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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24103/2024

ACPR/525/2025 du 08.07.2025 sur OTMC/1811/2025 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.221; LStup.19.al1; LArm.33

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24103/2024 ACPR/525/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 8 juillet 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 12 juin 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 23 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du
12 juin 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa mise en liberté et prolongé sa détention provisoire jusqu'au 29 juin 2025.

Le recourant conclut, sous suite de frais, principalement, à l'annulation de l'ordonnance de refus de mise en liberté et à sa mise en liberté moyennant les mesures de substitution qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été arrêté provisoirement le 19 décembre 2024. Sa mise en détention provisoire ordonnée par le TMC le 22 décembre 2024 a été régulièrement prolongée depuis lors, la dernière fois jusqu'au 14 juin 2025.

b. Le prénommé est prévenu de délit à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup) et de délit à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 let. a LArm) pour avoir à Genève :

• à des dates indéterminées en 2024, détenu de la kétamine;

• à des dates indéterminées en 2024, à trois reprises mais à tout le moins le 11 septembre 2024, vendu de la kétamine à C______, soit une quantité totale de 7 grammes de cette substance, en échange de la somme de CHF 34.- à CHF 40.- le gramme;

• le 19 décembre 2024, à son domicile situé chemin 1______ no. ______ au D______ [GE], détenu 109.8 grammes de pilules d'ecstasy et 23.5 grammes de cocaïne, drogues à tout le moins en grande partie destinées à la vente;

• le 19 décembre 2024, détenu sans droit des munitions ainsi que deux poings américains et un couteau papillon, soit des armes interdites.

c. A______ a contesté les déclarations de C______ le mettant en cause mais reconnu avoir pu fournir des stupéfiants à des tiers, pour "dépanner". Il a également admis que les armes retrouvées à son domicile lui appartenaient.

d. A______ fait également l'objet de deux autres procédures (P/7419/2019 et P/11309/2022), pour meurtre d'une part, et tentative de meurtre et mise en danger de la vie d'autrui d'autre part, lesquelles ont été jointes à la présente cause le 19 juin 2025.

Au moment de son interpellation dans le cadre de la présente procédure, il se trouvait sous mesures de substitution, dont celle lui interdisant d'acquérir, de détenir et/ou de porter une arme quelconque ainsi que de porter sur lui un quelconque couteau ou autre objet dangereux.

e. Le 10 juin 2025, A______ a sollicité sa mise en liberté – produisant à l'appui trois offres d'emploi (de E______ Sàrl et de F______ GmbH) et une autre de sa sœur –, laquelle a été refusée par le Ministère public, qui a demandé en sus la prolongation de sa détention provisoire pour une durée de 15 jours, nécessaire pour finaliser la rédaction de son acte d'accusation (pour les trois procédures visant le prévenu).

f. À l'audience du 12 juin 2025 devant le TMC, le prénommé a contesté les risques de fuite, collusion (avec C______) et réitération. Il avait "oublié" qu'il avait en sa possession des poings américains et des munitions. En cas de mise en liberté, il ne fréquenterait plus de gens qui consomment des stupéfiants et lui-même ne consommerait plus rien. Il voulait conserver son permis de conduire et ferait "tout comme il faut". Il avait également commencé un traitement pour le TDAH depuis trois mois. Cela l'aidait pour la concentration et il n'allait pas "[s]'amuser à prendre de la drogue". Il proposait les mesures de substitution suivantes : obligation de se présenter à toute convocation du Pouvoir judiciaire, obligation de déposer ses papiers d'identité en mains de la Direction de la procédure, obligation de résider à D______, interdiction de quitter le territoire suisse, dépôt d'une caution de CHF 30'000.- auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, interdiction de contact avec les protagonistes de l’affaire de 2019, interdiction de porter les couleurs des G______, interdiction de fréquenter les G______ et les H______, et obligation de rechercher activement un emploi, respectivement d’en avoir un.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC a considéré que les charges étaient suffisantes et graves. Le prévenu était soupçonné de s'être livré à un trafic de stupéfiants et d'avoir détenu des armes alors qu'il faisait l'objet de deux procédures pour des faits d'une extrême gravité et se trouvait sous mesures de substitution au moment de son interpellation, en particulier était soumis à l'interdiction de détenir une quelconque arme. Nonobstant ses dénégations partielles, le prévenu était formellement mis en cause par C______ pour lui avoir vendu de la kétamine et la police avait retrouvé chez lui notamment de la cocaïne, de l'ecstasy, du matériel de conditionnement et des armes. L'instruction était à bout touchant, le Ministère public devant finaliser son acte d'accusation pour les trois procédures dirigées contre le prévenu, avant de le renvoyer en jugement.

