Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/21600/2018

ACPR/456/2025 du 16.06.2025 sur OTMC/1143/2025 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PROLONGATION;PROPORTIONNALITÉ;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21600/2018 ACPR/456/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 16 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Mes Yaël HAYAT et Cédric KURTH, avocats, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 8 avril 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 avril 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé les mesures de substitution auxquelles il est soumis, jusqu'au 8 octobre 2025.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et, principalement s'en rapporte à justice s'agissant de la prolongation de "toutes les mesures de contrainte excepté l'interdiction de consommer de l'alcool" et sollicite que les mesures de substitution soient prolongées pour une durée n'excédant pas 4 mois. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause au TMC pour nouvelle décision et, plus subsidiairement encore, à la révocation à tout le moins des mesures de substitution suivantes : interdiction de conduite de tout véhicule à moteur (à tout le moins cette interdiction devait se limiter aux véhicules automobiles et non plus aux véhicules à moteur à deux-roues), interdiction de consommer de l'alcool et obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence y relatifs (il s'en rapporte s'agissant de l'interdiction de consommer des stupéfiants et des autres mesures de contrainte).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, [médecin] ______, est prévenu, depuis le 13 avril 2019, d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP), voire de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), subsidiairement d'abus de détresse (art. 193 al. 1 CP), au préjudice de neuf patientes, commis dans son cabinet médical à Genève, entre le 14 novembre 2008 et le 11 février 2019.

Il lui est également reproché d'avoir à Genève, le 1er novembre 2017 à 2h23, conduit en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 1 let. a LCR).

Il lui est en outre reproché des infractions d'actes d'ordre sexuel et de contrainte sexuelle perpétrés à son domicile en France, entre 2006 et 2007, au préjudice de B______, alors âgée d'environ 8 ou 9 ans, dans le cadre de jeux aquatiques dans la piscine ou durant son sommeil. Le 12 août 2022, l'instruction a été étendue à ces infractions.

Le précité est encore prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), violence ou menace contre les fonctionnaires (art. 285 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), violation grave des règles sur la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a LCR), violation des obligations en cas d'accident (art. 92 LCR), conduite malgré une incapacité (art. 91 al. 2 let. b LCR) et délit à la LStup (art. 19 al. 1 let. b, c et d LStup). Il lui est reproché à cet égard d'avoir à Genève, le 7 janvier 2022 à 4h10, au volant d'un véhicule automobile, alors qu'il était sous l'emprise de la cocaïne, accéléré fortement à la vue d'une patrouille de police et refusé d'obtempérer aux injonctions, obligeant la police à le poursuivre et s'engageant dans une course poursuite avec elle; puis, alors que les policiers avaient arrêté leur véhicule de service derrière le sien, enclenché la marche arrière et percuté le véhicule de police, provoquant des blessures à un de ses occupants; d'avoir, dans ces circonstances, effectué des dépassements téméraires, commis des excès de vitesse très importants (en circulant à une vitesse de 155 km/h sur un tronçon limité à 50km/h), roulé en sens inverse et sur des trottoirs, brûlé des feux de circulation et le signal STOP, et franchi des doubles lignes de sécurité jusqu'à ce qu'il perde le contrôle de son véhicule et emboutisse une glissière de sécurité; avoir encore, une fois interpellé, refusé la prise de sang et d'urine ordonnée.

Il lui est enfin reproché d'avoir consommé régulièrement de la cocaïne, entre août 2021 et août 2022.

b.a. A______ a été arrêté le 12 avril 2019 et remis en liberté sous mesures de substitution le surlendemain par le TMC. Sur recours du Ministère public, la Chambre de céans a, le 2 mai 2019, ordonné la mise en détention provisoire du prévenu jusqu'au 13 juin 2019 (ACPR/312/2019). Dite détention provisoire a ensuite été régulièrement prolongée jusqu'au 15 octobre 2019.

Par ordonnance du 11 octobre 2019 (OTMC/3711/2019), le TMC a mis l'intéressé en liberté moyennant les mesures de substitution suivantes, destinées à pallier les risques de fuite, collusion et récidive : obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire; interdiction de tout contact avec les plaignantes et les autres personnes désignées; interdiction de quitter le territoire suisse; remise au Ministère public de ses deux passeports yéménite et suisse ainsi que de sa carte d'identité suisse; obligation de fournir des sûretés à hauteur de CHF 50'000.-; interdiction d'exercer une activité en [médecine] ______ au contact de patientes; interdiction de consommer de l'alcool; obligation de se soumettre à des contrôles inopinés; obligation d'entreprendre un traitement toxicologique auprès d'un thérapeute choisi par le Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI); obligation de produire en mains du SPI, chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique; obligation de se présenter au SPI le jour ouvrable suivant sa libération; obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI dans le cadre du suivi des mesures de substitution.

