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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14310/2019

ACPR/471/2025 du 23.06.2025 sur OMP/15681/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14310/2019 ACPR/471/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 23 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite rendue le 19 juillet 2024 par le Ministère public (par suite de l'arrêt 7B_1149/2024 du Tribunal fédéral),

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu, en fait :

-          l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite rendue le 19 juillet 2024 par le Ministère public;

-          le recours formé le 31 juillet 2024 par A______;

-          l'arrêt ACPR/691/2024 du 25 septembre 2024 par lequel la Chambre de céans a rejeté ce recours et laissé les frais de la procédure à la charge de l'État;

-          l'arrêt du Tribunal fédéral 7B_1149/2024 du 8 avril 2025 admettant le recours de A______, annulant l'arrêt ACPR/691/2024 et renvoyant la cause à la Chambre de céans pour nouvelle décision au sens des considérants;

-          les déterminations de A______ du 28 avril 2025;

-          le rapport de l'Assistance juridique du 27 mai 2025;

-          les observations du Ministère public du 6 juin 2025.

Attendu que :

-          dans son arrêt de renvoi du 8 avril 2025, le Tribunal fédéral a retenu que la Chambre de céans avait violé l'art. 136 al. 2 let. c CPP en estimant que le recourant était à même de se défendre seul, à tout le moins durant la procédure d'instruction. Le recours devait être admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle examine les deux autres conditions cumulatives – les chances de succès et l'indigence – posées à la désignation d'un conseil juridique gratuit;

-          il ressort de la procédure que le 22 octobre 2021, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a dénoncé au Ministère public A______, ressortissant albanais, lui reprochant d'avoir, dans le cadre de sa demande de régularisation effectuée au cours de l'"opération Papyrus", fourni des informations et des pièces fausses. Entendu en qualité de prévenu par la police le 24 août 2022, A______ a admis être en situation illégale en Suisse et avoir travaillé sans autorisation. C______, en contrepartie de CHF 3'500.-, avait effectué les démarches pour le dépôt de sa demande de régularisation. C'était à son insu que ce dernier avait transmis à l'OCPM des documents provenant de la société D______ SA. Il ne voulait pas tricher. Il désirait porter plainte contre C______. Il n'avait remis aucun document "frauduleux" à ce dernier. Mis en prévention le 24 août 2022 dans la procédure P/1______/2022 des chefs d'infractions aux art. 251 ch. 1 CP, 115 al. 1 let. a à c, ainsi que 22 al. 1 CP cum 118 al.1 LEI, A______ a confirmé ses déclarations à la police. Son employeur, qui refusait de signer son contrat de travail en vue du dépôt de sa demande de régularisation, l'avait adressé à C______, lequel avait transmis la demande à l'OCPM et dit qu'il allait s'occuper des documents manquants. Lors des audiences de confrontation devant le Ministère public les 20 juin et 1er juillet 2024 avec C______, notamment, A______ a déclaré qu'il avait réglé CHF 3'500.- à ce dernier à raison de CHF 1'000.- le premier mois, puis d'une déduction mensuelle sur son salaire de CHF 500.-;

-          dans son recours, A______ a exposé qu'il avait fait l'objet le 23 juillet 2024 d'une décision définitive et exécutoire de renvoi. Il devait ainsi quitter la Suisse avant le 19 octobre 2024. Il devrait établir son dommage qui découlait du fait que, s'il avait déposé une demande "Papyrus" avec les pièces réelles, il aurait obtenu son permis de séjour et pu travailler en Suisse, et donc produire un revenu, jusqu'à sa retraite;

-          dans ses déterminations du 28 avril 2025, il conclut à l'octroi de l'assistance judiciaire à compter du 10 juillet 2024. Tant la question de l'indigence que celle des chances de succès de ses conclusions civiles avaient été admises par le Ministère public. Le Tribunal fédéral avait tranché en sa faveur celle du besoin d'être assisté par un conseil. Une indemnité de CHF 1'556.65 devait être versée à ce dernier, correspondant à 6 heures d'activité de chef d'étude pour la rédaction du recours et de la réplique à la Chambre de céans, forfait de 20% en sus pour le courriers et les téléphones, ainsi que la TVA à 8.1%;

-          selon le rapport de l'Assistance juridique du 27 mai 2025, le recourant présente un "manco" mensuel de CHF 2'483.15, de sorte qu'il ne pouvait pas faire face aux frais de la procédure ni aux honoraires de son conseil;

-          le Ministère public s'en rapporte à justice;

-          la cause a ensuite été gardée à juger.

Considérant en droit que :

-          un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b; 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1; 131 III 91 consid. 5.2). L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 et 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2);

-          à teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c);

-          la condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1);

-          la cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. La demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1);

-          en l'espèce, selon les considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral rendu le 8 avril 2025, la saisine de la Chambre de céans est circonscrite à l'examen des conditions cumulatives de l'indigence et des chances de succès de l'action civile, la question de la complexité factuelle et juridique de la cause étant acquise;

-          le Ministère public ne s'est prononcé ni sur la condition de l'indigence, ni sur celle des chances de succès de la démarche du recourant et s'en est en dernier lieu rapporté à justice;

-          la condition de l'indigence apparaît réalisée à teneur du rapport de l'Assistance juridique du 27 mai 2025;

-          celle des chances de succès également, dans la mesure où il n'apparaît pas d'emblée que la démarche du recourant – qui a déposé plainte pénale contre C______ pour avoir déposé à son insu de faux documents à l'OCPM, contre rémunération, dans le cadre de sa demande de régularisation de séjour en Suisse, avec pour conséquence que son renvoi de Suisse aurait été ordonné, d'où l'impossibilité d'y travailler jusqu'à la retraite – serait manifestement irrecevable, ni sa position infondée, ni que la procédure pénale serait vouée à l'échec;

-          partant le recours doit être admis et l'ordonnance querellée annulée;

-          l'assistance judiciaire sera accordée au recourant avec effet au 10 juillet 2024, date du dépôt de la demande d'octroi;

-          l'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP);

-          les art. 135 al. 1 cum 138 al. 1 CPP prévoient que le conseil juridique gratuit est rétribué conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c);

-          seules les prestations nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ);

-          l'activité déployée par l'avocate en instance de recours sera arrêtée à 6 heures pour la rédaction du recours, de la réplique et des brèves déterminations après retour de la cause du Tribunal fédéral, soit une durée qui apparait en adéquation avec les écritures déposées et le résultat obtenu. L'indemnité due sera ainsi fixée à CHF 1'297.20, au tarif applicable au chef d'étude, TVA à 8.1% incluse, étant rappelé que le forfait de 20% ne se justifie pas en instance de recours (ACPR/762/2018 du 14 décembre 2018).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet le recours.

Annule l'ordonnance du Ministère public du 19 juillet 2024.

Met A______ au bénéfice de l'assistance judiciaire à compter du 10 juillet 2024.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'297.20 (TVA à 8.1% incluse) pour l'instance de recours (art. 138 al. 1 CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).