Il existait un risque de fuite concret et élevé, y compris sous forme d'une disparition dans la clandestinité en Suisse ou dans un autre pays, en dépit de sa nationalité suisse et de ses attaches familiales en Suisse, où se trouvaient notamment son père, sa grand-mère, son frère et sa sœur, considérant l'ampleur des peines-menace et concrètement encourues pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés. Le risque que l'intéressé ne tente d'échapper à la justice en cas de libération était désormais accru par son prochain renvoi en jugement.

Le risque de collusion avec le ou les fournisseurs du prévenu était ténu, vu la clôture de l'instruction, de sorte qu'il n'était plus retenu.

Il existait toutefois un risque de réitération tangible, au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, eu égard aux faits présentement reprochés, et en partie admis, ainsi qu'à ses autres activités délictueuses. Le prévenu était en effet poursuivi dans deux autres procédures pour des infractions d'une extrême gravité et il avait, dans celles-ci, été libéré à deux reprises sous mesures de substitution (en 2020 et en 2023). Or, l'intéressé n'avait pas respecté à tout le moins l'une d'elle consistant à ne pas détenir une quelconque arme. Le risque qu'il se trouve mêlé à de nouvelles infractions mettant en danger la sécurité publique était accru par la consommation de stupéfiants du prévenu et par le fait que la plupart des gens qu'il fréquentait consommait de la cocaïne, selon ses propres dires lors de l'audience du 7 mai 2025. Le fait qu'il affirmait être désormais abstinent pour conserver son permis de conduire n'amoindrissait pas ce risque. Il convenait également, compte tenu de l'acte d'accusation en cours de rédaction pour les trois procédures visant l'intéressé, que ce dernier puisse être renvoyé en jugement sans que de nouvelles infractions viennent sans cesse retarder et compliquer les procédures ouvertes contre lui.

Les mesures de substitution proposées n'étaient pas à même de pallier les risques retenus, en particulier le risque de récidive. Les offres d'emploi auxquelles se référait le prévenu ne permettaient nullement de retenir que le risque de réitération en serait amoindri, étant relevé que le prévenu avait été libéré en août 2023 et qu'il n'avait pas trouvé d'emploi plus d'une année plus tard au moment de son interpellation le
19 décembre 2024. Le fait qu'il compte aujourd'hui élargir le champ de ses recherches n'y changeait rien. De plus, au vu de la nature des différentes infractions reprochées à l'intéressé, il n'apparaissait pas qu'une hypothétique prise d'emploi serait susceptible de diminuer le risque qu'il ne commette de nouvelles infractions. La proposition de E______ Sàrl était conditionnée à son aptitude au travail ("si votre aptitude au travail est confirmée, un contrat de travail vous sera proposé") et le courrier de F______ GmbH à I______ [BE] n'était pas signé. Quant à l'attestation de la sœur du prévenu, foraine indépendante, qui se déclarait prête à engager son frère jusqu'à ce qu'il trouve un travail dans son domaine de compétence, elle était contredite par les déclarations du prévenu à l'audience du 7 mai 2025 devant le Ministère public selon lesquelles sa famille ne lui adressait plus la parole, à l'exception de son père. Ses vagues projets de réinsertion professionnelle et la volonté affichée par l'intéressé n'étaient ainsi aucunement aptes à pallier le risque de récidive.

L'interdiction de porter les couleurs des G______ et l'interdiction de fréquenter les G______ et les H______, mesures de substitution déjà ordonnées dans le cadre de la P/11309/2022, n'étaient pas suffisantes non plus pour prévenir le risque de récidive, au vu notamment des nouveaux faits reprochés au prévenu dans la présente procédure.

Pour le surplus, comme retenu par le Ministère public à juste titre, le prévenu avait été détenu plus de 600 jours dans la procédure P/7419/2019 et plus de 400 jours dans la P/11309/2022, ce qui ne l'avait pas dissuadé de se livrer à de la vente, sinon de la détention, de stupéfiants et de détenir des armes interdites, cela en violation également des mesures de substitution prononcées dans la procédure P/11309/2022. Il était dès lors douteux qu'un peu plus de cinq mois de détention provisoire effectués dans la présente procédure lui auraient permis une véritable prise de conscience.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ conteste tout risque de fuite et réitération.

