Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/122/2025 du 14.02.2025 sur ONMMP/5109/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11710/2024 ACPR/122/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 14 février 2025 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 20 novembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 2 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 novembre 2024, notifiée le 22 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 16 mai 2024 contre B______.
Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction ainsi qu'à la condamnation de B______ pour calomnie.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ fait partie de l'hoirie co-propriétaire d'un immeuble de plusieurs appartements sis rue 1______ à C______/Genève, dont un est occupé par B______. Ces derniers sont opposés dans différents conflits depuis plusieurs années.
b. Le 10 mai 2024, B______ a déposé plainte pénale contre A______, lui reprochant d'avoir, le 13 février 2024, stationné son véhicule devant sa sortie de garage, l'empêchant ainsi de faire usage de sa voiture alors qu'il devait se rendre à l'hôpital pour y retrouver sa fille qui avait subi une opération. La police, qui était intervenue, avait verbalisé A______.
Le 8 mai 2024, dans les circonstances décrites ci-dessous (c.), A______ l'avait par ailleurs bousculé, lui avait tordu le bras et l'avait attrapé "à bras le corps", puis poussé hors du jardin. Le précité avait en outre saisi le manche du râteau à feuilles que lui-même tenait à la main, pour s'en emparer, prétendant qu'il s'agissait du sien.
c. Le 16 mai 2024, A______ a déposé plainte pénale contre B______ pour entrave, agression, voies de fait, nuisances sonores excessives, violation de domicile, dommage à la propriété et vol.
En substance, le 8 mai 2024, il avait surpris B______ en train de couper l'herbe dans la partie privée de l'immeuble, soit le jardin, dont le précité avait précédemment ôté le panneau "privé". Il lui avait alors rappelé l'interdiction de pénétrer dans cette zone et lui avait enjoint de partir, ce que le précité avait refusé de faire, mais était néanmoins sorti de la zone privée pour déposer un outil. Lui-même en avait profité pour remettre le panneau "privé", mais B______ l'en avait empêché, en lui serrant la main et en la tordant. Puis, fourche à la main, B______ l'avait poussé avec son corps de façon agressive pour pénétrer à nouveau dans la partie privée. Quelques jours auparavant, il avait retrouvé ce même panneau endommagé.
Par courrier du 9 mai 2024, il avait indiqué à B______ annuler la jouissance du jardin privé, laquelle avait été convenue par la régie d'alors dans un avenant au contrat de bail, selon lui non "conforme".
Deux jours plus tard, son fils, D______, qui vivait dans le même immeuble, avait aperçu B______ installé sur des chaises dans le jardin, soit dans la partie privée. Ils avaient également constaté la disparition de deux panneaux "privé".
B______ avait de plus injurié son fils et s'était montré agressif envers ce dernier.
Il a produit en annexe à sa plainte des photographies prises par son épouse, montrant B______ debout, une fourche à la main.
d. Entendu par la police le 28 mai 2024, A______ a contesté les faits relatés par B______ dans sa plainte. Il n'avait pas poussé le précité, mais c'était l'inverse.
e. Auditionné par la police le 11 octobre 2024, B______ a contesté les faits dénoncés par A______ dans sa plainte. Il n'avait aucunement saisi le bras de ce dernier, mais avait lui-même été ceinturé. Son contrat de bail l'autorisait à jouir du jardin, de sorte qu'il n'avait commis aucune violation de domicile. Il n'avait au demeurant reçu aucun courrier de A______ lui faisant interdiction d'accéder au jardin.
f. Le 20 novembre 2024, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière pour les faits dénoncés par B______, désormais entrée en force.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les faits dénoncés, s'ils en remplissaient les éléments objectifs, pourraient être constitutifs de violation de domicile et de voies de fait.
Cela étant, s'agissant de la jouissance du jardin, il n'appartenait pas à une autorité pénale d'intervenir dans les litiges à caractère essentiellement civil.
B______ avait au surplus formellement contesté avoir tordu le bras de A______ et avoir pénétré dans le jardin sans droit, puisque son contrat de bail lui en donnait la jouissance. Au vu des déclarations contradictoires, il n'était pas possible de privilégier une version à une autre, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que le Ministère public n'avait pas tenu compte du fait que B______ tenait, le 8 mai 2024, une fourche à la main, ce qui montrait son agressivité, et effectuait des travaux dans le jardin privé "du propriétaire" sans son autorisation. Si l'avenant du contrat prévoyait que B______ pouvait jouir du jardin, il n'en demeurait pas moins qu'il ne pouvait le faire de force ni dans cette ampleur. Son épouse était au demeurant présente lors de l'altercation et avait pris des photographies. B______ avait, de plus, admis l'avoir ceinturé.
