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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19208/2014

ACPR/762/2018 du 14.12.2018 sur OCL/752/2018 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE ; CONFRONTATION À UN ACTE D'ORDRE SEXUEL ; CAPACITÉ DE DISCERNEMENT
Normes : CPP.319; CP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19208/2014ACPR/762/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 14 décembre 2018

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

recourante,

contre la décision de classement rendue le 27 juin 2018 par le Ministère public,

et

C______, domicilié c/o Mme D______, ______, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 12 juillet 2018, A______ recourt contre l'ordonnance du Ministère public, notifiée le 2 juillet 2018, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la plainte pénale qu'elle avait déposée contre C______.

La recourante conclut sous suite de frais à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de C______ en jugement du chef d'acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née le ______ 1978, a participé à la soirée du réveillon du
31 décembre 2013 au domicile d'amis, E______ et F______, à G______/GE.

b. En date du 18 février 2014, elle a déposé plainte pénale contre C______, lui reprochant d'avoir, au domicile susvisé, dans la nuit du 31 décembre 2013 au
1er janvier 2014 et alors qu'elle somnolait sur la mezzanine, exhibé son sexe et touché le sien à même la peau, introduisant ses doigts dans son vagin, après avoir soulevé sa robe et passé sa main sous son collant et sa culotte, ce qui l'avait réveillée.

c. Entendue par la police le jour-même puis par-devant le Ministère public les
6 novembre et 16 décembre 2014, 1er et 19 juin 2017, ainsi que le 14 novembre 2017, A______ a expliqué qu'elle avait été invitée chez E______ et F______, pour célébrer le Nouvel An en leur domicile, chemin 1______ à G______/GE. Elle s'y était rendue avec un ami, H______. Le jour-même, H______ l'avait rejointe auparavant, chez elle, vers onze heures et ils avaient préparé des petits fours en vue de la soirée, tout en partageant environ deux bouteilles de vin blanc. Ils avaient quitté ensemble son domicile aux alentours de dix-neuf heures afin de se rendre à la fête. Une dizaine d'adultes et quatre enfants, tous d'origine africaine à l'exception de E______, H______ et elle-même, étaient présents. Excepté le couple E______/F______ et H______, A______ ne connaissait aucun des invités. Au cours de la soirée, elle avait bu passablement d'alcool, soit du vin blanc, une bière, du champagne et du vin rouge, sans consommer d'alcool fort. Elle avait également fumé plusieurs joints et elle a déclaré s'être trouvée "pompette", mais aucunement ivre. La soirée s'était très bien déroulée. Vers une heure ou une heure trente, un couple d'amis de E______ et F______ était arrivé ; l'homme se prénommait C______ et s'est avéré s'appeler C______. A______ ne l'avait jamais vu auparavant. Au cours de la soirée, alors qu'elle s'entretenait avec des enfants au sujet du langage des signes, C______ s'était approché d'eux et lui avait demandé comment se disait "C______" [prénom] dans ce langage. C'était le seul moment où ils s'étaient adressés la parole. Son prénom l'avait toutefois marquée, car c'était aussi celui de son parrain. A______ avait passé le restant de la soirée avec les enfants plutôt qu'avec les adultes. Vers quatre heures ou quatre heures trente, fatiguée, elle s'était rendue sur la mezzanine surplombant le salon et s'était allongée à même le sol, au fond de ladite pièce, contre le mur. Une fillette l'avait installée avec des coussins et une couverture avant de redescendre. Personne d'autre ne se trouvait alors sur la mezzanine et, de l'endroit où elle se trouvait, elle ne pouvait être vue de ceux qui demeuraient en bas dans le salon. A______ s'était ainsi endormie. Soudain, elle avait senti que quelqu'un rajustait ses coussins et sa couverture. Elle a déclaré dans un premier temps que, bien qu'elle somnolât, elle avait ouvert les yeux et vu qu'il s'agissait de C______, puis s'était rendormie.