Dites mesures ont ensuite été régulièrement prolongées par ordonnances du TMC des 5 octobre 2021 (OTMC/3333/2021, confirmée par l'arrêt ACPR/77/2022 du 7 février 2022 puis par arrêt 1B_134/2022 du Tribunal fédéral du 19 avril 2022), 29 mars 2022 (OTMC/1008/2022) et 6 juillet 2022 (OTMC/2174/2022), jusqu'au 8 janvier 2023.

b.b. Par ordonnance du 9 janvier 2022 (OTMC/39/2022), rendue dans le cadre de la procédure ouverte à la suite des évènements du 7 janvier 2022 – jointe à la présente procédure –, le TMC a prononcé, sans préjudice des mesures déjà ordonnées dans la P/21600/2018, de nouvelles mesures de substitution à l'endroit du prévenu : interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure; interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants; obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence; obligation d'entreprendre, au rythme et conditions fixés par le thérapeute, un traitement toxicologique auprès d'un thérapeute choisi par le SPI; obligation de produire en mains du SPI, chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique; obligation de se présenter au SPI le jour ouvrable suivant sa libération; obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI dans le cadre du suivi des mesures de substitution, lesquelles ont été prolongées jusqu'au 8 janvier 2023.

c. Le 12 octobre 2022, A______ a sollicité la levée partielle des mesures de substitution suivantes : interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure; interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants; obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence.

Par ordonnance du 18 octobre 2022, le TMC a refusé (OTMC/3250/2022). Il existait un risque de réitération tangible, les experts psychiatres, dans leur rapport du 22 juillet 2022, ayant conclu à un épisode dépressif moyen ainsi qu'à une consommation d'alcool et de cocaïne nocive pour la santé. Le prévenu disait vivre à l'hôtel et n'avait plus de contacts avec les membres de sa famille. Le maintien de l'interdiction de conduire, malgré le retrait du permis par l'autorité administrative, continuait de faire sens, dès lors qu'il était possible de conduire sous retrait de permis. Le même raisonnement s'appliquait à l'interdiction de consommer des substances prohibées et à l'obligation de se soumettre à des contrôles réguliers. Ces mesures étaient de nature à réduire l'important risque de réitération, étant rappelé que le prévenu était soupçonné d'avoir commis des infractions routières en étant ivre, respectivement sous l'influence de cocaïne.

d. Lors de l'audience du 7 décembre 2022 devant le Ministère public, le prévenu a admis qu'il lui était arrivé de boire de l'alcool depuis le prononcé des mesures de substitution du 9 janvier 2022 mais que ce n'était plus le cas. Il a été arrêté sur-le-champ et le Ministère public a sollicité du TMC sa mise en détention, eu égard au non-respect des mesures de substitution.

e. Par ordonnance du 9 décembre 2022 (OTMC/3890/2022), et après avoir procédé à l'audition du prévenu, le TMC l'a mis en liberté, moyennant les mesures de substitution suivantes, valables jusqu'au 8 juin 2023 : obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire et de la police; obligation d'informer sans délai la Direction de la procédure de tout changement de domicile; interdiction de tout contact avec les plaignantes et les autres personnes désignées; maintien des sûretés de CHF 50'000.-; interdiction d'exercer une activité en [médecine] ______ au contact de patientes; interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure; interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants; obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence; obligation d'entreprendre, au rythme et conditions fixés par le thérapeute, un traitement psychothérapeutique, notamment toxicologique, auprès d'un thérapeute choisi par le SPI; obligation de produire en mains du SPI, chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique; obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI dans le cadre du suivi des mesures de substitution.

