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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24730/2024

ACPR/333/2025 du 07.05.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RÉOUVERTURE DE L'ENQUÊTE
Normes : CPP.323.al1; CPP.310.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24730/2024 ACPR/333/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 7 mai 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de reprise de la procédure préliminaire rendue le 7 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 17 mars 2025, A______ recourt contre la décision rendue le 7 mars 2025, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la reprise de la procédure préliminaire P/24730/2024. La recourante conclut à sa reprise afin qu'une expertise médicale soit ordonnée aux fins d'attester de sa version des faits.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 800.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a déposé plainte pénale à la police en date du 19 août 2024 contre B______, son ex-compagnon avec lequel la relation s'était dégradée depuis juillet 2023, les disputes étant quotidiennes. Elle lui reprochait de l'avoir, le 26 juillet 2024, vers 01h45, alors qu'ils étaient de retour de vacances au Portugal et qu'il avait arrêté son véhicule dans un rond-point à proximité de C______ [VD], s'étant déplacé du côté passager, saisie avec ses deux mains et projetée hors de la voiture alors qu'il tentait, sans succès, de lui prendre des mains son téléphone portable. Elle était tombée sur sa jambe droite qui avait cédé. Devant son insistance, il l'avait amenée aux urgences de l'hôpital de C______. Elle avait subi une fracture de la cheville, du tibia et du genou. Transférée aux HUG dans la journée, elle y était restée en convalescence jusqu'au 16 août 2024. En rentrant dans son appartement, dont son ex-compagnon avait les clés, elle s'était rendue compte qu'il lui avait dérobé CHF 94'000.- (94 X 1'000.-) hérités de son père et cachés dans un sac en papier dans une chambre fermée à clé. Il lui manquait également un collier et quatre chaînes en or avec des pendentifs, deux pendentifs en or, deux alliances en or, deux paires de boucles d'oreille en or, une montre, un smartphone de marque "D______", une valise de couleur noire et une carte bancaire de [la banque] E______. Elle avait appelé cette banque qui lui avait indiqué que six retraits avaient été opérés à son insu lors du séjour au Portugal, pour un total de EUR 1'683.91 retirés au bancomat. Elle avait tout payé sur place lors de leurs vacances. B______ l'avait menacée de s'en prendre à des membres de sa famille lors d'appels téléphoniques d'amis masculins et si elle déposait plainte suite à son agression à C______. Personne n'avait jamais été témoin de leurs disputes, ni des faits à C______. Sa famille avait été stupéfaite d'apprendre qu'elle subissait des violences verbales, son ex-compagnon apparaissant comme un parfait gentleman. Elle avait bloqué son numéro de téléphone et c'était lui qui était en ligne lorsque, à une reprise, elle avait répondu à un appel masqué. Elle en recevait quotidiennement. Un jour, il avait essayé de l'appeler à 130 reprises.

À l'appui de sa plainte, A______ a déposé un extrait des positions de son compte à [la banque] E______ entre le 10 juillet et le 19 août 2024, dont le solde initial était de CHF 21'870.65 et, final, de CHF 20'186.74 ainsi qu'un bilan fonctionnel de physiothérapie de sortie du 16 août 2024 des HUG, outre une prescription de physiothérapie.

b. Entendu par la police en tant que prévenu de vol, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, de violences conjugales, incluant des injures, des menaces et une utilisation abusive d'une installation de télécommunication, ainsi que de lésions corporelles graves, le 30 septembre 2024, B______ a contesté les faits. Les disputes avec A______ étaient uniquement verbales. Lors du retour du Portugal, elle avait, sans son accord, pris son propre téléphone portable en le tapant contre le tablier de la voiture. Il lui avait dit qu'elle allait le casser et devoir le repayer. Aux environs de H______ [FR], elle avait ouvert la portière du véhicule en voulant se jeter sur l'autoroute. Il avait pu bloquer les portes. À la sortie de C______, il s'était arrêté juste avant d'entrer dans le rond-point. À ce moment, elle avait pris son téléphone et ouvert sa portière en le lançant par terre pour le casser. Il était sorti de la voiture, dont il avait fait le tour, pour la rejoindre. Chacun avait tiré sur le téléphone et elle était tombée en arrière, perdant l'équilibre car le terrain était en pente. Il l'avait amenée aux urgences où elle avait déclaré qu'il l'avait poussée intentionnellement, ce qui était faux. Il détenait les clés de l'appartement de A______ depuis le 28 juillet 2024 et, le 9 août, elle lui avait dit de s'y installer de sorte qu'il avait résilié le bail de son propre appartement. Le 13 août suivant, elle lui avait demandé de quitter les lieux et lui rendre les clés, dont il n'était pas seul détenteur. Il l'avait entendue dire à un employeur qu'elle avait perdu l'équilibre en sortant de la voiture, ce qu'elle avait également déclaré à son assureur. Il ne lui avait rien dérobé. Le téléphone portable était le sien, l'abonnement étant au nom de A______. Celle-ci lui avait remis sa carte bancaire et son code pour retirer de l'argent durant leurs vacances au Portugal. Elle avait toujours été avec lui lors des retraits. Il ne l'avait jamais menacée, ni insultée, ni ne l'avait appelée à 130 reprises.