Elle a par la suite varié dans ses déclarations, en ce sens qu'elle n'avait alors pas remarqué de qui il s'agissait, mais qu'elle avait grogné et continué de dormir. Sans pouvoir déterminer combien de temps elle avait encore dormi, elle s'était réveillée en sentant quelque chose entre ses jambes. Elle était alors allongée sur le côté, face au mur. En ouvrant les yeux, elle avait aperçu C______ accroupi derrière elle, lui tenant les bras à l'aide d'une de ses mains et, de l'autre, lui insérant ses doigts dans son vagin, après avoir relevé sa robe et passé sa main dans son collant et dans sa culotte. Ce faisant, il lui avait dit: "Je ferai de toi une putain" et "arrête de faire la gamine, ce serait le moment que tu deviennes une femme". Elle n'avait pas tout de suite compris ce qu'il se passait, en raison de sa somnolence et de son alcoolisation, mais elle avait répondu: "mais tu fais quoi, lâche-moi". Au même moment, H______ était monté sur la mezzanine et C______, entendant ses pas dans l'escalier, avait retiré ses doigts et était resté accroupi derrière elle. H______ lui avait dit: "T'es réveillée princesse, je te ramène", proposition qu'elle avait immédiatement acceptée. Sur le moment, elle s'était sentie tétanisée et abasourdie. Elle avait été incapable de crier ou de réaliser ce qu'il s'était passé. De plus, elle n'avait pas voulu créer de scandale en présence d'enfants. Sa seule préoccupation avait été de fuir. Elle avait également honte, car à son réveil, son entre-jambe était mouillé, ce qui pour elle était inconcevable dans le cas d'un attouchement non consenti. Elle avait ressenti le comportement de C______ comme étant agressif et tourné vers son propre plaisir. En partant, elle avait salué tous les invités, sauf C______. Celui-ci avait tapé à la vitre de leur véhicule et lui avait fait un signe de la main alors qu'ils se trouvaient encore sur le parking. Elle ne lui avait pas répondu. Sur le chemin du retour, dans la voiture, elle avait relaté les faits à H______ et demandé d'effectuer un détour, de peur que C______ ne les suive et ne découvre où elle habitait.

Le lendemain, elle avait eu quelques flashbacks de la soirée: elle s'était souvenue que C______ était resté longtemps sur la mezzanine avec elle, ne cessant d'enlever la couverture avec laquelle elle s'était couverte, puis de la remettre. Avec le recul, elle pensait qu'il s'assurait qu'elle dormait profondément. Elle avait également le souvenir de lui, assis sur une chaise, toujours vêtu, notamment d'un pull foncé, d'une chemise blanche, d'une cravate ou d'un noeud papillon et d'un pantalon dont il avait sorti son sexe par la fermeture éclair et qu'il tenait dans sa main, sans savoir s'il était en érection ou non. Il lui avait alors dit quelque chose de l'ordre de "Tu veux pas? Tu veux pas?" ou "Prends-la, prends-la" ou encore "T'en veux?". Elle s'était souvenue qu'il l'avait également pénétrée de ses doigts en passant sa main par devant.

Ces faits l'avaient fortement affectée et elle était restée chez elle pendant deux jours, sans sortir. Elle avait toutefois entretenu des relations sexuelles avec un voisin dont elle était amoureuse, durant l'après-midi du 1er janvier 2014, précisant qu'elle ne s'était pas engagée dans une relation sentimentale avec lui par la suite. A______ s'était sentie déconnectée de son corps et avait eu de la peine à dormir. La nuit, elle plaçait une chaise derrière sa porte ainsi qu'un spray au poivre sous son oreiller. Elle avait par la suite fait apposer une barre de sécurité à sa porte. Elle avait vécu des crises d'angoisse et de larmes et avait développé une peur face aux hommes inconnus et de couleur.

Le 2 janvier 2014, elle avait eu une conversation téléphonique avec une amie, I______, à laquelle elle s'était confiée. Cette dernière lui avait suggéré de parler à E______, ce qu'elle avait accepté. I______, E______ et elle-même s'étaient ainsi vus le 3 janvier 2014. En réaction à son récit, E______ lui avait dit: "cela ne me surprend pas venant du personnage. Je l'ai déjà vu avec une autre femme". Elle avait par la suite contacté la LAVI afin d'obtenir de l'aide.