Le Ministère public avait également ignoré l'avenant au bail, du 9 mai 2024, et B______ avait commis une violation de domicile le 11 mai suivant, attestée par vidéo.
Les déclarations de ce dernier lors de son audition par la police le l1 octobre 2024 étaient de plus fausses, de sorte qu'il devait s'en plaindre et le mis en cause être "sanctionn[é] comme le prévoit la loi".
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Toutefois, il y a lieu de constater que les conclusions du recourant qui se plaint d'une calomnie ou d'une dénonciation calomnieuse contre B______ pour ses déclarations du 11 octobre 2024 sont irrecevables, puisqu'elles sont formulées pour la première fois. La chambre de céans, autorité de recours, n'est pas habilitée à les recevoir.
Le recours est également irrecevable en ce qu'il porte sur les infractions au préjudice du fils majeur du recourant, qui ne saurait être représenté par son père.
1.3. Le recours est donc recevable uniquement en tant qu'il porte sur les infractions dénoncées dans la plainte pénale du 16 mai 2024 et requalifiées d'éventuelles voies de fait et violation de domicile par le Ministère public.
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).
La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).
Une non-entrée en matière s'impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).
3.2. L'art. 126 ch. 1 CP réprime, sur plainte, les voies de fait infligées à une personne.
Constituent des voies de fait les blessures, meurtrissures, écorchures ou griffures quand elles n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).
3.3. Selon l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile quiconque, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit notamment, pénètre dans une habitation ou y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.
3.4. En l'espèce, il est constant que les déclarations du recourant et du mis en cause s'opposent. Le premier fait valoir que le second l'aurait poussé agressivement, tout en brandissant une fourche, ce que ce dernier a fermement contesté.
Contrairement à ce que soutient le recourant, les photographies prises par son épouse ne permettent aucunement de confirmer sa version, puisqu'elles montrent uniquement le mis en cause tenant une fourche, élément non contesté. Elles ne permettent cependant pas de retenir que ce dernier aurait été menaçant ou qu'il aurait poussé le recourant, qui plus est alors qu'il tenait la fourche, de sorte à réaliser des voies de fait.
Les accusations ne reposent dès lors que sur les déclarations du recourant et sont contredites par celles du mis en cause. Ce dernier a de plus déposé plainte pénale pour les faits du 8 mai 2024, indiquant s'être lui-même fait ceinturer par le plaignant – et non l'inverse –, et n'avoir aucunement saisi son bras. En l'absence d'élément objectif permettant de favoriser une version plutôt qu'une autre, et faute de prévention pénale suffisante, le Ministère public était ainsi en droit de ne pas entrer en matière.
S'agissant de la violation de domicile, l'avenant du contrat de bail prévoit la jouissance du jardin par le locataire. Le recourant allègue certes avoir envoyé un courrier le lendemain des faits précités au mis en cause pour lui indiquer que l'avenant au contrat de bail n'était pas applicable et qu'il ne pouvait plus bénéficier de l'accès au jardin. Cela étant, comme l'a à juste titre retenu le Ministère public, il n'appartient pas à l'autorité pénale de trancher un litige de nature purement civile, c'est-à-dire de déterminer si l'avenant au contrat de bail est valable.
Enfin, ni les déclarations du recourant ni aucun autre élément au dossier ne permettent de retenir que le mis en cause aurait endommagé ou subtilisé les panneaux "privé" se trouvant à l'entrée du jardin, de sorte qu'il n'y a également ici pas d'élément suffisant pour entrer en matière, si tant est que le recourant puisse justifier d'un intérêt juridiquement protégé pour se prévaloir d'un vol ou d'un dommage à la propriété pour de telles enseignes.
Aucune nouvelle mesure d'instruction ne serait en mesure d'apporter d'élément objectif utile.
C'est ainsi à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les infractions dénoncées par le recourant.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée, par substitution de motif (arrêt du Tribunal fédéral 1B_137/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.3.), dans la mesure où il n'y a aucun empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), mais que la prévention pénale est insuffisante (art. 310 al. 1 let. a CPP).
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Messieurs Christian COQUOZ et
Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/11710/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |