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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/5/2025

ACPR/238/2025 du 26.03.2025 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE RÉCIDIVE;ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE
Normes : CP.59.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/5/2025 ACPR/238/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 mars 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de Curabilis, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre la décision d'exécution d'une mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé rendue le 20 décembre 2024 par le Service de la réinsertion et du suivi pénal (SRSP – anciennement SAPEM),

et

LE SERVICE DE LA RÉINSERTION ET DU SUIVI PÉNAL, route des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 janvier 2025, A______ recourt contre la décision du 20 décembre 2024, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a ordonné l'exécution en milieu fermé de la mesure institutionnelle prononcée contre lui le 2 juillet 2024 (art. 59 al. 3 CP).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique, principalement à l'exécution en milieu ouvert de la mesure thérapeutique institutionnelle ordonnée et, subsidiairement, au renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision dans ce sens.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______, ressortissant du Burkina Faso, né le ______ 1987, a, par jugement du Tribunal correctionnel du 21 mai 2021 (JTCO/52/2021), puis par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 21 octobre 2021 (AARP/416/2021), confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 24 juillet 2023 (7B_72/2022), été reconnu coupable de contrainte sexuelle, viol, infraction à la loi sur les armes et consommation de stupéfiants et condamné, en dernier lieu, à une peine privative de liberté de quatre ans (sous déduction de 444 jours de détention avant jugement), l'autorité d'appel ayant renoncé, pour le surplus, à prononcer son expulsion.

a.b. Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 14 décembre 2020, rendu dans le cadre de l'instruction, A______ présentait une schizophrénie paranoïde, estimée légère, et une utilisation nocive pour la santé d'alcool et de cannabis, d'intensité moyenne.

Au moment des faits, il ne se trouvait pas en état de décompensation psychique, de sorte qu'une responsabilité entière avait été retenue et qu'aucune mesure thérapeutique n'avait été préconisée. Le risque de récidive de violences en général, physiques ou sexuelles, avait été évalué comme moyen. Ce risque existait même en dehors de toute décompensation mentale, dès lors qu'il était reproché à l'expertisé des comportements violents alors qu'il se trouvait dans une période de stabilité psychique.

b. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon le 6 août 2020, avant d'être transféré à l'Établissement fermé de La Brenaz (ci-après : La Brenaz) le 11 janvier 2023.

Du 5 au 19 décembre 2023, il a dû être hospitalisé à l'Unité Hospitalière de Psychiatrie Pénitentiaire de Curabilis, à la suite d'une décompensation psychotique marquée par des troubles du comportement hétéro-agressif et inadapté avec des propos menaçants et insultants.

Depuis le 7 octobre 2024, il se trouve à l'Établissement pénitentiaire fermé de Curabilis (ci-après : EPFC ou Curabilis).

c. Dans le cadre de l'examen de la libération conditionnelle de A______, les rapports suivants ont notamment été établis :

c.a. Le 22 avril 2024, le Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI) a rendu une évaluation criminologique, selon laquelle A______ présentait un risque modéré de réitération de violence sexuelle, se classant à un niveau de risque au-dessus de la moyenne des délinquants sexuels. L'aspect sexuel dans ses relations ressortait de manière prépondérante dans son discours. Eu égard aux éléments susceptibles de le protéger d'une éventuelle récidive violente et/ou sexuelle, il présentait un niveau de protection modéré, en tenant compte du cadre contrôlant apporté par la détention qui diminuait l'accès à de potentielles victimes. Dans le contexte d'un retour à l'extérieur, le risque serait supérieur à la moyenne.

L'absence de considération des faits ‒ tels que retenus par la justice ‒ par l'intéressé demeurait problématique et il était regrettable qu'il ne fût pas engagé dans un travail thérapeutique autour des relations interpersonnelles. Sa stabilité psychique était essentielle en vue de diminuer le risque général de violence. La consommation de stupéfiants et d'alcool pouvait nuire à cette stabilité.

c.b. Le 17 juin 2024, un nouveau rapport d'expertise a été établi, lequel a confirmé les diagnostics de schizophrénie, désormais estimée "moyenne", et de consommation nocive épisodique de cannabis et d'alcool, actuellement en rémission dans un milieu protégé, tout en ajoutant celui de trouble modéré de la personnalité.

