis à pleurer beaucoup, puis "se cognait les poings et la mâchoire" pour lui montrer comment B______ l'avait frappé. Elle n'avait jamais entendu sa mère l'insulter ou le menacer.

Elle a produit un échange de messages, durant la nuit du 2 au 3 novembre 2024, dans lesquels A______ lui disait que sa mère l'avait frappé au visage.

e. Il ressort du rapport de renseignements de la police, du 20 mars 2025, qu'en l'absence de témoin et d'images de vidéosurveillance, il n'était pas possible de déterminer le déroulement exact des faits.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que les versions des parties étaient contradictoires et qu'aucun élément de preuve objectif ne permettait d'établir les faits reprochés à la mise en cause. En effet, C______ avait déclaré ne pas avoir assisté au conflit. Par ailleurs, aucune image de vidéo surveillance couvrant les environs du restaurant n'avait pu être saisie. Partant, les éléments constitutifs des infractions de lésions corporelles simples et de voies de fait n'étaient manifestement pas réunis.

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une constatation incomplète des faits, une violation du droit et l'inopportunité de la décision. Sa version des faits avait en effet été corroborée par les déclarations de C______, laquelle avait pu constater que ses lèvres étaient enflées. À aucun moment, elle n'avait soutenu que sa blessure était préexistante à l'altercation, ni qu'il se serait infligé lui-même des coups. Il ressortait en outre des messages envoyés à la suite de l'altercation qu'il avait été frappé par la mise en cause. Par ailleurs, le Ministère public n'avait pas procédé à l'extraction des données contenues dans son téléphone, ni versé à la procédure les images de vidéosurveillance des environs du restaurant "D______", ce qui aurait été de nature à confirmer – respectivement à infirmer – ses allégations. Partant, il existait, en l'état, une prévention pénale suffisante de lésions corporelles simples, subsidiairement de voies de fait.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant déplore une constatation erronée des faits.

Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 1.4), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 et 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

4.2. L'art. 123 ch. 1 CP réprime, sur plainte, quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte – que grave – à l'intégrité corporelle ou à la santé. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. À titre d'exemples, la jurisprudence cite tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment du bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

4.3. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid. 1.2). Une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes ont notamment été qualifiés de voies de fait (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 2.1; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.2).

4.4. En l'espèce, les parties ont fourni des versions contradictoires s'agissant du déroulement de la dispute survenue la nuit du 2 au 3 novembre 2024, le recourant alléguant que la mise en cause lui aurait donné un coup de poing au niveau de la bouche, alors que celle-ci nie tout acte de violence à son égard.

Force est toutefois de constater que le dossier ne recèle aucun élément objectif qui viendrait étayer les accusations du recourant. Il n'existe en particulier aucun document médical ni photographies pouvant attester d'éventuelles lésions. Par ailleurs, le fait que C______ ait constaté peu après la dispute que la lèvre du recourant était gonflée ne suffit pas encore pour retenir des soupçons fondés de lésions corporelles simples – ou de voies de fait – ni, surtout, que la mise en cause en serait à l'origine. Ce d'autant que C______ a précisé ne pas avoir assisté aux faits dénoncés. Enfin, les messages produits par la précitée ne sont pas propres à fonder une prévention pénale suffisante, dès lors qu'ils émanent du recourant et présentent, donc, sa version des faits.

Les actes d'instruction sollicités n'apparaissent pas susceptibles d'apporter d'éléments complémentaires probants. Il ressort en effet du rapport de police qu'aucune image de vidéosurveillance n'avait pu être exploitée. On ne voit par ailleurs pas en quoi l'extraction du téléphone portable du recourant serait nécessaire, dès lors que celui-ci n'allègue pas l'existence d'autres messages se rapportant à la dispute du 3 novembre 2024 que ceux produits par C______.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits dénoncés.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

 

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7404/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00