d. A______ a produit deux attestations de suivi auprès de l'association J______, des 28 novembre 2014 et 31 mai 2017, établissant qu'elle avait été reçue pour un premier entretien le 6 février 2014 puis avait été régulièrement suivie, au cours d'une soixantaine d'entretiens. Elle avait également suivi deux cours d'auto-défense. Elle faisait aussi état de plusieurs perturbations caractéristiques suivant un évènement traumatique: flashbacks, perturbations du sommeil, difficultés de concentration, pensées envahissantes, crises de pleurs, angoisses et sentiments de peur et d'insécurité, lesquels se manifestaient principalement la nuit, jusque chez elle, alors qu'elle ne ressentait rien de semblable auparavant. Elle décrivait aussi des tensions corporelles et le sentiment d'être déconnectée de son corps. À teneur des attestations produites, ses propos avaient paru crédibles.

e. C______, ressortissant camerounais né le ______ 1970, a sporadiquement travaillé dans une boîte de nuit en qualité de manager. Entendu par la police le 11 avril 2017 et par le Ministère public les 1er et 19 juin 2017, il a contesté les faits qui lui sont reprochés. Il s'était retrouvé au domicile de E______ et F______ avec sa compagne, peu avant minuit, ayant passé la soirée en famille. Il avait été présenté à A______, qu'il n'avait jamais vue auparavant. Le seul contact qu'il avait eu avec elle au cours de la soirée avait été pendant qu'elle faisait une démonstration de langage des signes aux enfants. Plus tard dans la soirée, A______ s'était trouvée assise en face de lui. Il avait remarqué qu'elle ne croisait pas les jambes, mais qu'elle les gardait "plutôt écartées", ce qui n'était pas une posture convenable pour une femme et le rendait mal à l'aise ; il avait alors quitté sa place et s'était rendu sur la mezzanine où se trouvait un ordinateur pour diffuser la musique de la soirée. A______ était montée pour s'allonger au sol. C______ a d'abord déclaré que cela s'était produit environ une heure après qu'il fut lui-même monté, avant de déclarer qu'elle l'y avait rejoint peu de temps après. H______, qui avait accompagné A______ sur la mezzanine, était ensuite redescendu puis remonté de temps en temps. C______ a expliqué qu'alors qu'il se trouvait sur la mezzanine en compagnie d'une fillette qui l'aidait à mettre la musique, A______ avait voulu "faire causette" avec lui. Il s'était dit qu'elle était saoule et voulait se reposer. Il lui avait dit de faire attention car elle allait prendre froid puis était redescendu et avait continué de faire la fête. Il n'avait à aucun moment été seul sur la mezzanine avec elle. Lorsqu'elle était allongée, il n'avait eu aucun contact physique avec elle. Il y avait un constant va-et-vient entre la mezzanine et le salon, dès lors que les gens choisissaient la musique à tour de rôle sur l'ordinateur. Il n'était en revanche lui-même pas remonté sur la mezzanine pendant que A______ y était. Selon ses souvenirs, elle était redescendue de la mezzanine après que H______ y était remonté pour la réveiller. À la fin de la soirée, tout le monde avait quitté les lieux en même temps. Il avait notamment serré la main de A______ sur le parking.

C______ s'est déclaré surpris par les accusations de A______. Selon lui, tout le monde aurait été témoin des faits, compte tenu de l'espace réduit dans lequel se déroulait la fête et son accusatrice soit s'était "fait un film dans sa tête", soit avait eu d'autres intentions avec lui qu'il n'avait pas perçues, raison pour laquelle elle aurait été frustrée et aurait "monté toute cette histoire".

f. Interrogé par le Procureur le 1er juin 2017, C______ a précisé que, selon lui, A______ n'était pas saoule mais "joyeuse". A la question de savoir si elle avait trop bu ou trop fumé, A______ a précisé, lors de la même audience, que c'était un mélange de tout. Elle était fatiguée car elle se trouvait en début de maladie, avait fumé deux joints qu'elle avait partagés avec d'autres et bu du vin et du champagne. Elle a aussi précisé que les faits dont elle se plaignait étaient assez marquants pour qu'elle puisse s'en souvenir et que, malgré ce qu'elle avait consommé, elle était restée assez lucide pour pouvoir apprendre le langage des signes aux enfants.