Il existait toujours un risque de fuite concret, possiblement sous la forme d'une disparition dans la clandestinité, le prévenu vivant désormais à l'hôtel, à la suite de la séparation d'avec son épouse. Dit risque pouvait cependant être pallié par les sûretés versées et l'obligation de déférer aux convocations du pouvoir judiciaire. Le risque de collusion demeurait élevé avec les parties plaignantes et les témoins. Quant au risque de réitération, il restait tangible, le prévenu ayant indiqué, lors de l'audience du 7 décembre 2022, se trouver dans un état psychologique déplorable. Il était aussi constaté qu'à teneur des rapports du SPI des 1er juillet, 8 août, 7 octobre et 6 décembre 2022, l'intéressé avait régulièrement omis de se présenter à ses rendez-vous au SPI ainsi qu'aux contrôles inopinés du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML). Le résultat des analyses de prélèvements du CURML démontrait par ailleurs une consommation importante, voire quotidienne et excessive d'alcool, ce que réfutait jusqu'alors l'intéressé, expliquant le résultat des tests par le fait que ces derniers seraient trop sensibles. Le résultat des analyses faisait également état d'une consommation de cocaïne. Le suivi psychologique précédemment ordonné n'avait pas pu être mis en place par le SPI en raison des fréquentes absences du prévenu. Celui-ci reconnaissait aujourd'hui la violation de l'interdiction de consommer de l'alcool et de la cocaïne, qu'il mettait en lien notamment avec l'épreuve supplémentaire que constituait pour lui la séparation d'avec sa femme. Il admettait également ne pas s'être présenté à certaines convocations du SPI et du CURML, exposant avoir été hospitalisé volontairement du 13 juillet au 6 septembre 2022 puis du 13 au 23 octobre 2022. Depuis cette date, il restait régulièrement suivi par un psychiatre et poursuivait son traitement médicamenteux. Il s'était en outre engagé formellement à respecter scrupuleusement à l'avenir les mesures de substitution qui lui seraient imposées. Enfin, il n'avait pas récidivé dans la commission d'infractions pénales depuis le prononcé des mesures de substitution du 9 janvier 2022, hormis la consommation de stupéfiants. Partant, des mesures de substitution pouvaient pallier aux risques susénoncés, notamment celui de récidive.

f. Le recours formé par A______ contre les ordonnances du TMC des 18 octobre et 9 décembre 2022 a été rejeté par arrêt de la Chambre de céans du 24 janvier 2023 (ACPR/66/2023), lequel a été confirmé par le Tribunal fédéral le 30 mars 2023 (1B_107/2023).

En substance, cette dernière instance a constaté que la mesure de substitution interdisant la consommation d'alcool poursuivait un but de sécurité publique. L'obligation de se soumettre à des contrôles d'abstinence était le corollaire des interdictions de consommation de toxiques imposées; elle représentait une mesure moins sévère que la détention et apparaissait conforme au principe de la proportionnalité, la simple promesse du recourant de ne plus consommer de l'alcool et de la cocaïne n'apparaissant pas suffisante. Quant à l'interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur, elle restait proportionnée au regard des événements du 7 janvier 2022 et de l'état de dangerosité occasionné pour les autres usagers de la route; l'absence de permis ne constituait pas un frein suffisant à toute nouvelle récidive en matière de circulation routière. Enfin, l'interdiction de consommer des stupéfiants se comprenait au regard des événements du 7 janvier 2022 et au risque que le recourant ne commette à nouveau des infractions graves à la circulation routière et ne mette ainsi en danger la sécurité publique.

g. Dans leur rapport complémentaire d'expertise du 18 juillet 2023, les experts psychiatres ont estimé, sous l'angle du risque de récidive, que le risque de délinquance sexuelle était moyen à élevé, selon la nature des faits et les circonstances dans lesquelles se trouverait l'expertisé à l'avenir. Il en allait de même du risque d'infraction à la LCR, étant précisé que si le retrait du permis de conduire pour une certaine durée réduisait le risque de conduite dangereuse, il ne le faisait pas totalement disparaître (cf. rapport, p. 16). Un suivi ambulatoire psychothérapeutique axé sur l'abstinence à l'alcool mais surtout à la cocaïne était recommandé (cf. rapport, p. 19). S'agissant des perspectives de diminution du risque dans les cinq ans, elles étaient modérées, l'expertisé étant à risque d'un nouvel épisode psychotique et d'une rechute dans les toxiques, même s'il ne présentait pas de dépendance (cf. rapport, p. 19).