Les infractions à la LArm qui lui étaient ici reprochées ne présentaient "pas de gravité particulière", les poings américains en sa possession depuis plusieurs années ayant un usage "purement décoratif", de sorte qu'aucun risque de fuite ne saurait y être associé. Il en allait de même s'agissant de l'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup. L'absence de risque de fuite résultait également d'une mise en perspective avec les autres charges, bien plus graves, de meurtre, tentative de meurtre et mise en danger de la vie d'autrui, étant relevé qu'alors qu'il avait été mis en liberté dans ces procédures, il n'avait jamais tenté de fuir. Il rappelait son rattachement avec Genève, où résidaient sa famille et ses amis, et sa volonté de prendre un nouveau départ dans sa vie privée et professionnelle, lesquels étaient incompatibles avec une volonté de se dérober à la justice. Il était enfin "fantaisiste" de soutenir que le risque de fuite serait moindre en début de procédure qu'à sa fin, sous peine de quoi un prévenu en liberté provisoire devrait être replacé en détention provisoire à l'approche de l'audience de jugement.

La condition de la gravité au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP faisait également défaut, vu l'infraction simple à l'art. 19 al. 1 LStup reprochée et au fait qu'il n'avait jamais eu l'intention de détenir des armes, hormis à des fins décoratives, de sorte qu'il ne constituait un danger pour personne. Il avait également pris conscience de la nécessité d'un nouveau départ en s'éloignant de son ancien milieu et avait assuré le TMC, lors de son audition, vouloir désormais faire "tout comme il faut". Il avait à cet égard réuni des offres d'emploi et entamé un traitement contre les troubles dont il souffrait et qui l'avaient conduit à consommer de la drogue.

Les mesures de substitution qu'il proposait étaient adéquates pour pallier les risques retenus. S'agissant de l'offre de E______ Sàrl, il contestait l'approche du TMC selon laquelle il faudrait alors "écarter tout contrat de travail comportant une période d'essai (…) dans l'évaluation des mesures de substitution". Il contestait également que ces projets de réinsertion soient qualifiés de "vagues" par l'autorité intimée. Enfin, il devrait se soumettre d'ici à mi-août à une expertise médicale pour évaluer son aptitude à conduire un véhicule, sous peine d'un retrait de son permis de conduire. Il était dès lors "évident" qu'il ne consommerait plus de stupéfiants. En sus des mesures de substitution déjà proposées, il était disposé à se soumettre à un traitement médical dans le but de se soigner de sa dépendance aux stupéfiants.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

c. Dans ses observations du 25 juin 2025, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Il rappelle tout d'abord que les trois procédures P/7419/2019, P/11309/2022 et P/24103/2024 étaient désormais jointes. Il avait saisi, le 24 juin 2025, le Tribunal criminel d'un acte d'accusation pour l'ensemble des faits reprochés et déposé en même temps une demande de mise en détention pour des motifs de sûreté.

Le risque de fuite était réalisé, au vu de la jonction des procédures et de l'ensemble des faits reprochés au prévenu dans l'acte d'accusation.

S'agissant du risque de réitération, il devait s'apprécier au regard de l'ensemble de ces faits également. Alors que le prévenu était poursuivi pour meurtre depuis 2019, il lui est reproché d'avoir tenté de tuer deux individus le 22 mai 2022 aux environs de 00h20, dans l'établissement "J______" au moyen d'une arme à feu qu'il détenait ce jour-là sans droit. En 2024, ont été découverts chez lui deux poings américains et un couteau papillon, soit des armes interdites. Nonobstant les faits qui lui étaient antérieurement reprochés, le prévenu avait conservé ces armes qui n'auraient pas été saisies lors de la perquisition de 2022 ou se les était procurées ensuite, ce qui laissait très sérieusement craindre la commission d'actes de violence par celui-ci à l'avenir.

Les mesures de substitution proposées par le prévenu concernaient principalement un éventuel risque de fuite, qui pourrait être pallié par celles-ci.