g. E______ a été entendu par la police le 21 février 2014 puis par le Ministère public le 19 juin 2017. L'appartement de G______, qu'il n'occupait plus, était composé en bas d'une cuisine ouverte et d'un salon, ainsi que de deux placards et une salle de bain se trouvant sous la mezzanine. Celle-ci était munie d'une barrière à barreaux, d'une table et d'un ordinateur. D'en bas, on pouvait voir jusqu'au milieu du mur du fond de la mezzanine, précisant sur question qu'une personne allongée au sol contre le mur du fond de la mezzanine ne pouvait être vue du salon. Selon lui, la soirée du réveillon s'était déroulée sans incident, principalement au salon, mais les invités se rendaient également sur la mezzanine, notamment pour y choisir la musique. E______ a déclaré dans un premier temps que C______ s'était occupé de la musique, puis que tous les convives avaient été libres de passer la musique qu'ils souhaitaient. S'agissant des faits que A______ lui avait ultérieurement relatés, il n'avait rien vu ni entendu pendant la soirée. Vers trois ou quatre heures, elle lui avait dit qu'elle était fatiguée et elle était montée sur la mezzanine pour s'allonger. Elle était redescendue juste avant que la fête ne s'achève, aux alentours de six heures ou six heures trente, et lui avait dit avant de lui dire au revoir qu'elle avait passé un bon moment. Il n'avait alors rien remarqué de particulier. Quelques jours plus tard, elle l'avait contacté pour lui faire part des faits. E______ a précisé qu'il connaissait C______ uniquement sous le nom de K______; il savait qu'il avait travaillé dans une boîte de nuit. Entre les deux versions livrées, il ne savait qui croire. Son épouse, également camerounaise, connaissait très bien C______ et pensait qu'il était incapable d'une telle chose et cette histoire avait provoqué une "forte tension raciale" entre sa femme et lui. Il a décrit A______ telle une fille généreuse et gentille, fragile psychologiquement, mais n'étant pas le genre à raconter des histoires. E______ a expliqué que, s'il avait dit à propos de C______ "cela ne me surprend pas venant du personnage", qu'il a dans un premier temps confirmé, ce dernier était un habitué de la vie nocturne et quelqu'un de charmeur. Il l'avait également vu en compagnie d'autres femmes, mais ne savait pas s'il avait entretenu des relations sexuelles avec elles. Il est ensuite revenu sur ses déclarations, précisant que C______ n'était pas libertin mais, au regard de ses activités dans le monde de la nuit, qu'il devait être entouré d'une certaine gente féminine afin d'attirer du public à ses soirées. Selon lui, C______ était "quelqu'un de sain avec une vie de famille".

h. Entendu par la police le 3 mars 2014 puis par le Ministère public le 14 novembre 2017, H______ a déclaré qu'il avait accompagné A______ à la soirée du Nouvel-An en question, mais qu'il ne connaissait aucun des convives. Il avait bu plus que de raison et avait dormi pendant une grande partie de la soirée, sur le canapé du salon, situé sous la mezzanine.

S'agissant des faits dénoncés par A______, il a déclaré à la police que son amie l'avait réveillé à minuit pour lui souhaiter la bonne année puis qu'il s'était rendormi. Il s'était réveillé en forme, vers quatre ou cinq heures, avait parlé avec une petite fille et avait dansé. Un Africain se trouvait sur la mezzanine et mettait de la musique ; il avait voulu la changer et était monté. Arrivé en haut, il avait vu A______ et l'individu africain. Il s'était penché vers A______ et lui avait touché l'épaule pour la réveiller et lui dire qu'il était temps de partir. Elle s'était levée et ils étaient partis rapidement. Il avait senti que A______ n'était pas très bien sans savoir pourquoi. En allant vers la voiture, puis en rectifiant que c'était dans la voiture, elle lui avait expliqué que l'Africain qui se chargeait de la musique l'avait touchée, lui mettant la main sous la jupe et dans la culotte et lui disant "ne fais pas ta mijaurée".

Face au Procureur, H______ a rapporté que, vers quatre ou cinq heures lorsqu'il s'était réveillé, pas en forme mais simplement éveillé, ne voyant pas A______ en bas, soit une petite pièce, il était allé la chercher sur la mezzanine. Il n'y avait rien à dire sur son état lorsqu'il l'avait réveillée, elle n'était pas bizarre. C______ se trouvait vers la platine, à environ deux mètres de l'endroit où A______ était couchée. H______ a également précisé que, pendant la soirée, C______ mettait sa musique mais que, celle-ci n'étant pas au goût de tous, il y avait eu un certain va-et-vient des convives sur la mezzanine pour la changer.