h. Par ordonnances des 6 juin 2023 (OTMC/1644/2023), 11 décembre 2023 (OTMC/3717/2023), 10 juin 2024 (OTMC/1758/2024) et 9 décembre 2024 (OTMC/3805/2024), le TMC a successivement prolongé les mesures de substitution ordonnées le 9 décembre 2022, la dernière fois jusqu'au 8 avril 2025.

i. Par arrêt du 23 janvier 2025 (ACPR/72/2025), la Chambre de céans a rejeté le recours interjeté par A______ contre cette dernière ordonnance du TMC.

j. Le 4 avril 2025, le Ministère public a saisi le TMC d'une nouvelle demande de prolongation des mesures de substitution pour une durée de 6 mois, durée nécessaire pour finaliser notamment le renvoi du prévenu devant le Tribunal correctionnel – l'acte d'accusation était déjà rédigé – et permettre à cette autorité de tenir l'audience de jugement.

k. Dans ses observations du 7 avril 2025, le prévenu s'y est opposé. À tout le moins l'interdiction de consommer de l'alcool devait être levée. Subsidiairement, la prolongation sollicitée ne devait pas excéder une semaine. Enfin, le principe de la célérité était violé.

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC rappelle l'existence de charges graves et suffisantes, renvoyant à cet égard à son ordonnance du 9 décembre 2024, confirmée par la Chambre de céans. Le Ministère public avait rédigé son acte d'accusation, qui serait adressé sous peu au Tribunal correctionnel, et devait finaliser encore certains actes (ordonnance de refus des nombreuses réquisitions de preuves du prévenu, ordonnance de classement partiel, index, bordereau etc.). Les risques de fuite, collusion et réitération – confirmés par la Cour de justice – perduraient. Aucun élément intervenu depuis lors ne justifiait une nouvelle appréciation de ceux-ci, en faveur du prévenu, et la proximité de l'audience de jugement les exacerbait. Il convenait que l'autorité de jugement puisse disposer de témoignages non pollués par des interventions du prévenu, au vu des enjeux pour lui. L'interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants, qui pouvait être contrôlée, faisait sens. Au surplus, il n'y avait rien de stigmatisant à ne pas consommer de l'alcool. Si ce manque était important pour le prévenu, cela était de nature à inquiéter. À cet égard, comme déjà retenu, les risques précités pouvaient être palliés par des mesures de substitution, en l'occurrence celles ordonnées en dernier lieu le 9 décembre 2024. Ces mesures, adéquates, étaient aptes à diminuer les risques présentés par le prévenu et restaient proportionnées à la peine concrètement encourue. Leur prolongation pour une durée de 6 mois apparaissait raisonnable au vu de l'état de la procédure et de la nécessité de prévenir les risques retenus. Elle permettrait également de couvrir le délai (ou une partie de celui-ci) qui serait nécessaire avant la date de l'audience de jugement, soit "vraisemblablement plusieurs mois encore". Enfin, même si une certaine lenteur se faisait sentir, sans atteindre un degré reprochable, aucune violation du principe de la célérité n'était à déplorer, la prolongation des mesures de substitution ayant été mise à profit pour statuer sur les actes d'instruction sollicités et la rédaction de l'acte d'accusation.

D. Par acte d'accusation du 16 avril 2025, le Ministère public a renvoyé A______ en jugement par-devant le Tribunal correctionnel pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 aCP), actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), violation de l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 91 al. 2 let. a LCR), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 al. 1 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR), subsidiairement de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

E. a. À l'appui de son recours, A______ considère que la prolongation de 6 mois ordonnée alors que l'instruction était terminée était plus longue que celle de 4 mois requise préalablement "en pleine instruction", ce qui violait le principe de la célérité. L'acte d'accusation aurait pu être rédigé bien plus tôt. La procédure s'étalait désormais sur plus de six ans.

Il rappelait, à l'instar de ce qu'il avait déjà soulevé dans son précédent recours, n'avoir jamais essayé de fuir ni d'entrer dans la clandestinité depuis les cinq années écoulées où il était en liberté et cela, nonobstant la peine menace encourue, laquelle serait de plus assortie du sursis, vu son absence d'antécédents. S'il s'était effectivement rendu au Yémen au début 2019 pour des affaires familiales, il n'avait aucune intention de retourner dans ce pays, actuellement en guerre.