c. Par ordonnance de non-entrée en matière du 28 octobre 2024, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte. Le contexte conflictuel entre les parties imposait de considérer avec prudence leurs allégations pour ne retenir que celles soutenues par des éléments objectifs. Les allégations de A______ n'étaient corroborées par aucun moyen de preuve, les versions des faits étant entièrement contradictoires. Il en allait ainsi tant des lésions corporelles, que de l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, de vol, de contrainte ou de menaces.

L'intéressée n'a pas recouru contre cette décision.

d. Par courrier du 11 février 2025, A______ a demandé au Ministère public de "rouvrir" son cas et donner suite à sa plainte en lui communiquant un nouvel élément, soit une attestation du Dr F______ des HUG datée du 31 janvier 2025, indiquant que la fracture diagnostiquée était compatible avec le mécanisme décrit par sa patiente, soit une chute suite à un geste agressif de son ex-compagnon, ainsi qu'un rapport de consultation aux HUG daté du 30 juillet 2024 mentionnant "Dans un contexte de conjugopathie, la patiente a été poussée et présente une impotence fonctionnelle de son membre inférieur droit …". Étaient également annexés, un compte rendu opératoire daté du 29 juillet 2024, trois courriers d'employeurs mettant fin au contrat de travail de A______ en raison de sa longue indisponibilité, diverses photographies d'écrans de téléphones portables au sujet d'échanges datant de septembre et octobre 2024 et divers documents médicaux, outre des factures de location de béquilles.

C. Dans son ordonnance de refus de reprise de la procédure préliminaire du 7 mars 2025, le Ministère public a relevé que les versions des parties étaient contradictoires s'agissant des raisons de la chute ayant causé la fracture constatée médicalement. Le document émis par le Dr F______ faisait état d'une hypothèse sur l'origine de la chute de la plaignante et ne constituait pas un moyen de preuve nouveau permettant d'imputer au prévenu une responsabilité pénale.

D. a.a. Dans son recours, A______ relève n'avoir jamais jusque-là produit le certificat du Dr F______, lequel bénéficiait d'une "confiance certaine" et d'une présomption d'exactitude. "L'art. 157 CPC" permettait au juge, en cas de doute, l'audition de l'auteur de l'attestation médicale, voire d'ordonner une expertise. La procédure devait être reprise pour qu'une expertise médicale soit établie afin d'attester sa version des faits.

a.b. Le 31 mars 2025, A______ a adressé à la Chambre de céans neuf courriers, auxquels étaient joints différents documents dont certains déjà versés à la procédure, dénonçant dans les deux premiers le comportement manipulateur et menaçant de B______, revenant dans le troisième sur le vol du 12 juillet 2024 qu'elle avait dénoncé, faisant état d'une surveillance numérique et d'intrusion dans ses comptes personnels dans le quatrième, qu'elle s'était sentie obligée de changer la serrure de son appartement dans le cinquième, de violation de sa vie privée, de menaces et d'intimidations dans le sixième, de comportements violents, contrôlants et malhonnêtes de B______ dans le septième et d'harcèlement en ligne et diffamation publique de la part de ce dernier dans le huitième. Elle ne connaissait pas l'adresse du précité au Portugal. Le même jour, un courrier signé de I______, fille de la précitée, a également été adressé à la Chambre de céans.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. Il est communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5 ; ACPR/373/2022 du 22 mars 2022) ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385).