H______ n'avait pas le souvenir d'un échange avec C______ sur le parking. A______ lui avait semblé gênée, renfermée et abattue lorsqu'elle lui avait parlé des faits. Elle n'était par ailleurs pas le genre de femme à raconter n'importe quoi. Lui-même avait trouvé un air faux à C______ et ne lui avait pas vraiment parlé au cours de la soirée. Il savait toutefois qu'il était directeur d'une discothèque.

Il avait ramené A______ chez elle et y était resté dormir. Il ne l'avait plus revue par la suite.

i. I______ a déposé devant le Ministère public le 16 décembre 2014. Au moment des faits, elle était une amie de A______, mais elle n'était pas présente à la soirée du Nouvel An. Son amie l'avait appelée le 2 ou 3 janvier 2014 et lui avait relaté les faits, en pleurs et en ayant de la peine à s'exprimer. Elle avait dit à A______ que ce qui s'était passé était grave et lui avait conseillé de porter plainte. Elle ne se rappelait cependant pas de ce qu'elle lui avait raconté mais avait conservé le souvenir d'un récit très précis.

C. Dans sa décision querellée, le Procureur a retenu que les faits dénoncés se seraient déroulés en l'absence de tout témoin. Les déclarations de la plaignante étaient émaillées de contradictions. En effet, elle avait déclaré avoir été réveillée par le prévenu alors qu'il avait inséré ses doigts dans son vagin. Or, H______ a affirmé qu'elle était endormie au moment où il était monté sur la mezzanine et qu'il l'avait lui-même réveillée. De plus, la plaignante a indiqué que le prévenu, après avoir retiré ses doigts, était resté accroupi derrière elle, alors que H______ a pour sa part indiqué que le prévenu se trouvait à deux mètres d'elle, aux platines. Ainsi, il appert que les déclarations du témoin H______ ne corroborent pas la version de la plaignante. Au surplus, E______ a déclaré qu'il y avait eu un certain va-et-vient sur la mezzanine durant la soirée, les convives y montant pour choisir la musique. Les déclarations de la plaignante étant les seuls éléments à charge, les contradictions relevées mettaient à mal leur crédibilité. Quant au fait que le prévenu aurait exhibé son sexe devant la plaignante, il ressort du dossier que la plaignante n'a eu un flashback de cet épisode que le lendemain des faits. À nouveau, ces faits se seraient déroulés en l'absence de tout témoin et sont contestés par le prévenu.

Compte tenu des éléments qui précèdent, un acquittement paraissait hautement plus vraisemblable qu'une condamnation de sorte que le classement de la procédure pénale devait être ordonné (art. 319 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, A______ reprend de manière quasi exhaustive toutes les dépositions de la procédure, sans synthèse, pour en arriver à la conclusion qu'elle ne s'est pas contredite, qu'elle est crédible, au contraire de C______, que les lieux permettaient parfaitement de réaliser l'infraction dont elle se plaint, que son attitude et ses souffrances après les événements qu'elle dénonce ajoutent à l'authenticité de sa version, qu'elle n'a aucun bénéfice secondaire à retirer de la procédure, tous arguments qui militent en faveur d'une possible condamnation de sorte que le classement de la procédure n'avait pas lieu d'être et que la procédure devait être retournée au Ministère public afin qu'il la renvoie en jugement.

b. Le Ministère public s'en tient à sa décision et propose le rejet du recours.

c. C______ dit ne pas comprendre les accusations dont il est l'objet et conteste la commission de tout acte sexuel envers A______. Il conclut implicitement au rejet du recours.

d. A______ n'a pas souhaité répliquer.

EN DROIT :

1.      Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante - représentée par sa curatrice (art. 106 al. 2 CPP) - qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.      La recourante fait grief au Ministère public d'avoir classé la procédure alors qu'il existerait selon elle des soupçons suffisants contre l'intimé d'avoir commis l'infraction que réprime l'art. 191 CP, seule infraction visée dans le recours et par conséquent seule infraction devant être examinée.