Sous l'angle du risque de collusion, il rappelait n'avoir jamais entrepris, durant ces cinq années, d'entrer en contact avec une plaignante ou un témoin. Il n'existait aucun risque sérieux qu'il tente d'influencer ces personnes, le TMC ne mentionnant aucun indice à cet égard. Prétendre que ce risque existerait jusqu'à l'audience de jugement violait le droit.

Le risque de réitération faisait également défaut. Il rappelait à cet égard n'avoir plus commis d'infraction au cours des trois dernières années ni conduit un véhicule à moteur. Les conditions de l'art. 221 al. 1 let. c CPP s'étaient durcies depuis le 1er janvier 2024. Il n'y avait en ce qui le concernait aucune crainte "imminente" qu'il prenne le volant sans permis. Les autres infractions reprochées avaient eu lieu "dans un contexte particulier", il y avait plus de six ans. Par ailleurs, il ne gardait plus d'enfants mineurs à son domicile (ses filles étaient majeures) et n'exerçait plus sa profession. S'agissant enfin de la suspicion de reprise de consommation de cocaïne, il rappelait que le rapport du CURML du 29 octobre 2024 la démentait. L'interdiction totale de consommation d'alcool – alors qu'il était un "piéton" – lui semblait "la plus abusive" et portait atteinte à sa liberté personnelle. L'alcool participait à la vie sociale et, en en étant privé, il se sentait "isolé" et "stigmatisé". Que des personnes n'en consommassent pas n'était nullement relevant en ce qui le concernait. Être menacé d'une détention carcérale s'il "os[ait] se permettre de consommer une bière" était choquant. Le raisonnement du TMC à cet égard était déloyal. Une prolongation d'une semaine suffirait pour déposer un acte d'accusation déjà rédigé. En tout état de cause, une prolongation excédant celle octroyée précédemment, de 4 mois, ne faisait pas sens.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. L'audience de jugement avait été fixée du 1er au 5 septembre 2025, de sorte que la durée de la prolongation des mesures de substitution permettrait de couvrir la période jusqu'au terme de cette audience. Il ne contestait pas certains temps morts dans l'instruction, dont il appartiendrait au juge du fond de tirer les conséquences s'agissant d'une éventuelle violation du devoir de célérité. Il avait sollicité, le 3 décembre 2024, une prolongation de 4 mois des mesures de substitution pour rédiger les actes finaux. Le TMC y avait fait droit en prolongeant ces mesures jusqu'au 8 avril 2025. Lesdits actes avaient été expédiés aux parties 8 jours plus tard.

Le risque de collusion perdurerait jusqu'à l'audience de jugement, vu l'importance des déclarations des parties plaignantes pour retenir ou non la culpabilité du recourant, au vu de la gravité des infractions qui pourraient être retenues.

Quant à l'interdiction de consommer de l'alcool, il était permis de supposer, sans parler des faits du 1er novembre 2017, que la consommation d'alcool du recourant n'était pas étrangère tant aux faits du 7 janvier 2022 qu'aux actes reprochés dans le cadre de son activité professionnelle, s'ils étaient admis. Cette mesure était donc admissible et surtout proportionnée.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

d. Le recourant réplique. La prolongation des mesures de substitution semblait davantage être justifiée par les longueurs et temps morts de l'instruction plutôt que par l'intérêt public. Quant au risque de collusion, il était inhérent à toute procédure pénale, étant relevé que "le Ministère public ne contest[ait] pas l'absence de risque de réitération et de fuite". Les remarques du Ministère public s'agissant de l'interdiction de consommation d'alcool étaient arbitraires.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Les risques de fuite, collusion et réitération dont le recourant conteste à nouveau l'existence ont été retenus de manière constante jusqu'ici et confirmés par la Chambre de céans dans son arrêt du 23 janvier 2025. Aucun fait nouveau de nature à les amoindrir n'est survenu depuis lors. Au contraire, le récent renvoi de l'intéressé en jugement par-devant le Tribunal correctionnel serait même de nature à renforcer les deux premiers, compte tenu de l'enjeu de la procédure pour lui.

Dans son arrêt précité, la Chambre de céans a également confirmé le bien-fondé des mesures de substitution, qui conservaient leur utilité.