Malgré le suivi psychiatrique et le traitement régulier instauré, ainsi que l'hospitalisation en milieu psychiatrique intervenue en décembre 2023, l'état psychique de l'expertisé n'était pas complètement stabilisé. Même s'il n'y avait pas de signe aigu de décompensation psychotique floride, il présentait une tension interne et une irritabilité récurrentes, avec des propos hétéro-agressifs ciblés envers certains intervenants, dont le Dr C______, et une tendance répétée à interpréter de manière paranoïaque les évènements et les intentions des autres.

L'intéressé avait notamment des difficultés récurrentes de maîtrise de soi, avec des comportements hétéro-agressifs tant durant les épisodes de décompensation psychotique qu'en dehors, une incapacité à assumer sa responsabilité ainsi qu'un manque de culpabilité vis-à-vis de ses passages à l'acte. Il faisait preuve d'une très bonne estime de lui-même et d'un manque d'empathie accentué. Ces éléments faisaient partie des traits d'une personnalité dyssociale. Le positionnement de l'expertisé vis-à-vis des actes pour lesquels il avait été condamné restait globalement superposable par rapport au début de son incarcération. Il attribuait en particulier les faits à des causes externes, telles que l'ambiguïté de la victime, le racisme de la part des autorités ou l'incompétence de ses avocats.

Le risque de récidive de violence générale était désormais considéré comme moyen à élevé, tandis que celui d'infractions sexuelles demeurait moyen. Cette dégradation du risque de récidive avait eu lieu alors que l'expertisé était placé en milieu protégé (la prison), avec la garantie de la prise du traitement psychotrope et de la poursuite de son suivi psychiatrique, ainsi qu'avec une limitation de l'accès à l'alcool et aux produits stupéfiants.

En cas d'assouplissement du régime, comme l'octroi de congés ou en cas de libération, l'expertisé serait confronté à des facteurs de risque supplémentaires, dont l'insécurité du cadre de vie, la facilité de l'accès aux produits toxiques ‒ lui-même manifestant l'intention de reprendre la consommation d'alcool et de continuer la consommation de cannabis une fois libéré ‒, l'insécurité du suivi psychiatrique ‒ l'expertisé s'étant déjà montré peu compliant, voire agressif envers les soins psychiatriques par le passé ‒. La consommation d'alcool avait parfois engendré des conséquences néfastes sur son comportement et celle de cannabis avait probablement joué un rôle précipitant pour les épisodes de décompensation psychotique.

Au vu des risques de récidive présentés par l'expertisé, corrélés tant à sa schizophrénie qu'à son trouble de la personnalité, et nécessitant l'adaptation de son traitement psychotrope actuel en surveillance rapprochée, une mesure thérapeutique en milieu institutionnel était indiquée. À cet égard, il apparaissait prématuré de préconiser un milieu institutionnel ouvert, où l'expertisé présenterait une haute probabilité de recommencer la consommation de substances toxiques pouvant interférer avec les adaptations du traitement psychotrope et avec l'évaluation clinique globale, tout en augmentant le risque de passage à l'acte par l'effet désinhibiteur associé. De ce fait, un milieu institutionnel fermé était préconisé.

L'expertisé avait manifesté le souhait de rentrer au Burkina Faso d'ici 2027, en relevant que ce qui lui était arrivé en Suisse (soit le fait d'être accusé de viol) n'aurait pas pu lui arriver dans son pays d'origine et qu'il n'aurait, là-bas, plus besoin de soins psychiatriques, étant "schizophrène seulement en Suisse". Un tel voyage risquait de limiter son adhésion réelle aux suivis préconisés.

d. Par jugement du 2 juillet 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de A______, ordonné qu'il soit soumis à une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP et suspendu le solde de la peine restante d'un mois au profit de cette mesure.

e. D'après le rapport du SAPEM du 28 août 2024, faisant suite au compte-rendu de réseau du 30 juillet 2024, malgré la stabilité actuelle de l'état psychique de l'intéressé et le bon comportement adopté en détention durant l'année, l'orientation probable pour l'exécution de la mesure de traitement institutionnel était, dans un premier temps, un milieu fermé, auprès de Curabilis. Les enjeux sécuritaires venaient en effet nuancer l'évolution favorable du concerné, laquelle était de surcroît récente. Une évaluation globale de la situation devait encore être toutefois effectuée avant la prise d'une décision à ce sujet.

f. Dans son rapport d'évaluation du 9 septembre 2024, faisant suite à son entretien avec A______ le 21 août précédent, le Service des mesures institutionnelles (ci-après : SMI) a indiqué partager les conclusions de l'expertise du 17 juin 2024.

