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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1359/2024

ACPR/90/2025 du 29.01.2025 sur JTPM/845/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;LIBÉRATION CONDITIONNELLE;ASSISTANCE DE PROBATION;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : Cst.29; CP.86; CP.87

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1359/2024 ACPR/90/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 29 janvier 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 16 décembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case posale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 23 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a ordonné sa libération conditionnelle (chiffre 1 du dispositif), fixé la durée du délai d'épreuve à un an (ch. 4) et ordonné une assistance de probation en sa faveur durant ledit délai (ch. 3).

Le recourant demande l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Jusqu'au 30 septembre 2024, A______ purgeait, en lien avec des condamnations pour menaces et lésions corporelles simples notamment, différentes peines privatives de liberté, lesquelles, cumulées, doivent prendre fin le 9 février 2025.

b. Dès le 1er octobre 2024, à sa demande et avec l'accord du Service d'application des peines et des mesures (ci-après: SAPEM), il est entré sous le régime de la surveillance électronique.

c. Le 10 octobre 2024, A______ a adressé au SAPEM un formulaire de demande de libération conditionnelle.

À la question: "À votre libération, si vous deviez être soumis(e) à une assistance de probation, quel(s) problème(s) souhaiteriez-vous résoudre ?", il a répondu: "Aucun, j'ai un psychiatre et une psychologue qui m'aident déjà beaucoup".

d. Le 5 décembre 2024, le Service de probation et d'insertion (ci-après: SPI) a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______.

Ce dernier exprimait des regrets pour l'ensemble des faits reprochés (menaces, lésions corporelles simples notamment), expliquant qu'ils avaient eu lieu durant une période difficile de sa vie, marquée par une consommation excessive d'alcool et de cannabis, ainsi qu'un contexte conjugal conflictuel. Il avait respecté l'ensemble des conditions et règles de conduite inhérentes à son exécution de peine et s'était montré ponctuel aux convocations. Il s'était également acquitté du montant lié aux frais de détention, à raison de CHF 1.- par jour, dans les délais impartis.

Il était "opportun" de soumettre A______ à un mandat d'assistance de probation durant le délai d'épreuve, ceci pour diminuer le risque de récidive, la situation de l'intéressé demeurant fragile. Cet accompagnement, axé sur le renforcement des aspects sociaux, administratifs et financiers, était "pertinent".

e. Le 9 suivant, le SAPEM a également rendu un avis favorable, suivant l'avis du SPI à propos de l'utilité d'un mandat d'assistance de probation.

C. Dans son ordonnance, le TAPEM reprend, dans sa partie en fait, le contenu des préavis du SPI et du SAPEM et ordonne, sans autre développement, la mise en place d'une assistance de probation durant le délai d'épreuve de la libération conditionnelle.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que l'art. 95 al. 1 CP lui réservait la possibilité de se déterminer sur le rapport du 5 décembre 2024 établi par le SPI en amont de sa libération conditionnelle. Or, il n'avait pas pu prendre position sur ledit rapport, à défaut d'y être invité. Son désaccord pour la mise en place d'une assistance de probation, pourtant déjà exprimé, n'avait dès lors pas été pris en compte par le TAPEM.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3; 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363 CPP).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Dans cette mesure, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) par le condamné, qui dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification du prononcé querellé (art. 382 al. 1 CPP) en tant que la libération conditionnelle – qui lui est favorable – a été soumise à une assistance de probation.

2.             À la lecture de son acte, on comprend que le recourant reproche avant tout au TAPEM une violation de son droit d'être entendu, en tant qu'il ne tient pas compte, faute de motivation sur ce point, de son refus – exprimé sur le formulaire, le 10 octobre 2024 –, de mise en place d'une assistance de probation durant le délai d'épreuve de sa libération conditionnelle.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; 142 II 218 consid. 2.3).

2.2. La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1, arrêt du Tribunal fédéral 7B_482/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.2.1). Par ailleurs, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1296/2023 du 3 septembre 2024 consid. 4.2.1).

2.3. En l'espèce, le recourant a pu donner son avis à propos d'une assistance de probation dans le cadre du formulaire de demande de libération conditionnelle. Le fait que l'ordonnance querellée ne comporte aucune mention de ce refus ne signifie pas encore que le TAPEM n'en a pas tenu compte, mais il est vrai que l'intéressé ne peut pas savoir si tel a été le cas.

Toutefois, pour les motifs exposés plus bas, la mise en place d'une assistance de probation par le TAPEM était fondée. L'éventuelle violation du droit d'être entendu du recourant, qui a pu s'exprimer pleinement sur la mise en œuvre de cette mesure par-devant la Chambre de céans, laquelle dispose d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 CPP), a ainsi été réparé.

3.             3.1.1. L'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l’exécution de la peine ne s’y oppose pas et s’il n’y a pas lieu de craindre qu’il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits (art. 86 al. 1 CP). L’autorité compétente examine d’office si le détenu peut être libéré conditionnellement. Elle demande un rapport à la direction de l’établissement. Le détenu doit être entendu (art. 86 al. 2 CP).

3.1.2. Dans le cadre de la procédure d'examen de la libération conditionnelle, un rapport doit être requis de la part de la direction de l'établissement pénitentiaire dans lequel réside le condamné. Si la personne est en surveillance électronique, le rapport proviendra de l'autorité qui le suit dans ce cadre (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht, 4ème éd., Bâle 2019, n. 24 ad art. 86 StGB).

3.2.1. Il est imparti au détenu libéré conditionnellement un délai d'épreuve égal à la durée du solde de sa peine. Ce délai est toutefois d'un an au moins et de cinq ans au plus (art. 87 al. 1 CP). L’autorité d’exécution ordonne, en règle générale, une assistance de probation pour la durée du délai d’épreuve (art. 87 al. 2 1ère phr. CP).

3.2.2. Par "ordonne en règle générale", la loi indique qu’il s’agit bien d’une "Mussvorschrift" qui peut néanmoins faire l’objet d’une exception s’il apparaît clairement qu’une telle assistance de probation n’est pas nécessaire à ce que l’individu vive sans commettre de nouvelles infractions ou lorsqu’une raison importante s’y oppose (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 4 ad art. 87).

3.3. En l'espèce, le recourant est un probationnaire libéré conditionnellement d'une peine privative de liberté. Selon la règle de l'art. 87 al. 2 CP, son délai d'épreuve devait donc être assorti d'une assistance de probation.

En outre, le risque de récidive ne semble pas exclu à teneur des rapports du SPI et du SAPEM. C'est d'ailleurs pour pallier un tel risque que ces autorités ont préconisé la mise en place d'une telle mesure ambulatoire d'accompagnement. En outre, le recourant ne remet pas en cause l'existence de ce risque de récidive.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas de motif pour examiner plus avant une éventuelle exception à la règle susmentionnée et l'assistance de probation est, partant, justifiée.

4.             Infondé, le recours doit être rejeté et la Chambre de céans pouvait décider de le traiter d'emblée sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Les frais de la procédure seront exceptionnellement laissés à la charge de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).