Le risque de récidive d'infractions de nature sexuelle et routière était estimé par les experts psychiatres comme moyen à élevé. Il était à cet égard rappelé qu'à la suite des évènements de janvier 2022, le recourant avait admis avoir consommé à nouveau de l'alcool en violation des mesures de substitution ordonnées ainsi que pris de la cocaïne, ces consommations s'étant même intensifiées par la suite. Un risque de nouvelle rechute ne pouvait ainsi pas être totalement écarté, ce d'autant que la situation personnelle de l'intéressé n'apparaissait pas avoir significativement évolué depuis lors. La poursuite du suivi psychothérapeutique ambulatoire entrepris restait ainsi d'actualité, tout comme l'interdiction de consommer notamment de l'alcool et de se soumettre à des contrôles inopinés, malgré l'abstinence actuelle de l'intéressé.

Quant à l'interdiction de conduire tout véhicule à moteur, deux-roues compris, elle conservait toute son acuité au regard de ce qui précédait, étant rappelé, suivant les experts, que si le retrait du permis de conduire réduisait le risque de conduite dangereuse pour une certaine durée, il ne le faisait pas totalement disparaître.

Ces considérations peuvent être reprises mutatis mutandis ici, aucun élément nouveau survenu depuis lors permettant à ce stade de lever l'une ou l'autre des mesures de substitution ordonnées. On précisera que l'interdiction faite au recourant de consommer de l'alcool, qu'il critique particulièrement, demeure une restriction adéquate et proportionnée à sa liberté personnelle, compte tenu du risque de rechute retenu par les experts et du risque de récidive d'infractions pénales qui pourrait en découler.

Il en résulte que c'est à bon droit que le TMC a à nouveau prolongé les mesures de substitution critiquées.

3. 3.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte.

3.2. L'art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1). La diligence consacrée à une instruction pénale ne s'apprécie pas seulement à l'aune du nombre ou de la fréquence des audiences d'instruction (ACPR/339/2020 du 22 mai 2020 consid. 5.2.; ACPR/196/2018 du 4 avril 2018 consid. 5.2.; ACPR/373/2013 du 7 août 2013 consid. 3.3.). On ne saurait ainsi reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure.

3.3. En l'espèce, le recourant critique la durée de la prolongation ordonnée – alors que l'instruction était terminée –, arguant que dans sa précédente ordonnance du 9 décembre 2024, le TMC avait fixé celle-ci à 4 mois, comme requis par le Ministère public. À le suivre, le Ministère public aurait ensuite tardé à rédiger son acte d'accusation.

Le grief est infondé. Comme relevé par le Ministère public, la prolongation des mesures de substitution sollicitée en décembre 2024 avait pour but de lui permettre de rédiger les actes finaux, lesquels ne se limitaient pas au seul acte d'accusation. Or, ils l'ont été peu de temps après l'échéance de la prolongation octroyée au 8 avril 2025, de sorte qu'on ne décèle pas de violation crasse du principe de la célérité sous cet angle, comme voudrait le faire accroire le recourant, qui ne prend du reste aucune conclusion dans ce sens.

Sous l'angle de la durée de la procédure en général, le Ministère public reconnaissant que l'instruction avait connu certains temps morts, il appartiendra au juge du fond saisi d'en tirer les éventuelles conséquences en termes de devoir de célérité.

Ce nonobstant, le recourant a été renvoyé en jugement et l'audience est désormais fixée du 1er au 5 septembre prochain.

Cette date était inconnue du premier juge lorsqu'il a rendu son ordonnance querellée. Partant, il n'y a pas lieu (art. 212 al. 3 CPP) de prolonger les mesures de substitution à la détention du recourant au-delà des quelques jours qui pourraient, éventuellement, être nécessaires à une nouvelle demande de prolongation, si la procédure devait connaître un retard imprévu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_405/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3 ; ACPR/941/2020 du 30 décembre 2020 consid. 6). Le recours sera dès lors admis sur ce point.

L'ordonnance querellée sera ainsi annulée en tant qu'elle prolonge les mesures de substitution pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 8 octobre 2025 (ch. 2 du dispositif) et sera confirmée pour le surplus. Cela étant, la prolongation des mesures de substitution sera ordonnée jusqu'au 15 septembre 2025.

4. Le recourant, qui n'obtient pas gain de cause, dès lors qu’il succombe sur ses conclusions, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. Corrélativement, aucun dépens n'est dû (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2). 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle prolonge les mesures de substitution pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 8 octobre 2025 (ch. 2).

Dit que les mesures de substitution sont prolongées jusqu'au 15 septembre 2025, à charge de la Direction de la procédure d'en requérir la prolongation si elle l'estime nécessaire.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui ses conseils, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21600/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00