Il était notamment nécessaire de placer l'intéressé en milieu fermé, à Curabilis, afin de garantir une meilleure stabilisation de la psychopathologie, d'assurer l'adhésion au traitement et de travailler les aspects addictologiques.

g. Selon le rapport socio-judiciaire établi par le SPI le 3 septembre 2024, le suivi socio-judiciaire de A______ s'était avéré fluctuant en fonction de son état de santé psychique, duquel découlaient son comportement relationnel et sa collaboration. En particulier, fin 2023, sa santé s'était altérée et il avait traversé une période de tensions. Il avait alors présenté un comportement agressif verbalement, notamment envers le personnel féminin, de sorte que les entretiens avaient dû se dérouler en présence d'un gardien.

Cela étant, depuis quelques mois, il se comportait de façon adaptée en entretien et se disait volontaire au sujet de son suivi thérapeutique. Son changement de traitement médicamenteux semblait permettre une meilleure adaptation à son environnement et une baisse des tensions internes. Le SPI n'était cependant pas à même d'évaluer la durée nécessaire de compliance aux soins pour que l'état de l'intéressé soit considéré comme stabilisé. Néanmoins, il pouvait en l'état supposer que A______ pourrait démontrer sa stabilité psychique, tant dans son traitement médical que dans son schéma relationnel, dans le cadre d'une mesure institutionnelle en milieu ouvert, lui permettant également de travailler sur son rapport aux faits.

h. D'après le rapport de La Brenaz du 11 septembre 2024, A______ avait fait l'objet de cinq sanctions disciplinaires en 2023, notamment pour comportement inadéquat et violence physique ou verbale à l'égard de codétenus. En 2024, son comportement s'était amélioré. Ses rapports avec les autres détenus et le personnel étaient corrects. Il semblait faire confiance au personnel médical. Les tests toxicologiques effectués le 8 août 2024 s'étaient avérés positifs au cannabis et aux benzodiazépines.

A______ pouvait être maintenu à La Brenaz, bien que, sur le long terme, il serait plus intéressant pour lui d'être placé dans un établissement mieux adapté à la prise en charge de sa mesure.

i. Dans son rapport du 8 octobre 2024, le Service de médecine pénitentiaire (ci-après : SMP) indique que A______ avait débuté un suivi psychiatrique avec le Dr C______ lors de son incarcération à La Brenaz. Le lien thérapeutique s'était instauré avec difficulté, le patient ayant fréquemment adopté une attitude agressive et dénigrante.

Depuis janvier 2024, le suivi psychiatrique était assuré par le Dr D______ et un lien thérapeutique avait pu s'instaurer. La compliance au traitement psychotrope était notamment bonne et le patient parvenait davantage à critiquer et remettre en question les délits reprochés. Son attitude agressive et dénigrante à l'encontre de son précédent psychiatre [le Dr C______], s'était progressivement affaiblie, avant de disparaître lors de la rencontre du 20 septembre 2024.

Les objectifs thérapeutiques visés étaient le maintien de la stabilité psychique de l'intéressé, son engagement dans un processus psychothérapeutique au long cours favorisant la compréhension de ses troubles et l'adhésion aux soins ainsi qu'un travail thérapeutique sur la reconnaissance des délits.