2.1. Selon l'art. 319 CPP, le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi.

Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86
consid. 4.2 p. 91; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2.1). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.1 - 4.1.2 p. 90 ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_551/2015 du 24 février 2016 consid. 3). Le principe "in dubio pro duriore" exige donc simplement qu'en cas de doute, la procédure se poursuive. En effet, en cas de doute, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer.

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe " in dubio pro duriore " impose en règle générale, au stade de la clôture de l'instruction, que le prévenu soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 p. 243 et les arrêts cités; arrêts 6B_193/2018 du 3 juillet 2018 consid. 2.1; 6B_1177/2017 du
16 avril 2018 consid. 2.1). En amont, une telle configuration exclut aussi, en principe, une décision de non-entrée en matière. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement " entre quatre yeux " pour lesquels il
n'existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois être renoncé à une
mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires,
rendant ses accusations moins crédibles ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances a priori improbable pour d'autres motifs
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 p. 243; arrêt 6B_874/2017 du 18 avril 2018
consid. 5.1).

2.2. L'art. 191 CP prévoit que celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Cette disposition protège, indépendamment de leur âge et de leur sexe, les personnes incapables de discernement ou de résistance dont l'auteur, en connaissance de cause, entend profiter pour commettre avec elles un acte d'ordre sexuel (ATF 120 IV 194 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1).

Son but est de protéger les personnes qui ne sont pas en état d'exprimer ou de manifester physiquement leur opposition à l'acte sexuel. A la différence de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) et du viol (art. 190 CP), la victime est incapable de discernement ou de résistance, non en raison d'une contrainte exercée par l'auteur, mais pour d'autres causes. L'art. 191 CP vise une incapacité de discernement totale, qui peut se concrétiser par l'impossibilité pour la victime de se déterminer en raison d'une incapacité psychique, durable (p. ex. maladie mentale) ou passagère (p. ex. perte de connaissance, alcoolisation importante, etc.), ou encore par une incapacité de résistance parce que, entravée dans l'exercice de ses sens, elle n'est pas en mesure de percevoir l'acte qui lui est imposé avant qu'il ne soit accompli et, partant, de porter jugement sur celui-ci et, cas échéant, le refuser (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1).

Dans tous les cas, l'incapacité doit être totale au moment de l'acte. Il suffit par conséquent qu'au moment du rapport sexuel, la victime se trouve dans un état qui l'empêche concrètement de s'opposer aux actes de l'auteur (J. HURTADO POZO, Droit pénal - partie spéciale, 2009, ad art. 191, p. 892 et les références citées).

S'agissant des effets de l'alcool sur la capacité de discernement, il est utile de rappeler que, dans un domaine proche, soit celui de la responsabilité pénale, la jurisprudence retient qu'une personne présentant un taux d'alcoolémie dans le sang de 3 % et plus doit être considérée comme totalement irresponsable. Entre 2 et 3 % sa responsabilité sera en règle générale diminuée, alors qu'en dessous de 2 %, on admettra en principe une responsabilité pleine et entière. Il ne s'agit cependant que d'une présomption, qui peut être renversée en raison d'indices contraires
(ATF 122 IV 49 consid. 1b ; 119 IV 120 consid. 2b ; 117 IV 292 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_960/2009 du 30 mars 2010 consid. 1.2).

L'art. 191 CP exige que l'auteur ait profité de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime, autrement dit qu'il ait exploité l'état ou la situation dans laquelle elle se trouvait. Cela ne signifie pas que tous les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance sont punissables. L'infraction n'est ainsi pas réalisée si c'est la victime qui a pris l'initiative des actes sexuels ou si elle y a librement consenti (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 3.2.1).

Sur le plan subjectif, l'art. 191 CP est une infraction intentionnelle. La formule "sachant que" signifie que l'auteur a connaissance de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime. Il appartient par conséquent au juge d'examiner avec soin si l'auteur avait vraiment conscience de l'état d'incapacité de la victime. Le dol éventuel suffit.

L'incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. Elle peut être la conséquence d'un état mental gravement anormal, d'une sévère intoxication due à l'alcool ou à la drogue, ou encore d'entraves matérielles. Il faut cependant que la victime soit totalement incapable de se défendre (arrêt du Tribunal fédéral 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.1.1).