Les mesures de substitution en lien avec un traitement à suivre et un emploi ne pourraient cependant prévenir le risque de réitération, patent. Les offres d'emploi produites n'amoindrissaient pas le risque, étant relevé que le prévenu avait été libéré provisoirement en 2023 et qu'il n'avait pas trouvé d'emploi plus d'une année plus tard au moment de son interpellation le 19 décembre 2024. Le sérieux desdites offres d'emploi – alors que le prévenu était détenu – pouvait également être mis en doute tout comme la volonté de l'intéressé de trouver un travail. La prise de conscience du prévenu au cours de ces six mois de détention provisoire était également sujette à caution, dès lors que les plus de 600 jours et de 400 jours de détention dans les procédures P/7419/2019 et P/11309/2022 ne l'avaient pas dissuadé de se livrer à de la vente, sinon de la détention, de stupéfiants et de détenir des armes interdites. Le délit à la LArm nouvellement reproché laissait par ailleurs craindre qu'il n'avait pas renoncé à la commission d'actes violents. Enfin et surtout, le prévenu a démontré que les mesures de substitution lui importaient peu, en violant l'interdiction de détenir des armes. Ces éléments ne permettaient pas de lui faire à nouveau confiance.

d. A______ réplique et persiste dans son recours. Il rappelle le caractère décoratif des poings américains et du couteau papillon retrouvés chez lui. La police, qui avait perquisitionné son logement en 2022, n'avait du reste rien trouvé à y redire. Ensuite, il n'avait plus pensé à ces objets. La présente procédure ne portait pas sur des actes de violence. Il précise ensuite que s'il n'avait pas trouvé d'emploi lors de sa dernière période de mise en liberté, c'était parce qu'il cherchait un travail uniquement dans son domaine de prédilection, soit l'informatique. Il avait désormais élargi son champ de recherches et les offres d'emploi produites étaient sérieuses, étant précisé qu'il avait seulement affirmé que sa relation avec sa sœur était "compliquée", ce qui n'était pas incompatible avec le fait qu'une partie de sa famille ne lui parlait pas. Le traitement médical destiné à soigner sa dépendance aux stupéfiants proposé, sur lequel le Ministère public ne se prononçait pas, était apte à pallier l'éventuel risque de récidive, dès lors que c'était "sa consommation de stupéfiants qui expliqu[ait] la présence de cocaïne et d'ecstasy à son domicile". Enfin, il ne consommait plus depuis qu'il avait entrepris un traitement relatif à son trouble TDAH. C'était donc maintenant qu'il fallait lui faire confiance.

E. a. Par acte d'accusation du 24 juin 2025, le Ministère public a renvoyé A______ (et trois autres prévenus) devant le Tribunal criminel pour y être jugé, s'agissant du prénommé d'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 let. d et g et al. 2 let. a LStup), meurtre (art. 111 CP), tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 22 al. 1 cum 285 al. 1 CP), subsidiairement menaces (art. 180 al. 1 CP), tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), rixe (art. 133 ch. 1 CP), délits contre la LArm (art. 33 al. 1 let. a LArm), tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 22 al. 1 cum 285 al. 1 CP) et infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup.

b. Par ordonnance du 30 juin 2025, le TMC a prononcé la mise en détention pour des motifs de sûreté de A______ jusqu’au 30 septembre 2025.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas l'existence de charges graves et suffisantes, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

3.             Le recourant conteste le risque de fuite.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2. En l'espèce, le recourant est désormais renvoyé en jugement pour, principalement, infraction grave à la LStup, meurtre, tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et délits contre la LArm, soit des faits d'une très grande gravité. La gravité relative selon lui des faits pour lesquels il a été interpellé le 19 décembre 2024, qu'il invoque, ne lui est donc d'aucun secours, tout comme ses considérations sur le fait qu'à suivre la logique du TMC, un prévenu en liberté provisoire devrait être replacé en détention provisoire à l'approche de l'audience de jugement. Le risque qu'il ne soit tenté de prendre la fuite ou de disparaître dans la clandestinité s'est ainsi renforcé et, ce, malgré sa nationalité suisse et ses attaches familiales à Genève. Célibataire, sans enfants et sans emploi, le prévenu est particulièrement mobile. Sa volonté de prendre un nouveau départ dans sa vie privée et professionnelle pourrait ainsi aisément se concrétiser à l'occasion d'une fuite vers l'étranger.

Tant le TMC que le Ministère public semblent admettre que ce risque pourrait être pallié par les mesures de substitution proposées par le prévenu (obligation de se présenter à toute convocation du Pouvoir judiciaire, obligation de déposer ses papiers d'identité en mains de la Direction de la procédure, obligation de résider à D______, interdiction de quitter le territoire suisse et obligation de déposer une caution de CHF 30'000.- auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire).