Le transfert de l'intéressé dans un établissement était préconisé en vue d'avoir une prise en charge plus intensive sur la problématique psychiatrique et améliorer la réinsertion.

j. Dans ses observations du 4 novembre 2024, le Ministère public a considéré qu'un traitement institutionnel en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP apparaissait nécessaire dans un premier temps, eu égard notamment à la dernière expertise psychiatrique et au rapport d'évaluation du SMI du 9 septembre 2024.

k. Le rapport de La Brenaz du 28 novembre 2024 a confirmé une amélioration significative du comportement de A______ avant son transfert.

l. Dans ses observations du 2 décembre 2024, A______ a soutenu qu'il n'était pas nécessaire de prononcer un traitement institutionnel en milieu fermé pour garantir une meilleure stabilisation de sa psychopathologie et s'assurer de la poursuite de son traitement médical, car il était déterminé à le suivre, dès lors qu'il en ressentait les bénéfices et admettait en avoir besoin. Du reste, dans son rapport du 8 octobre 2024, soit postérieurement à la seconde expertise, le SMP avait constaté qu'un lien thérapeutique avait pu s'instaurer depuis janvier 2024 et qu'il se montrait preneur des soins proposés. Il s'engageait à respecter strictement le cadre instauré d'un traitement institutionnel en milieu ouvert.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM retient qu'un placement de A______ en milieu fermé était indispensable pour traiter de manière adéquate ses troubles et garantir la sécurité publique, au vu des risques de récidive et de fuite.

S'agissant du risque de récidive, à teneur de l'évaluation criminologique, A______ se classait à un niveau de risque au-dessus de la moyenne des délinquants sexuels. Selon l'expertise psychiatrique du 17 juin 2024, une dégradation du risque de récidive était intervenue depuis l'examen du 14 décembre 2020, alors même que le précité se trouvait dans le milieu protégé de la détention. À cet égard, les criminologues avaient notamment relevé que l'intéressé minimisait ses actes et adoptait une posture victimaire, ressentant son incarcération comme une injustice.

Certes, dans son rapport du 8 octobre 2024, le SMP avait fait état d'une évolution satisfaisante sur le plan thérapeutique et, dans ses observations du 2 décembre 2024, le recourant affirmait être déterminé à poursuivre son traitement, disant en ressentir les bénéfices et en comprendre la nécessité. Une évolution favorable au niveau comportemental avait par ailleurs été constatée à La Brenaz. Cette évolution positive ‒ somme toute récente ‒ nécessitait d'être consolidée.

En effet, les criminologues avaient observé que l'aspect sexuel de ses relations sentimentales passées ressortait de manière prépondérante dans le discours de A______, qu'il avait eu des attitudes inadaptées envers le personnel, notamment féminin, outre les sanctions disciplinaires dont il avait fait l'objet au cours de sa détention, et que sa collaboration avec les thérapeutes n'avaient pas toujours été régulière par le passé. Les experts psychiatres avaient, quant à eux, constaté des difficultés récurrentes de maîtrise de soi chez le prénommé, avec des propos et des comportements hétéro-agressifs tant durant les épisodes de décompensation psychotique qu'en dehors, une incapacité à assumer sa responsabilité, un manque de culpabilité, une interprétation délirante et une irritabilité. Lors de son entretien d'évaluation avec le SMI, l'intéressé n'avait pas souhaité revenir sur les faits et avait eu un discours empreint d'hostilité à l'égard de l'ensemble des intervenants. La nosognosie de A______ n'était par ailleurs que partielle, ce dernier ne reconnaissant sa pathologie et n'acceptant de suivre un traitement médicamenteux que sur le territoire suisse, et étant opposé à la mesure pénale. Il ressortait enfin de la dernière expertise psychiatrique que A______ faisait preuve d'ambivalence quant à ses consommations d'alcool et de cannabis, les identifiant comme des risques principaux de récidive, tout en n'envisageant pas de s'en passer. Il était ainsi prématuré, tant que l'état psychique de l'intéressé n'était pas totalement stabilisé, de prononcer son placement en milieu ouvert, étant donné la haute probabilité qu'il recommence à consommer des substances toxiques, ce qui pouvait interférer avec son traitement psychotrope et l'évaluation clinique globale, tout en augmentant le risque de passage à l'acte par l'effet désinhibiteur associé.

Eu égard au risque de fuite, quand bien même, d'après l'évaluation criminologique, le recourant comptait demeurer en Suisse à sa sortie de détention, sa situation administrative était en cours d'examen auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) et une décision de renvoi n'était pas à exclure. Or, dans cette éventualité, les criminologues estimaient que le recourant pourrait chercher à se soustraire au contrôle des autorités. En outre, un risque de fuite serait davantage présent en cas de recrudescence de la problématique psychique et, partant, d'une certaine impulsivité dans ses comportements, ce d'autant que, d'après l'expertise psychiatrique du 17 juin 2024, l'état psychique de l'intéressé n'était pas stabilisé, malgré une évolution favorable.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir qu'un placement en milieu ouvert lui permettrait d'avoir un contact plus régulier avec sa famille ‒ ses parents étant, dans un tel cas, disposés à le rejoindre en Suisse et à l'aider dans sa réinsertion, notamment sur le plan financier ‒, de commencer sa réinsertion dans la société et de débuter une nouvelle vie.

Contrairement à ce qu'avait considéré le SAPEM, il n'avait jamais adopté de posture victimaire concernant son incarcération, mais avait eu de la peine à accepter qu'une expertise soit ordonnée quelques semaines avant sa libération conditionnelle et que celle-ci retienne la nécessité d'ordonner une mesure. Ce constat aurait pu être effectué plus tôt, ce qui aurait permis une modification plus rapide de sa prise en charge médicale et de son traitement. Cela étant, il acceptait toutes les modifications recommandées, faisant confiance aux professionnels assurant son suivi.

C'était lors de crises de décompensation psychotique qu'il avait démontré une attitude inadaptée envers le personnel, notamment féminin, des comportements hétéro-agressifs et une incapacité à assumer sa responsabilité. Cela n'était toutefois plus arrivé depuis la modification de son suivi médical et de son traitement ainsi que son placement à Curabilis. Une amélioration de son comportement était même intervenue antérieurement, tel que l'avait constaté l'établissement de La Brenaz dans son rapport du 28 novembre 2024.

Eu égard à sa consommation passée d'alcool et de cannabis, il était abstinent depuis plusieurs années, alors que les détenus étaient notoirement exposés au risque de consommation de substances nocives.

Dans la mesure où il ne s'était jamais opposé aux différents traitements, ni à leur modification, et avait accepté son placement à Curabilis, il n'y avait pas lieu de retenir qu'il risquait de se soustraire à son traitement ou de refuser de le poursuivre en cas de placement en milieu ouvert. Du reste, le SPI avait estimé qu'il pourrait démontrer sa stabilité psychique dans le cadre d'une mesure institutionnelle en milieu ouvert.

Le Ministère public avait préconisé le prononcé d'une mesure institutionnelle en milieu fermé en se référant aux divers avis émis en ce sens, sans davantage motiver sa position.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent.

1.2. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de l'institution et du numérique (DIN), ses offices et ses services (art. 42 al. 1 let. a LaCP). Les procédures de recours sont notamment régies par les art. 379 à 409 CPP (art. 42 al. 3 LaCP).

1.3. La loi ne désigne pas l'autorité compétente pour ordonner le placement en milieu fermé selon l'art. 59 al. 3 CP. Selon la jurisprudence, le choix du lieu d'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle constitue une modalité d'exécution de la mesure qui relève de la compétence de l'autorité d'exécution. Aussi, la compétence de placer le condamné dans une institution fermée ou un établissement pénitentiaire appartient à l'autorité d'exécution (ATF 142 IV 1 consid. 2.5; ACPR/679/2023 du 30 août 2023 consid. 3.1).

1.4. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 5 al. 2 let. l et 40 al. 1 LaCP ; art. 10 al. 1 let. i Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision déférée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant conteste l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle ordonnée à son encontre en milieu fermé.

3.1.1. Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

En principe, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il peut toutefois aussi s'effectuer dans un établissement fermé, tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

3.1.2. L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Il doit s'agir d'un risque qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts du Tribunal fédéral 7B_883/2023 du 4 mars 2024 consid. 2.2.3; 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1; 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.2).

Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise la dangerosité interne du prévenu. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Au regard du principe de la proportionnalité, le placement dans un établissement fermé ne peut être ordonné, respectivement maintenu, que lorsque le comportement ou l'état du condamné représente une grave mise en danger pour la sécurité et l'ordre dans l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1216/2018 du 16 janvier 2019 consid. 1.1; 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B 319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1).

3.2.       En l'espèce, le SAPEM justifie le placement du recourant en milieu fermé en raison de l'existence des risques de récidive et de fuite.