2.3. En l'espèce, la potentielle agression sexuelle alléguée par la recourante serait survenue en l'absence de témoins, mais dans un lieu relativement exigu dans lequel coexistaient de nombreuses personnes, de sorte que, d'une part, la parole de l'un s'oppose à la parole de l'autre et que, d'autre part, cette absence de témoins doit être prise en compte. Il est donc nécessaire, dans un tel cas, de se fonder sur la constance et la crédibilité des déclarations des parties, d'une part, et sur les circonstances ayant entouré les faits dénoncés d'autre part.

2.3.1. Le lieu où les faits se seraient produits parait peu propice à leur accomplissement. En effet, la mezzanine, d'une surface relative, était pour l'essentiel visible du salon situé en dessous, également de petite taille. Ce lieu accueillait de nombreuses personnes, environ quinze en début de soirée et deux de plus avec l'arrivée du couple C______, et deux témoins ont confirmé l'existence d'un grand va-et-vient entre le salon et la mezzanine, ce qui rend peu probable que les faits décrits aient pu se dérouler sans que quiconque ne remarque quoi que ce soit. Cet élément, dont ressort l'absence marquée de prévention possible, penche notablement en faveur d'un acquittement.

2.3.2. La recourante affirme qu'elle était réveillée lorsque H______ était monté sur la mezzanine, qu'elle avait redescendu sa robe et que C______ était accroupi derrière elle. H______ n'a rien vu de tel et a expliqué que son amie était endormie lorsqu'il était monté sur la mezzanine et que le prévenu se trouvait à deux mètres d'elle, vers la platine. Il y a donc bien une contradiction fondamentale entre ces propos, ainsi que le Procureur l'a relevé, ce qui est un autre élément pertinent pour considérer qu'un acquittement est plus vraisemblable qu'une condamnation.

2.3.3. H______ n'a pas trouvé son amie bizarre lorsqu'il l'a réveillée, mais peu bien, si l'on retient sa première déposition, ou ne présentant aucun signe particulier si l'on retient la seconde. La recourante elle-même s'est considérée comme "pompette", mais pas ivre. Quant au prévenu, il l'a trouvée "joyeuse". Ainsi, la condition de l'absence totale de discernement, nécessaire à l'application de l'art. 191 CP, fait défaut, de l'aveu même de la recourante, qui s'est déclarée en une autre occasion "lucide". S'ensuit l'absence d'un élément constitutif de la seule infraction dont la recourante sollicite la poursuite, qui milite indiscutablement en faveur d'un acquittement.

2.3.4. En conséquence, aucun élément ne vient corroborer la version de la recourante, sinon des constats postérieurs qui ne permettent pas de contrebalancer les arguments figurant ci-dessus. Le recours doit donc être rejeté.

3.      3.1. L'art. 138 CPP, qui traite de l'indemnisation du conseil juridique gratuit, renvoie, pour le calcul et les modalités de cette indemnisation, à l'art. 135 CPP.

Seules les heures nécessaires sont indemnisées; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Le conseil juridique gratuit de la recourante a fait parvenir avec son recours son état de frais, dont il ressort l'activité suivante : 420 minutes pour la relecture du dossier et la rédaction du recours et 30 minutes pour la rédaction du bordereau de pièces, soit 450 minutes ou 7 heures 30, auxquelles elle ajoute un forfait de 20% du temps consacré.

3.2. Le forfait de 20% ne se justifie pas en instance de recours.

3.3. En l'espèce, il s'est agi, pour le conseil de la recourante, de rédiger le présent recours, dans une procédure parfaitement maîtrisée, qui eût dû permettre une présentation moins exhaustive. Dès lors, l'activité facturée par l'intéressée sera ramenée à 5 heures, temps raisonnablement nécessaire pour examiner l'ordonnance litigieuse et présenter les griefs ciblés objets de son recours.

L'indemnisation de l'avocat sera, en conséquence, arrêtée à CHF 1'000.- (5 heures d'activité indemnisées au tarif horaire de CHF 200.- plus TVA (7.7%), soit 1'077.-).

4.      La recourante succombe. Bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, elle supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.-
(art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011
consid. 4).

5.      C______, qui plaide en personne, n'ayant sollicité aucune indemnité, rien ne lui sera alloué.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Alloue à Me B______, conseil juridique gratuit de A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'077.-, TVA comprise.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son avocat), à C______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, juge et Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19208/2014

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'005.00