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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20947/2023

ACPR/55/2025 du 17.01.2025 sur OMP/23964/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;REJET DE LA DEMANDE;CONNEXITÉ;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20947/2023 ACPR/55/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 janvier 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat, ATLAS LEGAL, boulevard des Philosophes 17, case postale 89, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de jonction rendue le 11 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de joindre la présente procédure (P/20947/2023) à la cause IGS/1______/2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique et à l'apport des dossiers des causes susvisées auprès de l'autorité intimée; principalement, à l'annulation de la décision querellée et à la jonction desdites procédures; subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ fait l'objet d'une procédure pénale P/20947/2023 dans laquelle il est prévenu de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

b. Il lui est reproché d'avoir, le 25 septembre 2023, devant l'aéroport de Genève:

- sur la voie professionnelle réservée aux taxis, au volant du véhicule automobile de marque B______, immatriculé VS 2______, omis de respecter le signal de prescription "Interdiction générale de circuler dans les deux sens";

- stationné son véhicule automobile sur une place où une interdiction de stationner était signalée;

- manifesté une virulente opposition à son interpellation par les policiers C______ et D______, en se débattant violemment, occasionnant de la sorte une plaie similaire à des dermabrasions avec quelques saignements au-dessus du sourcil droit de C______, ainsi que des lésions à D______, soit une plaie superficielle de moins de 1 cm sur le majeur de la main gauche, une dermabrasion d'environ 1 cm au niveau du coude gauche, ainsi qu'une plaie superficielle située en-dessous du genou droit de ce dernier, entravant de la sorte les policiers dans leur mission consistant à l'interpeller;

- traité C______ et D______, à plusieurs reprises, de "connards", portant de la sorte atteinte à leur honneur.

c. Le jour-même, C______ et D______ ont, en raison de ces faits, déposé plainte contre A______.

d. Selon le rapport d'interpellation du 25 septembre 2023, les policiers ont dû faire usage de la force afin de procéder à l'interpellation litigieuse.

e. Entendu par la police, A______ a principalement contesté les faits reprochés. Il ne savait pas qu'il était interdit de stationner son véhicule sur la zone de dépose rapide réservée aux professionnels. Deux policiers s'étaient dirigés vers lui et lui avaient demandé ses documents d'identité. L'un d'eux lui avait annoncé qu'une amende allait lui être infligée. Il avait demandé aux policiers de lui restituer ses documents afin qu'il puisse accompagner ses passagers à l'aéroport, en précisant qu'il reviendrait sur les lieux par la suite. Les policiers avaient refusé et l'avaient averti qu'ils l'amèneraient au poste s'il quittait les lieux. Il avait répondu qu'il les suivrait au poste de police, après avoir amené ses passagers à l'aéroport. Le policier le plus âgé avait tenté de le menotter, mais il s'y était opposé. Il (le policier) avait "tiré" ses bras et le second policier lui avait saisi ses deux bras, avant de placer une jambe entre les siennes. Le second policier et lui-même étaient tombés au sol. Il (A______) avait crié et n'avait pas voulu se laisser faire. Le premier policier l'avait maintenu au sol en plaçant un genou sur le côté gauche de sa mâchoire. Il (le recourant) avait alors dit au précité: "On n'est pas aux Etats-Unis, tu fais comme les salopards d'Américains". Cinq ou six policiers étaient ensuite arrivés en renfort et étaient parvenus à le menotter. Il n'avait ni insulté ni asséné de coup aux policiers.

f. Lors de son passage dans les locaux de la police, A______ a souhaité déposer plainte contre les policiers [C______ et D______] ayant procédé – de façon "brutale et disproportionnée" – à son interpellation.

En substance, il leur reproche de l'avoir violemment projeté au sol, avant de le maintenir à terre, genou appuyé sur son visage, ce qui lui avait occasionné diverses lésions.

g. Cette plainte a été enregistrée sous le numéro IGS/1______/2023 et confiée par le Ministère public à l'Inspection Générale des Services (ci-après, IGS).

Dans ce cadre, A______ a été entendu, le 24 novembre 2023, par un Inspecteur de l'IGS.

h. Par ordonnance pénale du 1er octobre 2024, le Ministère public a condamné A______ pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), en lien avec les faits susmentionnés.

A______ a formé opposition.

i. Le 16 octobre 2024, A______ a requis la jonction de la présente procédure (P/20947/2023) à la cause IGS/1______/2023, dès lors que celles-ci portaient sur un complexe de faits identique et impliquaient les mêmes parties.

C. Dans son ordonnance querellée, le Procureur considère que ces affaires concernaient des objets différents. En effet, déterminer si les policiers avaient commis des infractions ne se recoupait pas avec l'évaluation du comportement du prévenu à l'égard de ceux-ci. En outre, la jonction de ces procédures ne permettrait aucun gain en termes de célérité, dès lors que la procédure P/20947/2023 était sur le point d'être achevée – une audience sur opposition allant être prochainement appointée –, contrairement à la procédure IGS/1______/2023, qui était encore au stade de l'enquête auprès de l'IGS. La jonction des procédures était ainsi refusée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public une violation du principe de l'unité de la procédure (art. 29, 30 CPP et 49 CP). La jonction des procédures P/20947/2023 et IGS/1______/2023 s'imposait afin de prévenir tout risque de jugements contradictoires. Le Tribunal fédéral avait du reste considéré que dans le cas d'une personne blessée par des policiers qu'elle aurait agressés auparavant, les procédures ouvertes contre la victime et les agents de police devaient être instruites par "un seul Ministère public" (ATF 138 IV 29 consid. 5.5; ACPR/654/2016 du 13 octobre 2016). Par ailleurs, le maintien de la disjonction desdites causes empêcherait toute possibilité d'une procédure menée en contradictoire et qu'il puisse se prévaloir de motifs disculpatoires ou d'exemption de peine.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de refus de jonction, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/309/2023 du 3 mai 2023 consid. 4.2) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La conclusion préalable du recourant visant à la transmission du dossier de la présente procédure à la Chambre de céans est devenue sans objet, dès lors que celle-ci en est déjà nantie.