En l'occurrence, il est établi par l'expertise du 17 juin 2024, et non contesté, que le recourant présente une schizophrénie, désormais évaluée moyenne, une consommation nocive épisodique de cannabis et d'alcool, actuellement en rémission dans un milieu protégé, ainsi qu'un trouble modéré de la personnalité. Aussi, par rapport à l'expertise de 2020, les experts ont décelé "une dégradation" du risque de récidive, alors même que l'intéressé était placé en milieu protégé, ce qui garantissait l'administration de son traitement psychotrope, la poursuite du suivi psychiatrique et une limitation de l'accès à l'alcool et aux produits stupéfiants.

L'évaluation criminologique rendue le 22 avril 2024 par le SPI retenait par ailleurs que A______ se classait à un niveau de risque au-dessus de la moyenne des délinquants sexuels et présentait un niveau de protection modéré, en tenant compte du cadre contrôlant apporté par la détention, qui diminuait l'accès à de potentielles victimes, mais que dans le contexte d'un retour à l'extérieur, le risque serait supérieur à la moyenne.

Ces éléments fondent un risque de récidive qualifié.

Certes, en octobre 2024, le recourant a été placé à Curabilis, établissement propre à lui offrir une prise en charge plus intensive sur le plan psychiatrique et à améliorer sa réinsertion. Cela étant, ce placement est récent et une amélioration significative du comportement de l'intéressé n'a été constatée que peu avant son transfert à Curabilis, soit à l'automne 2024 seulement.

Or, il apparaît essentiel que le recourant puisse démontrer son engagement dans le processus psychothérapeutique et la prise de son traitement ainsi qu'une stabilité de son état psychologique sur le long cours, avant qu'il puisse accéder à un milieu ouvert, où l'accès aux stupéfiants et à l'alcool – susceptible de le fragiliser ‒ serait notamment facilité. À cet égard, contrairement à ce qu'il soutient, cela ne fait pas plusieurs années qu'il se montre abstinent, puisque ses tests toxicologiques au cannabis et aux benzodiazépines se sont révélés positifs le 8 août 2024.

Compte tenu de l'importance du bien juridique menacé, à savoir l'intégrité sexuelle, la mesure respecte le principe de la proportionnalité.

Partant, le placement de l'intéressé en milieu fermé est, en l'état, justifié et proportionné, aucune autre solution n'étant, pour l'heure, susceptible de contenir le risque de récidive qualifié présenté.

Dans ces conditions, point n'est besoin d'examiner si le risque de fuite – alternatif – est réalisé.

4.             Le recours sera dès lors rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance juridique.

6.1.1. Le droit à l'assistance d'un défenseur d'office est soumis aux conditions cumulatives que le requérant soit indigent, que sa cause ne paraisse pas dépourvue de toute chance de succès et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance (cf. art. 132 al. 1 let. b et 136 al. 1 et al. 2 let. c CPP; cf. également art. 29 al. 3 Cst.). Selon la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque la situation juridique de celui-ci est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'indigent, il faut en outre que l'affaire présente des difficultés en fait et en droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (arrêt du Tribunal fédéral 1B_180/2018 du 18 juillet 2018 consid. 2.1).

6.1.2.      En l'espèce, la condition de l'indigence est acquise.

Nonobstant l'issue de la cause, la présente affaire présentait des difficultés juridiques propres à justifier l'intervention d'un avocat, compte tenu de l'enjeu et des circonstances particulières.

La requête tendant à la désignation d'un avocat d'office sera, partant, admise.

6.2.1.      La procédure étant ici close (art. 135 al. 2 CPP), des dépens seront alloués à l'avocat d'office.

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Selon l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

6.2.2.      En l'espèce, le recourant n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours, ni chiffré ses prétentions. Eu égard à l'activité déployée (un recours d'environ six pages dont quatre de discussion juridique), l'indemnité due sera fixée à CHF 648.60, correspondant à 3h00 d'activité au tarif horaire de CHF 200.- (CHF 600.-), plus la TVA de 8.1% (CHF 48.60).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Octroie l'assistance juridique à A______ pour la procédure de recours et désigne Me B______ à cet effet.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 648.60, TVA 8.1% incluse (art. 135 CPP).

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Service de la réinsertion et du suivi pénal et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/5/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

600.00