2.2. Les courriers de la recourante du 31 mars 2025 ne faisant que compléter son recours, les faits décrits étant d'ailleurs partiellement distincts de ceux contenus dans sa plainte, il n'en sera pas tenu compte au vu de ce qui précède. Les annexes au recours du 17 mars 2025 étant, pour leur part, antérieures au dépôt de celui-ci, elles ne consacrent pas des faits ou des moyens de preuve nouveaux et n'apportent, en tout état, aucun élément pertinent à la cause.

Il n'en sera donc pas tenu compte également.

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             4.1.1. Selon l'art. 323 al. 1 CPP, le ministère public ordonne la reprise d'une procédure préliminaire close par une ordonnance de classement entrée en force s'il a connaissance de nouveaux moyens de preuves ou de faits nouveaux si ceux-ci révèlent une responsabilité pénale du prévenu (let. a) et s'ils ne ressortent pas du dossier antérieur (let. b).

Ces deux conditions doivent être cumulativement remplies et supposent que les faits ou les moyens de preuve concernent des événements antérieurs à la décision de classement, soit à la décision sur laquelle l'autorité entend revenir (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 197; arrêts du Tribunal fédéral 6B_653/2016 du 30 mars 2017 consid. 2.2.2; 6B_1015/2013 du 8 avril 2014 consid. 5.1).

Cet article vise une sorte de "révision étroite" : seuls deux motifs (applicables de manière cumulative) exhaustivement énumérés dans la loi peuvent ouvrir la révision (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 323).

4.1.2. En raison du renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP, les conditions pour la reprise de la procédure posées à l'art. 323 al. 1 CPP s'appliquent également à la procédure close par une ordonnance de non-entrée en matière. Dans ce dernier cas, les conditions de la reprise sont cependant moins sévères qu'en cas de reprise après une ordonnance de classement (ATF 141 IV 194 consid. 2 p. 196; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1135/2016 du 24 novembre 2017 consid. 3.1 et 6B_1015/2013 du 8 avril 2014 consid. 5.1).

4.1.3. Les moyens de preuves sont nouveaux s'ils étaient inconnus au moment de rendre l'ordonnance de classement ou de non-entrée en matière. Ce qui est décisif est de savoir si des informations pertinentes figuraient déjà au dossier ou non. Les moyens de preuve ne sont pas considérés comme nouveaux s'ils ont été cités, voire administrés, lors de la procédure close, sans être toutefois complètement exploités. En revanche, un fait ou un moyen de preuve sera qualifié de nouveau lorsque le ministère public ne pouvait pas en avoir connaissance dans la procédure antérieure, même en ayant fait montre de la plus grande diligence (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 197 s.).

4.2. En l'espèce, au regard des principes susvisés, force est de constater que la décision du Ministère public ne prête pas le flanc à la critique.

En effet, la recourante ne fait valoir aucun moyen nouveau dans sa chronologie des faits. Elle a déjà invoqué les motifs ayant, selon elle, causé sa chute. L'attestation du Dr F______ ne fait que rapporter sa version des faits en se fiant à ses explications, étant rappelé que c'est bien sa chute qui lui a causé une fracture de la jambe droite, sans que les circonstances de celle-ci ne soient plus éclaircies par l'attestation produite.

Tout en se référant à l'art. 157 CPC, pendant civil de l'art. 10 al. 2 CPP, la recourante requiert une expertise médicale. Or, l'on ne voit pas en quoi une telle expertise portant sur la fracture de sa jambe droite serait de nature à conforter sa version des faits, étant relevé que l'existence de la chute à l'origine de la fracture est admise tant par la recourante que par le prévenu, seules ses causes étant litigieuses. A cela s'ajoute qu'elle aurait pu solliciter le cas échéant une telle expertise en recourant contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 28 octobre 2024, ce qu'elle n'a pas fait.

5.             Compte tenu de ce qui précède, il n'existe pas de motif qui justifie la reprise de la procédure préliminaire, même à l'aune des conditions assouplies de l'art. 323 CPP pour une procédure close par une non-entrée en matière. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.-, y compris un émolument pour la présente décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 800.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Monsieur Vincent DELALOYE, juge; Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24730/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00