L'apport de la procédure IGS/1______/2023 n'est, en outre, pas nécessaire pour résoudre le litige. En effet, le recourant a mentionné les faits pertinents de cette cause qui suffisent à établir les faits utiles pour trancher le recours.

2. Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé de joindre les procédures P/20947/2023 et IGS/1______/2023.

2.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b).

Ce principe, dit de l'unité, tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).

De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3 ; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).

2.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.

La faculté offerte par cette norme d'ordonner la jonction de plusieurs procédures s'entend en quelque sorte comme une extension du principe d'unité à d'autres situations que celles qui sont visées à l'art. 29 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 30).

2.2.1. Une étroite connexité entre différentes infractions plaide, en particulier pour une jonction au sens de l'art. 30 CPP. Une telle connexité est notamment donnée, lorsque des participants s'accusent mutuellement d'infractions qui auraient été commises dans le cadre d'un même conflit. Une jonction des causes dans ce cas de figure va dans l'intérêt de l'économie de procédure et permet d'éviter des décisions contradictoires. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que dans le cas d'une personne blessée par des policiers qu'elle aurait agressés auparavant, les procédures ouvertes contre la victime et les agents de police doivent être instruites par un seul Ministère public, en l'occurrence extraordinaire (ATF 138 IV 29 consid. 5.5; ACPR/654/2016 du 13 octobre 2016).

2.2.2. L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Au vu des inconvénients sérieux qu'elle entraîne pour les droits procéduraux des parties (pour une énumération: arrêt du Tribunal fédéral 1B_533/2018 du 20 février 2019 consid. 2.3), une disjonction ne doit être admise qu'à des conditions restrictives. Elle doit avant tout servir à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219 et les références).

2.3. En l'espèce, la plainte déposée par le recourant en relation avec les faits survenus le 25 septembre 2023 résulte certes du même complexe de faits, à tout le moins en partie, que les plaintes déposées par les policiers contre lui.

Toutefois, un simple lien entre deux procédures ne suffit pas à justifier leur jonction, les raisons devant être objectives, concrètes et essentielles, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Il est, tout d'abord, déterminant que les deux procédures dont le recourant voudrait la jonction opposent, certes, les mêmes personnes, mais pas en les mêmes qualités, puisque les rôles respectifs du recourant et des policiers sont inversés. En outre, la procédure P/20947/2023 concerne des faits de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d'injure et de violation simple des règles de la circulation routière, alors que la plainte déposée par le recourant contre les policiers, faisant l'objet de la procédure IGS/1______/2023, paraît traiter uniquement de lésions corporelles. Partant, contrairement à ce que prétend le recourant, les complexes de faits de ces deux procédures ne sont pas exactement les mêmes. Les procédures portent ainsi sur des faits distincts et sont dirigées contre des protagonistes différents, le recourant n'y revêtant pas la même qualité procédurale. Il ne s'agit donc pas de poursuivre une pluralité d'infractions reprochées à un même prévenu ou, à l'inverse, plusieurs participants à une même infraction (art. 29 CPP).

Cette situation n'est ainsi pas similaire à celle visée par l'ATF 138 IV 29 consid. 5.5, auquel le recourant se réfère, qui se rapporte exclusivement à des participants s'accusant mutuellement d'infractions commises dans le cadre d'un même conflit.

En outre, l'instruction diligentée contre le recourant semble sur le point d'être achevée. Le Ministère public a rendu une ordonnance pénale contre le précité et une audience sur opposition a été appointée. Tel n'est manifestement pas le cas en ce qui concerne la plainte à l'encontre des policiers. Celle-ci en est encore au stade de l'enquête auprès de l'IGS et on ignore par ailleurs si les policiers ont été mis en prévention pour les faits qui leur sont reprochés par le recourant. Le principe de la célérité, qui ne semblait pas entrer en ligne de compte dans l'ATF précité, commande donc ici que les deux causes soient traitées de manière séparée.

Enfin, quoiqu'en dise le recourant, ses droits procéduraux demeurent entiers, le refus de la jonction ne l'empêchant pas de participer à l'administration des preuves dans le cadre des deux procédures. Il conserve également intact sa possibilité de formuler des réquisitions de preuves utiles à sa propre cause dans le cadre de la P/20947/2023, y compris des demandes d'audition des protagonistes de la cause IGS/1______/2023, ce qu'il a d'ailleurs fait à l'appui de son opposition.

Partant, compte tenu du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en la matière, le refus de la jonction prononcé par le Ministère public est conforme au droit.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait ainsi être traité d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

5.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit, en outre, à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

5.2. En l'occurrence, eu égard aux développements qui précèdent, le recours était voué à l'échec.

Il en résulte que la demande de nomination d'un défenseur d'office pour la procédure de recours sera refusée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure où il conserve un objet.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20947/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00