Cette question peut toutefois rester ouverte ici, compte tenu de ce qui suit.

4. Le recourant conteste le risque de réitération.

4.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (ATF 150 IV 149 consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre
(ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).

Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

4.2. Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre
(cf. ATF 150 IV 149 susmentionné, consid. 3.2, et arrêt du Tribunal fédéral 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).

Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).

4.3. Une augmentation de la fréquence et de l'intensité des agissements illicites peuvent s’avérer déterminants pour apprécier un risque de réitération (ATF 143 IV 9, c. 2.3.2), qui peut également être retenu, conformément au principe de célérité, afin d'éviter qu’une instruction soit sans cesse compliquée et prolongée par la commission de nouvelles infractions à un rythme soutenu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2021 du 10 juin 2021 consid. 2.3.2 et les références, not. ATF 146 IV 326 consid. 3.2;
137 IV 84 consid. 3.2 et arrêt du Tribunal fédéral 1B_201/2014 du 19 juin 2014 consid. 3.2).

4.4. En l'occurrence, le recourant a été arrêté à trois reprises, en 2019, 2022 et 2024, dans le cadre de trois procédures, désormais jointes et pour lesquelles il vient d'être renvoyé en jugement, pour des faits extrêmement graves, comme on l'a vu.

On relèvera qu'il est également poursuivi à cet égard pour la détention, sans droit, de munitions, de deux poings américains et d'un couteau papillon à son domicile, le
19 décembre 2024, ce qui contredit sa version des faits selon laquelle les armes en question n'étaient que "décoratives" et atteste, du moins à ce stade, de la dangerosité potentielle du comportement en cause, celui-ci n'ayant au demeurant pris aucune disposition pour s'en débarrasser malgré l'engagement annoncé dans la P/11309/2022 de ne plus détenir d'armes (et la mesure de substitution mise à sa charge dans ce sens).

Conformément à la jurisprudence, l'intérêt à la sécurité publique prime dès lors sur la liberté personnelle du prévenu.

Le recourant prétend ensuite qu'il souhaite prendre un nouveau départ, s'éloigner de ses anciennes fréquentations, ne plus consommer de drogue – il disait avoir entrepris un traitement pour son trouble TDAH et ne plus consommer depuis lors –, faire en sorte de conserver son permis de voiture et trouver un emploi.

Si cette volonté affichée apparaît louable, elle n'est toutefois pas suffisante pour amoindrir le risque de récidive de nouvelles infractions qui viendraient de surcroît sans cesse retarder et compliquer les procédures ouvertes contre l'intéressé, comme l'a fait justement remarquer le TMC.

Il existe ainsi à tout le moins un risque de récidive simple au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, que les mesures de substitution proposées ne sont pas à même de pallier.

Les offres d'emploi produites émanant de sociétés privées ne constituent en effet pas des engagements fermes et inconditionnels. Il en va de même de l'attestation de la sœur du prévenu, foraine indépendante, qui se dit prête à lui donner du travail à sa sortie de prison, sans autre précision.

Quant à l'interdiction de porter les couleurs des G______ et l'interdiction de fréquenter les G______ et les H______, elles ne reposeraient que sur la seule volonté de l'intéressé, difficilement vérifiable, et sont dès lors insuffisantes, eu égard à l'importance du risque considéré.

Le recourant propose encore de se soumettre à un traitement médical destiné à soigner sa dépendance aux stupéfiants. On ignore toutefois quel type de traitement il envisagerait, auprès de qui et à quelle fréquence il s'y soumettrait. Quand bien même ces informations seraient fournies, on relèvera qu'il ne lui est pas reproché de simples actes de consommation mais de s'être adonné à un trafic de stupéfiants. Or, on ne voit pas en quoi un traitement visant à soigner sa dépendance l'empêcherait de poursuivre des activités délictuelles sous l'angle à tout le moins de l'art. 19 al. 1 LStup. Une telle mesure de substitution apparaît ainsi insuffisante.

Enfin, l'interdiction de contact proposée par le recourant ne saurait pallier que le risque de collusion, non retenu.

Aucune autre mesure de substitution n'entre en ligne de compte en l'état.

5. Le principe de la proportionnalité (art. 197 CPP) n'est pas violé compte tenu de la peine concrètement encourue si les faits reprochés étaient confirmés.

6. Le recours s'avère ainsi infondé et sera rejeté.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Admet la demande d'assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/24103/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

1'005.00